26 juin 1811 : mort d’Esménard, poète français

A travers les agitations d’une vie que se partagèrent les voyages, les plaisirs et les intrigues, Esménard conçut et acheva un poème auquel il dut une sorte de renommée, à la suite de Delille. Lorsque la Navigation parut en 1805, quelques personnes s’avisèrent de dire que c’était un calme plat. Le mot fit fortune, parce qu’il était juste, quoique un peu sévère. A défaut de plan, de mouvement dans l’action, de variété dans le style, ce poème offrait une versification pure, élégante, et de nombreux exemples du talent, aujourd’hui trop dédaigné peut-être, de rendre en périphrases harmonieuses les détails les plus rebelles à la poésie.

En 1808, Esménard fit représenter l’opéra de Trajan, dont le succès prodigieux appartenait tout entier aux circonstances. Pour récompenser dignement l’auteur, on le nomma presque à la fois censeur des théâtres, censeur de la librairie, et chef de la première division de la police. Il ne lui manquait plus que d’être de l’Institut, et il y parvint en 1810. Cet honneur, dit un biographe, réveilla contre lui toutes les haines de ses ennemis, car il avait encore plus d’ennemis que de talent et de gloire.

« Parmi ces dégoûts, auxquels Esménard était moins sensible qu’un autre, il reçut de l’Empereur l’ordre de quitter la France : un article de journal, dirigé contre un agent du cabinet de Pétersbourg, était la cause ou plutôt le prétexte de ce nouvel exil. Esménard, après trois mois de séjour en Italie, obtint la permission de rentrer en France. Il était parti de Naples depuis quelques heures : aux environs de Fondi, le postillon, qui le conduisait, négligea d’enrayer à la descente d’une côte rapide ; la voiture était entraînée vers un précipice. Esménard voit le danger, croit s’y .soustraire en s’élançant de sa chaise de poste, et va se fracasser le crâne contre un rocher. »

D’autres récits plus vraisemblables avaient couru sur cette mort, à laquelle le poignard des sicaires ri paraissait pas étranger. Quoi qu’il en soit, il y eut quelque chose d’étrange et d’affligeant dans la fin de cet homme. Esménard n’était âgé que de quarante-deux ans.