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11 septembre 1733 : mort du compositeur François Couperin dit le Grand, organiste du roi

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11 septembre 1733 : mort du compositeur
François Couperin dit le Grand,
organiste du roi
(D’après « La Revue hebdomadaire » paru en 1919
et « Le Ménestrel » paru en 1879)
Publié / Mis à jour le samedi 11 septembre 2021, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 11 mn
 
 
 
Talentueux compositeur, claveciniste et organiste appartenant à une famille contemporaine des XVIIe et XVIIIe siècle représentant à elle seule l’évolution en France dans la musique d’orgue depuis Louis XIV jusqu’à la Révolution, François Couperin rencontra les succès mondains et l’estime de ses confrères

L’histoire des Couperin, qui comprend six générations de compositeurs, est d’autant plus attachante que Paris conserve presque intact le décor où elle s’est déroulée, depuis le milieu du XVIIe siècle jusqu’au premier tiers du XIXe : la digne église Saint-Gervais dont l’orgue eut pour titulaires, sans interruption de 1655 à 1826, huit membres de la famille Couperin ; la maison fabricienne, édifiée en 1733-1734, où vécurent successivement trois générations de Couperin, alors que les trois générations précédentes occupaient une maison plus ancienne sur le même emplacement.

La grande époque littéraire du XVIIe siècle est aussi, pour l’art musical français, une date glorieuse comptant à son actif de hardis novateurs et des compositeurs de premier mérite. Au siècle de Louis XIV notre scène lyrique est créée, le privilège des opéras italiens, considérés jusque-là comme seuls dignes de figurer dans les divertissements royaux, disparaît devant l’entreprise du musicien Cambert et de l’abbé Perrin, installant un théâtre lyrique vraiment national, destiné aux premiers essais d’opéras composés sur des livrets français.

Si l’on a attribué à Lulli, avec une sorte d’injustice, le mérite exclusif de cette création pleine d’avenir, il faut avouer qu’en revanche sa fiévreuse activité, son fécond et souple génie, unirent merveilleusement la mélodie italienne au sentiment de la déclamation particulier à notre langue. Son rayonnement génial a donc justement éclipsé toutes les autres réputations du temps. Il est pourtant utile de constater que l’on citait déjà d’habiles instrumentistes, et que les organistes et clavecinistes français étaient justement renommés. Au début du XVIIe siècle, Le Bègue, d’Anglebert, Chambonnière, Tomelin, Cambert, Lalande, Dumont, étaient les musiciens français les plus en renom, et bientôt devait surgir la dynastie des Couperin.

François Couperin le Grand. Lithographie (colorisée) d'Alfred Lemoine — d'après l'estampe de 1735 d'André Bouys (1656-1740) gravée par Jean Charles Flipart (1684-1751) — parue dans Les clavecinistes de 1637 à 1790 : histoire du clavecin, portraits et biographies des célèbres clavecinistes par Amédée Méreaux (1867)

François Couperin le Grand. Lithographie (colorisée) d’Alfred Lemoine — d’après l’estampe
de 1735 d’André Bouys (1656-1740) gravée par Jean Charles Flipart (1684-1751) — parue dans
Les clavecinistes de 1637 à 1790 : histoire du clavecin, portraits et biographies
des célèbres clavecinistes
par Amédée Méreaux (1867)

Il serait excessif et imprudent de comparer les Couperin aux Bach. Le nom n’a pas la même illustration européenne. Les Couperin ont cependant laissé une trace brillante dans l’histoire de l’art musical en France, et tout particulièrement dans les fastes des écoles d’orgue et de clavecin. La famille Couperin, comme la famille Bach, a produit pendant deux siècles une lignée nombreuse de musiciens célèbres, organistes, clavecinistes, chanteurs, compositeurs et virtuoses de grande valeur, dont le plus célèbre représentant, François Couperin, dit le Grand, mérite d’être classé au premier rang des maîtres du siècle.

Le nom des Couperin se rattache directement à celui de Jacques Champion, plus connu sous-la désignation de Chambonnière, et fondateur de l’école des clavecinistes français. Ce musicien, né dans les premières années du XVIIe siècle, fils et petit-fils d’organistes en réputation sous les règnes d’Henri IV et de Louis XIII, fut le maître de clavecin et le protecteur du premier Couperin. Chambonnière, dont les chroniques du temps vantent la virtuosité délicate, le charme particulier tenant à sa manière d’attaquer les touches, et dont les compositions élégantes montrent un réel sentiment mélodique, était claveciniste de Louis XIII.

Les Couperin étaient originaires de la Brie. Un certain Charles Couperin avait dans le bourg de Chaumes l’ « état de marchand » auquel il joignait le revenu de quelques propriétés. Époux de Marie Andry, native elle-même dudit Chaumes, il en eut, de 1623 à 1638, sept enfants, dont cinq garçons — Mathurin (né en 1623), Denis (né en 1625), Louis (né en 1626), François (premier du nom et né en 1631 ou 1632), Charles (né en 1638 et père du François Couperin, deuxième du nom, qui nous occupe) — et deux filles — Marie (née en 1634) et Élisabeth (née en 1636). Parmi les garçons, trois entrèrent ensemble dans la vie musicale — à savoir Louis, François et Charles —, après une préparation dont nous ne savons rien, mais par l’effet d’un gracieux hasard, dont Titon du Tillet nous donne le récit.

Le célèbre claveciniste Chambonnière possédait non loin de Chaumes, à Plessis-feu-Aussous, près de Rozoy-en-Brie, un domaine familial où les jeunes gens du pays lui firent certain jour, aux environs de 1655, l’honneur d’une aubade. Les trois frères Couperin que nous venons d’évoquer, Louis (1626-1661), François (1631-1698) — premier du nom —, et Charles (1638-1679), qui jouaient du violon et dont les deux aînés touchaient aussi de l’orgue, prirent part à la fête.

Titon du Tillet rapporte que « le maître de la maison fut surpris agréablement, de même que toute sa compagnie, par la bonne symphonie qui se fit entendre. Chambonnière pria les personnes qui l’exécutaient d’entrer dans la salle, et leur demanda d’abord de qui était la composition des airs qu’ils avaient joués : un d’eux lui dit qu’elle était de Louis Couperin, qu’il lui présenta. Chambonnière (...) lui témoigna beaucoup d’amitié, et lui dit qu’un homme tel que lui n’était pas fait pour rester dans une province et qu’il fallait absolument qu’il vînt avec lui à Paris ; ce que Louis Couperin accepta avec plaisir. Chambonnière le produisit à Paris et à la Cour, où il fut goûté. Il eut bientôt après l’orgue de Saint-Gervais à Paris et une des places d’organiste de la Chapelle du Roi. » François, frère de Louis, dut accompagner ce dernier à Paris, et Charles, le troisième frère, les rejoignit un peu plus tard.

Louis Couperin avait dû la protection de Chambonnière à un talent déjà mûr, sans doute, et une fois à Paris, l’estime des amateurs ne tarda pas à le mettre sur le même rang que son devancier et protecteur. On faisait entre eux des parallèles : Chambonnière, nous dit l’abbé Le Gallois, touche le cœur, et Louis Couperin touche l’oreille. Sa manière de jouer, nous rapporte le même témoin, « a esté estimée par les personnes sçavantes a cause qu’elle est pleine d’accords et enrichie de belles dissonances, de dessins et d’imitations ». Il passait bientôt pour un des meilleurs maîtres de clavecin qui fussent dans la capitale et le roi, charmé de sa participation à maint ballet de cour, créa pour lui une charge nouvelle de « dessus de viole ».

La carrière de ce premier Couperin fut brève : cinq années tout au plus après son arrivée à Paris, il y mourait, le 29 août 1661, à peine âgé de trente-cinq ans. Ces cinq courtes années lui avaient néanmoins suffi pour marquer une empreinte si forte, qu’elle deviendra pour plus d’un siècle et demi le sceau de toute une famille. C’est une véritable royauté qu’il fonde en faveur de cette famille, dont l’activité musicale portera toujours ce double caractère que lui a imprimé le premier des Couperin : religieuse et profane, sacrée et mondaine, partagée entre l’orgue et le clavecin.

Sa succession, comme organiste de Saint-Gervais, échut tout naturellement à son frère cadet, Charles, lequel exerça cette charge de 1661 à 1679. Lors de son entrée en fonctions, Charles Couperin comptait à peine vingt-trois ans, mais n’était pourtant pas un novice et participait, dès 1659, aux ballets de Cour. Le Parnasse français affirme qu’ « il avait le talent de montrer les pièces de clavecin de ses deux frères avec netteté et une facilité très grande ». S’il n’atteignit pas à la célébrité de son frère Louis, s’il n’en montra pas le talent de compositeur et d’exécutant, il sut toutefois porter le nom, déjà brillant, de Couperin avec assez de dignité pour qu’à sa mort, sa charge d’organiste restât dans la famille et fût dévolue à son frère François, alors âgé d’une cinquantaine d’années.

Troisième des Couperin à la tribune de Saint-Gervais, François se plaçait, dans l’ordre de la naissance, entre Louis et Charles, étant né en 1631 ou 1632. À son patronyme il joignait ou substituait, comme on voudra, le titre assez bien sonnant de sieur de Crouilly, qu’il tenait d’un dîmage sis sur le territoire de Beauvoir, près de son bourg natal de Chaumes. Ce sieur de Crouilly paraît avoir brillé surtout dans le professorat. Il est principalement un homme de métier, au sens artistique et au sens corporatif du terme. Il enracine plus avant la musique dans la famille Couperin et contribue encore à cette implantation en faisant souche de musiciens.

Né le 10 novembre 1668 à Paris, rue du Monceau-Saint-Gervais dans la maison paroissiale déjà devenue la maison familiale, François Couperin dit le Grand — fils de Charles Couperin (mort en 1679) et Marie Guérin dont le mariage avait été célébré en 1662 —, avait un peu plus de dix ans lors de la mort de son père. À peine avait-il eu le temps de profiter de ses traditions, mais il trouva auprès d’un ami de la famille, Jacques-Denis Thomelin, organiste bruyant et prolixe de Saint-Jacques-de-la-Boucherie, l’enseignement professionnel et les premières leçons de virtuosité. Thomelin, que Titon du Tillet, peu prodigue d’éloges envers les musiciens, met au premier rang dans son Parnasse des poètes et des musiciens français, avait une grande renommée d’improvisateur. François Couperin progressa rapidement sous sa direction, et acquit en peu d’années une précoce virtuosité sur les orgues et le clavecin. Ses études harmoniques furent également guidées avec assez de rectitude pour donner à ses inspirations musicales la pureté de lignes, la bonne ordonnance et l’intérêt qui sont inséparables du grand style.

Si nous n’en savons pas plus sur ses études et ses débuts que sur la façon dont il put apprendre à marcher, à parler ou à lire, ses progrès dans le clavecin, l’orgue et la composition furent rapides, à en juger par le fait que dès 1689, à peine âgé de vingt et un ans, il put prendre comme organiste de Saint-Gervais la succession de son oncle François. Quatre ans plus tard, il recueille une seconde succession, celle de son maître Thomelin, comme organiste de la chapelle du roi, à la suite d’un concours dont Louis XIV lui-même semble avoir présidé le jury.

François Couperin le Grand. Timbre émis le 25 mars 1968 dans la série Personnages célèbres. Dessin de Clément Serveau d'après une estampe d'André Bouys (1735)

François Couperin le Grand. Timbre émis le 25 mars 1968 dans la série Personnages célèbres.
Dessin de Clément Serveau d’après une estampe d’André Bouys (1735)

Le jeune organiste participait également aux concerts de la cour, en qualité de claveciniste, mais les circonstances ne lui donnèrent qu’en 1717 la survivance d’une charge de « joüeur de clavessin ». Ne nous étonnons pas enfin de voir, à une époque où l’art est fait de docte discipline, l’artiste le plus brillant s’astreindre aux besognes de l’enseignement : François Couperin, deuxième du nom, « montrait le clavessin » à M. le duc de Bourgogne, à Mme Anne de Bourbon, princesse de Conti, et — l’aristocratie de l’argent le disputant à celle de la naissance — il comptait aussi parmi ses élèves des fils de fermiers généraux.

Tant de mérites lui valurent de bonne heure — en 1696 — la faveur d’être compris parmi les cinq cents personnes qui s’étant « le plus distinguées par leur mérite, vertus et bonnes qualités », furent anoblies par le roi. Désormais, le chevalier Couperin porte « d’azur à deux tridents d’argent passés en sautoir, accosté de deux étoiles de même et accompagné en chef d’un soleil et en pointe d’une lire de même ». Il devait mourir à Paris, le 11 septembre 1733, dans sa soixante-cinquième année.

En quittant ce monde, Couperin le Grand, qui s’était marié à Marie-Anne Ansault, y laissait deux filles — son fils, Nicolas-Louis, né en 1707, étant certainement mort en bas âge — : Marie-Madeleine, qui se fit religieuse et mourut à l’abbaye royale de Maubuisson le 16 avril 1742, âgée de cinquante et un ans, après vingt et une années de profession ; Marguerite-Antoinette, née en 1705. Celle-ci tenait de son père un talent musical peu commun. Elle jouait, nous rapporte Titon du Tillet, « d’une manière sçavante et admirable », au point de paraître souvent, avec succès, aux concerts de la chambre du roi et de la reine. En 1730, elle obtenait le brevet de survivance d’ordinaire de la musique du roi, dont le titulaire, d’Anglebert, était accablé par l’âge et les infirmités ; à la mort de d’Anglebert, en 1737, elle devenait elle-même titulaire. À cette charge, elle joignait celle d’enseigner le clavecin à Mesdames de France, filles du roi Louis XV. Elle mourut vers 1778.

À défaut d’un fils, pour le seconder d’abord, pour le remplacer peu à peu, pour lui succéder enfin à la tribune de Saint-Gervais, Couperin le Grand trouvait son jeune cousin Nicolas, fils du sieur de Crouilly. Dès 1723, il lui faisait assurer sa survivance et, en 1733, Nicolas succédait à François le Grand. Après lui, il s’en faut que la source musicale soit tarie chez les Couperin. La lignée chemine encore dans les voies bien tracées de la tradition, mais c’est en vertu d’une force acquise à laquelle ne se joindra plus l’impulsion d’une énergie individuelle comparable au génie de Couperin le Grand.

Par son ampleur, son abondance, sa diversité et sa valeur, l’œuvre du chevalier Couperin, ou François Couperin le Grand, dépasse de haut celle de ses oncles et de son père. Son talent justifiait pleinement la précoce faveur dont il jouit au sein de la cour. À cette époque de transformation de l’art musical français, la science harmonique de nos compositeurs nationaux n’était pas à la hauteur des connaissances acquises par les maîtres italiens et allemands, mais, toutes proportions gardées, il faut reconnaître aux oeuvres de François Couperin comme à celles de Chambonnière, une grande correction dans la forme, une naïveté et un charme mélodique prouvant la pureté de l’inspiration, des accents souvent pathétiques, une ornementation variée et très intéressante, enfin un style poétique, trouvant moyen de s’affirmer malgré l’insuffisance des procédés du temps et l’imperfection relative des instruments.

L’épithète de Grand, un peu prodiguée au XVIIe siècle et qui fait sourire maintenant, se trouve justifiée sinon par la valeur absolue des productions de François Couperin, du moins par le mérite relatif et par la supériorité incontestable du compositeur sur tous les clavecinistes ses contemporains.

François Couperin, malgré ses succès comme compositeur de musique instrumentale et ses triomphes de virtuose, n’eut jamais l’ambition d’élargir le domaine de sa production du côté des pastorales, des divertissements, des opéras, des messes solennelles. Les glorieux exemples de Lulli, de Colasse, de Lalande ne le décidèrent pas à suivre la voie ouverte par ces maîtres ; il resta leur admirateur sans devenir leur émule. On trouve pourtant dans son oeuvre des credos, des ténèbres à une et deux voix et un assez grand nombre de motets, dont plusieurs à grand chœur.

Ces échappées vers l’art religieux prouvent que le célèbre organiste de la chapelle royale, musicien vraiment inspiré et de haut style, aurait pu figurer dans la pléiade des maîtres de l’art théâtral ou religieux. Mais ce témoignage rapide de facultés dramatiques suffit à François Couperin ; il préféra garder toutes ses forces pour la production spéciale à laquelle il se croyait destiné, et demeurer la plus haute personnification de l’école des clavecinistes français.

L’œuvre de François Couperin comprend deux recueils de Concerts royaux, compositions écrites pour les réceptions intimes et la musique de chambre de Louis XIV. Ces pièces, pour clavecin principal, devaient être accompagnées par un violon, une flûte, un hautbois, une viole et un basson. Les solistes célèbres attachés à la musique de chambre du roi prenaient part à ces petits concerts qui charmaient les ennuis de la vieillesse de Louis XIV. Couperin cite les noms de ses célèbres partenaires dans les pièces de musique pour instruments divers. C’était Duval, Philidor, Alarius et Du Bois. La deuxième suite de ces concerts royaux a pour titre : Les goûts réunis. Ces oeuvres d’ensemble, peu dialoguées et sans développements, ne peuvent intéresser que les musiciens passionnés pour l’archéologie de leur art et désireux de remonter à la source des premiers essais symphoniques des compositeurs français.

Les deux oeuvres, sous forme de trios, pour deux dessus de viole et basses d’archet avec accompagnement de basse chiffrée, « l’apothéose du célèbre Corelli », l’apothéose de « l’incomparable Lulli » sont aussi des oeuvres d’imagination ; et, si l’on tient compte des défectuosités instrumentales et orchestrales de l’époque, elles font admirer les audaces du maître français, ainsi que son ingéniosité à grouper des instruments de timbres différents et d’allure très distincte.

Le véritable titre de gloire de François Couperin est d’avoir été chef d’école et, sans contredit, le premier de nos clavecinistes français. Comme Jean-Sébastien Bach, il a eu l’unique honneur de résumer en lui les progrès de la virtuosité musicale de son siècle, la transition du style scolastique à l’art expressif, imagé et dramatique, qui a succédé aux procédés harmoniques, aux combinaisons ingénieuses du contrepoint, aux imitations canoniques, etc. Il faut lui reconnaître de réelles audaces, une grande abondance d’idées et une rare originalité. Ses harmonies sont irréprochables et souvent très riches.

On connaît quatre livres de pièces composées par Couperin, pour clavecin, publiées en 1713, 1716, 1722, 1730. Sa grande Méthode de clavecin, riche de conseils sur l’art de bien interpréter, relatifs à l’exécution de ses pièces si variées, d’expression et de caractère, d’une ornementation si délicate et si fine, montrent aussi l’extrême importance qu’il attachait à la bonne exécution de ses oeuvres.

François Couperin a excellé dans les compositions du genre imitatif. Les bergeries, les musettes, les Vendangeurs, les Moissonneurs, les Sylvains, sont autant de pièces originales, où le charme des mélodies s’unit étroitement à des harmonies colorées, à des rythmes variés et toujours heureux. On peut le dire sans exagération : il y a de véritables traits de génie dans ces pensées musicales où l’inspiration du compositeur rivalise avec celle du peintre. Couperin a composé de ravissants tableaux de genre, en animant de refrains joyeux ou naïfs les idylles gracieuses ou poétiques créées par son imagination.

Dans un autre ordre d’idées, nous citerons : l’Ame en peine, la Convalescente, la Voluptueuse, la Florentine, Dodo ou l’amour au berceau, mélodies d’un grand charme, d’un sentiment naturel et profond. On peut, en le faisant avec tact et discrétion, sacrifier une partie des ornements qui surchargent le dessin de la mélodie, le contour de la phrase. On aura ainsi l’idée pure, dégagée des fioritures nombreuses qui suppléaient, au XVIIe siècle, à la ténuité du son, et dont l’exagération, rendue sensible par les instruments modernes, nous semble parfois toucher à l’afféterie. Mais cette élimination des broderies du temps demande autant de délicatesse et de sûreté de main que de respect. Il faut être artiste de goût et de savoir pour toucher à la lettre écrite et originale, sans attaquer la ligne mélodique et sans altérer le contour de la phrase.

Carte maximum relative à François Couperin, portant le timbre émis le 25 mars 1968 dans la série Personnages célèbres et l'oblitération premier jour

Carte maximum relative à François Couperin, portant le timbre émis le 25 mars 1968
dans la série Personnages célèbres et l’oblitération premier jour

Comme modèle de grand style citons parmi les plus heureuses inspirations de François Couperin, la Passacaille, la Superbe, l’Audacieuse, la Visionnaire, la Lugubre, la Marche des gris-vêtus, les Ombres errantes. Couperin y a abordé et traité en maître les touches les plus délicates, les nuances les plus variées de la gamme des sentiments, depuis le naïf et le tendre jusqu’aux accents nobles et pathétiques. Signalons aussi les Bacchanales, petit poème en trois parties, où le compositeur poète, et philosophe, a imprimé son cachet et fait une très intéressante étude psychologique de son temps. Cette composition relativement plus développée que les autres pièces de Couperin, a pour début les Enjouements bachiques. Le deuxième morceau est désigné sous le titre les Tendresses bachiques, enfin la dernière partie de cette trilogie musicale a pour épigraphe les Fureurs bachiques.

Ces pièces caractéristiques sont pleines de verve et d’accent, mais les ivresses des gentilshommes du siècle de Louis XIV conservaient toujours la bonne tenue, le décorum, une sorte de pudeur qui devait disparaître sous la régence ; et les « Fureurs bachiques » de Couperin n’ont aucun rapport avec les saturnales antiques ni avec les bacchanales modernes.

Dans le genre vif et brillant, il faut citer les Papillons, la Lutine, le Carillon de Cythère, le Réveil-matin, les Petits Moulins à vent, la Diligente, les Tricoteuses, la Zénobie, la Commère, les Abeilles, la Fleurie, plusieurs gavottes, rigaudons, sarabandes, courantes, passe-pieds, menuets. Ces pièces ont une grande vivacité d’allure ; l’esprit, la légèreté, s’y affirment sous des formes diverses et toujours charmantes.

Si l’on tient compte du courant des idées, du degré relatif de la science musicale, des défectuosités du style de l’époque, de l’insuffisance des épinettes et clavecins, on peut affirmer que François Couperin a fait preuve d’une imagination prodigieusement riche et féconde, par la variété infinie de ces inventions musicales enfermées dans de petits cadres où la coupe du rondeau domine, mais ciselés avec un soin extrême et une perfection de détails qui n’altèrent pas la pureté du style. En fait, tout en se conformant au goût de son époque, aux traditions usitées pour ce genre de morceaux, Couperin n’a pas seulement agrandi le cadre, donné plus de développement aux pensées ; mais ses inspirations musicales ont aussi une suavité, une poésie toute particulière, un tour original, des visées plus hautes que la plupart des oeuvres instrumentales du XVIIe siècle.

L’Art de toucher le clavecin, publié en 1716, avec dédicace au jeune roi Louis XV, renferme de très judicieux conseils sur la manière d’exécuter dans le sentiment voulu les pièces de clavecin et leurs ornements les plus usités. Beaucoup d’observations réputées alors très importantes, semblent aujourd’hui surannées et puériles, mais il faut se reporter à trois siècles en arrière et ne pas oublier que cette méthode est le premier essai du genre. De nombreux exemples de doigté par substitution aux deux mains, pour obtenir un jeu doux et lié, prouvent que ce procédé excellent était employé par les clavecinistes antérieurement à Jean-Sébastien Bach, qui l’a perfectionné et s’en est servi avec une habileté incomparable dans ses pièces d’orgue.

Les conseils généraux sur la bonne tenue du corps, la pose des mains, la manière de produire le son en serrant le clavier de près sont toujours intéressants, et restent exacts de nos jours ; on y retrouve en germe l’indication du guide-mains ; l’importance des bons doigtés demeure une vérité pour les artistes qui se préoccupent de la qualité du son et de la pureté de l’exécution. La préparation graduée et l’accroissement de vitesse des trilles, la percussion simple ou double des notes, tous ces conseils donnés avec clarté, simplicité et modestie, nous montrent François Couperin sous un aspect intéressant et paternel. Ses exercices sont en petit nombre, ils ne présentent qu’une quantité restreinte de progressions.

L’Art de toucher du clavecin se termine par huit préludes entremêlés de conseils sur la manière de les exécuter sans prétention et comme s’ils étaient improvisés. Cette méthode rarissime reste encore à consulter au point de vue de l’art de bien dire et d’obtenir une belle qualité de son.

 
 
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