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Destin houleux des Françaises couronnées reines à Westminster. Souverains d'Angleterre mariés à des princesses françaises

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Personnages : biographies
Vie, oeuvre, biographies de personnages ayant marqué l’Histoire de France (écrivains, hommes politiques, inventeurs, scientifiques...)
Destin houleux des Françaises
couronnées reines à Westminster
(D’après « La Revue hebdomadaire », paru en 1911)
Publié / Mis à jour le dimanche 12 février 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 10 mn
 
 
 
Sait-on que dans le groupe des souveraines qui, depuis près d’un millénaire, sont entrées à Westminster pour y être couronnées, la France est largement représentée ? s’interroge au début du XXe siècle la Revue hebdomadaire. Entre le XIIe et le XVIIIe siècle, elle a donné à l’Angleterre dix de ses princesses ; mais si huit d’entre elles furent acclamées dans la célèbre enceinte où s’élèvent les vivats en l’honneur de la reine, le diadème royal ne fut pas un porte-bonheur pour toutes ces filles de France, et sur leurs têtes brunes où blondes il pesa d’un poids très lourd

Les unes, victimes innocentes de la destinée, furent, dans l’épreuve, héroïques ou touchantes ; les autres subirent la contagion du monde violent et brutal du Moyen Age dans lequel elles furent jetées à peine sorties de l’enfance ; quelques-unes seulement furent, en tous points, admirables, pas une ne fut tout à fait heureuse.

La première, par rang chronologique, a laissé dans les vieilles chroniques un souvenir très pur. Mathilde de Boulogne, nièce de Godefroy de Bouillon, femme d’Etienne de Blois, reçut à Westminster, le jour de Pâques 1136, cette couronne pour la possession de laquelle, son époux se battit toute sa vie. Aimable et aimée, pitoyable au pauvre monde, Mathilde passa intacte à travers les luttes sauvages de cette rude époque. Grande bâtisseuse d’églises, comme toutes les princesses anglo-normandes, elle fondait une abbaye entre deux batailles ; elle alla dormir de son dernier sommeil dans celle qu’elle avait élevée à Feversham, où des bénédictins, venus de Cluny, gardèrent longtemps son tombeau. Cette tombe portait une inscription émouvante dans sa foi naïve : « En 1151 [en réalité, le 3 mai 1152], mourut pour notre malheur, mais non pas pour le sien, l’heureuse Mathilde, femme du roi Etienne... elle vécut soumise à Dieu afin de jouir de sa présence. Si jamais femme mérita d’être portée au ciel par les anges, ce fut cette sainte Reine. »

Mathilde de Boulogne
Mathilde de Boulogne

On n’en saurait dire autant de l’altière souveraine qui ceignit, après Mathilde, le diadème des reines et qui, plus « soumise à Dieu », eût peut-être exercé autour d’elle une influence plus pacifiante. Éléonore ou Aliénor, la « dame d’Aquitaine », femme de Louis VII roi de France, remariée à Henri II Plantagenet, fut couronnée avec lui à Westminster, le 19 décembre 1154. Jamais les Anglo-Saxons n’avaient vu pareille splendeur et, dans leur milieu encore barbare, Éléonore introduisit avec les brillantes étoffes d’or et de soie, l’élégance plus affinée de sa province natale. Si elle ne donna pas à ses sujets l’exemple des vertus, elle développa leur génie commercial et, en apportant à l’Angleterre son magnifique héritage, elle servit l’importance politique de sa nouvelle patrie.

On connaît sa vie orageuse : comment elle arma ses fils contre son époux et attisa la guerre civile ; après une jeunesse et un âge mûr si tourmentés, cette âme passionnée et violente s’assagit sans rien perdre de sa vigueur et, à l’âge où la plupart des femmes se retirent du monde, Éléonore déploya sur un grand théâtre ses talents de chef d’Etat. Elle gouverna sagement l’Angleterre pour son fils Richard Cœur de Lion et, disent les chroniques, elle s’y fit « respecter et aimer » ; c’était peut-être la première fois ! Toujours agissante, cette doyenne des reines de l’Europe alla en Allemagne travailler à la délivrance de son fils Richard et, en Espagne, assister au mariage de sa petite-fille Blanche de Castille, la future mère de saint Louis.

Les crimes de son fils cadet, Jean sans Terre, celui dont un contemporain disait que « sa présence aurait souillé même l’enfer », brisa le cœur de cette femme si peu accessible jadis aux scrupules. A cette époque, les grandes abbayes abritaient les repentirs, les remords et les chagrins des âmes royales : Éléonore d’Aquitaine porta les siens à Fontevrault, où elle mourut en 1204.

La destinée de sa belle-fille, Isabelle d’Angoulême, une Française elle aussi, n’est guère moins mouvementée. On parle beaucoup, et pour cause, du mépris de nos contemporains pour l’indissolubilité du mariage, mais de ce point de vue les hauts personnages du Moyen Age n’ont rien à nous reprocher, et l’Église eut fort à faire pour maintenir les lois disciplinaires qui, alors comme aujourd’hui, régissaient cette question complexe.

Quand elle épousa Henri II, Éléonore d’Aquitaine venait d’obtenir l’annulation de son mariage avec Louis VII, roi de France, mariage qui avait été célébré sans les dispenses que la parenté des époux rendaient indispensables. Sa belle-fille, Isabelle, solennellement fiancée à Hugues de Lusignan, comte de la Marche, fut enlevée par Jean sans Terre, marié lui-même à sa cousine Avisa. Ce dernier mariage, entaché de nullité, fut également dissous ; Isabelle, âgée de quinze ans, devint reine d’Angleterre, et fut couronnée à Westminster le 8 octobre 1201.

Eblouie par la perspective d’être reine, la jeune fille avait volontiers renoncé à son premier fiancé, mais Jean se chargea de le lui faire regretter. Trahie et maltraitée, elle passe à travers les hontes et les drames de ce règne, figure énigmatique, chez laquelle on devine une personnalité inquiète et volontaire. Veuve en 1216 de son indigne époux, Isabelle revint à ses premières amours. L’histoire ne manque pas de piquant : au Moyen Age, les mariages faits et défaits ne semblent pas avoir laissé d’amertume chez les intéressés.

Louis VII fiança les deux filles que lui avait données sa seconde femme, Alice de Champagne, aux deux fils de sa première femme Éléonore d’Aquitaine, remariée au roi d’Angleterre ; de même, Jean sans Terre, après avoir enlevé à Hugues de Lusignan sa promise, lui proposa pour femme, quelques années plus tard, leur fille Jeanne encore au berceau. Mais en revoyant Isabelle devenue veuve, le comté de la Marche oublia la fillette, qui était cependant élevée sous son toit ; en 1220, il s’unit à son ex-fiancée. L’histoire ne dit pas ce que pensa de cette étrange substitution la princesse Jeanne, assez grande pour comprendre que son futur mari devenait son beau-père.

Aliénor d'Aquitaine. Gravure du XIXe siècle
Aliénor d’Aquitaine. Gravure du XIXe siècle

Il semblerait que la « comtesse-reine », comme on l’appela désormais, abreuvée de dégoûts pendant son passage sur le trône, aurait appris à cette dure école le danger des ambitions désordonnées. Il n’en fut rien. Les expériences douloureuses meurtrissent certaines natures sans les assagir, celle d’Isabelle était de ce nombre. Elle entraîna son mari dans des guerres désastreuses et, au soir de sa vie seulement, elle alla, comme Éléonore d’Aquitaine, mourir de chagrin à Fontevrault, sous les voûtes de la royale abbaye, hospitalière aux femmes de sa lignée.

A l’exemple de son père, le fils d’Isabelle d’Angoulême, Henri III d’Angleterre, chercha sa femme en France. Éléonore de Provence avait quatorze ans quand elle vint du pays du soleil. Le 20 janvier 1236, elle parut à Westminster, parée d’une grâce poétique qui, tout d’abord, enchanta ses nouveaux sujets ; mais elle était entourée de nombreux parents qui s’implantèrent à sa suite en Angleterre, ce qui leur plut moins. On fit entendre à Henri III que saint Louis, marié à Marguerite, la sœur aînée d’Éléonore, avait, malgré son amour pour sa femme, renvoyé chez eux les Provençaux qui accompagnaient la nouvelle reine, mais le monarque anglais n’avait pas cette fermeté sans raideur, qui fit de Louis IX un grand roi autant qu’un saint.

Il voulut plaire à Éléonore plus qu’à ses sujets et laissa prendre aux oncles de celle-ci une influence prépondérante. Pierre de Savoie, frère de la comtesse de Provence, acquit à Londres d’importants domaines dont le « Savoy Palace » rappelle encore le souvenir ; un autre, Boniface de Savoie, dont les allures étaient celles d’un soudard plutôt que d’un prêtre, devint archevêque de Canterbury et primat du royaume. Cette invasion étrangère déplut aux Anglais, qui reprochèrent aussi à la reine ses dépenses, ses toilettes, ses pierreries et la façon arbitraire avec laquelle elle exerça ses fonctions de régente pendant l’absence de son époux.

Malgré les déboires que lui causa plus d’une fois le mécontentement de ses sujets, il y eut dans la vie de cette souveraine impopulaire des heures, pendant lesquelles son âme légère de Provençale, amoureuse de splendeur, goûta une joie sans mélange. Tel fut le « banquet des rois » à Paris, en 1254, présidé par saint Louis. La comtesse de Provence y parut, encadrée de ses filles, toutes brillamment établies : la reine des Romains, les reines de France et d’Angleterre et la future reine de Naples. Comme ses devancières, Éléonore mourut au couvent. Devenue veuve, cette fille du « gai royaume de Provence » se retira à Ambresbury, une filiale de Fontevrault. Elle y prit le voile en 1284 et, dit un historien du temps, « enleva la couronne de son front, la pourpre royale de ses épaules et abjura, en même temps, toute ambition mondaine ».

Le fils d’Éléonore, le belliqueux Edouard Ier, épousa, après la mort de sa première femme, Éléonore de Castille, la « chère reine » des chroniques du temps, une Française, Marguerite, fille de Philippe le Hardi et petite-fille de saint Louis. Nulle ne mérita mieux qu’elle les honneurs de Westminster, mais la pénurie du royaume, épuisé par la guerre, était telle qu’on ne put faire pour Marguerite les frais d’un couronnement. Veuve à vingt-six ans, elle mourut dix ans plus tard. « She was good without lack », disent les vieilles chroniques : « Elle était bonne sans une lacune ». Le fils aîné de Marguerite, Thomas, comte de Norfolk, est l’ancêtre de l’illustre famille des Howard.

L’atavisme est chose déconcertante : chez Marguerite le sang de saint Louis fleurit en vertus, tandis que sa nièce Isabelle, fille de Philippe le Bel et petite-fille de saint Louis, mérita d’être appelée « the she-wolf of France », la louve de France. Sœur de trois rois de France, femme et mère de deux rois d’Angleterre, Isabelle fut mariée à Edouard II à Boulogne, le 25 janvier 1308, en présence de neuf souverains ; un mois plus tard, la mariée, âgée de treize ans, était elle-même couronnée à Westminster.

Si quelque chose peut pallier les crimes d’Isabelle, c’est la déplorable faiblesse de son époux, fils dégénéré du rude soldat qu’était Edouard Ier. Son règne fut celui des favoris ; le roi eut les siens, Gaveston et Despencer, dont l’insolence irrita la jeune reine ; à son tour, elle prit un favori, Mortimer, qui bientôt devint maître du royaume. Après une atroce guerre civile, Edouard II fut déposé, puis assassiné par les partisans de sa femme, mais celle-ci avait comblé la mesure de ses crimes : elle dut disparaître devant l’exécration de ses sujets.

Les couvents, où ses devancières avaient fini leurs jours, étaient des retraites trop douces pour « la louve de France » : elle fut internée à Castle Rising, prisonnière de fait, bien qu’entourée par son fils des formes du respect qui convenaient à la mère du roi. Isabelle mourut à l’âge de soixante-trois ans : inconscience ou ironie, elle voulut être enterrée dans l’église où reposait Mortimer, son amant, mais elle demanda aussi que le cœur du mari qu’elle avait fait tuer, reposât près d’elle, dans son cercueil !

Une autre Isabelle, Isabelle de France (également appelée Isabelle de Valois) laissa de meilleurs souvenirs, possédant le charme mélancolique des êtres voués à une fin prématurée, et son histoire est à la fois une idylle et un drame. Richard II, fils du Prince Noir et petit-fils d’Edouard III à qui il succéda, était, à trente ans, veuf sans enfants d’une princesse de Bohême qu’il avait passionnément aimée.

Mariage d'Isabelle de France et de Richard II d'Angleterre
Mariage d’Isabelle de France et de Richard II d’Angleterre

La politique impitoyable lui commandant de se remarier, il demanda donc la main de la fille aînée de Charles VI et d’Isabeau de Bavière. L’enfant, âgée de huit ans, avait conscience de son importance ; quand les ambassadeurs du roi d’Angleterre furent autorisés à lui présenter leurs hommages à l’hôtel Saint-Pol : « Madame, s’il plaît à Dieu », dirent-ils, « vous serez notre dame et reine. » Elle répondit sans hésiter : « S’il plaît à Dieu et à mon seigneur et père que je sois reine d’Angleterre, j’en serai contente, car on me dit que je serai alors une très grande dame » ; et Froissart d’ajouter que c’était un curieux spectacle de voir cette fillette jouer à la reine.

Mariée en novembre 1396 à Calais et couronnée à Westminster en 1397, Isabelle de France continua son éducation sous les yeux de son mari. La douceur de mœurs, les goûts artistiques, l’humeur facile, qui rendaient Richard si peu apte à mater les féodaux du quatorzième siècle, lui gagnèrent le cœur de la petite Française, et les erreurs politiques qui entraînèrent la perte de son trône n’étaient pas de celles dont pouvait souffrir Isabelle. Elle s’attacha profondément à ce mari généreux, tendre et empressé, et suivit, avec un intérêt au-dessus de son âge, les péripéties de la lutte engagée entre Richard et son cousin, le futur Henri IV d’Angleterre, lutte dont la couronne était l’enjeu.

La petite reine était tombée aux mains des rebelles, quand un succès éphémère rendit l’espoir aux partisans de Richard et, encore enfant, elle prit un plaisir extrême, dit-on, à arracher les armoiries de son geôlier pour les remplacer par celles de son époux. Aux heures tragiques de son histoire, cette étonnante petite fille montra une force d’âme et une ténacité extraordinaires. Après la mort violente de Richard elle repoussa les avances du nouveau souverain qui voulait à tout prix lui faire épouser son fils aîné, le prince de Galles. Mais la perspective de redevenir une « très grande dame » ne séduisait plus cette veuve de treize ans, obstinément fidèle. La lutte se prolongea pendant deux ans, après lesquels Henri IV se décida à rendre à sa patrie cette enfant trop attachée à la mémoire de sa victime.

La remise d’Isabelle aux envoyés du roi de France eut lieu à Leulinghem, aux confins du Boulonnais et de l’Artois. Tout le monde pleurait, le mandataire d’Henri IV, Thomas Perey, avait les larmes aux yeux quand il confia la veuve de Richard II à Waleran de Saint Pol, représentant Charles VI, les dames anglaises qui se séparaient de leur souveraine étaient baignées de larmes et Isabelle elle-même sanglotait en leur distribuant les pauvres bijoux que lui avait laissés la rapacité du vainqueur. A Paris, la pauvrette fut reçue, dit Monstrelet, « avec larmes et sourires », sa touchante aventure enflamma l’imagination et le cœur du prince poète Charles d’Orléans, fils de ce Louis d Orléans, qu’assassina Jean sans Peur.

Isabelle l’épousa le 6 juin 1407 et, après tant de traverses, elle eut deux années de bonheur. En août 1409, elle mourut en couches au château de Blois, pleurée et chantée par son mari, pour lequel l’Angleterre ne fut guère plus hospitalière qu’elle ne l’avait été pour cette reine. Prisonnier à Azincourt, Charles d’Orléans passa vingt-trois ans dans la tour de Londres, avec la poésie pour unique délassement. Par un bizarre revirement, ce même prince de Galles, repoussé, par la veuve de Richard II, devint, sous le nom d’Henri V, l’époux de sa sœur cadette, Catherine de Valois. Celle-ci, couronnée à Westminster le 24 février 1421, fut reçue par les Anglais, dit Monstrelet, « comme un ange de Dieu » ; mais l’année suivante, le 31 août 1422, le vainqueur d’Azincourt mourait à Vincennes, laissant une veuve de vingt ans et un fils de quelques mois.

Catherine de Valois
Catherine de Valois

Catherine fit à son époux des funérailles étranges et magnifiques : le cercueil traîné par quatre chevaux, était surmonté d’une effigie du mort en cuir bouilli, vêtue de pourpre et d’hermine, tenant le sceptre et portant la couronne. Le roi d’Ecosse, les princes et les seigneurs suivaient, puis venait la reine, entourée de pénitents blancs, portant des cierges. L’immense cortège partit de Vincennes pour Calais, où il devait s’embarquer ; il traversa lentement, sous le ciel d’octobre, les campagnes dénudées, de la Picardie et de l’Artois, passa presque en vue d’Azincourt, en s’arrêtant dans les petites villes, effarées de ce prestigieux spectacle.

Quelques semaines plus tard, la jeune reine traversa Londres sur un trône roulant, traîné par des chevaux blancs ; sur ses genoux dormait le bébé de huit mois, chargé du poids d’une couronne, et à la vue de ces deux faiblesses, que leur avait léguées le vainqueur d’Azincourt, les bons bourgeois furent grandement émus. Après cette sensationnelle apparition, Catherine rentre dans l’ombre. Elle n’avait pas l’âme fidèle de son aînée et elle crut trouver le bonheur dans une union secrète, morganatique, dirait-on aujourd’hui, avec un simple chevalier gallois, Owen Tudor. De ce mariage naquit Edmond, qui épousa une héritière, de sang royal, Margaret Beaufort ; leur fils, Henri, devint sous le nom de Henri VII chef de la dynastie des Tudor, issue d’une fille de France et d’un soldat de fortune.

Catherine ne prit aucune part, probablement à cause de sa mésalliance, dans l’éducation de son fils. Le petit roi était confié à une certaine dame Alice Boteler, dont les fonctions sont définies dans un curieux document qui, officiellement, émane du roi en personne ; dame Alice y est autorisée par son élève à « nous châtier raisonnablement, s’il y a lieu, pour nous apprendre la courtoisie et les bonnes manières ». Il est à croire que dame Alice n’eut pas à user bien souvent de son droit de châtiment, car rarement vit-on nature plus docile, plus douce, plus religieuse que celle du pauvre enfant, couronné roi de France à Notre-Dame et au nom duquel fut brûlée Jeanne d’Arc. Non pas qu’il fût dénué d’intelligence, la fondation d’Eton est une preuve durable de ses goûts artistiques et de son désir du bien, mais les responsabilités de la couronne écrasaient cette âme contemplative, faite pour le cloître plutôt que pour le trône.

Tout autre était la jeune fille appelée à partager sa couronne et jamais l’abbaye, témoin de tant de splendeurs, ne vit passer figure plus imposante que la sienne. Le 30 mai 1445, jour de son couronnement, les bourgeois de Londres, pour fêter « la princesse lointaine », Marguerite d’Anjou, avaient arboré la marguerite, dont les blanches fleurettes émaillaient, en ce jour de printemps, les vertes prairies du royaume. Ni la beauté, ni les talents, ni la vaillance de cette « reine de mai » ne l’empêchèrent d’être infortunée entre toutes. On disait d’elle qu’ « aucune femme ne la surpassait en beauté et aucun homme en courage », on pourrait ajouter que, de toutes les reines françaises couronnées à Westminster, elle fut la plus malheureuse.

Mariée à un petit-fils de Charles VI, chez qui la folie de son aïeul se manifestait par des crises passagères de démence douce, Marguerite se trouva, par suite des circonstances, appelée à personnifier la « rose rouge de Lancaster », dans la guerre atroce, au nom poétique, qui ensanglanta l’Angleterre, décima sa noblesse et ruina son peuple, pendant vingt ans. Ses aventures tiennent du roman. Un jour, perdue au fond des bois, elle fit appel, pour sauver son fils, à la chevalerie du brigand de grand chemin, qui allait les dévaliser. Par un geste charmant d’intuition maternelle, elle mit la petite main de l’enfant dans celle du malandrin. « Je vous confie, dit-elle, le fils de votre roi » ; et le brigand devint son dévoué serviteur.

Mais quand, après la bataille de Tewkesbury, la reine vit ce fils unique lâchement poignardé par son rival vainqueur, son énergie combative s’effondra sans retour. Elle se laissa traîner d’une prison à l’autre jusqu’en 1476, quand Edouard IV qui lui avait pris son fils, son mari, et son trône, consentit à la renvoyer à son père, le roi René d’Anjou. Charles d’Orléans avait chanté sa « dame », Isabelle de Valois, de même René d’Anjou écrivit, dit-on, deux poèmes pour célébrer les hauts faits de sa fille, la reine d’Angleterre. L’âme de celle-ci était d’une autre trempe, elle avait moins de philosophie que le roi poète et les visions du passé continuaient à la hanter dans sa retraite angevine. On attribua même à son chagrin mortel l’espèce de lèpre qui rendit méconnaissable le délicieux visage dont la fraîche beauté avait, trente ans plus tôt, ébloui les Londoniens.

Cette vaincue de la vie ferme le cortège des princesses françaises couronnées à Westminster. Cependant deux siècles plus tard, une fille d’Henri IV vint partager le trône de Charles Ier ; mais, dans l’intervalle, l’Angleterre avait abjuré sa vieille foi, le cérémonial des temps catholiques avait été modifié en conséquence, et, pour cette raison, Henriette-Marie de Bourbon refusa d’y prendre part, refus qui, du reste, mécontenta grandement ses nouveaux sujets. Depuis, une Italienne, des Allemandes, une Danoise, mariées à des rois d’Angleterre, ont reçu à Westminster, la couronne des « Queen Consorts » du Royaume-Uni.

 
 
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