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Alphonse de Lamartine : l’enfance du poète

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Personnages : biographies
Vie, oeuvre, biographies de personnages ayant marqué l’Histoire de France (écrivains, hommes politiques, inventeurs, scientifiques...)
Alphonse de Lamartine :
l’enfance du poète
(D’après « La Jeunesse moderne. Amuse et instruit » paru en 1904)
Publié / Mis à jour le mercredi 16 mai 2018, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
Seul garçon parmi les six enfants de la famille, le jeune Alphonse coule des jours d’enfance heureux au cœur de la maison de famille située dans la campagne mâconnaise, s’adonnant à la contemplation de la nature avant qu’on ne se pique de le placer dans une pension contre son gré

Il ne vivra pas ! annonçait-on de l’enfant chétif qui naquit le 21 octobre 1790, dans la petite maison de la rue des Ursulines, à Mâcon, où le capitaine de Lamartine, récemment marié à Mlle Alix des Roys, et ayant rendu son brevet d’officier de chevau-légers, était venu chercher le bonheur et le repos.

La première enfance du petit Alphonse se passa donc au milieu des effroyables angoisses de la Terreur. Une fois la tourmente traversée, ses parents eurent hâte de retourner au pays natal, dans le bon calme de la campagne. La propriété de Milly, aux environs de Mâcon, appartenait à la famille Lamartine depuis plusieurs siècles.

Habitation d'Alphonse de Lamartine à Milly. Dessin du marquis de Courval (1826)

Habitation d’Alphonse de Lamartine à Milly. Dessin du marquis de Courval (1826)

Le petit Alphonse était resté délicat. Mais c’était un joli blondin dont la figure disait la bonté. Seul garçon parmi les six enfants de Mme de Lamartine, il était le plus choyé. Sa maman semblait avoir pris à tâche de façonner sa jeune âme tendre. Parisienne habituée à tous les plaisirs mondains de la capitale, elle n’avait pas craint d’accepter cette existence d’isolement, aimant la nature et apprenant à ses enfants à l’aimer.

Commissionnaire des charités de sa maman, il avait fait connaissance d’un vieux garde qui, ayant perdu tous ses enfants, s’attacha à lui et lui donna un bel agneau blanc. Ce fut une fête quand l’agneau arriva à la maison, mené au bout d’une corde par Alphonse tout fier. Ses cinq sœurs tinrent conseil. Où coucherait l’animal ? Eugénie offrait sa chambre, Césarine son lit. On finit par l’installer, plus raisonnablement, dans l’étable, près d’une bonne vache noire, et les enfants lui apportèrent force confitures.

Berger de ce minuscule troupeau, Alphonse menait chaque jour l’agneau paître dans la montagne, où il retrouvait de petits bergers, enfants du pays. Vêtu comme eux d’un béret de laine et d’une cotte de coutil bleu. il apportait sa part de pain bis et de fromage, et partageait leur repas qui s’agrémentait de bonnes châtaignes rôties sous la cendre et se terminait par des rondes joyeuses.

À la maison, le soir se passait en de douces veillées familiales. Alphonse taillait des flûtes et des sifflets dans du sureau, tandis que son père faisait de la musique ou lisait des vers et que sa mère caressait les plus petits. L’enfant s’émerveillait. « Père, voilà une belle langue que je voudrais bien savoir et parler quand je serai grand. » Poète ! Ce mot le fascinait.

Alphonse menait chaque jour l'agneau paître dans la montagne

Alphonse menait chaque jour l’agneau paître dans la montagne

Il adorait aussi ses sœurs, qui le gâtaient. C’est avec elles qu’il imagina ce jeu charmant appelé par eux la Musique des Anges. Ils avaient improvisé une sorte de harpe dont les cordes étaient de simples cheveux. Le vent, en faisant légèrement frissonner ces fils ténus, produisait une musique qui les ravissait. Ils prêtaient tour à tour l’oreille et s’imaginaient que c’étaient des esprits célestes qui chantaient là.

La seule instruction théorique que reçut alors l’enfant, en dehors des leçons de sa mère, consistait en quelques leçons données par le curé de Milly. Mais elles se passaient surtout en d’interminables promenades avec lui dans les montagnes et, l’hiver, en glissades sur la neige.

Vers sa dixième année. Alphonse fut solennellement interrogé par le frère aîné de son père, chef de la famille, qui déclara que décidément il n’était qu’un âne. « À courir les champs, dit-il, mon neveu n’a rien appris de bon. » L’oncle se trompait. D’une nature rêveuse et infiniment impressionnable, Alphonse avait appris à aimer la nature. On résolut pourtant de le mettre au collège.

Sa maman pleura beaucoup et le laissa partir dans une pension de Lyon qu’il prit en horreur tout de suite. La transition était trop forte entre le nid de famille si douillet et le froid internat. Après avoir supporté pendant deux ans cette vie, sans révolte, Alphonse résolut de s’enfuir. Ayant remarqué que la porte du parloir n’était pas fermée, il y jeta sa balle en jouant, et se sauva.

Le personnel de la pension courut après lui dans les rues. L’enfant le dépista et échoua, mourant de faim, après une course folle dans la campagne. Il avait trois francs dans sa poche. Pendant que dans une auberge de village il employait cet argent à se restaurer, il vit apparaître le directeur de la pension et deux gendarmes qui le réintégrèrent de force. Il fut mis pendant un mois au cachot et chassé.

Alphonse de Lamartine. Dessin réalisé à Rome en 1828

Alphonse de Lamartine. Dessin réalisé à Rome en 1828

Son père, furieux, l’enferma en pénitence dans sa chambre pendant deux autres mois. Heureusement qu’un oncle, abbé, très bon, intervint. Il obtint sa grâce et emmena l’enfant prodigue dans un château qu’il possédait. Ravi, Alphonse faisait avec lui des causeries sans fin, aimant lui communiquer ses impressions :

— Quand je vois le ciel, le soleil, la nuit, les étoiles, je sens des choses qui chantent dans mon cœur, dans ma tête, et les mots s’arrangent tout seuls comme une complainte.

— Oui, mon neveu, reprit l’abbé, tu seras poète, c’est moi qui te le dis ; mais pour devenir poète, il faut apprendre, apprendre beaucoup.

Aussi fut-ce de bon cœur cette fois qu’Alphonse entra au collège de Belley, situé, lui aussi, dans un admirable décor de montagnes. Il put continuer à y rêver, s’attardant le soir à s’accouder à la fenêtre du dortoir.

Il arriva ainsi jusqu’à l’âge de la philosophie, travaillant énormément, lisant surtout avec passion. Celui dont le talent poétique allait bientôt, et comme dans un coup de foudre, étonner le monde par ses vers admirables, n’avait, enfant, écrit aucune poésie, ne se sentant pas mûr encore, mais ayant fait pour la poésie cet apprentissage unique, le meilleur : la contemplation de la nature et l’infinie tendresse d’un cœur maternel.

 
 
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