Frédéric Chopin avait peur d’être enterré vivant

Si ses origines franco-polonaises pourraient expliquer que le compositeur ait voulu reposer dans ces deux pays, il existe une raison bien plus surprenante à cela. Cette séparation, exigée par le compositeur au moment de ses dernières volontés, aurait été motivée, en effet, par une peur assez répandue en son siècle.

Connaissez-vous la taphophobie ? Issu du grec taphos — tombe, sépulcre — et phobos — peur —, ce trouble anxieux désigne la peur... d’être enterré vivant ! Une phobie qui occupa l’esprit de Chopin toute sa vie et pour cause : son père, Nicolas Chopin, souffrait de la même crainte. Ce dernier fit, en effet, la demande expresse à ce qu’une fois mort on lui retire son cœur pour s’assurer qu’il ne se réveillera plus.

Frédéric Chopin. Peinture attribuée à Ary Scheffer (1795-1858) et réalisée vers 1846

S’il y a bien une chose que le taphophobe redoute le plus, c’est celle de se retrouver conscient entre quatre planches, enseveli sous plusieurs couches de terre, gagné par un sentiment d’oppression qui tournerait à la peur panique. Ainsi, pour s’assurer que Chopin soit bel et bien mort une fois passé de l’autre côté, il ordonna que l’opération faite à son père lui soit également appliqué : « Comme cette terre m’étouffera, je vous conjure de faire ouvrir mon corps pour que je ne sois pas enterré vivant. »

Le coeur de Chopin scellé dans un flacon rempli d’alcool
Son cœur serait quant à lui confié à une église de Varsovie, ce dont se chargera sa sœur Ludwika au lendemain de ses funérailles données à l’église de la Madeleine à Paris, le 30 octobre 1849. Le cœur de Chopin sera ainsi scellé dans un flacon rempli d’alcool, transporté en catimini par Ludwika jusqu’en Pologne. Après moult rebondissements, il sera définitivement placé dans l’église Sainte-Croix de Varsovie.

Du côté du corps du défunt, enterré au cimetière du Père-Lachaise, une autre volonté de Chopin fut également respectée. Celle de vêtir le compositeur dans son habit de concertiste : « L’heure de sa mort l’a révélé dans un détail dont les mœurs de la Pologne nous expliquent mieux encore la signification. Par un usage moins répandu de notre temps, mais qui toutefois y subsiste encore, on y voyait souvent des mourants choisir les vêtements dans lesquels ils se faisaient ensevelir. Chopin qui, par les premiers artistes contemporains, donna le moins de concerts, voulu pourtant être mis au tombeau dans les habits qu’il y avait portés. » rapporte Hippolyte Barbedette en 1861 dans son essai dédié au compositeur, F. Chopin.

Tombe de Frédéric Chopin au cimetière du Père-Lachaise à Paris. © Crédit photo : Peter Poradisch

Chopin ne fut pas le seul compositeur à souffrir de cette phobie. Jules Massenet, à qui l’on doit les célèbres opéras Manon et Thaïs, avait ainsi précisé dans son testament qu’il fallait écarter tout soupçon sur un possible réveil avant l’inhumation : « Avant de mettre mon corps dans la bière, je veux que l’on ait des preuves absolues, certaines de ma mort : ouvrir l’artère carotide par exemple. »

Clément Serrano
Radio Classique
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