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Fête de Noël : un moment d'incontournables traditions

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Coutumes, Traditions
Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres
Fête de Noël : un moment
d’incontournables traditions
(D’après « Le Jour de l’an et les étrennes : histoire des fêtes
et coutumes de la nouvelle année chez tous les peuples
dans tous les temps » (par Eugène Muller), paru en 1881)
Publié / Mis à jour le samedi 23 décembre 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 10 mn
 
 
 
Les principales traditions observées à Noël dans les régions méridionales et l’interprétation symbolique de la plupart de ces coutumes, sont représentatives de ce qui avait cours dans l’ensemble des provinces françaises, quelques variantes méritant cependant d’être signalées concernant le Berry, le Limousin, la Normandie ou l’Orléanais : on retrouve ainsi dans tout le pays des usages relatifs à la bûche, la crèche, le « pain de Notre-Seigneur » destiné aux pauvres ou encore le festin précédant la messe de minuit

Presque partout, et notamment dans les régions méridionales du royaume, nous voyons intronisé l’usage de la bûche de Noël, qui reçoit le nom de calignaon, de culenos, de chalendal, de bûche de Nô, et qui est ordinairement un gros morceau de tronc d’arbre sur lequel, avant de le porter dans l’âtre, où il doit brûler longtemps, on a coutume d’accomplir une sorte de cérémonie de consécration. Presque partout, cette bûche dispense aux enfants les présents de nouvelle année, qui ainsi prennent un caractère de cadeaux mystiques et divins ; presque partout, enfin, la Noël est une époque de frairie familiale et de réconciliation avec le prochain.

Un prêtre de Marseille, qui signait maître François Marchetti, publia, en 1683, une explication des usages et coutumes des Marseillais, où, sous forme de dialogue entre Polihore (ou, comme dit l’auteur, celui qui est curieux de voir le monde et de savoir ce qui se passe dans les grandes villes) et Philopatris (ou, celui qui aime sa patrie), il fait des mœurs de la vieille cité phocéenne un tableau caractéristique que nous allons résumer.

La veille de Noël, il y avait dans la ville réconciliation générale entre tous ceux que séparait quelque inimitié
La veille de Noël, il y avait dans la ville réconciliation générale
entre tous ceux que séparait quelque inimitié. © Crédit illustration : Araghorn

« Du nom de Calendes, que recevait autrefois le commencement de l’an, est venu, dit Marchetti, celui de Calène que nous donnons à la fête de Noël elle-même, à moins que nous ne le dérivions du mot provençal calen, qui signifie lampe, à cause des lampes qu’on fait brûler par toutes les maisons durant cette solennité, et qui peuvent être considérées comme représentant la lumière venue d’Orient pour le salut de l’humanité.

« Pendant toute la durée de l’Avent, à chaque chant de matines, les officiants s’interrompaient en soupirant tout haut, pour témoigner de leur désir de voir la venue du Sauveur. La veille du grand jour, la grosse cloche sonnait pour annoncer à tous la bonne nouvelle ; et, à ce moment-là, il y avait dans la ville réconciliation générale entre tous ceux que séparait quelque inimitié, pratique si impérieusement commandée à tous, que ceux qui eussent refusé de se rendre à cette sainte coutume eussent passé pour infâmes, et tout le monde se fût retiré de leur conversation comme s’ils eussent été nommément excommuniés.

« Par contre, plus ce jour-là on avait hâte de faire les avances de réconciliation à son ennemi, et plus on était estimé. Le point d’honneur coutumier consistait à le visiter, à lui demander pardon, à l’embrasser le premier... Les plus confidents d’entre les voisins et les principaux parents accompagnaient d’ordinaire celui qui allait faire visite à son ennemi.

« Celui-ci, assisté aussi de quelques-uns de ses proches et de ses voisins, descendait avec eux, jusqu’à la porte de sa maison, pour les recevoir ; et, après s’être rendu mutuellement les civilités ordinaires et s’être promis de vivre à l’avenir dans une parfaite et inviolable amitié, ils montaient tous à la salle pour y faire collation et boire à la santé les uns des autres ; ce qui durait un temps assez considérable.

« Ces visites étaient rendues aussitôt par ceux qui les avaient reçues : les nouveaux amis se piquaient de faire les mêmes honneurs et les mêmes régales ; et les santés, qu’on recommençait à porter, étaient aussi longues et aussi nombreuses qu’auparavant.

« Or, comme toute bonne chose a son mauvais côté, l’abus de ces santés, portées avec les vins fumeux du pays, ne laissaient pas que de causer quelque désordre ou dérèglement dont eut vent, en 1602, le célèbre père Coton — confesseur d’Henri IV —, qui cette année-là prêchait en l’église des Accoules, et qui tonna si éloquemment contre l’usage des santés de réconciliation qu’il se trouva avoir dépassé le but qu’il s’était proposé — c’est-à-dire que pour n’avoir plus à l’avenir l’occasion de tomber dans les excès blâmés par l’éloquent prédicateur, les Marseillais supprimèrent la coutume des réconciliations qui motivaient les santés. C’est ce qui pourrait s’appeler guérir le mal en tuant le malade. »

Alors l’usage s’était établi dans la ville de construire, comme en Espagne, comme en Italie, le jour de la Nativité, des crèches qui, dit-on, eurent pour inventeur le célèbre saint François d’Assise, vers la fin du XIIe siècle ; ce furent les pères de l’Oratoire qui en introduisirent la coutume à Marseille, d’où elle se répandit et fut conservée dans les cantons environnants.

La famille est réunie autour de la bûche de Noël
La famille est réunie autour de la bûche de Noël. © Crédit illustration : Araghorn

La fête de Noël était d’ailleurs époque de grand festin. « Ces jours-là, dit encore Marchetti, nous rendons nos tables remarquables par l’abondance des viandes et par le nombre des nappes dont elles sont couvertes. Nous mettons, en effet, trois nappes pour la révérence que nous portons à ces saints jours, et parce que, ayant été consacrés par le baptême à la Trinité, nous tâchons autant que nous pouvons d’en conserver le souvenir en toutes nos actions. »

Le soir de Noël on mettait sur ces trois nappes treize pains, dont l’un, appelé pain de Notre-Seigneur, était beaucoup plus gros que les autres et que l’on coupait en trois parties pour représenter sa personne et ses deux natures divine et humaine. Ce pain était ensuite distribué aux pauvres. D’ailleurs, dans chaque famille, on pétrissait pour ce jour-là des pains spécialement destinés à « aumôner les malheureux » ; et il n’était maison où, quand on se réunissait pour le principal festin, on ne se fût assuré, comme convive, un pauvre, qui était assis à la place d’honneur, et, qui, servi le premier, recevait tous les morceaux les plus délicats. Partout aussi pour le soulagement des infortunés avaient lieu des quêtes, où chacun donnait tout ce qu’il lui était réellement possible de donner.

La cérémonie la plus importante de la fête était celle de la bénédiction de la bûche de Nô, faite d’ordinaire d’un tronc d’olivier encore vert, au transport duquel chacun tenait à prendre part. Pendant qu’on portait la bûche de Nô dans l’âtre, toute la famille répétait en chœur « Calène vient : tous biens nous arrivent », pour dire que la naissance de Jésus était la source de tous les biens dont jouissait l’humanité.

Or, cette bûche ne représentait rien moins que le corps de Jésus-Christ lui-même, car parlant en son langage parabolique, aux saintes femmes, alors qu’il suivait le chemin du Calvaire : « Filles de Jérusalem, leur dit-il, ne pleurez point sur moi, pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants, car si le bois vert est traité de la sorte, que ne fera-t-on point au bois sec ? » Ainsi s’expliquerait le caractère symbolique de la bûche de Noël.

Quoi qu’il en fût, après que l’assistance avait bien salué de ses cris la venue de la bûche, le père de famille ou, à son défaut, le plus âgé des hommes, allait prendre par la main le plus jeune des enfants, qu’il conduisait vers la bûche sur laquelle il répandait un verre de vin, en disant : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », ou bien en chantant un vieux couplet patois qui peut se traduire ainsi :

Soyons en joie ! Dieu nous met en joie !
Calène vient : tous biens nous viennent.
Dieu nous fasse la grâce de voir l’année prochaine,
Et si nous ne sommes pas plus nombreux, que nous ne soyons pas moins !

Cela fait, cela dit, le verre passait de main en main pour autant de libations ; puis l’enfant mettait le feu aux brindilles, qui avaient été disposées sous la bûche pour l’enflammer ; et pendant que la flamme s’y communiquait, on chantait encore :

Que la bûche pétille !
Qu’ici entrent toutes sortes de prospérités !
Que les femmes deviennent mères !
Que les chèvres donnent des chevreaux !
Les brebis des agneaux !
Qu’il y ait abondance de blé !
Abondance de vin !...

Le vin, d’après certain passage des Proverbes (chap. IV, v. 17), étant reconnu comme emblème de l’iniquité, on le répandait sur la bûche, par manière de témoigner qu’il fallait que les péchés des hommes fussent consumés et détruits par le feu du Seigneur.

Le festin d'avant la messe de minuit n'était qu'un repas maigre
Le festin d’avant la messe de minuit n’était qu’un repas maigre. © Crédit illustration : Araghorn

La bûche étant bien embrasée, on s’asseyait autour de la table aux trois nappes, sur laquelle avaient été posés les treize pains, dont le plus gros, dit pain du Seigneur, était transpercé d’une branche de myrte, de laurier ou d’olivier, sans doute en souvenir du passage de la prophétie où les futurs persécuteurs de Jésus-Christ se disent l’un à l’autre : « Mettons le bois dans son pain ; faisons-le mourir, et exterminons si bien sa mémoire qu’il ne soit plus jamais parlé de lui. »

Et le festin commençait, qui, à vrai dire, n’était qu’un repas maigre, puis qu’il se faisait avant d’aller à la messe de minuit, mais qui n’était pas moins abondamment servi et assaisonné par la joie universelle des convives. Il y avait là surtout des poissons et des fruits de toutes sortes.

Quand tous les convives étaient rassasiés, l’on recueillait avec le plus grand soin ce qui restait des douze pains, des fruits, comme aussi des chandelles qui avaient servi à éclairer la table pendant le repas ; et ces reliefs constituaient autant de talismans possédant, d’après la croyance populaire, les plus souveraines vertus de préservation et de protection. Chaque mère de famille aimait à en être nantie, comme en-cas spécifique de maladie de ses enfants ; nul marin ne se fût embarqué sans avoir par devers lui quelque fragment de pain où de chandelle de Noël, qui, jeté à la mer en cas de tempête, devait certainement ou apaiser les flots, ou garantir du naufrage.

Dans leur foi naïve, les anciens Marseillais affirmaient d’ailleurs que les pains de Noël se conservaient si bien que, au bout d’un an, « ils estoient encore aussi beaux que s’ils n’eussent été tirés du four que depuis une heure ». « Qui plus est, affirme Marchetti par la bouche de son Philopatris, il n’y a pas trop longtemps que nous prenions à la bûche de Noël des charbons ardents que nous mettions sur la table encore servie, sans qu’un feu aussi violent que celui de ces charbons allumés laissât la moindre marque sur aucune des trois nappes. » Au reste, l’on conservait toute l’année quelques-uns de ces charbons que l’on pulvérisait en cas de maladie pour en mêler la cendre aux remèdes ordonnés par le médecin.

Vers la fin du repas — au cours duquel les enfants, déclarés maîtres au logis en l’honneur de Jésus naissant, pouvaient se servir eux-mêmes et prendre tout ce qui leur convenait —, les verres étant remplis du vin cuit qui avait été préparé lors de la vendange pour être goûté seulement la veille de la Nativité, chacun ayant reçu sa part du gros nouga et du gâteau qui étaient traditionnels, on avait coutume de chanter en chœur quelques-uns de ces Noëls patois dont chaque pays avait alors un répertoire spécial : compositions à la fois naïves et spirituelles que les fidèles aimaient d’autant mieux à répéter que, généralement, le mystère de la divine naissance s’y trouvait associé à mainte allusion locale ; ce qui leur donnait un caractère à la fois profane et sacré des plus originaux.

On chantait ainsi jusqu’à ce que l’heure fut venue de se rendre à l’église pour assister à l’office de minuit, qui avait lieu avec toute la pompe imaginable, et au retour duquel se faisait le réveillon qui, à vrai dire, n’était alors rien de plus qu’une simple et frugale collation, consistant d’ordinaire en quelques tranches de gâteaux qu’on mangeait en les arrosant d’un verre de vin cuit.

L'heure est venue de se rendre à l'église pour assister à l'office de minuit
L’heure est venue de se rendre à l’église pour assister à l’office de minuit. © Crédit illustration : Araghorn

Et ainsi s’achevait la nuit de Noël. Le lendemain chacun ayant revêtu ses plus beaux habits, les amis, les parents se visitaient avant d’aller aux dévotions du jour, et il y avait échange de souhaits dont la formule la plus commune était : « Dieu fasse que nous nous retrouvions longtemps à pareil jour ! »

En ce jour, d’ailleurs, avait lieu dans chaque maison le grand, l’abondant et délicat festin, où figuraient alors les pièces les plus grosses et les plus savoureuses, et notamment la dinde, sans laquelle aucun repas n’eût été complet ce jour-là. À ce repas assistaient, obligatoirement, tous les membres de la famille, dussent-ils dans ce seul but franchir de grandes distances lorsqu’ils résidaient loin du toit paternel.

Et comme les invitations faites pour le jour de Noël motivaient la réciproque, il s’en suivait le plus souvent un festoiement quotidien pendant toute l’octave, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre des convives du premier repas ; de la sorte on atteignit le premier janvier « jour où, dit Marchetti, les pauvres recevaient encore une fois des aumônes extraordinaires, où les maîtres faisaient de petits présents à leurs serviteurs, les maîtresses à leurs servantes, les pères et les mères à leurs enfants et les supérieurs à leurs inférieurs — ce qui s’appelait donner les étrennes. »

Notons que les étrennes de femme à femme consistaient particulièrement en gâteaux faits de fleur de farine, mais sans levain, sans sucre ni sel, qui s’appelaient des pompes : « pâtisserie assez grossière et fort insipide » dont il ne faut pas cependant, dit notre vieil auteur, regarder la simplicité comme une marque de l’avarice du sexe, mais bien plutôt comme un effet de la sagesse des ancêtres qui avaient inspiré cette coutume aux femmes pour les obliger à se donner mutuellement, sous ce symbole du pain, des leçons de tempérance et de sobriété. Le pain étant le plus simple des aliments, ils ont voulu qu’elles reçussent d’elles-mêmes un avertissement si utile à leur sexe.

Des régions marseillaises gagnons, par exemple, le Berry, une contrée qui presque jusqu’à nos jours l’a disputé à la Bretagne pour la conservation des vieux usages ; et prenons pour guide le livre si remarquable du folkloriste et ethnographe Alfred Laisnel de la Salle (1801-1870), sur les Croyances populaires du centre de la France. « Nous appelons en Berry, dit cet auteur, cosse de Nau ce que l’on nomme ailleurs souche ou bûche de Noël (en Saintonge, en Angoumois, on dit le mouchon). C’est ordinairement un énorme tronc d’arbre destiné à alimenter la cheminée pendant les trois jours que dure la fête de Noël. Cette cosse doit provenir autant que possible d’un chêne vierge de tout élagage et qui aura été abattu à minuit.

« On le dépose dans l’âtre au moment où sonne l’élévation de la messe nocturne, et le chef de la famille, après l’avoir aspergé d’eau bénite, y met le feu. C’est sur les deux extrémités de la bûche ainsi consacrée, que les mères et surtout les aïeules se plaisent à disposer les fruits, les gâteaux et les jouets de toutes espèces auxquels les enfants feront à leur réveil un si joyeux accueil. Comme on a fait croire à ceux qui pleuraient pour aller à la messe de minuit qu’on les mènerait à la messe du coussin blanc — c’est-à-dire qu’on les mettrait au lit — on ne manque jamais le lendemain matin de leur dire que, tandis qu’ils assistaient à cette messe fantastique, toutes ces belles et bonnes choses ont été déposées là à leur intention, par le bonhomme Nau, ou par le petit Naulet, dénominations naïves, qui servent à personnifier la fête de Noël, et qui rappellent le sire Noël des jongleurs du XIIIe siècle. Quelquefois, mais rarement, c’est aux menues branches d’un fort rameau de genévrier, placé près de la cheminée, et auquel on donne le nom d’arbre de Nau, que l’on suspend ces cadeaux enfantins. »

Le matin de Noël, les enfants découvrent toutes les bonnes choses déposées à leur intention par le bonhomme Nau
Le matin de Noël, les enfants découvrent toutes les bonnes choses déposées
à leur intention par le bonhomme Nau. © Crédit illustration : Araghorn

On conserve les débris de la cosse de Nau d’une année à l’autre. Recueillis et mis en réserve sous le lit du maître, toutes les fois que le tonnerre se fait entendre, on en prend un morceau, que l’on jette dans la cheminée, pour préserver la maison et la famille contre les effets de la foudre (même croyance en Normandie, en Franche-Comté, etc.).

L’usage d’entretenir pendant trois jours et trois nuits dans chaque maison le feu de la cosse de Nau est selon toute apparence un souvenir du culte que les Gaulois, ainsi que tous les peuples du Nord, rendaient au soleil à l’époque des deux solstices ; et le feu de la cosse de Nau, allumé par le chef de famille, dont les fonctions ont en ce cas le caractère sacerdotal, rappelle ce père-feu qui était renouvelé chaque année par les Gaulois, pour être transmis à tous les habitants.

Cette vieille coutume, d’ailleurs, existait encore en Normandie au XVIIIe siècle où, lorsque la bûche de Noël était en place, le soir du 24 décembre, on ne l’allumait qu’avec du feu pris à la lampe de l’église voisine.

Le bon jour de Noël, comme disent les paysans berrichons, est pour eux la fête chrétienne par excellence ; et, en même temps qu’ils se disposent à célébrer par d’abondants festins le renouvellement de l’année, mise sous les auspices du Rédempteur, c’est l’époque où ils pratiquent l’aumône avec le plus de libéralité. Dans toutes les fermes, la veille du grand jour, on confectionne en forme de corne ou de croissant des cornabœux ou pains aux bœufs, que l’on distribue aux pauvres de la matinée de Noël. Ces cornabœux qui sont essentiellement destinés à l’aumône, font sans doute allusion au bœuf qui avoisinait l’enfant Jésus dans la crèche. Les Lorrains ont coutume de s’entre-donner à la même époque des cognès ou cogneux, espèce de pâtisseries, dont les unes figurent deux croissants adossés, et dont les autres, plus longues que larges, se terminent également à leurs deux extrémités par des cornes.

La veille de Noël on fait encore en Berry, indépendamment des cornabœux, une autre espèce de pain ou de gâteau auquel on attribue de grandes vertus en cas de maladie. Ce pain se conserve toute l’année, et lorsqu’une personne ou un animal devient malade, il doit suffire de lui en faire manger un morceau pour obtenir aussitôt sa guérison. Dans la Nièvre, les parrains et les marraines avaient coutume d’offrir à leurs filleuls un gâteau nommé apogne cornue, qui avait les mêmes privilèges curatifs ou préservatifs.

Dans le Limousin, le pain de Noël était également regardé comme une sorte de talisman ; et, presque partout d’ailleurs dans nos provinces, la venue de Noël donnait lieu autrefois à la confection de pains ou gâteaux particuliers nommés cochelins à Orléans, coquelins à Chartres, bourets en certains cantons de Normandie, etc.

Au surplus, l’on retrouve dans les vieux textes certaines redevances payées en plusieurs endroits par les vassaux à leurs seigneurs sous le nom de pains de Noël, puis aussi par les paroissiens aux curés, sous le nom de pains d’étrennes. En quelques lieux des environs de Paris les paysans devaient pour étrennes, la veille de Noël, porter une bûche dans l’âtre du Seigneur et « chanter une chanson à madame ». Dans la Creuse, certain prieur du château Ponsac, ne demandait, dit-on, pour tout tribut aux habitants de cette ville, dont il était aussi seigneur temporel, qu’un roitelet, qu’ils devaient avoir pris à la course, et non tué à l’aide de flèches ou d’arquebuse, et qu’ils lui apportaient le premier jour de l’an à l’église.

La veille de Noël, des écoliers portant des torches allumées vont dans les rues en criant Noël ! Noël !
La veille de Noël, des écoliers portant des torches allumées
vont dans les rues en criant Noël ! Noël ! © Crédit illustration : Araghorn

Une coutume analogue existait jadis à Carcassonne. Pourquoi demander le sacrifice de ce charmant oisillon, qui cependant, d’après la légende, aurait charrié lui-même toute la mousse de son nid dans la crèche de Bethléem pour faire plus molle la couchette du Sauveur ? On l’ignore. Toujours est-il que ce jour-là, c’était entre les jeunes gens du pays une véritable lutte d’adresse à qui prendrait le roitelet ; car celui-là, proclamé roi de la fête, avait l’honneur de présenter la mignonne victime au prieur, et de voir son nom inscrit dans le procès-verbal que l’on rédigeait de cette cérémonie.

En Normandie, la coutume se garda longtemps que les écoliers, la veille de Noël, portant des torches allumées, s’en allassent d’abord dans les rues en criant Noël ! Noël ! puis dans les prés, dans les vergers, en répétant ce refrain :

Taupes et mulots
Sortez de mon clos
Ou nous vous brûlerons la barbe et les os.

Puis aussi, en la plupart de nos provinces — méridionales surtout — pendant la soirée qui précédait la messe de minuit, il était d’usage, comme nous l’avons vu faire à Marseille, que dans toutes les maisons et souvent même dans les rues, l’on chantât ces Noëls, Naulets ou chants de Nau, dont il nous est resté tant de curieux spécimens.

 
 
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