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Quand Voltaire justifiait l'esclavage et affichait un racisme bon teint

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Personnages : biographies
Vie, oeuvre, biographies de personnages ayant marqué l’Histoire de France (écrivains, hommes politiques, inventeurs, scientifiques...)
Voltaire (Quand) justifiait l’esclavage
et affichait un racisme bon teint
(D’après « Essai sur les moeurs et l’esprit des nations », paru en 1756
et « Revue belge de philologie et d’histoire », paru en 1993)
Publié / Mis à jour le dimanche 28 janvier 2018, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
Fondement des théories racistes du XIXe siècle, le polygénisme, modèle selon lequel les races humaines descendraient de plusieurs couples et non d’un seul comme le soutient l’Église, est défendu dès le XVIIIe siècle par plusieurs figures emblématiques des Lumières, dont Voltaire : l’invoquant pour établir une hiérarchisation très stricte du genre humain, le philosophe se fait en 1756 le défenseur de la supériorité des Blancs et justifie sans ambages l’esclavage, avant de le dénoncer trois ans plus tard dans Candide en ajoutant in extremis au sein de son œuvre le passage sur « le nègre de Surinam »...

Dès son Traité de métaphysique (1734), le philosophe français expose ses opinions polygénistes, se situant entre un polygénisme élaboré à partir d’intuitions philosophiques marquées de forts accents polémiques, et un polygénisme déjà empreint d’un souci taxinomique propre à l’anthropologie des Lumières : il en est des hommes comme des arbres, et s’il est clair pour tous que « les poiriers, les sapins, les chênes, et les abricotiers ne viennent point d’un même arbre », il est tout aussi évident que « les blancs barbus, les nègres portant laine, les jaunes portant crin et les hommes sans barbe ne viennent pas du même homme. »

Et aussitôt, Voltaire se fait le défenseur de la supériorité des Blancs, « hommes qui (lui) paraissent supérieurs aux nègres, comme les nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres et aux autres animaux de cette espèce. »

Voltaire

Voltaire

Vingt ans plus tard, Voltaire développe davantage ses idées dans une œuvre monumentale comportant 174 chapitres et constituant l’une des pièces maîtresses de la philosophie des Lumières : l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations (1756). À maintes reprises, il réaffirme que des dissemblances aussi nettes, tant sur le plan physique qu’intellectuel et moral, entre les groupes humains, ne peuvent provenir que d’une diversité d’origine.

Partisan convaincu de la fixité des espèces, Voltaire se refuse de considérer le climat comme la cause fondamentale de la diversité humaine. Si les différentes variétés sont immuables, elles ne peuvent procéder les unes des autres, ni a fortiori provenir originellement d’un unique couple. Ainsi, explique-t-il, voit-on le nègre donner systématiquement naissance à un être semblable à lui-même, quel que soit l’endroit où on le transplante.

Dans le deuxième chapitre du premier volume de son Essai, il écrit en effet qu’ « il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les Blancs, les Nègres, les Albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les Américains, soient des races entièrement différentes. Il n’y a point de voyageur instruit qui, en passant par Leyde, n’ait vu la partie du reticulum mucosum d’un Nègre disséqué par le célèbre Ruysch. Tout le reste de cette membrane fut transporté par Pierre le Grand dans le cabinet des raretés, à Pétersbourg. Cette membrane est noire ; et c’est elle qui communique aux Nègres cette noirceur inhérente qu’ils ne perdent que dans les maladies qui peuvent déchirer ce tissu, et permettre à la graisse, échappée de ses cellules, de faire des taches blanches sous la peau. »

Il poursuit : « Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d’hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu’ils ne doivent point cette différence à leur climat, c’est que des Nègres et des Négresses transportés dans les pays les plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce, et que les mulâtres ne sont qu’une race bâtarde d’un noir et d’une blanche, ou d’un blanc et d’une noire.

« Les Albinos sont, à la vérité, une nation très petite et très rare ; ils habitent au milieu de l’Afrique : leur faiblesse ne leur permet guère de s’écarter des cavernes où ils demeurent ; cependant les Nègres en attrapent quelquefois, et nous les achetons d’eux par curiosité. »

Face à la question litigieuse du peuplement de l’Amérique, Voltaire opte dans son Essai sur les mœurs pour une réponse très simple cadrant parfaitement avec ses conceptions : chaque terrain élabore des productions particulières, que ce soient des minéraux, des plantes, des animaux... ou encore des hommes. Inutile donc de recourir à l’hypothèse des migrations en provenance du vieux continent pour rendre compte du peuplement humain du Nouveau Monde, ou de toute autre terre aussi isolée.

Un autre trait le démarque par ailleurs de la théorie première du polygénisme. Il est en effet parmi les premiers à utiliser cette théorie pour établir une hiérarchisation très stricte du genre humain, dans laquelle le monde blanc occupe évidemment le sommet. Les Albinos — qui forment, rappelons-le, selon lui, une espèce d’hommes à part entière, se situent au niveau le plus bas : « Ils sont au-dessous des nègres pour la force du corps et de l’entendement, et la Nature les a peut-être placés après les nègres et les Hottentots, au dessus des singes, comme un des degrés qui descendent de l’homme à l’animal ».

La proximité entre les espèces humaines inférieures et l’espèce simiesque est telle, selon lui, qu’il n’exclut pas la possibilité de croisements entre eux, donnant toutefois pour résultat des hybrides infertiles. Cette idée, émise par celui dont l’histoire a voulu faire le coryphée de la tolérance, sera reprise par d’autres polygénistes après lui et bien plus durement encore.

L’homme noir retient assez longuement l’attention de Voltaire. Physiquement, l’une des espèces les plus éloignées de la « perfection blanche », elle l’est tout autant du point de vue intellectuel et moral, explique-t-il dans le tome II de son Essai sur les mœurs : « On peut dire que si leur intelligence n’est pas d’une autre espèce que notre entendement, elle est fort inférieure : ils ne sont pas capables d’une grande attention ; ils combinent peu, et ne paraissent faits ni pour les avantages, ni pour les abus de notre philosophie. Ils sont originaires de cette partie de l’Afrique, comme les éléphants et les singes. (...) Ils se croient nés en Guinée pour être vendus aux blancs et pour les servir ».

Signature de Voltaire

Signature de Voltaire

La théorie polygéniste fournit à Voltaire l’occasion de proposer des justifications naturelles à l’esclavage, comme l’avait fait Aristote de nombreux siècles auparavant. Etant par nature inférieurs aux Blancs, les Noirs deviennent logiquement et sans révolte leurs esclaves. Ils participent d’ailleurs lucrativement à ce commerce puisqu’ils se vendent eux-mêmes et, conclut le philosophe : « celui qui se donne un maître était né pour en avoir ».

Ainsi, chez Voltaire, les implications pratiques sont indissociables des considérations intellectuelles. Remarquons d’ailleurs que ces dernières sont loin de reposer entièrement sur une analyse dénuée de préjugés : le fait que l’option polygéniste contredise fermement l’affirmation biblique concernant l’unité du genre humain défendue par les théologiens, n’est certainement pas étranger à la position du célèbre philosophe. Durant le XVIIIe siècle, d’autres polygénistes se montreront plus scientifiques dans leur approche initiale, et plus réservés dans leurs conclusions. Tel sera le cas de deux médecins : l’Anglais John Atkins (1685-1757) et l’Allemand Johann-Friedrich Meckel (1717-1774).

 
 
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