Personnages : biographies Vie, oeuvre, biographies de personnages ayant marqué l’Histoire de France (écrivains, hommes politiques, inventeurs, scientifiques...) Comiques français (Anciens) du XVIIe siècle (D’après « Le Magasin pittoresque », paru en 1834) Publié / Mis à jour le lundi 27 février 2012, par LA RÉDACTION Temps de lecture estimé : 4 mn Au XVIe siècle, quelques farceurs, à la fois acteurs et auteurs, s’étaient acquis une popularité extraordinaire, tel le petit bossu Jean vers 1550, dit du Pont-Alais, parce qu’il faisait ses jeux près d’un pont pratiqué sur un égout de ce nom, voisin de l’église de Saint-Eustache. Mais la verve grotesque et la puissance satirique participèrent, au siècle suivant, de l’émergence de nouvelles réputations. Le premier siècle de la Renaissance connut Jean de Serre, qui, du temps de François Ier, jouait le rôle de Badin, c’est-à-dire de Gille ou de Jean Farine ; Tabarin, valet du charlatan Mondor, qui aidait son maître à vendre du baume dans la province, et à Paris, sur la place Dauphine ; et plusieurs autres, dont la célébrité, tout aussi grande, attirait la cour et le peuple. Mais ces réputations furent éclipsées, de 1600 à 1650, par celles des comiques du théâtre français, qui semblaient redoubler de verve grotesque et de puissance satirique, à mesure que l’esprit public se raffinait davantage à l’étude des chefs-d’oeuvre d’Athènes et de Rome, et que l’on s’acheminait plus rapidement vers le siècle où Molière devait être réprimandé au nom du goût pour avoir fait jouer Scapin. Gros-Guillaume Acteurs et spectateurs ne se sont jamais depuis livrés à une plus grande intempérance de saillies, d’équivoques, de grosses plaisanteries que dans ce temps. C’était un adieu à la vieille jovialité du Moyen Age ; c’était, comme à l’enterrement du carnaval, le fol entraînement de gens qui comprennent qu’il faut se hâter de dépenser la folie, et que le moment arrive d’être économe de plaisirs et de se convertir au sérieux. Les noms, les portraits et l’histoire des plus célèbres d’entre les derniers comiques de l’hôtel de Bourgogne ont été conservés ; quelques-uns de ces personnages sont d’une franche originalité dans leur costume et dans l’esprit de leur rôle ; on reconnaît chez quelques autres une imitation de certains caractères des acteurs italiens, qui avaient été appelés en France en 1577, en 1584, en 1588 et en 1645. Gros-Guillaume ou Lafleur, avant d’être farceur, avait été boulanger. Son véritable nom était Robert Guérin. C’était un franc ivrogne, gros et ventru. Il ne paraissait jamais sur le théâtre sans être garrotté de deux ceintures, l’une sur l’estomac et l’autre sur le ventre, de manière qu’il avait l’air d’un tonneau. Il ne portait point de masque, seulement il se couvrait le visage de farine, et en telle quantité, qu’en remuant un peu les lèvres, il enfarinait ses interlocuteurs. Une maladie aiguë dont il était atteint le venait quelquefois attaquer si cruellement sur le théâtre qu’il en pleurait : mais le plus souvent les spectateurs se méprenaient à ces traits de douleur imprimés sur son visage, et, croyant qu’ils faisaient partie de la farce, redoublaient leurs rires. Malgré ses souffrances, Gros-Guillaume vécut quatre-vingt ans, et fut enterré à Saint-Sauveur, sa paroisse. Gautier-Garguille Gautier-Garguille ou Fléchelles se nommait Hugues Guérin ; il était normand. Dans les pièces sérieuses, il jouait assez bien les rois, à l’aide du masque et de la robe ; dans la farce, il jouait le vieillard. Il avait le corps maigre, les jambes longues et menues, et un gros visage, qu’il cachait sous un masque de barbon. Il composait quelquefois les prologues des pièces nouvelles. Le costume qu’il porte sur notre gravure est celui sous lequel il est représenté en tête de la troisième édition d’un recueil de chansons imprimé en 1631, et approuvé par Turlupin et Gros-Guillaume. Sa manière originale de chanter était ce qui lui attirait le plus de spectateurs ; hors du théâtre, il était estimé, et on le recevait, dit la chronique, « dans les meilleures sociétés de Paris. » Il mourut âgé de soixante ans ; sa veuve, fille de Tabarin, se remaria à un gentilhomme de Normandie. Turlupin Le personnage de Turlupin fut joué pendant un demi-siècle par l’acteur Henri Legrand, dont l’autre nom de théâtre était Belleville. C’était un rôle de valet fourbe et intrigant, à peu près semblable à celui de Briguella dans la comédie italienne. « Il était excellent farceur, dit l’auteur Robinet. Ses rencontres étaient pleines d’esprit, de feu et de jugement : en un mot, il ne lui manquait rien qu’un peu de naïveté ; et nonobstant cela, chacun avoue qu’il n’a jamais vu son pareil. Quoiqu’il fut roussâtre, il était bel homme, bien fait, et avait bonne mine. Il était adroit, fin, dissimulé, et agréable dans la conversation. » Les facéties du genre de celles qui le faisaient applaudir au théâtre de Bourgogne, ont conservé le nom de turlupinades. Il était monté, dès son enfance, sur la scène, et il n’en descendit que pour entrer dans la fosse qui lui fut accordée à l’église de Saint-Sauveur, en 1634. Sa veuve se remaria à Dorgemont, le meilleur acteur de la troupe du Marais. On raconte que Gros-Guillaume, Gautier-Garguille et Turlupin avaient d’abord joué des farces de leur invention sur un petit théâtre portatif, dans un jeu de Paume, près de la porte Saint-Jacques. Ils jouaient depuis une heure jusqu’à deux, surtout pour les écoliers, et le jeu recommençait le soir ; le prix du spectacle était de deux sols six deniers par tête. Les comédiens de l’hôtel de Bourgogne s’étant plaints au cardinal Richelieu que trois bateleurs entreprenaient sur leurs droits, Son Excellence voulut juger ce différend par ses yeux. Les trois farceurs furent mandés au Palais-Royal, et ils y jouèrent une alcôve. Gros-Guillaume déguisé en femme, fondait en larmes pour apaiser son mari, qui, le sabre à la main, menaçait à chaque instant de lui couper la tête sans vouloir l’écouter. Cette scène durait une heure entière ; Gros-Guillaume, tantôt à genoux, tantôt debout, débitait à Turlupin mille choses touchantes, et tentait tous les moyens de l’attendrir ; mais celui-ci redoublait ses menaces : Guillot Gorju « Vous êtes une masque, lui disait-il ; je n’ai point de compte à vous rendre, il faut que je vous tue. - Eh ! mon cher mari, disait enfin Gros-Guillaume aux abois, je vous en conjure par cette soupe aux choux que je vous fis manger hier, et que vous trouvâtes si bonne. » A ces mots, le mari se rend, et le sabre lui tombe des mains. « Ah ! la carogne ! s’écrie-t-il, elle m’a pris par mon faible, » etc. Ce spectacle fit rire aux éclats le cardinal, qui invita les comédiens de l’hôtel de Bourgogne à s’associer les trois bateleurs. Si l’on en croit une autre anecdote, Gros-Guillaume mourut de peur dans une prison, où l’avait fait jeter un magistrat dont il avait contrefait les grimaces sur la scène. On ajoute que Turlupin et Gautier-Garguille, saisis de douleur en apprenant la mort subite de leur ami, tombèrent malades, et succombèrent quelques jours après. Le rôle de Guillot Gorju était joué par Bertrand Haudouin de Saint-Jacques. Selon Guy Patin, ce célèbre facteur avait été doyen de la Faculté de médecine. Il est du moins certain qu’il avait été pendant quelque temps apothicaire à Montpellier. Ensuite il avait voyagé en compagnie d’un charlatan, et était enfin venu débuter, en 1634, à l’hôtel de Bourgogne. Jodelet Il contrefaisait les médecins avec une verve extraordinaire. Sa mémoire était prodigieuse ; quelquefois il énumérait, avec une incroyable volubilité, tantôt les simples et les drogues des apothicaires, tantôt les instruments des chirurgiens, ou même les outils des diverses professions d’industrie. Après avoir été applaudi pendant huit ans, il quitta le théâtre, et alla s’établir médecin à Melun ; mais la mélancolie le prit, et il tomba dans un état de taciturnité et de langueur qui l’eût infailliblement tué, s’il ne fût revenu à Paris se loger près de l’hôtel de Bourgogne. Il mourut en 1643 ou 1648, à l’âge de cinquante ans. Jodelet était le nom de théâtre de Julien ou Claude Joffrin, père de Jérôme Joffrin, feuillant, fameux prédicateur. Ce personnage est celui d’un valet bouffon, niais et naïf. C’est pour lui que Scarron a composé les deux comédies de Jodelet duelliste, et Jodelet, ou le maître valet. Joffrin avait une voix nazarde très comique. Il appartenait moins à la farce qu’à la comédie proprement dite, et son caractère le rapprochait encore plus de la comédie italienne que celui de Turlupin. 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