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26 juin 1752 : mort du cardinal Albéroni

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26 juin 1752 : mort du cardinal Albéroni
Publié / Mis à jour le vendredi 29 juin 2012, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 8 mn
 

Jules Albéroni naquit à Firuenzola, village du Parmesan, le 30 mars 1664 ; il était fils d’un jardinier, et mourut cardinal, après avoir glorieusement gouverné l’Espagne, et conçu, non sans quelques chances de succès, des projets gigantesques, dont l’exécution eût bouleversé tous les Etats de l’Europe. Pauvre et obscur, Albéroni dut se créer, par la flatterie et l’intrigue, ces ressources que d’autres trouvent toutes préparées dans les protections et la richesse.

Doué d’une vaste et audacieuse intelligence, que l’ambition mit en mouvement, et que des scrupules de conscience n’embarrassèrent jamais, il sut être, aux diverses époques de sa vie, ce qu’elles exigeaient qu’il fût, flatteur rampant et intrépide, intrigant souple et profond, courtisan plein de finesse, enfin, grand ministre et homme de génie. A quatorze ans, il abandonna l’état de son père, et, devinant sa vocation, il s’enrôla sous les bannières de l’Eglise. Avant de commencer sa vie politique, il vécut de son habit de prêtre et de son titre de chanoine de Parme, sous la protection du comte de Roncovieri, évêque de Saint-Donnin.

Les détails qu’on a pu recueillir sur lui jusqu’à cette époque sont vagues et contradictoires. Les historiens ne sont pas même d’accord sur les circonstances qui fondèrent sa fortune, en le rapprochant du duc de Vendôme. Selon les uns, ce fut le poète Campistron qui le plaça parmi les gens du duc, en reconnaissance de services qu’Albéroni lui aurait rendus dans une aventure de voleurs ; selon les autres, le futur cardinal devrait sort élévation à sa renommée culinaire, qui lui aurait valu les bonnes grâces de son premier patron. Nous nous en tiendrons à la version la plus généralement adoptée.

Le comte de Roncovieri avait été envoyé en qualité d’agent politique par le duc de Parme, auprès du duc de Vendôme, qui commandait alors les armées françaises en Italie. Mais la dignité du prélat s’offensa des habitudes peu cérémonieuses du général français. Il obtint son rappel du duc de Parme, qui nomma Albéroni pour le remplacer. Ce nouvel agent, d’une susceptibilité moins chatouilleuse que son prédécesseur, tint bon à son poste, et fut même assez habile, ou assez lâche, pour s’honorer de la familiarité avec laquelle le traitait le noble duc. Celui-ci l’attacha bientôt à sa maison, où il l’employa par la suite comme factotum.

Si ses fonctions d’aumônier ne le trouvait pas tout à fait à leur hauteur, en revanche ses soupes au fromage (quelques-uns disent à l’oignon) ne laissaient rien à désirer aux connaisseurs. Secrétaire discret, espion subtil, bouffon spirituel, conteur obscène, serviteur infatigable, Albéroni ne recula devant aucun rôle. Le duc, auquel il avait su se rende nécessaire par la vivacité de son esprit fécond en ressources, mais surtout agréable par l’effronterie affectée de son cynisme et de ses bouffonneries, l’employa successivement en Italie, en France, en Espagne, et le protégea jusqu’à sa mort.

A cette époque, Albéroni passa de la maison du duc dans celle de la princesse des Ursins, dont il s’était concilié les bonnes grâces par les services qu’il lui avait rendus, même, dit-on, au préjudice de son protecteur. Ce fut à elle qu’il dut la faveur d’être nommé par le duc de Parme aux fonctions de son résident à Madrid. En dépit de ce titre, Albéroni servit les intérêts de madame des Ursins plus encore que ceux de son maître, mais il travailla surtout à fonder sa fortune. Sous le patronage de la toute puissante camarera–major, il s’établit solidement à la cour d’Espagne, s’emparant de l’esprit de tous ceux qui pouvaient quelque chose, et s’attachant surtout à capter la bienveillance de Philippe V, qui n’était accessible que pour les créatures de l’ambitieuse émule de madame de Maintenon.

Tant que vécut la première femme du roi, Albéroni végéta dans une condition médiocre ; la mort de cette princesse décida de sa fortune. Vainement madame des Ursins s’épuisa-t-elle en mystérieux efforts pour conquérir le titre de reine. Lorsqu’elle vit qu’il lui fallait renoncer à ses ambitieux desseins, elle voulut au moins placer sur un front de son choix la couronne, dont elle ne pouvait parer le sien. Par le conseil d’Albéroni, dont l’œil perçant sonda l’avenir, la princesse arrêta son choix sur Elisabeth Farnèse, nièce du duc de Parme, que le fourbe Italien lui représenta comme douce, timide, complaisante, toute propre enfin à se laisser subjuguer. Ces qualités précieuses décidèrent madame des Ursins, qui consomma ainsi sa propre ruine. Albéroni ne s’était pas trompé dans ses calculs. Il voulait renverser sa protectrice en stimulant contre elle l’ombrageuse jalousie de la jeune épouse, et accaparer pour lui seul toute la reconnaissance dont la nouvelle reine paierait sans doute ceux qui auraient travaillé à son élévation. Le rôle de favori d’une favorite ne contentait plus son ambition, et il ne voulait plus que la faveur royale ne lui arrivât que de seconde main. Ce fut lui qui négocia le mariage, et il intrigua avec tant de mystère et d’habileté, que son succès fut aussi complet qu’inattendu. Madame des Ursins était perdue, avant même qu’elle se crût menacée, et son pouvoir n’existait déjà plus, qu’elle travaillait encore à le consolider, en distribuant à ses créatures les places à remplir dans la cour de la nouvelle reine.

L’inactive dépendance à laquelle l’avaient accoutumé d’abord sa première femme, et ensuite madame des Ursins, était devenue pour le roi une si douce et si chère habitude, qu’Elisabeth n’eut, en quelque sorte, qu’à consentir pour être toute puissante. Mais, neuve à la cour, sans créatures, sans agents subalternes pour exercer son autorité, et pleine de confiance, elle avait besoin d’un homme dévoué, par l’entremise duquel elle put gouverner. Par reconnaissance, par politique, elle choisit Albéroni, qui tint bientôt entre la Parmésane et Philippe la place que madame des Ursins avait remplie entre ce prince et la Savoyarde ; il eut de plus que la favorite, le titre de ses hautes fonctions, que son sexe lui permit de prendre.

Trois cabales se disputaient alors le pouvoir que Philippe semblait offrir au premier occupant. La faction française, influente par les emplois privés qu’elle remplissait dans la maison du roi ; le parti espagnol, que ses richesses et ses dignités rendaient redoutable ; enfin, la cabale italienne, que la reine et Albéroni instituèrent, en appelant à la cour une foule de compatriotes, qu’ils placèrent dans tous les postes.

La faction française fut frappée à mort dans la personne de son chef, le père Robinet, confesseur du roi, plein de vertus et de désintéressement, quoique Jésuite. On le força de céder son emploi à l’intrigant Daubenton, rappelé en faveur. Le parti espagnol, quoiqu’il représentât la nation, vit sa haine languir impuissante, parce qu’elle ne put jamais arriver jusqu’au roi, condamné à une profonde solitude par l’inquiète vigilance du la reine et du favori. Ainsi rassuré contre les attaques extérieures, et concentrant désormais sur lui seul tous les rayons de la faveur royale, Albéroni, devenu peu à peu le tyran de ses maîtres, régna bientôt de fait et sans contrôle sur toute l’Espagne.

Pendant qu’il poussait sa fortune politique, il briguait avec une égale avidité les dignités de l’Église. Par d’obscures et minutieuses menées, il se fit nommer d’abord à l’évêché de Malaga, puis aux revenus de l’archevêché de Séville, car le pape, menacé par l’Empereur, n’osa pas délivrer les bulles ; enfin, de longues intrigues lui valurent le chapeau de cardinal, en dépit des scrupules de Clément XI, et des résistances du sacré collège.

Le règne d’Albéroni fut court ; six années virent son élévation, sa grandeur et sa chute ; mais il mit le temps à profit. En 1714, il n’était encore que l’obscur envoyé du duc de Parme ; en 1716, ministre d’Espagne. Il s’attaquait, plein de force et d’audace, aux premières puissances de l’Europe. Ecarter ceux qui gênaient sa fortune, prendre sur l’esprit du roi, par le crédit de la reine, l’ascendant nécessaire à l’exécution de ses vastes projets, réveiller sous l’influence d’une volonté active et ferme l’Espagne engourdie, organiser une année, créer une marine, rétablir les finances, et tirer d’immenses ressources d’une contrée épuisée, voilà ce qu’Albéroni sut faire en deux ans ; mais ces grandes choses n’entraient dans ses combinaisons que comme moyen d’en exécuter de plus grandes encore, et n’étaient pour lui que des préparatifs.

Presque tous les ministres puissants ont eu, pour ainsi dire, une idée fixe à l’accomplissement de laquelle ils ont consacré leur existence politique. Par les traités d’Utrecht et de Radstadt, l’Italie, la Sicile et la Sardaigne, enlevées à l’Espagne, avaient été livrées à l’Empereur, au duc de Savoie, et à l’électeur de Bavière. Albéroni voulut tendre à Philippe ce beau fleuron de sa couronne, cette Italie, jadis la maîtresse du monde, et devenue depuis la pomme de discorde de l’Europe, et le champ de bataille où se vident les querelles soulevées pour elle. D’abord il intéressa la reine à ses projets, en lui promettant dans l’Italie démembrée des Etats pour ses fils, exclus du trône d’Espagne par des enfants du premier lit. Lorsqu’il fut sûr d’elle, il commença à agir.

Sous prétexte de protéger l’Italie contre les Turcs, il équipa, en 1716, une flotte puissante, avec le produit des impôts levés sur le clergé en vertu d’un indult, que le pape accorda, parce qu’il fut trompé sur le but de l’armement : pendant ce temps, le ministre espagnol remuait sourdement l’Italie et excitait les Turcs contre l’Empereur, bien qu’il les combattît à Corfou. Cependant l’Angleterre, la Hollande et la France, que l’attitude de l’Espagne commençait à inquiéter, conclurent une triple alliance, pour le maintien du traité d’Utrecht. Albéroni, sans s’effrayer, rendit sa flotte plus formidable encore, et cette fois, agissant ouvertement, il s’empara de la Sardaigne et envahit la Sicile. Alors l’Empereur, qui, pour tourner toutes ses forces contre l’Espagne, avait fait la paix avec les Turcs, après leur défaite à Péterwaradin et à Belgrade, signa, le 2 août 1718, une quadruple alliance, formée entre lui, l’Angleterre, la France et la Hollande. Albéroni ne recula pas devant la guerre à soutenir coutre les premières puissances de l’Europe.

Une victoire complète, remportée par les Anglais sur la flotte espagnole, qu’ils attaquèrent, selon leur coutume, avant que la guerre fût déclarée, n’abattit point son courage. A la coalition formée contre l’Espagne, il tenta d’en opposer une autre, dans laquelle entraient la Russie, la Suède et la Porte. Le ministre de Charles XII, le baron de Gortz, homme d’une activité effrayante, et le comte de Gyllembourg, ambassadeur de Suède en Angleterre, travaillaient, de concert avec lui, à cette immense conspiration, tramée à la fois dans toute l’Europe. Déjà Charles et Pierre, oubliant leur ardente rivalité, adoptaient tous deux les plans d’Albéroni. Pierre était entraîné par le désir de se venger de George Ier, qui gênait ses projets de commerce et de marine, et surtout par l’engagement que prenait Charles de lui laisser quelques provinces déjà conquises. Charles cédait à l’attrait d’une entreprise romanesque, et aux promesses de gloire qu’offrait le rétablissement du Prétendant sur le trône d’Angleterre, et de Stanislas en Pologne.

Voici les plans des alliés : Charles et dix mille Suédois conduisaient Jacques en Irlande ; le duc de Holstein pénétrait en Allemagne avec trente mille hommes, tandis que quatre-vingt mille Russes occuperaient la Pologne ; les Turcs devaient envahir la Hongrie et envoyer une flotte dans la Méditerranée ; enfin Albéroni, d’accord avec les mécontents, qui se ralliaient au duc, ou plutôt à la duchesse du Maine, promettait d’enlever le Régent, et de révolutionner la France.

Le hasard fit échouer successivement tous ces projets. Charles fut tué au siège de Frédérick-shall. Une tempête ruina sur les côtes de l’Irlande la flotte espagnole, commandée par le duc d’Ormond. L’abbé Dubois découvrit, dans ses liaisons avec une courtisane, la conspiration que l’ambassadeur Cellamare conduisait à Paris. Alors la Suède et la Russie se retirèrent de l’alliance, et le Régent, pour venger son injure personnelle, déclara la guerre à l’Espagne. Ainsi Albéroni voyait ses plans renversés, ses espérances déçues ; et néanmoins il eut la force d’âme, quelques historiens disent la folie, de persévérer.

Cependant les Français envahirent l’Espagne. Albéroni, suivi de Philippe, marcha coutre eux, moins pour combattre que pour intriguer. Il espérait soulever l’armée contre le Régent, que la France haïssait ; mais ses tentatives furent déjouées. Alors Philippe, alarmé, découragé, demanda la paix. Les puissances alliées ayant maintes fois déclaré qu’elles ne faisaient la guerre qu’au ministre, exigeaient avant tout qu’il fût renvoyé, et l’on vit toutes ces têtes couronnées, liguées contre le fils d’un jardinier, descendre, pour le renverser, à des intrigues de ruelle et d’antichambre. La nourrice de la reine, femme grossière, mais pleine de finesse, et qui, depuis longtemps, disputait à Albéroni la faveur d’Elisabeth, stimulée dans sa haine par l’or du Régent, exécuta ce que l’Europe n’avait pu faire. Le cardinal fut sacrifié, et, le 8 décembre 1720, il reçut l’ordre de quitter Madrid dans les vingt-quatre heures. Albéroni, abandonné de Philippe et mis au ban de l’Europe, ne savait où porter ses pas : malgré ses richesses, il ne pouvait pas acheter un asile.

Sous prétexte qu’il emportait le testament de Charles II, tous ses papiers lui furent enlevés ; il traversa l’Espagne gardé à vue par une escorte, qu’on lui avait donnée, disait-on, pour le défendre. A la frontière, des brigands apostés l’attaquèrent, et il lui fallut combattre pour sa vie ; le chevalier de Marcieu l’attendait à l’entrée de la Fiance, et le conduisit jusqu’à Antibes, sans permettre que la curiosité, la compassion et le respect approchassent du ministre tombé. Craignant le pape, Philippe V, et les autres rois de l’Europe, Albéroni erra fugitif et sous un nom supposé, dans le territoire de Gênes et dans le Parmesan, où les honneurs dus à son rang lui furent cependant accordés. La mort de Clément XI (19 mars 1721) mit fin à son exil, et il se rendit au conclave.

Innocent XIII, élu pape, le fit juger par des commissaires du sacré collège. Ses relations avec la Porte étaient le prétexte de ce procès ridicule, dont on le menaçait depuis longtemps. On parvint à trouver des raisons suffisantes pour le condamner à faire un an de pénitence dans une maison de Jésuites ; mais à un consistoire tenu en 1723, il fut définitivement purgé de toute condamnation, et rétabli dans les droits que donne la pourpre. Le reste de la longue vie d’Albéroni fut obscur et tranquille. Cependant sa vieille renommée lui valut dans plusieurs conclaves grand nombre de voix, qui l’appelaient au trône pontifical. En 1738, il fut nommé légat dans la Romagne. Son active et bouillante imagination lui fit entreprendre, pendant cette mission, de réunir aux Etats du pape la petite république de Saint-Marin ; mais il était dans sa destinée de ne jamais réussir. Il employa une partie de ses richesses à fonder dans sa patrie un vaste séminaire ; par une sorte de fatalité attachée à tous ses projets, cet établissement, dont la prospérité avait d’abord été contrariée par les rivalités du clergé de Plaisance, fut complètement ruiné dans la campagne de 1746.

Malgré les vicissitudes et les agitations qui tourmentèrent sa vie orageuse, il la prolongea jusqu’à l’âge de quatre-vingt-sept ans, sans que ses facultés morales et physiques l’eussent abandonné ; et l’on admirait encore dans sa vieillesse cet esprit vif et mordant, dont la profondeur et l’audace avaient été quelquefois celles du génie.

 
 
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