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26 juin 1682 : annonce de la première démonstration de la machine de Marly effectuée en présence de Louis XIV

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26 juin 1682 : annonce de la
première démonstration de
la machine de Marly effectuée
en présence de Louis XIV
(D’après « Curiosités historiques sur Louis XIII, Louis XIV, Louis XV,
Madame de Maintenon, Madame de Pompadour,
Madame du Barry, etc. » (par J.-A. Le Roi) paru en 1864
et « Vauban : de la gloire du roi au service
de l’État » (par Michèle Virol) paru en 2003)
Publié / Mis à jour le dimanche 26 juin 2022, par Redaction
 
 
 
 
 
Située entre Marly, Louveciennes et la Chaussée, et destinée à porter l’eau de la Seine à travers des vallées en l’élevant de plus de 150 mètres jusque dans les canaux de Versailles, cette machine était originellement composée de 14 roues mettant en action plus de 250 corps de pompe

Louis XIV venait de désigner Versailles pour son séjour habituel. Colbert, l’exécuteur des volontés du maître, donnait les ordres les plus précis pour hâter les travaux nécessaires à leur accomplissement. Une chose cependant semblait s’opposer aux désirs du roi, et paraissait condamner Versailles à n’être jamais qu’un séjour passager : c’était le manque d’eau.

Mais le roi avait parlé, et son ministre avait fait un appel à tous ceux que leurs connaissances spéciales pouvaient mettre à même de résoudre cette importante question. Déjà, des travaux importants avaient été exécutés, et non seulement les eaux de sources, mais encore des eaux recueillies sur les hauteurs environnant Versailles, commençaient à satisfaire les désirs du roi et de son ministre.

Sur ces entrefaites, Colbert apprend qu’un gentilhomme liégeois, ingénieur lui-même, vient de faire exécuter dans le domaine des comtes de Marchin, seigneurs de Modave, une machine qui élève l’eau à une très grande hauteur, et qui, appliquée à Versailles, pourrait amener les eaux de la Seine jusque dans cette ville. Il se hâte de lui écrire au nom du roi, et l’engage à venir examiner si, à l’aide d’une semblable machine, Versailles peut être alimenté des eaux qui lui manquent.

Ce gentilhomme liégeois était le chevalier de Ville, baron libre du Saint-Empire romain. Vivant dans un pays où l’on construisait de nombreuses machines pour épuiser les eaux souterraines qui nuisent à l’exploitation des houillères et des mines de charbon de terre, il s’était familiarisé avec l’étude de ces machines. Désirant élever l’eau du Hoyoux sur les hauteurs du domaine de Modave, il avait fait construire un de ces appareils déjà employés depuis longtemps dans les mines de Hongrie, lorsqu’il s’agissait de transmettre l’eau à de grandes distances, par-dessus de hautes montagnes. Mais il dut principalement la réussite de son entreprise à l’habileté du constructeur chargé de son exécution, Rennequin Sualem, qu’une grande intelligence et une longue pratique avaient initié à toutes les difficultés de la mécanique.

À gauche, Arnold de Ville (peinture de Jean-Baptiste Santerre). À droite, portrait supposé de Rennequin Sualem (peinture attribuée à Charles Le Brun)

À gauche, Arnold de Ville (peinture de Jean-Baptiste Santerre).
À droite, portrait supposé de Rennequin Sualem (peinture attribuée à Charles Le Brun)

De Ville se rend aussitôt à l’invitation de Colbert, et arrive à Versailles, accompagné de Rennequin Sualem, car il sent que pour l’exécution de pareille entreprise il ne peut se passer de l’habile ouvrier dont il connaît par expérience toute la capacité. La réussite d’une mécanique assez puissante pour amener l’eau de la Seine jusqu’à Versailles demandait une chute considérable, pouvant faire mouvoir les grandes et nombreuses roues destinées à lui donner l’impulsion. De Ville suit la Seine dans tous ses contours, la sonde lui-même dans tous ses points, et trouve enfin, entre Chatou et la chaussée de Bougival, une chute assez forte pour la réussite de son entreprise.

La chute trouvée, il fallait faire franchir à l’eau de la Seine la distance qui la séparait non seulement de la hauteur de la montagne de Louveciennes, mais encore du sommet d’une tour élevée sur cette hauteur, et qui, dominant tout le pays, pouvait permettre d’envoyer cette eau soit à Versailles, point principal pour lequel on demandait l’établissement de cet instrument hydraulique, soit à Marly, dont le roi venait d’arrêter la construction, soit même à Saint-Germain.

De Ville se mit aussitôt au travail, fit les projets de cet immense appareil, les présenta au roi qui les adopta, et commença aussitôt les travaux. Il fallait, pour la bonne exécution de ces travaux, qu’ils fussent confiés à des hommes déjà au fait de ces sortes d’ouvrages. De Ville et Rennequin retournèrent à Liège et en ramenèrent une colonie d’ouvriers, charpentiers, menuisiers, forgerons, etc., et de plus de Ville passa des marchés avec les entrepreneurs de ce pays, en sorte que, corps de pompes, mécanismes, cuirs, fers, etc., tout vint de Liège.

Toute la partie de la Seine comprise entre le Port-Marly et Bezons était à cette époque presque entièrement divisée en deux bras par une suite de petites îles. Pour que la navigation ne fût pas interrompue et avoir en même temps une grande partie des eaux du fleuve employée au mouvement de la machine, il fallait réunir toutes ces îles, n’en faire qu’une seule digue, et agrandir le bras de la rive droite afin d’en former un canal navigable. Ce fut le premier travail exécuté par de Ville. Cette digue et ce canal, de plus de 10 km de longueur, furent commencés au mois de mai 1681 et achevés au mois d’octobre de la même année.

Pendant ce temps se construisait la machine. Toutes les maisons, terres, vignes, etc., comprises entre l’endroit où se trouvait la chute et les hauteurs de Louveciennes, avaient été achetées par le roi. De Ville s’établit dans l’une des maisons de la chaussée, afin de mieux surveiller les travaux ; il y fait construire un modèle de la machine, et Rennequin Sualem, le constructeur et l’inspecteur de cette immense machine, y habite auprès de lui.

À la date du 26 juin 1682, la Gazette de France signale que « ces jours passez, le roy alla voir les travaux que le sieur de Ville, gentilhomme et échevin de Liège, fait faire sur la Seine afin d’élever l’eau de cette rivière quatre cent soixante-dix pieds de haut pour estre conduite ici, et la première épreuve en fut faite en présence de Sa Majesté, avec beaucoup de succez ».

Coupe de la machine de Marly à l'endroit de la prise d'eau dans la Seine, et vue aérienne

Coupe de la machine de Marly à l’endroit de la prise d’eau dans la Seine, et vue aérienne

Après cette expérience, on continua avec activité les travaux de la machine. Au-dessous de la chute, dans la Seine, se trouvaient quatorze roues hydrauliques de 36 pieds de diamètre chacune, mises en mouvement par l’eau de cette chute ; ces roues mettaient en jeu huit pompes chargées d’entretenir toujours l’eau à une égale élévation dans un bassin élevé à peu près à la hauteur du bord des autres corps de pompes. Celles-ci, au nombre de soixante-quatre, refoulaient cette eau dans un puisard placé sur le penchant de la montagne. L’eau élevée à ce premier puisard y était reprise par soixante-dix-neuf pompes, et refoulée une seconde fois jusqu’à un second puisard supérieur au premier ; là, quatre-vingt-deux pompes achevaient d’opérer l’ascension de l’eau jusqu’au sommet de la tour, dont la plate-forme supérieure est élevée de 154 mètres au-dessus des eaux moyennes de la Seine, et se trouve placée à 1 236 mètres de distance horizontale de la machine en rivière, ou du premier mobile.

Comme, par suite de la difficulté que l’on éprouvait alors à bien joindre les tuyaux entre eux, beaucoup d’eau se perdait en montant à la tour, seize pompes étaient placées dans un réservoir situé derrière le puisard supérieur afin de ramener cette eau perdue dans ce même puisard. Pour augmenter la quantité d’eau élevée par la machine, on avait réuni dans un bassin, un peu au-dessous du premier puisard, les eaux assez abondantes de toutes les sources des environs, et huit pompes servaient à les élever dans le second puisard.

On voit donc que le produit de la machine était le résultat du travail de deux cent cinquante-trois pompes, placées tant dans le lit du fleuve que dans les puisards établis sur le penchant de la montagne. Tout ce système de pompes était mis en mouvement par les roues hydrauliques tournant par l’impulsion de l’eau du fleuve, qui avaient deux fonctions : l’une de faire mouvoir les soixante-quatre pompes fournissant l’eau reprise successivement par les deux systèmes supérieurs ; l’autre de mettre en jeu les longues suites de pièces de communication de mouvement au moyen desquelles les pompes des deux systèmes supérieurs pouvaient faire leur service.

Cette transmission du mouvement s’opérait par l’intermède de plusieurs couples de chaînes de fer partant de la Seine, et aboutissant aux points où le mouvement devait être transmis ; chaque couple avait ses deux chaînes dans un même plan vertical, attachées d’espace en espace aux extrémités des balanciers, dont les axes de rotation, placés à mi-distance entre les deux chaînes, étaient posés sur des cours de lices établis sur des chevalets. Des manivelles en fer, fixées aux extrémités des axes des roues hydrauliques, agissaient sur les chaînes, dans le sens de leur longueur, par l’intermède de pièces de traction et de rotation.

En résultat, lorsque la chaîne supérieure d’une couple était tirée et se mouvait dans le sens de la descente de la montagne, l’inférieure se mouvait dans le sens de la montée, et réciproquement ; ces allées et venues oscillatoires, qui se répétaient plusieurs fois par minute, produisaient des oscillations correspondantes dans les pièces du mécanisme auxquelles les points supérieurs des chaînes étaient attachés, et par suite l’ascension et la descente des pistons des pompes de reprise des puisards. Ces indications sommaires suffisent pour motiver l’énorme quantité de fer et de bois dont la montagne se trouvait couverte sur une longueur d’environ 700 mètres.

À l’époque de la construction, le jeu des pistons dans les corps de pompes et l’assemblage des tuyaux étaient tels que l’air s’y introduisait de toutes parts et opposait une énorme résistance à l’ascension de l’eau, et qu’une grande quantité de liquide était perdue sans aucun résultat pour le but qu’on voulait obtenir. Voilà pourquoi, l’eau ne pouvant s’élever d’un jet qu’au tiers de la route qu’elle avait à parcourir, on fut obligé de diviser la machine en trois systèmes de pompes, dont l’un, partant de la Seine, la portait à mi-côte, le deuxième la faisait arriver au réservoir supérieur, et le troisième enfin l’élevait jusque sur la tour ; et comme les deux systèmes de pompes, qui reprenaient à mi-côte l’eau refoulée immédiatement de la Seine, ne pouvaient avoir de mouvement qu’en vertu de la force motrice transmise du point inférieur du système général et émanant des eaux mêmes du fleuve, on s’explique la complication apparente de cette machine, son aspect gigantesque et les mouvements bruyants de toutes ces masses, dont on ne pouvait pas, sans instruction et sans étude, saisir la correspondance avec le premier mobile.

La machine de Marly construite sur un bras de la Seine. Estampe réalisée vers 1690 et vendue À La Belle Image, chez N. de Poilly, rue Saint-Jacques à Paris. Collection du Château de Modave

La machine de Marly construite sur un bras de la Seine. Estampe réalisée vers 1690 et vendue
chez À La Belle Image, N. de Poilly, rue Saint-Jacques à Paris. Collection du Château de Modave

En 1686, Louvois, secrétaire d’État de la Guerre sous Louis XIV, s’adressa à Vauban pour le plan d’une écluse destinée à améliorer le fonctionnement, lors des étiages, de la machine de Marly. Vauban réalisa le plan demandé pour l’écluse, en face du village de la Chaussée, mais dix ans plus tard, d’après des notes de mars 1696 dont une copie fut donnée au roi, il proposa une solution de substitution à la machine pour l’adduction d’eau des fontaines de Marly.

Vauban, salué par Arnold de Ville comme une des rares personnes capables de connaître tous les effets de la machine, eut souvent l’occasion d’observer et d’entendre son bruit effroyable à l’occasion de ses séjours dans le domaine de Voisins, proche de Louveciennes, chez sa fille cadette, Jeanne-Françoise.

Le raisonnement de Vauban est le suivant : premièrement, calculer le nombre d’heures durant lesquelles les fontaines devront fonctionner dans une année. Il estime à trois jours par semaine, sauf les mois trop froids de décembre et janvier, les jours où les fontaines devront délivrer leurs jets et conclut : « Ajoutons 17 jours à cette somme de 153 pour l’extraordinaire, viendra 170 jours complets de 24 heures chacun temps que toutes les eaux pourront jouer ».

Il suppose alors qu’un accident arrive à la machine et que l’on soit contraint de « ramasser les eaux du pays sur l’estendue d’une lieue carrée de 25 au degré », soit la quantité d’eau tombée en une année sur cette superficie, à laquelle on ôte les deux tiers pour l’évaporation de la terre et des végétaux — une lieue carrée représente une superficie de seize kilomètres carrés. Il propose de conduire cette eau par des rigoles ou des aqueducs souterrains ou encore de l’élever par des moulins. Ainsi Marly disposera de trois fois plus d’eau que par le système existant. Sa démonstration est terminée :

« Marly est sans doute la plus belle solitude du roy (...) mais comme les eaux en sont le plus bel ornement on ne saurait trop prendre de précaution pour en perpétuer l’usage en sorte qu’elle n’y puisse jamais manquer, chose dont l’on ne peut s’assurer parfaitement par l’effet de la machine seule de qui l’effort est trop violent pour oser s’en promettre une éternelle durée ».

 
 
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