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Le garou en Poitou et dans les Charentes

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Légendes, Superstitions
Légendes, superstitions, croyances populaires, rites singuliers, faits insolites et mystérieux, récits légendaires émaillant l’Histoire de France
Garou (Le)
en Poitou et dans les Charentes
(D’après « La Tradition en Poitou et Charentes. Art populaire, ethnographie,
folklore, hagiographie, histoire », paru en 1897)
Publié / Mis à jour le dimanche 20 juin 2021, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Personne condamnée par Satan à prendre la forme d’un animal et à parcourir sept communes dans la nuit de la transformation, le garou, dont il faut se garder de citer le nom et qui, sous cette forme effrayante, se joue des hommes et des périls où tout être succomberait, retrouve sa demeure à l’aube, à moins d’accident mortel

La plus légère atteinte d’une arme ou d’un projectile bénits ramène le garou à sa forme vraie. Une atteinte nouvelle met fin à son existence. On en cite qui ont péri misérablement dans leurs courses aventureuses, et gisent privés des bénédictions et des prières posthumes au pied des grands chênes poitevins, gardiens fidèles du mystère des choses qui se sont passées sous leurs noirs ombrages.

La tradition rapporte que des gens de Moncoutant (Deux-Sèvres) ayant l’habitude, aux jours lointains de leur jeunesse, de fréquenter des maisons amies, sortirent un soir de l’une d’elles, située à la Touche, divisés en deux groupes. Le premier devait s’en retourner par le chemin le plus direct. La dame du logis eut la curiosité de demander à l’autre groupe, composé de deux inséparables et gais compagnons, quelle direction ils voulaient prendre pour arriver au bourg, dont ils étaient à cinq cents pas. Ils répondirent : « Nous passerons par la Pierre-Plate. »

Loup-garou emportant un enfant. Gravure (colorisée) du XVe siècle

Homme armé poursuivant un loup-garou emportant un enfant dans sa gueule.
Loup-garou emportant un enfant. Gravure (colorisée) du XVe siècle

Ce nom, d’origine celtique, laisse entendre que jadis existait en ce lieu un monument mégalithique, un dolmen disparu depuis des temps immémoriaux. « Mes enfants, leur fit observer leur hôte, ne passez pas par la Pierre-Plate, où se produisent des apparitions bizarres, où s’accomplissent, toutes les nuits, des choses effrayantes. Vous vous en repentiriez. »

La jeunesse est folle et court au danger. C’est ce qui vous explique que les deux camarades eurent une irrésistible envie de passer au lieu redouté. Ils partirent. La terre était couverte de neige, le temps était clair. Minuit sonnait à l’horloge du bourg. En arrivant au pré dit du Cormier, où l’on prenait un sentier, en raison du chemin profond et impraticable qu’il surplombait de deux mètres, ils virent un spectacle qui les cloua sur place et revit toujours inoubliable en leur esprit : celui d’un fantôme traversant la prairie en geignant.

L’un dit : « Je crois que c’est la vache à Colas. — Mais, répondit l’autre, on ne met pas le bétail dehors par un temps pareil. » Le fantôme continua sa route, se dirigeant sur la haie du vieux chemin, comme pour leur couper le passage, en geignant si lamentablement maintenant, qu’ils en avaient la chair de poule. Plus de doute, c’était un garou. Il s’assit sur la haie sèche, qui craquait bruyamment. « Eh bien ! dit l’un des héros de l’histoire, tirons notre couteau et fonçons sur la bête. Il ne faut pas qu’on rie de nous demain. Fonçons ! »

Aux cris répétés de : « Tuons-la ! tuons-la ! », ils foncèrent bravement. Ils la touchaient presque, l’arme désireuse de s’enfoncer dans sa chair, lorsqu’elle disparut avec un fracas retentissant de bois brisé, s’abîmant dans la boue du chemin creux. « Tuons-la ! tuons-la ! » répétaient-ils, en descendant la pente, quand du bas-fond ils entendirent sortir cette supplication : « Ne me faites pas de mal, mes petits enfants. »

Le garou était tout simplement un vieil ivrogne qui rentrait chez lui, hoquetant. Il avait pris un endroit clair de la haie pour l’échalier du sentier, avait essayé de l’enjamber et, manquant de forces, y était resté à califourchon. À l’approche du danger, il avait tenté de s’esquiver ; sous ses efforts désespérés, la haie avait cédé. Il s’était enlisé dans cinquante centimètres de neige et de terre détrempée.

Homme armé poursuivant un loup-garou emportant un enfant dans sa gueule. Gravure extraite de William et le loup-garou, ouvrage paru à Londres en 1832

Homme armé poursuivant un loup-garou emportant un enfant dans sa gueule.
Gravure extraite de William et le loup-garou, ouvrage paru à Londres en 1832

Une autre histoire est celle d’un homme qui, sur le chemin de la Pierre-Plate, fut témoin d’un événement inexplicable dont il n’aimait pas qu’on l’entretînt. Il y passait un soir, accompagné de son chien, vaillant animal, que rien n’avait jamais effrayé. À quelques pas d’eux, tomba du terrier un corps assez gros, qui s’évanouit instantanément en touchant la terre. Le chien courut dessus en aboyant ; arrivé au point de chute, il se retira précipitamment derrière son maître, avec les symptômes d’une terreur profonde, insensible aux encouragements, aux excitations les plus énergiques. Le lendemain, le témoin de la scène, pour se rendre compte de cet étonnant phénomène, retourna sur les lieux mais ne vit rien qui le renseignât, et défendit à ses enfants de passer par la Pierre-Plate. Ils y passèrent, malgré l’interdiction, et ne virent rien.

On raconte encore qu’un jeune homme du pays, s’en allant voir sa mie, le jour fini, fut suivi par un chien minuscule qu’il essaya plusieurs fois de le chasser. Le chien s’écarta et revint. Impatienté, il le frappa si ardemment de son bâton qu’il lui cassa la patte. La pauvre bête lui dit : « Malheureux, tu m’as fait grand mal ! Ne raconte à personne ce qui vient d’arriver. » Le jeune homme fut consterné en entendant ces mots sortir de la bouche d’un animal, il le fut davantage encore en le voyant prendre la forme de sa fiancée, et dut la transporter chez elle, la jambe brisée. Puissance de l’amour ! elle lui pardonna sa brutalité, qui pourtant la rendit boiteuse pour toujours. Ils s’épousèrent.

Des jeunes gens, un soir, s’emparèrent d’un mouton qu’ils avaient vu plusieurs fois folâtrer dans leur cour et l’entraînèrent chez eux. « Tu vas parler, garou ! » Le mouton restait muet. Ils lui mirent le museau sur le feu. À l’instant même sa peau tomba et disparut, laissant voir une jeune femme d’une beauté parfaite en complet déshabillé. Vision radieuse aussitôt évanouie.

Au cas où vous ramèneriez un garou à sa forme naturelle, ne citez jamais le nom du sujet de la métamorphose. Vous seriez atteint d’un mauvais sort.

Entre Moncoutant et Courlay, au gué de la Guérinière jadis, existait parallèlement à la route, une étroite passerelle en pierres, pour les piétons. Un domestique y arrivait un soir, quand il aperçut devant lui, barrant le passage, un animal qu’il jugea devoir être un loup. Il fallait passer. Le ruisseau étant trop gros pour qu’il tentât de le franchir, il prit par la passerelle. Brave et fort comme il l’était, qu’avait-il à craindre d’un loup vulgaire, timide devant qui n’a peur ? Il avança prêt à la lutte, s’il le fallait, son couteau, qui avait été bénit le jour des Rameaux, grand ouvert au poing. L’animal recula. Mais, sitôt le passage franchi, il s’élança sur l’homme, si brusquement que ce dernier ne put faire usage de son arme.

Loup-garou. Gravure (colorisée) extraite de La Chronique de Nuremberg, par Hartmann Schedel (1493)

Loup-garou. Gravure (colorisée) extraite de
La Chronique de Nuremberg, par Hartmann Schedel (1493)

Un combat furieux s’engagea entre les deux adversaires, où chacun déployait ses forces décuplées par l’énergie qu’on a quand la vie est en jeu. Ils tombèrent dans la boue, en poussant, l’un des cris, l’autre des hurlements de rage, se mordant, se déchirant, sans répit ni miséricorde, un long quart d’heure durant. Enfin l’homme eut le dessus. Il serrait le loup si fortement à la gorge qu’il en râlait, presque étranglé. Alors le loup, qui était un loup-garou, parla : « Fais-moi grâce, tu n’auras pas à t’en repentir. » Le vainqueur desserra le collier de ses doigts d’acier et le laissa partir, puis ramassa son couteau et continua son chemin.

À la croisée de la Forge, la bête retomba sur lui, sans qu’il ait pu savoir d’où elle venait. Nouvelle lutte aussi acharnée que la précédente, et dans laquelle encore il triompha. Il marchait à grands pas, les yeux fixés sur les feux de Moncoutant, tout proche ; le loup-garou, pour la troisième fois, tenta de l’arrêter. Il était prêt, son couteau s’enfonça dans le corps du possédé, en sortit prêt à frapper encore. Ô prodige ! La bête s’était changée en homme, et il reconnut un de ses voisins. « Tu m’as vaincu, dit-il ; c’est la destinée, je te pardonne. Souviens-toi que si jamais tu racontes ce qui vient de se passer, tu périras d’ici peu. »

Le vainqueur du loup-garou rentra chez lui, les habits déchirés, couvert de boue, les mains et le visage en sang, puis se coucha. Son sommeil fut agité, et toute la nuit il délira. Le lendemain, il eut le tort de nommer celui qui l’avait attaqué. Dès lors, l’appétit lui manqua, il ne dormit plus ; son visage coloré se décolora de jour en jour un peu plus. Il mourut de consomption dans l’année, lui, si florissant de santé, si débordant de vie.

 
 
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