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Histoire des Français. Mort de la reine Brunehaut. Supplice et événement dans la lutte des temps mérovingiens. Fille d'un roi wisigoth

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Histoire des Français
L’Histoire des Français : systèmes politiques, contexte social, population, économie, gouvernements à travers les âges, évolution des institutions.
Supplice de Brunehaut (Le) :
un événement décisif dans
la chute de la dynastie mérovingienne
(D’après « Faits mémorables de l’Histoire de France », paru en 1844)
Publié / Mis à jour le dimanche 6 mai 2018, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
La mort de Brunehaut fut le tragique dénouement d’une des plus intéressantes luttes des temps mérovingiens : celle de l’esprit de civilisation contre la barbarie ; du pouvoir royal contre la fière indépendance des chefs austrasiens. Brunehaut, fille d’Athanagild, roi des Wisigoths, fut mariée dans tout l’éclat de sa jeunesse et de sa beauté au roi d’Austrasie Sigebert, petit-fils de Clovis. Au prix d’une obstination sans faille et par son courage, par l’énergie de son caractère, par l’élévation de son esprit, elle fut, bien qu’un temps écartée du pouvoir en dépit de la mort de son époux assassiné, respectée des papes, des empereurs, des rois barbares, et obéie des grands...

Mariée à Sigebert en 566, la jeune reine, en arrivant en Austrasie, y apporta les idées d’administration et d’unité de pouvoir sur lesquelles s’était formé l’empire des Wisigoths ; elle ne trouvait pas de plus belle organisation que celle de cette grande autorité romaine, dont toutes les parties étaient si régulières, où le calme naissait de l’action respectée de la loi. Dès que son mariage l’eut associée au gouvernement de l’Austrasie, elle prétendit régner souverainement, faire respecter les lois, y soumettre les grands et les punir sans considération de leur rang. La royauté neustrienne, qui avait réussi à faire prévaloir les traditions romaines dans l’ouest, encourageait les efforts de Brunehaut ; elle se voua dès lors à cette tâche difficile, et, bien que ses débats avec Frédégonde aient plutôt donné une longue popularité à son nom, c’est dans le gouvernement intérieur de l’Austrasie que cette grande individualité de la première époque de notre histoire apparaît dans toute sa force.

Brunehaut

Brunehaut

Ses tentatives de réforme échouèrent contre les libres habitudes des Austrasiens ; moins mêlés que les Neustriens à la population gallo-romaine, rajeunis constamment pour ainsi dire par le contact des Germains, ils résistèrent à tous les souvenirs du vieil empire, ils rejetèrent violemment la civilisation qu’on prétendait leur imposer : Brunehaut succomba à la fin, mais on n’en doit pas moins admirer l’étonnante énergie de ce caractère qui durant cinquante ans, et parfois avec succès, lutta contre l’opposition puissante des Austrasiens. Elle réussit d’abord dans ses desseins ; sa grâce, la supériorité de son esprit lui acquirent sur son époux une influence considérable : « La jeune vierge, dit Grégoire de Tours, avait de la noblesse dans ses actions ; elle était belle à voir, ses manières respiraient la politesse et la grâce ; elle était bonne pour le conseil, et ses discours charmaient. »

Sigebert se laissa surprendre par tant de séductions : la belle et noble fille du midi domina le barbare ; les lois austrasiennes furent réformées, et la peine de mort substituée à l’expiation pécuniaire. Pendant neuf années, tant que Sigebert exista, l’Austrasie quoiqu’avec impatience subit ces réformes ; mais à la mort de celui-ci commença pour Brunehaut une lutte remplie de périls et de vicissitudes, les haines longtemps contenues éclatèrent avec véhémence. Dès que Sigebert fut tombé sous les coups de Frédégonde, les Austrasiens refusèrent de combattre pour l’étrangère ; ils l’abandonnèrent en face de Chilpéric, dont Sigebert avait envahi les possessions.

Brunehaut préféra encore le ressentiment de celui-ci à la haine de ses leudes ; elle demeura à Paris, d’où le roi de Neustrie, n’osant la faire périr, l’envoya prisonnière à Rouen tandis que les Austrasiens, enlevant son fils Childebert, à peine âgé de cinq ans, le ramenaient à Metz. Lorsque, après son mariage avec Mérovée, fils de Chilpéric Ier, Brunehaut s’échappa de la tour de Rouen et revint en Austrasie, elle y trouva les leudes maîtres absolus sous un roi enfant ; elle essaya cependant de ressaisir l’autorité : un parti puissant se forma en sa faveur, mais il fut vaincu ; et comme au moment du combat elle voulait intervenir pour sauver Lupus, duc de Champagne, les grands qu’elle avait espéré soumettre la repoussèrent avec dédain : « Retire-toi, ô femme, dirent-ils à la reine, si tu ne veux être foulée aux pieds de nos chevaux ; qu’il te suffise d’avoir gouverné le royaume sous ton mari : maintenant c’est ton fils qui règne, et son royaume est sous notre protection. »

A la majorité de Childebert, ou pour mieux dire dès qu’il put porter une épée et commander par lui-même, l’influence de Brunehaut reprit son ascendant. Une conspiration des leudes contre Childebert fut déjouée, les chefs principaux en furent mis à mort, et le roi d’Austrasie reprit une autorité absolue. Ce fut la période la plus heureuse du gouvernement de Brunehaut ; elle se vit si bien affermie qu’à la mort de son fils elle resta, sous le nom de ses petits-fils, seule maîtresse du pouvoir en Austrasie.

Supplice de Brunehaut en 613

Supplice de Brunehaut en 613

Elle était alors respectée des papes, des empereurs, des rois barbares ; obéie des grands ; elle protégeait les arts, construisait des monastères, réformait les mœurs du clergé et correspondait avec le pape Grégoire le Grand, qui, au sujet de la conversion des Anglo-Saxons, à laquelle elle avait pris part, lui écrivait : « L’autorité doit être basée sur la justice ; vous tenez inviolablement à cette règle, on le voit à la manière digne d’éloges avec laquelle vous gouvernez tant de peuples divers. Votre zèle est ardent, vos œuvres précieuses, votre âme affermie dans la crainte de Dieu. »

Autour de Brunehaut, en même temps que les lois s’exécutaient, les monuments s’élevaient, les routes se traçaient à l’imitation des grandes voies romaines ; elle apportait à ces travaux une telle ardeur que, « de mon temps, écrit Aimoin deux siècles plus tard, on montre encore une foule d’édifices que Brunehaut construits : ils existent en si grand nombre et dans toutes les parties de la France que l’on a peine à croire qu’ils soient l’ouvrage d’une même femme. » Aujourd’hui même, en Bourgogne, en Lorraine, en Flandre, on rencontre les restes de plusieurs chaussées, de quelques édifices que les habitants nomment : levées de Brunehaut, chemins de la Reine, tour de Brunehaut. Le souvenir de la reine d’Austrasie, qui gouverna, on peut le dire, pour assurer les droits des faibles autant que ceux de la royauté, s’est conservé traditionnellement dans le peuple.

Ce furent les dernières prospérités de la vie de Brunehaut : chassée d’Austrasie par Théodebert, son petit-fils, elle est obligée de se réfugier auprès du second fils de Childebert, Théodoric, roi de Bourgogne ; elle l’arme contre son frère. Le roi d’Austrasie vaincu à deux grandes batailles, à Toul et à Tolbiac, est tué avec ses enfants par le conseil de son aïeule. Brunehaut semble de nouveau triompher ; mais au milieu de ses succès Théodoric meurt lui-même, laissant quatre fils encore enfants à la tutelle de la vieille reine.

Celle-ci se disposait à s’emparer de l’Austrasie et de la Bourgogne et à rétablir, selon l’ambition de sa vie entière, un vaste empire sur le modèle de Rome, quand les leudes d’Austrasie crurent arrivée l’occasion d’en finir avec leur implacable adversaire. Une ligue se forme ; et Brunehaut, qui marchait avec une armée de Bourguignons et d’Austrasiens contre Clotaire II, roi de Neustrie depuis 584, lui est livrée par les siens, comme déjà quarante ans auparavant on l’avait abandonnée à la fureur de Chilpéric.

Brunehaut devant Clotaire II

Brunehaut devant Clotaire II

A la vue de l’ancienne ennemie de sa mère, le fils de Frédégonde sentit s’éveiller en lui une invincible haine ; il accabla d’injures la reine d’Austrasie, lui reprocha la mort de tous ceux qui s’étaient engagés à diverses époques dans sa cause, et il condamna à un supplice affreux cette femme énergique qui avait un instant commandé à deux royaumes, qui était fille, sœur, épouse et mère de rois. Pendant deux jours il la fit traverser les rangs de son armée, honteusement montée sur un chameau, exposée aux mépris et aux rires de ses soldats ; puis, quand la malheureuse reine eut épuisé jusqu’à la fin cette flétrissante ignominie, le roi la fit attacher par les cheveux, par un bras et par un pied à la queue d’un cheval indompté. Bientôt le sang de Brunehaut, ses membres déchirés couvrirent l’espace que l’animal, excité par le fouet et par les cris des soldats, parcourait dans une course furieuse.

Suivant une ancienne tradition, le corps meurtri fut placé sur un monceau de bois auquel on mit le feu ; ensuite on plaça sous le grand autel de l’église d’Autun les cendres et les os à demi brûlés qu’on avait recueillis sur le bûcher. En 1462 ce tombeau fut couronné d’une arcade dans l’intérieur de laquelle on plaça une inscription consacrée à la mémoire de Brunehaut.

A la mort de la reine d’Austrasie (613) commence la déchéance de la lignée mérovingienne, qu’elle avait essayé d’affermir par de grandes institutions ; l’autorité des maires du palais se substitue au pouvoir royal, et dès lors, dans les luttes de la Neustrie et de l’Austrasie, on voit apparaître au premier rang les chefs de la dynastie carolingienne. Les écrivains qui ont raconté la vie de Brunehaut obéirent aux ressentiments des Austrasiens, sur qui elle avait prétendu appesantir le joug de la loi ; sa mémoire fut flétrie d’accusations odieuses, et l’on plaça longtemps sur la même ligne Frédégonde et la princesse wisigothe. Sans doute Brunehaut imita souvent les exemples cruels que donnaient les barbares ; mais néanmoins, par son courage, par l’énergie de son caractère, par l’élévation de son esprit, même par sa bonne et sa mauvaise fortune, la fille d’Athanagild reste la plus imposante figure de ce temps.

 
 
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