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26 mars 1832 : début d'une épidémie de choléra à Paris

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26 mars 1832 : début d’une épidémie
de choléra à Paris, à l’origine de
18000 morts pour la seule capitale
(D’après « Du choléra épidémique. Leçons professées à la Faculté
de Médecine de Paris » paru en 1849 et « Le corps médical
et le choléra en 1832 » paru en 1933)
Publié / Mis à jour le mardi 26 mars 2024, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 

Depuis longtemps, on l’attendait. Après avoir, de 1817 à 1820, ravagé les Indes, d’où il essaima jusqu’en Extrême-Orient, le choléra envahissait, en 1821-22, la Mésopotamie, la Perse, la Syrie, et les bords de la mer Caspienne. Quatre ans plus tard, il se réveillait dans le Hedjaz, et, par les pèlerins de la Mecque, se répandait en Turquie d’Asie (juillet 1830), en Egypte et en Tunisie (1831).

Le 20 septembre 1830, Moscou était contaminé, et l’été 1831, le choléra gagnait la Finlande, la région de Saint-Pétersbourg, la Livonie, la Courlande, la Lituanie. Par les ports baltes (Riga, Dantzig), la contagion envahit le Brandebourg, la Poméranie, Hambourg. La navigation l’apporta en Angleterre : le choléra se manifesta à Sunderland, près de Newcastle, en novembre 1831 ; à Edimbourg à la fin de janvier 1832 ; à Londres le 10 février ; et, signalé le 15 mars à Calais, il gagnait, d’un seul bond, Paris.

Au sein de la capitale, quelques cas précurseurs, sporadiques, les uns douteux, les autres étiquetés cholérine, s’étaient déjà manifestés. A la caserne de pompiers du Vieux-Colombier, on avait vu dix-sept sapeurs atteints le 3 août 1831 ; vingt-deux le 4 septembre, quarante-trois le 4 octobre. Mais leur chirurgien-major, Treille, grand broussaisien, était arrivé, par l’administration de glace et de lavements opiacés, à éteindre l’incendie de leurs entrailles. En 1832, dès le 6 janvier, un étudiant en médecine succombait en trente-six heures, rue Hautefeuille. Le 6 février, un concierge de la rue des Lombards mourait dans les mêmes conditions, que le docteur Lebreton signala le 22 février à l’Académie de médecine.

Le choléra à Paris. Avril 1832

Le choléra à Paris. Avril 1832

L’épidémie véritable éclatait le 26 mars 1832, près de sept semaines après son invasion à Londres. Quatre personnes furent frappées tout à coup presque simultanément et moururent en peu d’heures, dans la rue Mazarine, dans les quartiers de la Cité, de l’Hôtel-de-Ville et de l’Arsenal. Dès le 31 mars, cinquième jour de l’invasion, il y avait déjà à Paris 300 malades, et sur les 48 quartiers de la ville, 35 étaient envahis. Le troisième arrondissement était seul épargné. Du 31 mars au 1er avril, l’épidémie se répandit dans toute la capitale.

Et comme si cette peste inexorable n’avait pas encore assez de la proie humaine, un élève chirurgien au Val-de-Grâce déclara en avril qu’elle s’attaque aux vaches et aux dindons ; certains journaux de province parlent même du choléra des poules et des chats ! Devant un mal qui, en quelques instants, faisait d’un vivant un spectre livide et glacé, « cadavérisé » disait un des pionniers de la physiologie expérimentale moderne, le médecin François Magendie (1783-1855), la panique se déchaîna.

Le 31 mars, dans les Tuileries en émoi, on ne parlait qu’épidémie. La terreur, écrit un témoin, était plus horrible que celle de 1793, car la mort vous abattait dans l’ombre : « C’était, dit Heine, un bourreau masqué qui marchait dans Paris, escorté d’une invisible guillotine. » Aux mains de la statue de Henri IV, sur le Pont-Neuf, on mit un drapeau noir. Ceux qui purent s’enfuir s’allèrent terrer en province. Mais le choléra montait en croupe et galopait avec les voyageurs.

À ceux qui restent, la capitale n’offre plus que des rues désertes. Plus d’échoppes. Fermés, les boutiques des quais, les éventaires des bouquinistes des parapets. On cesse, pendant quelques jours, de payer péage au pont des Arts. Il n’y a de mouvement que sur le Pont-Neuf, où des brancards chargés de morts ou de mourants se dirigent vers l’Hôtel-Dieu. Ailleurs, de rares passants, souvent de deuil vêtus, se hâtent, d’un pas inquiet, le mouchoir sur la bouche.

Chacun se gare de son voisin. On ne voit guère de rassemblements qu’à la porte des pharmaciens, où l’on fait queue. Le camphre monte de 5 à 24 francs. Le bruit se répand que les riches ont accaparé tous les médicaments ; et parfois la foule proteste, devant les officines, contre le renchérissement des produits.

Médecins et pompes funèbres sont débordés. Des corbillards, à la file, remplacent, au coin des rues, les stations de fiacres de jadis. Chateaubriand les voit passer, rue de Sèvres, quêtant de porte en porte. On leur crie, par les fenêtres : « Corbillard, ici ! » et l’on descend, cahin-caha, des étages, les lugubres fardeaux qui s’entassent, retenus par des cordes.

Les corbillards manquent ; d’urgence, on en commande cinquante. Les ouvriers, auxquels on a fait valoir les dangers du surmenage, se refusent au travail de nuit : « Nous préférons, disent-ils, la vie à votre haute paye. » Alors, on s’adresse au ministre de la Guerre, lequel prête des fourgons du dépôt d’artillerie. Ils font le service dans la rue du Cherche-Midi.

Mais ces lourds véhicules, mal suspendus, mal graissés, secouant les cercueils jusqu’à les déclouer, font un tel tapage nocturne que les bourgeois s’apeurent au passage des chars de la mort. Au bout de vingt-quatre heures, on y renonce. On s’avise de réquisitionner des tapissières de déménagement, où les cadavres seront moins bousculés. Bien qu’on les ait drapées de noir, de voir les morts transformés en colis, l’opinion, derechef, se scandalise. Alors, on prend des cabriolets, des fiacres ; et, des cercueils posés en travers, les extrémités débordent des portières. Il arrive que, des bières entassées dans ces chars hétéroclites, quelqu’une roule par terre, jetant son mort sur le pavé. Enfin, les carrossiers étant arrivés, sans se fatiguer, à livrer les cinquante corbillards promis, le transport des cadavres deviendra plus facile et plus décent.

Caricature anti-cholérique. Homme expliquant à deux femmes sa façon d'éviter le choléra

Caricature anti-cholérique. Homme expliquant à deux femmes sa façon d’éviter le choléra :
« Moi je traite le choléra par le champagne, c’est le système Mayeux, nom de D... ! »

Jules Janin rencontra, rue Neuve-des-Poirées, un de ces véhicules rempli de bières jusqu’au comble : « Il me sembla, dit-il, qu’il m’écrasait. Une sueur froide inondait mon visage, mes dents claquaient. Quoi donc, me disais-je, toute une maison morte ? Quelle peste est-ce donc là qui entasse tant de cadavres ? » Il ne put se tenir d’en parler le lendemain au concierge du lycée Louis-le-Grand. « Rassurez-vous, lui dit Rombaux, la chose est plus simple que vous le pensez : dans cette maison déserte est renfermé le dépôt des bières de notre arrondissement. Tous les trois jours, choléra ou non, et la nuit, et à cette heure, pour n’effrayer personne, l’administration des Pompes funèbres envoie à la provision. »

Encore le cercueil est-il un luxe, et n’en a pas qui veut. Les menuisiers sont éreintés. Les cercueils manquant, on les fait resservir. Faute de mieux, on empile, à nu, les cadavres dans des sacs.

L’épidémie atteignit son maximum au 9 avril, jour où il y eut 814 décès. Le 14 du même mois, dix-huit jours après le début, le fléau était arrivé à un tel degré qu’on comptait 12 à 13 000 malades et 7 000 morts. L’épidémie resta stationnaire durant six jours environ. À dater de ce moment le mal commença à décroître ; les décès tombèrent de 756 à 651 ; le 30 avril, ils étaient à 114 ; et du 17 mai au 17 juin on n’en comptait plus que 15 à 20 par jour. Cependant vers la fin de ce dernier mois, le troisième de l’épidémie, et au commencement de juillet, une recrudescence très grave se manifeste. Le 9 juillet, 710 personnes succombent ; le 18, la mortalité est remontée à 225. Cette recrudescence dura peu ; et dès le 28 juillet il n’y avait plus que 25 à 30 morts chaque jour.

La maladie se tint dans ces limites pendant toute la durée d’août et le commencement de septembre, époque à laquelle elle diminua sensiblement. Le 1er octobre on put la considérer comme éteinte. Cette seconde phase de l’épidémie présenta à la fois une durée plus longue et une intensité moins grande que la première. Toutes deux sévirent d’ailleurs également dans les mêmes parties de la ville.

La durée totale du choléra épidémique à Paris avait été de plus de six mois, du 26 mars au 30 septembre, « d’un équinoxe à l’autre. » Dès le 28 mars, l’épidémie s’était étendue de Paris à la banlieue, et le 31 il y avait déjà des malades et des morts dans neuf communes rurales (Charonne, Saint-Denis, la Chapelle, Puteaux, Arcueil, Vanves, Vaugirard, Grenelle et Passy). Dans tout le cours du fléau, sur les quatre-vingts communes du département de la Seine, trois seulement furent complètement épargnées par le fléau : Drancy, dans l’arrondissement de Saint-Denis, Chatenay et le Plessis-Piquet dans celui de Sceaux.

En 1832, la population de Paris était de 785 862 habitants, et celle du département de 945 698 ; sur ce nombre, le choléra coûta à la capitale de la France, en tout 18 402 victimes, dont 12 733 pour le seul mois d’avril ; ce qui donne un rapport de 23,42 décès sur 1000 habitants. La mortalité fut sensiblement égale entre les deux sexes. Au niveau national, cette épidémie causa le décès de plus de 100 000 personnes.

 
 
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