4 décembre 1334 : mort du pape Jean XXII

Jean XXII, de son vrai nom Jacques Duèze, né à Cahors, avait succédé au pape Clément V, l’an 1316. C’est à tort que Jean Villani a écrit qu’ayant été chargé par compromis de l’élection du pape, il s’était élu lui-même.

Il était d’une fort petite taille, mais d’un grand courage, et très zélé pour l’observance du culte divin. On connaît la lettre qu’il écrivit à Philippe V le Long, roi de France :

« Nous avons appris que lorsque vous assistez à l’office divin, particulièrement à la messe, vous parlez tantôt à l’un, tantôt à l’autre, sans faire l’attention requise aux prières qui se font pour vous et pour le peuple. On dit que dans vos Etats le dimanche est profané, et que, dans ce saint jour, on rend la justice, on fait les cheveux et la barbe. Ce que nous vous avertissons de ne pas souffrir. »

Le pape Jean XXII

Jamais pape n’affectionna tant son pays natal que Jean XXII ; il érigea Toulouse en archevêché ; il fonda les évêchés de Montauban, Saint-Papoul, Rieux, Lombez, Aleth, Saint-Pons, Castres, Condom, Sarlat, Saint-Flour, Tulles, Lavaur, Mirepoix, Luçon et enfin celui de Maillezais, transféré depuis à La Rochelle. En 1318, le pape accorda dix jours d’indulgence à ceux qui réciteraient à genoux, tous les soirs, l’Ave Maria ; grâce qu’il confirma par une bulle de l’an 1327.

Il y avait, dès l’an 1317, des conspirations formées contre sa vie. Hugues Gérard, évoque de Cahors, s’étant trouvé du nombre, fut par jugement de la cour séculière traîné publiquement, écrorché en quelques parties de son corps, et enfin brûlé. La dispute qui s’éleva entre les frères mineurs, donna beaucoup d’occupation à Jean XXII. Les choses furent portées si loin, qu’on fit brûler quelques-uns des frères. Cette dispute qui n’eût été que plaisante, si elle n’eût pas fini d’une manière aussi tragique, ressemblait assez à la dispute de l’île de Lilliput, sur la manière d’ouvrir un œuf.

Un certain Bérenger enseigna que Jésus-Christ et les apôtres n’avaient rien possédé ni en commun ni en particulier. C’était selon lui un article de foi. Les franciscains demandèrent à cette occasion s’ils pouvaient dire que leur potage leur appartînt lorsqu’ils le mangeaient ; les uns soutenaient l’affirmative, les autres la négative. L’affaire fut portée au pape, qui voulut bien perdre son temps à l’examiner. Les cordeliers assemblés alors à Pérouse pour leur chapitre général, au lieu d’attendre la décision du pontife, se déclarèrent contre la non-propriété, et la firent enseigner par leurs docteurs.

Une autre querelle non moins intéressante électrisait depuis quelque temps les têtes des premiers hommes de l’ordre. Leur habit devait-il être blanc, gris, noir, court ou long, de drap ou de serge ? Le capuchon devait-il être pointu ou rond, large ou étroit ? Ces importantes difficultés produisirent autant de chapitres, de congrégations, de bulles, de manifestes, de livres, de satires, que s’il eût été question du bouleversement de l’Europe, ou de la destruction du christianisme. Toutes ces questions qui heureusement n’intéressent en rien la religion, et dignes de mépris selon dom Calmet, furent décidées après de longs débats par les docteurs du chapitre de Pérouse. Jean XXII, justement offensé de ce que les frères mineurs avaient prévenu son jugement, condamna leurs décisions.

Les cordeliers, irrités de leur côté, embrassèrent le parti de l’empereur, brouillé alors avec le pape. Ils traitèrent celui-ci d’hérétique, et ne cessèrent de déclamer contre lui. Quelques-uns périrent sur le bûcher. Jean XXII résolut même d’abolir l’ordre entier, et il l’aurait fait si la politique n’eût arrêté le bras de la vengeance.

La troisième dispute qui agita son pontificat, fut celle de la vision béatifique : elle fit grand éclat en France. Jean XXII y avait donné occasion par trois sermons qu’il avait prêchés. Les docteurs de Paris se déclarèrent contre l’opinion du pape. Jean revint lui-même à leur gentiment, et fit la veille de sa mort une confession de foi très orthodoxe, sur la manière dont on voit Dieu après la mort.

Il mourut dans son palais à Avignon , âgé de plus de 90 ans. Jamais successeur de saint Pierre ne fut si attentif à saisir ou à faire naître les occasions d’augmenter ses revenus. A sa mort il laissa dans ses coffres vingt-cinq millions de florins : « Cet immense trésor, dit Fleury, fut amassé pour la plus grande partie par l’industrie de sa Sainteté, qui, dès l’an 1319, établit les réserves des bénéfices des églises collégiales de la chrétienté, disant qu’elle le faisait pour ôter les simonies ; de plus, en vertu de cette réserve, le pape ne confirma presque jamais l’élection d’aucun prélat ; mais il faisait passer un évêque à un archevêché, et mettait à sa place un moindre évêque, d’où il arrivait souvent que la vacance d’un archevêché ou d’un patriarchat produisait six promotions ou plus, dont il venait de grandes sommes de deniers à la chambre apostolique. Mais le bonhomme ne se souvenait plus de l’Evangile où Jésus-Christ dit à ses disciples : Que votre trésor soit dans le ciel, et ne thésaurisez point sur la terre. »

Le même esprit d’avarice lui fit imaginer la règle de la chancellerie apostolique pour les taxes des dispenses, et le commerce des indulgences. Du reste, il fut sobre, exact aux prières publiques, amateur de l’étude, vigilant, actif, et d’une fermeté à toute épreuve. Jean XXII excellait dans la médecine, comme le prouve son Thesaurus pauperum, et d’autres ouvrages qu’il a laissés sur cette science.