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Le diable écumant la cathédrale Notre-Dame de Paris à l'affût de proies

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Légendes, Superstitions
Légendes, superstitions, croyances populaires, rites singuliers, faits insolites et mystérieux, récits légendaires émaillant l’Histoire de France
Diable (Le) écumant la cathédrale
Notre-Dame de Paris
à l’affût de proies
(D’après « Légendes de Notre-Dame de Paris » (par Pauline de Grandpré), paru en 1893)
Publié / Mis à jour le lundi 25 novembre 2019, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Au nombre des légendes ayant trait à Notre-Dame de Paris figure l’histoire de Bertilde, belle jeune fille, bonne, charitable, bienséante, mais coquette plus que de raison : habituée à se rendre à la cathédrale dans le but de se faire admirer, elle ne dut d’échapper au Malin qu’à la Vierge Marie

On avait tant dit à Bertilde qu’elle était belle, qu’elle le savait trop et ne rêvait plus qu’une chose au monde : se faire voir et se faire admirer. Elle mettait ses plus beaux atours pour venir à Notre-Dame et, plus parée que ne l’était la Sainte Vierge elle-même, elle quêtait les regards adulateurs de la foule. Beaucoup de jeunes hommes oubliaient de prier Dieu pour contempler l’Ève fascinatrice. Si bien que le Seigneur irrité voulut la punir, et il l’abandonna à la malice du démon.

Satan lui apparut un jour, près du porche de l’église, sous la forme d’un beau jouvenceau ; sa tête était couverte d’un chaperon qui cachait ses cornes, et un élégant manteau dissimulait ses sombres ailes ; ses yeux effrontés luisaient d’un feu étrange ; sous son sourire séduisant disparaissait le rictus du maudit.

La stryge de Notre-Dame de Paris

La stryge de Notre-Dame de Paris

Il accosta Bertilde, qui trembla d’abord en présence de l’inconnu. Mais celui-ci loua sa beauté avec emphase, il parla de sa grâce, de ses charmes, avec tant de chaleur et de conviction, que le trouble de la jeune fille cessa. Satan lui dit :

— Pourquoi vas-tu t’agenouiller stupidement devant les statues de Notre-Dame ? C’est devant toi qu’on devrait se mettre à genoux ; tu es si belle que jamais personne ne pourra t’admirer autant que tu le mérites.

— Cependant, répondit Bertilde, Jehan l’écolier, le plus beau clerc de toute la basoche, ne me regarde pas quand il me rencontre sur la place du Parvis. Il y passe tous les jours, quand il revient de l’Université.

— C’est qu’il ne t’a jamais vue encore, insinua Satan. Si tu veux suivre mon conseil, non seulement il te regardera, mais il t’aimera, et jamais plus il n’aimera une autre femme que toi.

— Alors que désires-tu que je fasse pour que cela soit ? demanda la gente fillette.

— Plus jamais ne va à Notre-Dame te mettre à genoux devant la Vierge.

— Ah ! non, je ne veux pas, Madame la Mère de Dieu me punirait si j’abandonnais son autel.

— Elle n’a pas puissance de punition, reprit l’ange révolté ; elle n’est pas Dieu.

— Non, non, impie et sacrilège inconnu, plus ne veux t’écouter ; j’ai peur des flammes éternelles.

Bertilde mit la main sur ses yeux pour ne point voir Satan, qui l’obsédait de ses suggestions mauvaises. À ce moment Jehan l’écolier passa : il se rendait dans le cloître auprès des professeurs qui enseignaient dans les maisons des chanoines. « Voilà Jehan qui s’en va entendre leçon, dit sournoisement Satan. » La jeune fille releva vivement la tête, et le bel écolier s’arrêta, surpris de voir Bertilde en compagnie d’un malin sorcier. Accortement il la salua et s’en fut. « Tu n’iras plus à Notre-Dame, reprit le diable. Jure-le, et Jehan qui t’a vue ne regardera plus que toi. »

Le gentil écolier était un beau damoiseau, et Bertilde baissa la tête en manière de dire : Oui. Elle était tombée dans le piège que le maudit lui avait tendu. Satan ricanant quitta le Parvis, mais non la jeune fille : il ne la laissa plus ni jour ni nuit ; il n’est tourment qu’il ne lui infligeât.

La paix avait pour toujours disparu de son cœur : la nuit elle tremblait de tomber aux flammes éternelles ; le jour elle avait des idées d’aller prier pour dissiper ses terreurs du sommeil ; mais une force inconnue l’empêchait de passer le seuil bénit où la Mère de Dieu secourt ceux qui l’implorent. Elle se douta bien que l’inconnu qui l’avait accostée était un envoyé de l’enfer, et regretta amèrement la parole qu’elle lui avait donnée.

La stryge de Notre-Dame de Paris. Dessin de Charles Meryon (1853)

La stryge de Notre-Dame de Paris. Dessin de Charles Meryon (1853)

Comment faire pour la reprendre ? Elle commença à crier pénitence, et maudit sa beauté, qui l’avait perdue. Elle quitta ses atours, évita de rencontrer Jehan. Elle souffrait tant de peur de mourir en péché mortel et d’être damnée, qu’elle ne cherchait plus les regards admiratifs de la foule.

Ne pouvant entrer à Notre-Dame, elle se souvint qu’il y avait des statues de la Mère de Dieu sur le sommet de l’église ; elle prit l’escalier qui conduit aux tours, et quand elle eut gravi les trois cent quatre-vingt-dix-sept marches de pierre, elle s’arrêta pensive, regardant les passants qui allaient et venaient sur la place du Parvis. Tout à coup elle éprouva un tressaillement d’épouvante : l’inconnu qui l’avait arrêtée près du porche continuait ses tentations auprès d’autres fidèles, pour les empêcher d’aller prier. Seulement alors ses cornes étaient visibles et ses ailes d’ange révolté aussi.

Bertilde tomba à genoux, frémissante, en s’écriant : « C’était Satan ! Je suis damnée, j’ai donné mon âme au démon. » Elle frappa sa poitrine avec désespoir ; elle invoqua avec larmes la Mère de Dieu. Elle aperçut de loin la statue de la Vierge qui est sur le sommet de la porte du Cloître, et joignant les mains, suppliantes, elle dit : « Sainte Vierge, tu es plus puissante que Belzébuth ; quand même ce serait le prince des ténèbres, sauve-moi, tu le peux. »

La foi de Bertilde avait ouvert le trésor des miséricordes célestes. Lucifer, qui était près du porche, sentit sa puissance en péril, il comprit qu’une âme lui échappait. Il ouvrit ses ailes sombres et vint s’abattre au pied de la tour du Nord, où la jeune fille était à genoux. Au lieu de ses mielleuses paroles d’autrefois, il eut des accents de colère. « Tu m’appartiens, dit-il à Bertilde éperdue, rien ne te sauvera de la damnation. »

Bertilde fit le signe de la croix et ne répondit que par la prière. « Mère de Dieu, sauve-moi ! Je cacherai ma beauté sous un voile de nonne : je veux être l’épouse de Jésus-Christ, et consacrer nia vie à soigner les pauvres malades de l’hôpital. »

Elle avait vaincu, son vœu était exaucé par la Vierge Marie. Une flamme ardente enveloppa Lucifer, qui disparut. La jeune fille sentant que le lien mystérieux qui l’enchaînait était rompu, se releva pleine de joie : elle redescendit rapidement les marches de pierre, pénétra sans obstacle dans Notre-Dame pour remercier la Vierge de l’avoir sauvée.

Peu de temps après avoir renoncé à toutes les vanités de la terre, après avoir dit adieu aux amours de ce monde éphémère, pour accomplir son vœu, elle se consacrait à Dieu dans l’église de Saint-Julien le Pauvre, ainsi qu’au service des malades de l’Hôtel-Dieu, qui s’élevait sur la place du Parvis Notre-Dame. Elle avait retrouvé la paix, son bonheur fut grand. Elle connaissait maintenant et elle aimait Jésus, le fils de Marie. Jamais plus elle ne pensa à Jehan l’écolier.

Médaillon de la Porte Rouge de Notre-Dame de Paris

Médaillon de la Porte Rouge de Notre-Dame de Paris

En montant l’escalier qui conduit aux tours, lorsqu’on parvient sur la plate-forme, au pied de la tour du Nord, on peut voir, sculptée en pierre, l’image de l’ange du mal qui a tenté Bertilde. Il est assis dans l’attitude d’une méditation profonde ; ses ailes sont repliées, il regarde dans le Parvis et semble compter les âmes qui lui ont échappé par la puissance de la Vierge Marie. L’artiste qui a sculpté cet ange déchu avait bien compris la nature de Lucifer : un démon qui fut un ange, un ange qui est devenu un démon.

C’est sans doute le même artiste qui a sculpté le médaillon de la Porte-Rouge où est représentée la femme possédée du diable qui a été délivrée par l’intercession de la Vierge. Ce médaillon est divisé en deux compartiments. Le second représente l’histoire du diacre Théophile : il était brouillé avec son évêque et ne voulait pas se soumettre à son autorité. Le diable lui apparut et lui promit de l’aider à tirer une éclatante vengeance des reproches que lui avait faits son évêque, s’il voulait lui donner son âme.

Le malheureux, aveuglé par sa colère, consentit. Mais sa sœur, qui était une sainte fille, supplia tant Marie de sauver l’âme de son frère, que la Sainte Vierge rompit le pacte qui l’attachait au démon. Le diacre se soumit, reconnut l’autorité légitime de son évêque, qui représentait l’Église, et rentra en grâce avec Dieu. Son supérieur lui pardonna.

 
 
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