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Débuts de la caricature iconographique à la Renaissance. Satire visuelle sous Louis XII

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L’Histoire éclaire l’Actu
L’actualité au prisme de l’Histoire, ou quand l’Histoire éclaire l’actualité. Regard historique sur les événements faisant l’actu
Caricature iconographique ou la
naissance de la satire visuelle
à l’aurore de la Renaissance
(D’après « Histoire de la caricature sous la Réforme et la Ligue », paru en 1880)
Publié / Mis à jour le samedi 10 janvier 2015, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
Ce serait une profonde erreur que d’attribuer aux braises des Lumières ou au vent révolutionnaire la naissance du dessin caricatural, autorisé, encouragé et malmenant cependant les tenants du pouvoir tout en les servant paradoxalement. Et l’on pourrait même dire qu’historiquement la satire « professionnelle » par l’image commence en France à la fin du XVe siècle si une seule planche y tenait lieu d’une avant-garde de l’armée des burins turbulents de la Réforme. Relevant parfois de la plus virulente causticité, elle se gardait toutefois de confiner à l’outrancière insulte...

Les iconographes s’accordent pour placer en 1499 la gravure du Revers du jeu des Suisses qui traduisait sous une apparence intime la grave question de la conquête du royaume de Naples. C’est aux cartes que se joue l’importante partie ayant pour partenaires le roi de France Louis XII, Henri VII d’Angleterre, le pape Alexandre VI, le doge de Venise, l’infante Marguerite (Espagne) et les Suisses, les plus perplexes de l’issue du jeu. Soutenus par les Pays-Bas et l’Angleterre, les Suisses qui avaient annoncé l’intention de s’opposer à l’entreprise de Louis XII sur le royaume, n’opposèrent cependant aucun obstacle sérieux à l’expédition française.

Ce sont les intérêts divers de ces personnages que la gravure a représentés un peu froidement. Tout l’esprit est dans l’idée du jeu de cartes ; à ce jeu de diplomates manquent l’astuce, la réserve, l’attention, la finesse de physionomies que l’art ne devait traduire que beaucoup plus tard. Il faut se contenter alors d’une parodie d’intention et Le Revers du jeu des Suisses est traité un peu solennellement, comme un carton de tapisserie. « Sous l’heureux règne de Louis le douzième, nouveau César, la nation tout entière se réjouit » : telle est la légende d’une médaille à l’effigie du Roi, offerte en 1499 par la ville de Lyon à Anne de Bretagne son épouse depuis le 8 janvier.

Le Revers du jeu des Suisses (1499)

Le Revers du jeu des Suisses (1499)

Au nombre des principes libéraux dont le peuple sut gré à son chef, il faut citer la politique du monarque vis-à-vis du pape. La France avait été mise en interdit par Jules II, d’où la formation en 1511 d’une coalition dite « la sainte Ligue », dans laquelle entra Henri VIII, roi d’Angleterre ayant succédé à Henry VII. Klotzius appelle satirique une médaille que fit graver à ce sujet Louis XII en 1512 ; mais le burin de cette médaille est timide et manque de la liberté que le roi laissait aux « Enfants sans-soucis et aux autres confréries qui mêlaient au rire les choses morales et bonnes démonstrations. »

Le poète Pierre Gringore profitait des querelles entre le roi de France et le pape pour donner la première pièce aristophanesque en France : le Jeu de Mère sotte. L’Église, c’est la Mère Sotte, le pape, l’Homme Obstiné et un des personnages dit à ‘Église :

Vos Prelatz font ung tas de mynes
Ainsi que moynes regulliers ;
Mais souvent, dessoubz les courtines
Ont créatures femynines,
En lieu d’heures et de psaultiers...
L’Église a de maulvais pilliers.

Les poètes sont tels un homme qui, mangeant un morceau de pain, en laisse tomber quelques miettes à terre ; à l’instant même s’élancent, on ne sait d’où, des moineaux pour becqueter ces miettes. Que la moindre parcelle de liberté soit accordée, arrive un rimeur qui s’en empare. Louis XII, du reste, ne craignait pas les conséquences de cette liberté, dussent-elles tourner contre lui-même.

Pendant son règne, des comédiens représentèrent une comédie dans laquelle l’auteur raillait la parcimonie royale qui touchait à l’avarice. A ses conseillers qui parlaient de châtiments à exercer contre ces hardis comédiens, Louis XII répondit : « Ils peuvent nous apprendre des vérités utiles. Laissons-les se divertir, pourvu qu’ils respectent l’honneur des dames. Je ne suis pas fâché que l’on sache que, sous mon règne, on a pris cette liberté impunément. »

C’est donc au théâtre, dans les facéties, qu’il faut chercher une satire des mœurs du temps. La caricature est à l’état latent ; toutefois le peuple la sent poindre en lui, comme on le verra plus tard par un fait touchant les mœurs de François Ie.

En attendant que des graveurs burinent un drame d’un trait, un grand caricaturiste, le plus bouffon et le plus profond qui ait existé, Rabelais la fait pressentir abondante, forte et hardie dans son roman, et grâce à la protection de François Ier à qui il avait été recommandé par les Du Bellay, la France fut dotée d’une de ces œuvres singulières que l’Europe nous envie. Ce n’est pas que Rabelais ménageât la royauté ; le chapitre dans lequel Grandgousier raconte à Picrochole les horreurs de la guerre n’annonce pas un courtisan :

« Ces diables de rois, dit Panurge, ne sont que veaux et ne savent ni ne valent rien, sinon à faire des maux ès pauvres sujets, et à troubler tout le monde par guerre pour leur inique et détestable plaisir. »

Mais Rabelais ne faisait que continuer les hardiesses de Rutebœuf, d’Adam de la Halle, de Jean de Meung, d’Érasme. « Les rois n’écoutent que leurs flatteurs. Ils croient que, pour être véritablement rois, il ne faut que chasser, avoir de bons chevaux, faire argent des magistratures et des gouvernements, intenter de nouveaux moyens de pomper la substance du peuple, en alléguant des raisons spécieuses pour donner couleur de justice à la vexation, et en faisant dans le préambule quelque compliment au peuple pour l’amadouer. »

Ainsi disait l’auteur du livre de la Folie, ce qui n’empêchait pas François Ier de faire des propositions au savant de Bâle pour s’engager à professer les humanités au Collège Royal, dit des trois langues, fondé en 1517. Également Rabelais put livrer carrière à toutes ses facéties anti-monacales ; il ne se montra réservé que vis-à-vis la Réforme. C’était là le point capital. Ceux qui voulaient vivre tranquilles ne devaient pas pactiser avec la Saxe non plus qu’avec Genève.

Malgré la hardiesse de ses allusions, Rabelais se prononça contre la Réforme, telle que l’entendait Calvin ; aussi on se demande s’il n’y a pas là antipathie de tempérament contre ce réformateur, car Rabelais ne parle pas des Luthériens ; c’est dans son roman qu’il accole ensemble « les moines putherbes, cafards, chattemites et les pistolets de Genève, les démoniacles Calvin. »

On appellerait aujourd’hui Rabelais opportuniste ; mais sans cette concession de peu d’importance aurions-nous le Gargantua ? Aurions-nous Tartuffe sans les deux vers que Molière adresse à Louis XIV, « ce prince, ennemi de la fraude ? »

La part faite à la protection que François Ier accorda aux lettrés de son temps ne doit pas faire oublier son excessive galanterie qui poussait Tavannes à écrire dans ses Mémoires : « Alexandre voit les femmes quand il n’a point d’affaires, François voit les affaires quand il n’a plus de femmes. »

La mort, la guerre la pauvreté, la femme (manuscrit de Catherine de Médicis)

La mort, la guerre la pauvreté, la femme
(D’après un dessin du manuscrit de Catherine de Médicis)

De tout temps les peintres et les sculpteurs se sont plu à figurer, à l’exemple des anciens, des bacchanales au milieu desquelles la statue de Priape est portée en triomphe ; mais les galeries historiques de Versailles manquent d’un tableau allégorique où seraient représentées les galanteries du roi-chevalier. Le peuple d’alors retraça ce tableau à sa façon, un peu crue et grossière ; toutefois le vieux chroniqueur savoisien, François de Bonnivard, a cru devoir mentionner, entre 1530 et 1550, cette satire en action qui se déroulait en pleine rue :

« Luy mesme [François premier], il estoit libéral, magnanime, humain, et bref en touttes vertus accompli hormis qu’il étoit subiect à volupté, et en sa jeunesse fit maints excès à gentz particulierz dommageables, car il alloit de jour et de nuit en masque riblant çà et là, frappant et battant cestuy et l’autre ; mais il se chastoia en aage vieilli, hormis des femmes, (car il y fut subject depuys le berceau jusques à la mort), auxquelles il donnoit tout ce qu’il avoit, en sorte que par ses dons excessifs du commencement de son royaume [règne], force lui fut de casser xijc [1200] hommes d’armes pource que l’on ne trouvoit de quoi les payer, sus quoy [ce dont] la bazouche de Paris fut esmeue de jouer une telle farce.

« Ils firent tailler un gros membre d’homme qu’ils corouèrent, mirent sus une charrette et alloient luy donnant du fouet par tous les quarrefourz et avoient aposté des gens qui leur disoient : — Mes amis, à qui est ce paouvre v... que allez ainsi fouettant, et en quoi a-t-il mesfaict ? Ils répondirent : — C’est le v... du roy qui a bien mérité le fouet et pis. — Corne, disoient les autres, a-t-il chevauché sa cousine ? — Il a bien faict pis, répondoient-ils [les clercs de la basoche]. — Coment, a-t-il chevauché sa sœur ? — Pis. — Par aventure sa mère ? — Encore pis. — Est-il par hasard bougre ? — Encore pis. — Quel gros crime a-t-il donc commis ? — Il a chevauché douze cents hommes d’armes, dit-on par conclusion. »

Cette anecdote ne tient-elle pas lieu des caricatures qui font défaut à l’époque ? On trouve plus tard dans l’œuvre des graveurs allemands et français des représentations dont on a peine à démêler le sens confus, malgré les légendes. La pensée satirique n’a pas trouvé son laminoir ; elle est à l’état de métal plein de scories. Nous n’en saurions donner un meilleur exemple que par le récit suivant de De Thou, qui témoigne des sentiments du peuple vis-à-vis de la royauté dans le règne qui suivit.

« Le roi François II, dit de Thou, étant sur le point de quitter Amboise, résolut par le conseil des Guises de faire son entrée à Tours. Il arriva une chose que les habitants disoient être l’effet du hasard, quoique je pense le contraire. Un boulanger équipa de cette manière son fils qui vouloit voir le Roi : il couvrit de la mante de sa femme un âne dont il se servoit pour aller au moulin ; il mit dessus son fils, qui avoit un bandeau sur les yeux et un casque de bois sur la tête.

« On voyoit sur ce casque un petit oiseau assez semblable à un perroquet, qui avoit la tête rouge et qui becquetoit souvent l’aigrette du casque de l’enfant. Deux jeunes gens, qui représentoient des Ethiopiens, ayant des habits étranges et le visage barbouillé de noir, conduisoient l’âne, tenant chacun une des rênes de la bride. Tous disoient que cette représentation étoit une vive image de l’état du royaume, gouverné par un roi encore enfant, et qui avoit pour ministres des étrangers qui l’avoient rendu aveugle. »

Ne dirait-on pas un mystérieux détail de peinture de manuscrit, ou un de ces anciens tableaux fortement enluminés, qui défient l’esprit d’y accoler une interprétation sensée ?

Une des premières estampes satiriques, la seule qui offre quelque clarté, est malheureusement inconnue. Après la mort du roi, une image fut répandue, représentant François II enfermé dans la bourse du cardinal de Lorraine. Sous le burin la légende : « Le feu roy François le deuxième, lequel le cardinal tenoit en sa bourse, le laissant quelquefois mettre dehors la teste ou les mains. » Cette pièce historique, mentionnée dans les Mémoires de Condé, a échappé à tous les chercheurs.

 
 
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