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Le féminisme ou la ruine de l'autorité féminine des siècles passés ? L'égalité homme-femme

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L’Histoire éclaire l’Actu
L’actualité au prisme de l’Histoire, ou quand l’Histoire éclaire l’actualité. Regard historique sur les événements faisant l’actu
Féminisme (Le) : miroir aux alouettes
concourant à l’affaiblissement
de l’autorité féminine d’autrefois ?
(D’après « Le Carnet historique et littéraire », paru en 1901)
Publié / Mis à jour le dimanche 19 janvier 2020, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 
 
 
En 1901, Le Carnet historique et littéraire publie les réflexions de S. Poirson sur le féminisme, sorte de préambule à l’ouvrage dont il accouchera trois ans plus tard intitulé Mon Féminisme. Selon lui, les revendications qui le caractérisent font perdre à la Femme la puissance qu’elle avait acquise au cours des siècles passés, que ce soit vers le VIIe, lorsqu’elle régnait en souveraine absolue sur des établissements religieux immenses et redoutés, frappant monnaie à son effigie et traitant de puissance à puissance avec les princes de l’Église ; ou bien au XVIIIe, jouissant alors de l’ascendant ouvert ou caché qu’elle possédait sur la gent masculine et qui se faisait sentir jusque chez ceux qui gouvernaient les peuples. Pour notre auteur, à vouloir être l’égal de l’Homme, la Femme s’abaisse...

« On a dit souvent, on ne saurait, trop le redire, que la Vérité est éternelle, écrit S. Poirson. Celle qui se dégage de la fable de La Fontaine intitulée : « Le Loup, la Chèvre et le Chevreau » éclaire de remarquable façon un sujet qui intéresse l’un et l’autre sexe, et s’applique, Mesdames, à un état actuel qui vous séduit et... que je déplore !

« Etant de la vieille roche, il ne me paraît point séant de parler à des femmes sans leur être présenté. Tout homme digne de ce nom les aime comme moi : il reconnaît et il s’incline devant le rôle supérieur pour lequel elles ont été créées. Voilà une déclaration fort nette, n’est-il pas vrai ? Et maintenant, veuillez mettre le meilleur de vous-mêmes à contribution pour me comprendre, et réfléchir, entre — voulez-vous ? — une promenade folle à bicyclette et... une course vertigineuse en automobile ?

« Lorsque, s’absentant, la bique prudente donne le mot de passe à son chevreau pour le préserver de l’ennemi, elle ne fait pas encore assez, car :

Où serait le biquet s’il eût ajouté foi
Au mot du guet ?

« Heureusement, avant d’ouvrir, exige-t-il que l’inconnu lui montre « patte blanche ».

Deux sûretés valent mieux qu’une
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.

« Veuillez méditer ces deux dernières lignes. Or, le mot du guet des loups ravisseurs qui vous cernent, c’est le « Féminisme ». Lorsqu’on vous enguirlande de ce grand mot fatal, trouvez-le insuffisant, et, soupçonneuses comme le biquet de la fable, demandez par surcroît qu’on vous montre « patte blanche », c’est-à-dire la preuve qu’il contient votre bonheur et votre plus grande gloire. Loin de moi la pensée de vous ennuyer ou de vous fatiguer par une étude sur le Féminisme. II y a des réformes à faire, des réformes sérieuses ; c’est indiscutable. Le Temps et le Code les doivent accomplir. Donc, presser la Loi de s’en occuper est besogne juste et belle, qui me compte parmi ses plus fervents adeptes. Ceci acquis, et bien acquis, voulez-vous que nous regardions ensemble ce qui se passe ? Voir, n’est rien, mais savoir regarder est tout. De ce savoir jaillit la lumière !

« (...) Votre soif de changement, votre besoin malsain d’initiation aux sensations masculines, me rappellent ces impératrices de Byzance qui, par lassitude du sceptre et, par curiosité dépravée, se dépouillaient de la pourpre impériale pour se revêtir de vêtements plébéiens, et courir les ruelles mal famées de la capitale. Faisant fi de la, majesté de l’augusta, elles se mêlaient aux foules ignobles pour respirer leurs vices et savourer leurs avilissements. Songez qu’à ce jeu, les souveraines byzantines perdirent leur couronne.

« Donc, l’Homme voit que la Femme veut s’approprier tout de lui, depuis ses vêtements et sa poitrine, jusqu’à ses emplois et ses carrières ; il comprend qu’elle se perd, que dans l’effort elle va briser le charme magique auquel il ne sait et ne peut se soustraire ; que, dépouillée de tout ce qui la rend invulnérable, il va, enfin ! être libéré de l’être qui oriente et domine sa vie. Hélas ! voilez-vous de deuil, car c’est une joie immense dans l’empire mâle !

« Nous assistons donc à ce renversement inattendu : l’Homme secouant le joug de la Femme..., et, pour y mieux arriver, feignant de s’y assujettir ! Aussitôt l’ennemi de profiter de votre folie. Sûr que jamais vous n’atteindrez un but pour lequel vous n’êtes point créées, loin de défendre les biens que vous voulez lui ravir, l’Homme vous les offre, vous facilite le chemin à parcourir ; mieux encore : il vous excite, vous encourage, vous acclame, vous pousse dans la voie néfaste. Toutes les revendications féministes trouvent des hommes pour les défendre : écrivains qui font paraître des pamphlets, orateurs qui assourdissent l’air de leurs cris et de leurs polémiques : « Les Droits de la Femme. » — « L’émancipation de la Femme. » — « La liberté de la Femme. » — « L’égalité de la Femme. » Et la joyeuse égarée de chevaucher hardiment cette nouvelle monture !

« Je ne nie pas que, parmi ceux qui écrivent ou pérorent sur cette thèse, il n’y ait de généreux égarements ; mais une générosité vide de bon sens nuit plutôt à une cause qu’elle ne la sert. Par contre, dans le camp féminin, quelques plumes avisées montrent, avec beaucoup de talent et une rare logique, les insanités et les utopies qui conduisent la femme à son inévitable défaite. Mes sœurs, les faux frères vous ont tendu un piège très habile ; comment votre finesse naturelle ne l’a-t-elle pas éventé ? Chevrettes ! il est encore temps de sommer les loups ravisseurs de vous montrer patte blanche.

« Et maintenant, autant je plains mes semblables d’avoir perdu une compagne incomparable et un guide supérieur, autant je les félicite d’être libérés de la femme actuelle ; de celle qui a perdu toute action sur cette vie d’homme qu’elle guidait avec tant de certitude, de celle qui dédaigne sa propre grâce charmeresse, et mésuse du talisman qui lui asservissait « la Force ». Trop tard elle connaîtra combien « le Fort » est redoutable, alors qu’elle ne pourra plus le lier de ses chaînes invisibles et sûres.

« Aux multiples exercices masculins avec lesquels elle dompte son corps, elle a perdu toute séduction physique. Enfourcher des bécanes, s’habiller en zouave, combiner des cravates, des chapeaux d’hommes, et sous ces divers déguisements, plutôt carnavalesques, faire du « sport » à outrance, telle est l’incessante préoccupation de la femme moderne. Est-ce un mâle ou une femelle ? Aucun des sexes ne revendique celte silhouette arquée, aux cheveux fous, à la face violacée, boursouflée, aux yeux rougis de vent et de poussière, à la bouche contractée d’où sort un jargon de cabaret ; je vous fais grâce de la « chauffeuse », enfouie sous les dépouilles des animaux polaires, les yeux couverts de monstrueux, verres entourés de noire étoffe, et qui tient un milieu hybride entre l’ours et le scaphandrier.

« Les dieux eussent déclaré Vénus déchue, si elle s’était avisée de monter sur un autre piédestal que sa conque marine. Croyez un frère qui vous veut tout le bien du monde ; en ce faisant, vous ne concourez ni à l’harmonie, ni à la beauté. Ruskin a dû rendre son âme esthétique à l’instant précis où il vit passer, ainsi accoutrée, l’une d’entre vous ! J’ajoute que la Déesse sortant des flots était plus décente dans sa nudité, que la « femme nouvelle » à califourchon, vêtue comme l’autre sexe.

« Ayant supprimé le charme de son corps, avec ses seins et ses hanches s’en sont allées toutes les grâces de son esprit. Les pages qui chantent ce qu’il faut aimer ou glorifier, pleurer ou bénir, les pages divines des poètes de vers et de prose, elle les a bannies... Pourtant son âme en serait enveloppée de beauté... et nos existences d’hommes... de bonheur... Mais où, quand, comment cultiver cet esprit, « qui doit avoir des clartés de tout », comme le répétait souvent un aimable philosophe, vrai ami de la femme, celui-là ?

« Il faut de la mesure en toutes choses ! Cette science de la vie, vous l’avez totalement perdue : je veux croire que vous la retrouverez au retour de vos essoufflements à travers l’erreur, quand vous aurez cessé d’être le camarade auquel on accorde la piètre considération due au compagnon bon garçon. C’est, aujourd’hui, tout ce dont nous vous gratifions, parce que c’est, hélas ! tout ce que vous méritez ! Combien d’entre nous déjà vous méprisent, vous considérant comme une frivole inutilité, ou comme un jouet qu’on jette après s’en être servi !

« Vous avez donc renoncé à votre supériorité, et vous voilà devenue l’égale de l’homme... sur les grandes routes. Cela est insuffisant, n’est-ce pas ? Et vous voulez l’égalité intellectuelle, vous qui aviez tout empire sur son esprit. Dès lors, vous vous jetez éperdument dans les carrières où il s’est spécialisé. Ah ! la terrible méprise ! Toujours absence de mesure...

« Une culture cérébrale exagérée n’est pas plus favorable que le « sport » à outrance. Ne développez que vos muscles, votre intelligence sera nulle ; ne cultivez que votre esprit, votre corps sera atrophié. Avez-vous réfléchi à l’effort gigantesque de ces cervelles féminines, sans atavisme intellectuel, puisque les cerveaux ancêtres n’ont pas été entraînés, courbés à ces travaux comme le sont les cervelles masculines depuis des siècles ? Renversez les choses : l’homme y aurait échoué parce qu’il faut, dans le cas exceptionnel qui nous occupe, une intelligence unie à une volonté de persistance et de rigueur qui n’est pas dans le tempérament masculin.

« Désertant sa supériorité, le cerveau féminin devient, donc égal à celui de l’homme ; et, ô joie ! nous voilà dotés de médecins femmes, d’avocats femmes, etc. Singulière victoire, qui peut être assimilée à une misérable défaite, parce que ces superbes aptitudes, autrement canalisées, eussent fait de remarquables créatures. Tout ceci, mes chères sœurs, pour en arrivera constater avec tristesse que « l’émancipation » de la femme à considérablement fait baisser son influence en Europe depuis une centaine d’années.

« Pour nous en convaincre, reportons-nous à ce siècle aimable et galant entre tous : au XVIIIe. L’Histoire est une grande éducatrice qu’on ne consulte guère. Serait-ce parce qu’elle est pleine d’enseignements ? Quand on lit les mémoires d’il y a cent ans [rappelons que Poirson écrit en 1901], on est frappé de l’autorité qu’exerçait alors la Femme, de l’ascendant ouvert ou caché qu’elle possédait, et qui se faisait sentir jusque chez ceux qui gouvernaient les peuples. Quelle activité, quelle vigueur elle savait communiquer aux esprits d’élite ! Combien de fois accorda-t-elle la lyre du poète ! Que d’écrivains inspirés par elle ! La vraie gloire, la supériorité par excellence est tout autant d’inspirer que de composer ou de créer ! Comme, à cette époque, elle encourageait l’art, ce culte du beau, dont elle devrait toujours être la grande prêtresse ! (O Sport ! tu ne régnais pas alors !) Depuis cent ans, qu’est devenue cette influence ? Hélas ! les plus belles comme les plus nobles choses ont des éclipses. Chaque fois que l’Histoire nous montre la Femme sous la domination de l’Homme (i.e, lorsqu’elle perd son influence sur lui), nous la voyons condamnée aux pires avilissements : c’est le retour fatal à la barbarie.

« Éternelle lutte des sexes ! Voulez-vous regarder beaucoup plus en arrière, et consulter encore ce fidèle miroir de l’humanité, l’Histoire ? Lisez alors Les Couvents du temps jadis, d’Arvède Barine ; ces pages, si intéressantes par elles-mêmes, sont d’une actualité fort curieuse. J’emprunte à l’écrivain, très documenté, des renseignements précieux et circonstanciés qui nous montrent la femme d’il y a douze siècles, extrêmement puissante.

« A cette époque, où les lois, les mœurs (faisant, durement peser sur elle le joug masculin) la réduisaient à un rôle presque effacé, la Femme cherche à reconquérir son indépendance, à jouir de sa liberté, dans des lieux où l’Homme les y eût ensevelies : elle demande aux monastères de lui rendre son influence, sa dignité, sa toute-puissance. Elle n’est pas déçue et conquiert dans ces retraites ce que jamais la femme moderne ne trouvera dans sa vie sportive. Les couvents des VIIe et VIIIe siècles la menèrent infiniment plus loin, et surtout plus haut, que ne le feront jamais toutes les revendications féministes. Une abbesse de ce temps-là, nous dit spirituellement l’auteur, aurait trouvé les chefs d’État modernes de bien mesquins camarades...

« La Femme était absolue souveraine d’établissements immenses et redoutés. La toute-puissance, noblement exercée, ne devient-elle pas légitime ? Les systèmes ne sont grands que par ceux qui les pratiquent. Or, Arvède Barine nous apprend ce que faisaient ces femmes qui frappaient monnaie à leur effigie, qui traitaient de puissance à puissance avec les princes de l’Église, et qui, selon Bède (Histoire ecclésiastique des Anglo-Saxons), donnaient des conseils aux potentats de la terre.

« Du fond de leurs retraites, tout en tenant leurs cours de justice, au milieu d’un train magnifique de gentilshommes, de chapelains, d’intendants, de secrétaires, elles formaient un grand nombre d’hommes distingués, comme n’en produisent guère aujourd’hui les plus illustres professeurs d’Oxford et de Cambridge, ni les universités les plus en renom d’Allemagne. La souveraine constitutionnelle de nos jours possède à peine l’ombre du pouvoir que détenaient les abbesses des cloîtres d’Angleterre et de Germanie. Il est hors de conteste que ces femmes d’élite eurent, sur leur époque, une influence civilisatrice étendue et considérable. »

Ailleurs, Poirson aborde la — déjà épineuse — question de l’égalité des sexes : « Voyons-la se débattre au milieu du fatras de phrases creuses dont on berce... sa candeur ! En voici une qui serait au plus haut point une amusante folie, si, prise au sérieux par vos âmes féminines, elle ne devenait un leurre grossier : « L’Égalité de la Femme. » Ce mot d’égalité, si cher à notre époque démocratique, est un tel non-sens, qu’il faut des facultés spéciales pour se l’assimiler !

« L’Inégalité étant une loi de la nature contre laquelle il est puéril de regimber, il ne reste plus qu’à la subir. Or, s’il est un être au monde haïssant l’Égalité, c’est la Femme, et cela pour des raisons multiples. Vous êtes passionnées, amoureuses d’intrigue, adoratrices des passe-droits, des faveurs, des caprices, des préférences, des fantaisies, que sais-je encore ? bref, de tout ce qui est l’antipode de l’Égalité ! Et vous courez après cette chimère que votre nature vous fait haïr ? Votre démence lui voit-elle donc des ailes endiamantées ? »

Plus loin et en guise de conclusion, notre chroniqueur aspire à voir sur les têtes féminines « l’auréole que les siècles de jadis y ont maintes fois posée. Il ne faut pas d’interversion dans les rôles. La part de chacun est admirable ; en comprendre la toute-puissance, c’est la respecter et la bénir. L’Homme est fait pour franchir les obstacles, la Femme, pour les contourner. Toutes les difficultés ne peuvent être franchies : toutes peuvent être contournées. L’Homme est le complément de la Femme, comme la Femme est le complément de l’Homme ; de plus, elle est son supplément de grâce pour combattre l’aridité de la route. »

« (...) Si je n’ai pu faire tomber quelques écailles de vos yeux, afin de leur donner une vision moins brumeuse de ce qui est, de ce qui devrait être, de ce qui sera, je voudrais au moins vous avoir mises en garde contre les loups qui ne peuvent vous montrer « patte blanche », laissant à votre nature et au Temps l’accomplissement de leur œuvre. Puis, donnez-moi une petite place dans votre estime et dans votre cœur, afin que, de temps en temps, en vrai frère, j’y puisse murmurer : La Femme est le soleil du Monde ! Elle est le sourire de l’Homme ! »

 
 
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