8 août 1694 : mort du grand Arnauld

Plusieurs hommes célèbres du nom d’Arnauld, appartenant tous à la même famille, ont fleuri sous le règne de Louis XIV. Le plus fameux est Antoine Arnauld, docteur de Sorbonne, l’Annibal des Jésuites, qui le persécutèrent avec autant d’acharnement que les Romains en montrèrent contre le général carthaginois.

En effet, ils le persécutèrent après sa mort dans ses amis et dans ses panégyristes. Ils firent un crime à Santeul d’avoir célébré, dans ses vers, le tendre attachement d’Arnauld pour Port-Royal, et le dépôt de son cœur, confié à cet asile chéri, dont les agitations de sa vie l’avaient toujours tenu éloigné. Les Jésuites allèrent jusqu’à menacer le poète Victorin, de lui faire perdre une pension qu’il avait de la cour, s’il ne se rétractait. Santeul fut obligé de faire un autre ouvrage, dans lequel il protestait de sa soumission à l’Eglise, et déclarait que s’il fallait regarder Arnauld lui-même comme frappé des censures ecclésiastiques, Arnauld même cesserait pour lui d’être un sage :

Mais les Jésuites se souciaient peu qu’on se soumît à l’Eglise ; ils voulaient qu’on se soumît à eux, et que l’on condamnât leur ennemi, ou qu’on le regardât comme condamné ; ils proposèrent de mettre « Arnalde , sapies. » Santeul, par accommodement, consentit de mettre sapias, conservant ainsi une ombre d’incertitude. Arnauld eut la plus grande part à la Grammaire et à la Logique, dites de Port-Royal. Il composa la première avec Lancelot, et la seconde avec Nicole.

Quant aux autres ouvrages de ce fameux docteur, comme la plupart sont polémiques, le temps leur a fait tort, en diminuant l’intérêt des questions qu’on y traite ; aussi ces ouvrages sont-ils moins lus qu’estimés, et moins estimés que célèbres, tels que ceux de la fréquente communion et de la perpétuité de la foi. Arnauld fut exclu de la maison de Sorbonne , pour des propositions réputées jansénistes, ce qui a fait dire à Boileau :

La trop passagère paix de Clément IX, en 1668, amena une trêve entre Arnauld et les Jésuites ; mais les hostilités et les persécutions recommencèrent bientôt ; Arnauld fut obligé de se retirer en 1679, dans les Pays-Bas, où il vécut jusqu’en 1694, dans une retraite ignorée du monde, et connue de ses seuls amis ; toujours écrivant, toujours supérieur à la mauvaise fortune, et donnant, jusqu’au dernier moment, l’exemple d’une âme pure, forte et inébranlable.

On peut juger de son caractère par le trait suivant : Nicole, qui avait si longtemps combattu avec lui contre les ennemis de la foi, et surtout contre les ennemis de Port-Royal, lui disant un jour qu’il était las de cette guerre de plume, et qu’il voulait enfin se reposer : « Vous reposer ! répondit Arnauld, eh ! » n’aurez-vous pas l’éternité toute entière pour vous reposer ? »