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Infanticide à Abbeville (1510) : enquête, instruction judiciaire, frais magistrats et officiers du roi. Assassinat d'enfants, condamnation au bûcher

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Anecdotes insolites
Petite Histoire de France et anecdotes, brèves et faits divers insolites, événements remarquables et curieux, événements anecdotiques
Infanticide à Abbeville en 1510
et singulières dépenses
liées à la scrupuleuse enquête
(D’après « Bulletin de la Société d’émulation d’Abbeville », paru en 1897)
Publié / Mis à jour le mercredi 27 juillet 2011, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
La mise au jour d’un infanticide à Abbeville en 1510, donne lieu à l’ouverture d’une enquête scrupuleuse, dont le compte-rendu livre le singulier détail des dépenses qu’elle occasionna, chaque étape-clé de l’instruction judiciaire étant notamment ponctuée de repas pris par les magistrats dans une taverne et impliquant quelques frais de bouche, cependant que la condamnation au bûcher de l’accusée bientôt reconnue coupable, entraîna de menus frais de fagots secs...

Le Livre rouge, le compte des argentiers de ta ville d’Abbeville pour 1510-1511 et le registre aux délibérations de l’échevinage contiennent d’abondants détails sur un crime commis dans cette ville au mois de novembre 1510. Le procureur de la ville, Antoine Cornu, avait découvert un matin deux enfants nouveau-nés dans la Sotine, petit cours d’eau passant près de l’église Saint-Jacques ; ils étaient arrêtés par un pieu situé en face de la maison du sieur Adrien de Courteville. Le procureur donna l’ordre d’enlever ces deux cadavres et de les porter à l’hôtel-Dieu pour qu’ils y fussent inhumés.

Infanticide au Moyen Age

Infanticide au Moyen Age

Émus par la gravité de ce crime, le sénéchal du Ponthieu, le maïeur et les échevins se réunirent aussitôt et décidèrent de rechercher les coupables ; ils ouvrirent en commun une enquête, qui fut conduite avec toute l’activité et toute la discrétion possibles. A la suite de cette réunion, les membres qui y assistaient entrèrent criez un tavernier pour boire et manger au compte de la ville ; ils y dépensèrent 48 sous.

La première enquête fut menée par Me Nicole Maupin, lieutenant général du sénéchal, par Nicolas de Nouvillers, maieur, par le procureur du roi et par plusieurs conseillers de la sénéchaussée, qui s’étaient fait assister par un « grand nombre de sergens. » En se livrant à cette information, les magistrats entrèrent chez le sieur Adrien de Courteville ; ils remarquèrent dans le coin de la cheminée une jeune femme qui paraissait souffrante. C’était une nommée Jeanne Tieullier, dite Lefebvre, servante du sieur de Courteville ; son « estat doutable » leur fit naître des soupçons ; ils l’interrogèrent ; elle s’embarrassa dans ses réponses, qui varièrent plusieurs fois.

A la suite de ce premier interrogatoire, elle fut arrêtée et conduite à la prison de la cour-Ponthieu comme justiciable de la justice du roi. Le même jour, il fut procédé à l’arrestation de son maître. La conscience satisfaite sans doute du résultat obtenu, les bons magistrats entrèrent chez un autre tavernier pour s’y faire servir à boire et à manger ; leur écot fut de 46 sous 2 deniers. Les officiers du roi interrogèrent seuls et à plusieurs reprises Jeanne Tieullier dans sa prison ; de plus, ils la confrontèrent avec son maître ; mais ce dernier fut bientôt réclamé par l’évêque d’Amiens ; on fit droit à cette réclamation et, dès lors, il n’est plus question d’Adrien de Courteville dans ce procès.

Le maïeur, les échevins et les conseillers de la ville se réunirent à quelques jours de là, le 27 novembre ; ils décidèrent de charger le siéger et le procureur de la ville de solliciter du sénéchal la remise de l’inculpée à la justice de l’échevinage, comme sujette de la ville, à la condition que le maïeur et les échevins continueraient les poursuites. Le sénéchal prit cette requête en considération et renvoya Jeanne Tieullier devant les juges municipaux, sous l’obligation que la ville rembourserait aux officiers royaux le montant des frais qu’ils avaient faits pour instruire cette affaire, ce qui fut accordé ; en conséquence, les argentiers remirent aux officiers du roi une somme de 11 livres 16 sous 2 deniers. A l’issue de leur réunion, les magistrats municipaux se rendirent chez un troisième tavernier, où ils firent une dépense de 26 sous.

De leur côté, les officiers du roi, qui venaient d’être déchargés de l’instruction de cette affaire, se réunirent à l’hôtel et taverne de l’Ecu d’Or pour y festoyer aux frais de l’échevinage ; les argentiers réglèrent en effet leur écot, qui fut de 4 livres 2 sous. Me Nicole Maupin, lieutenant général du sénéchal, qui avait interrogé plusieurs fois l’inculpée, reçut 7 livres 10 sous des argentiers. Gilles Lamiré, greffier de la sénéchaussée, toucha 6 livres pour avoir fait le double du procès commencé par le sénéchal. Jean de Bourgogne, geôlier et gardien de la prison de la cour-Ponthieu, reçut 4 livres 10 sous de l’échevinage pour la nourriture et l’entretien de l’accusée pendant son emprisonnement ; l’ordre avait été donné au geôlier d’avoir les plus grands soins de cette femme, qui « estoit fort fleibe et debille », d’autant qu’elle s’était « peu paravant delivrée delle seulle sans aucune ayde des deux enffans » pour lesquels on l’avait arrêtée.

Quelques jours après, Nicolas le Roy, sergent à masse et geôlier des prisons du grand échevinage où elle avait été transférée, recevait des argentiers une somme de 6 livres pour avoir nourri plusieurs prisonniers, entre autres Jeanne Tieullier ; l’état de santé de cette dernière exigeant des soins tout particuliers, il lui avait été accordé du vin et de la viande. Pendant son emprisonnement à l’échevinage, cette femme fut interrogée plusieurs fois par les maieur, échevins et conseillers de la ville et, fidèles à leurs habitudes, ces bons magistrats se rendirent, à la suite du dernier interrogatoire, chez un tavernier, où ils dépensèrent 48 sous 6 deniers. Il faut ajouter à leur décharge que leurs vacations furent nombreuses et que l’accusée variait souvent dans ses déclarations. Enfin, elle avoua qu’elle était accouchée seule, le samedi précédant son arrestation, vers onze heures du soir, et que, après qu’il eut déposé les deux enfants dans un chaudron, son maître alla les jeter dans la rivière.

Bien qu’elle fût expéditive, la justice municipale n’en était pas moins rendue d’une façon équitable, consciencieuse. Les magistrats procédaient toujours à une enquête minutieuse. C’est ainsi que Pierre Yver, greffier de l’argenterie, reçut 56 sous pour avoir été prendre des informations sur la conduite, la réputation, la vie et les moeurs de Jeanne Tieullier à Beaurains, où elle était née, et à Maresquel, où elle avait longtemps résidé avant de venir habiter Abbeville. Yver avait été absent pendant deux jours, « lui deuxiesme et à deux chevaulx. » Pour l’enquête qu’il fit, il chargea deux sergents de Beaurains de convoquer différentes personnes ; six témoins furent entendus, qui reçurent chacun 2 sous ; les sergents touchèrent le double. Les argentiers remirent 60 sous au siéger pour avoir rédigé le procès de Jeanne Tieulier après l’insfaite par les magistrats municipaux.

Avant de rendre leur jugement, les maïeur et échevins convoquèrent au grand échevinage les officiers de la ville et les notables, pour avoir leur avis sur la peine encourue par l’inculpée. L’assemblée décida que Jeanne Tieullier devait être brûlée et son corps réduit en cendres a l’endroit ou avaient lieu les exécutions criminelles ; de plus, on prononça la confiscation de ses biens. Cette sentence fut aussitôt rendue et l’on en donna lecture à la coupable, qui « acquiesça vouluntairement » ; on la plaça sur un chariot et on la conduisit à la Justice.

Femme condamnée au bûcher (pour sorcellerie) au XVe siècle

Femme condamnée au bûcher (pour sorcellerie) au XVe siècle

A la suite de cette réunion, Nicolas de Nouvillers, maïeur, sire Arthur de Franqueville, Antoine des Groseillers, Jean Gaude, Jean Papin et Nicolas Bouly, échevins, les officiers de la ville et plusieurs notables conseillers et praticiens, qui avaient donné leur avis aux magistrats municipaux, entrèrent chez un tavernier et y firent une dépense de 78 sous. Le maître du chariot qui servit à conduire Jeanne Tieullier reçut 6 sous, et celui qui fournit la pièce de bois sur laquelle fut attachée la condamnée toucha 4 sous.

Le bûcher fut formé de cent gros fagots secs, de cent petits fagots également secs, de cent bûches sèches et de paille ; le tout coûta 48 sous. Un prêtre, nommé Antoine de la Gauchie, fut chargé d’assister cette malheureuse à ses derniers moments ; il lui fut accordé 5 sous. Le maître des hautes oeuvres, Nicolas Bertrand, toucha 60 sous pour avoir mis à exécution la sentence prononcée par l’échevinage. Dix hommes sonnèrent les cloches de l’échevinage durant l’exécution ; ils reçurent chacun 2 sous. Le maïeur, les échevins, les officiers municipaux, les sergents à masse et les sergents de la vingtaine assistèrent à l’exécution, suivant l’usage, et, suivant l’usage aussi, « ainsi que de tout tempz ancien a esté acoustumé faire », – comme ont bien soin de le faire observer les argentiers. Au retour ils entrèrent chez un tavernier ; la dépense qu’ils y firent monta à une assez forte somme, puisqu’elle s’éleva à 10 livres 5 sous.

Cette exécution eut lieu au mois de décembre 1510, mais le quantième est demeuré en blanc dans le livre rouge ; le compte des argentiers ne donne point de date ; toutefois, on peut conjecturer qu’elle est du 26 décembre si l’on s’en rapporte à la date du « mandement » qui permit aux argentiers de payer la somme totale des frais qu’entraîna ce procès, et qui s’éleva à 70 livres 11 sous 10 deniers.

Un crime semblable avait été commis à Abbeville le jeudi 23&nbbsp;février 1383, et la même peine avait été appliquée à la coupable. Un enfant nouveau-né fut en effet alors découvert à l’abreuvoir du Pont-aux-Poissons ; on le retira aussitôt de l’eau et on le porta à l’église Saint-Georges pour lui administrer le baptême ; il mourut quelques instants après. Les magistrats municipaux ouvrirent immédiatement une enquête, qui se continua pendant trois jours. On examina « plusieurs joules femmes d’onneur et bien nées de le ville et autres auxquellez, pour le dit examen faire, on fist saquier leur mameles pour savoir et ateindre le vérité du cas. »

Le samedi suivant, vers le soir, les échevins découvrirent la coupable : c’était une nommée Ysabelot de Lourmel, de Vismes-au-Val, et femme d’Ancel de Lourmel, « laboureur de bras. » Le jour du crime, cette femme habitait chez Hues Maullet ; elle quitta ensuite cette maison pour aller demeurer chez un serrurier nommé Bertaut Coquet. Interrogée par les magistrats municipaux, elle avoua être accouchée et avoir porté son enfant au « puchoir. » Le même jour, elle était « condempnée à estre arse. », nous révèle le Livre rouge.

 
 
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