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26 janvier 1855 : mort de l'écrivain Gérard de Nerval

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26 janvier 1855 : mort de l’écrivain
Gérard de Nerval
(D’après « Le Monde illustré », paru en 1922)
Publié / Mis à jour le vendredi 26 janvier 2024, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Par la grâce et la liberté de son art, la tendre fantaisie de ses vers et de sa prose, l’abondance et la qualité de sa production littéraire, il est parmi les écrivains de la première moitié du XIXe siècle un de ceux qui ont gardé le plus agréablement en plein romantisme un goût souvent très classique

Le succès ne lui a pas manqué de son temps. Il sortait du collège Charlemagne et il avait à peine dix-huit ans lorsque parurent en 1827 ses premiers vers. Théophile Gautier l’apprécia tout de suite. Peu de temps après, Gérard de Nerval fit paraître une traduction de Faust, et Gœthe lui écrivit cette phrase dont le poète s’enorgueillissait : « Je ne me suis jamais si bien compris qu’en vous lisant ».

Nerval eut vite de la notoriété. Les journaux et les revues l’accueillaient. Il faisait le feuilleton dramatique de la Presse quand Théophile Gautier qui en était le titulaire s’absentait. Il ne manquait pas d’argent, et d’ailleurs il n’y tenait pas. Ayant fait encore jeune un petit héritage, il le dépensa avec insouciance, sachant qu’il trouverait bien à gagner sa vie en écrivant, et il la gagna en effet. Vivant pour son plaisir, un peu bohème, nullement affecté, il était curieux de toutes choses.

Gérard de Nerval

Gérard de Nerval

Il aima le vieux Paris, les fêtes populaires, les cafés, la foule ; il voyagea beaucoup, et un peu partout, en Allemagne, en Syrie, en Turquie. Lorsqu’il mourut — on le retrouva pendu aux barreaux d’une grille fermant un égout de la rue de la Vieille-Lanterne à Paris, la thèse du suicide étant généralement admise — n’ayant pas cinquante ans, après des crises de neurasthénie, et de folie, il laissa le souvenir d’un artiste ayant un charme singulier, exubérant, ingénieux, pittoresque. Les articles écrits sur lui par ceux qui le connaissaient et qui l’aimaient, comme Théophile Gautier et Arsène Houssaye, sont un témoignage émouvant des sentiments qu’avait inspirés ce rêveur d’abord lumineux, ailé et tendre, puis exalté, mystique, malade, et qui finit par ne plus dominer son rêve.

Arsène Houssaye a fait un tableau de la vie de Gérard de Nerval, qui donne une idée de ce qu’était sa fantaisie, son étrangeté même. Gérard de Nerval voulait loger partout excepté chez son père, chez ses amis et chez lui-même. Il aimait beaucoup son père, il allait dîner avec lui les dimanches, les jeudis, en souvenir d’une vieille habitude de collège. Il a toujours gardé des tendresses d’enfant. Quand il arrivait, il franchissait le seuil avec cérémonie, et allait embrasser son père, vieux chirurgien qui n’avait pas le. caractère très communicatif. Son couvert était toujours mis même. quand on n’était pas sûr de sa venue. Car avec sa manie des voyages Gérard était soudain absent, et quand il était à Constantinople ou à Venise, il négligeait parfois de donner de ses nouvelles et d’annoncer son retour.

Arsène Houssaye rappelle à son sujet le mot du comte de Tressan au chevalier de Boufflers, qu’il avait rencontré sur la grande route : « Mon cher poète, je suis ravi de vous trouver chez vous ». Rien de plus curieux que les rapports de Gérard avec son père. Il l’avait peu connu dans sa jeunesse, parce que, chirurgien militaire, le Dr Lebrunie parcourait l’Europe avec la grande armée.

Plus tard, quand le docteur revint, il crut devoir parler surtout à son fantaisiste fils de principes, de règles ; il le comprit peu ; il se montra fort indifférent. Gérard de Nerval n’en manifesta pas moins de tendresse. On lit dans une lettre qu’il écrivait peu avant de mourir, en 1854 : « Je ne tends qu’à un but et à une consolation : c’est que tu me voies un jour heureux comme je crois mériter de l’être et que tu me connaisses bon, comme je sens que je le suis. Ne crois pas, quand je suis loin, que je ne suis pas près de toi, cependant. J’y serais près encore fût-ce dans le tombeau. Si je mourais avant toi, j’aurais au dernier moment la pensée que peut-être tu ne m’as jamais bien connu. Plus j’avance en âge, plus je sens de toi en moi. C’est ta jeunesse qui revient et dont l’exemple soutient la mienne qui passe. »

Nulle affectation, nulle recherche littéraire dans sa vie, pas plus que dans son œuvre. Il suivait doucement et spontanément ses goûts. Il n’était pas fait pour la vie toujours un peu artificielle de la société ; il n’était pas poète de cénacle ; il n’était pas homme de lettres. Il vivait à sa guise, gardant intact le trésor de ses illusions, et c’est assurément ce caractère authentique de son œuvre comme de son existence qui le pare, après longtemps, d’un charme sensible et doux.

Peut-être cette allure libre de sa vie a-t-elle contribué à détourner un peu l’attention de son œuvre et à lui donner figure d’amateur. En réalité il a été un grand travailleur, et il a beaucoup écrit dans tous les genres. Le théâtre l’a séduit : comédies, drames, petits actes en vers, grandes pièces philosophiques, il a essayé de tout. On ne connaît plus que les titres, la Reine de Saba, drame biblique et philosophique, l’Alchimiste, et Léo Burkart, drames en collaboration avec Dumas, un vaudeville, le Pruneau de Tours, des opéras-comiques, comme l’Imagier de Harlem, et bien d’autres. On a gardé davantage le souvenir de ses traductions de Goethe et de Heine, de ses Poésies, de ses Scènes de la vie orientale, de ses Petits châteaux de Bohème, de son Aurélia ou le Rêve et la Vie. Et Jules Marsan a pu réunir de lui tout un volume de Lettres.

Ses récits de voyage sont charmants. Ils sont pleins d’enthousiasme et de clairvoyance. Les mœurs, les paysages, tout l’amuse. Il a des formules qui définissent : il dit de Vienne que c’est une ville demi slave, demi européenne ; il appelle Munich la ville des rapins, parce que tout lui semble imitation et trompe-l’œil, les faux marbres, les fausses pierres badigeonnées, les palais en stuc.

Par l’effet de quelles circonstances, le voyageur au coup d’œil précis se mit-il à s’occuper d’occultisme ? On ne sait. Toujours est-il qu’après un séjour en Syrie et à Constantinople, il revint plus soucieux que jamais de cabale, de magie, d’initiations mystiques. Il but de trop longs traits, dit Théophile Gautier, à ces coupes vertigineuses que nous présentent les Sphinx, dont l’indéfinissable sourire de granit rose semble railler la sagesse moderne. Cosmogonie, théogonie, sciences occultes, tout l’occupa et le préoccupa jusqu’au jour où sombra sa raison.

Et pourtant il n’y a rien de plus équilibré, de plus solide, de plus frais que certaines descriptions des paysages de France qu’il a écrites. C’est là qu’il excelle et que se montre l’heureux accord de la sensibilité, de la rêverie et de l’intelligence. Il avait vécu son enfance dans le Valois, et il a délicatement parlé de ses prés, de ses forêts, de ses rivières, des étangs de Chaalis, des paysages lumineux, et des idylles de l’adolescence, où passent les figures de Célénie, de Fanchette, de Sylvie, de cette Adrienne qui lui apparut un jour sur la pelouse d’un vieux château, « fleur de la nuit éclose à la frêle clarté de la lune, fantôme rose et blanc, glissant sur l’herbe verte à demi baignée de blanches vapeurs », cette Adrienne qui devint l’amour idéal de sa vie et qu’il ne s’est jamais consolé d’avoir perdue.

En toutes choses il apporta, en dépit des apparences et de la folie finale, de la mesure, une raison clairvoyante, de la précision, de rares qualités d’observation. Au fond, malgré l’époque où il vécut, malgré les cénacles et tout le romantisme de 1830, il était d’une autre école. Il y avait en lui quelque chose de la tradition du XVIIIe siècle. « Lorsque chacun cherchait les tournures excentriques, écrit Théophile Gautier, et se fût volontiers peint de vert et de rouge comme un Ioway partant pour la guerre, des plumes d’aigle sur la tête, des colliers de griffe d’ours au bas du col, des scalps ou plutôt des perruques de classiques à la ceinture, pour avoir l’air plus étrange et plus formidable, lui se plaisait dans les gammes tendres, les pâleurs délicates, et les gris de perle chers à l’école française de l’autre siècle. »

Et le poète des Emaux et camées qui aimait cette fantaisie mesurée, ce style fin et doux, ces nuances argentées, bien différentes des violentes colorations, indiquait même que le seul défaut qu’on pût reprocher à Nerval était un peu trop de sagesse. On a pu dire de lui qu’il était un voltairien sentimental. Ainsi se trouve défini l’accord de l’esprit et de l’émotion qui le caractérise : il y a en lui une aisance et une pureté, un sens traditionnel de la poésie, une harmonie entre la réalité et le songe qui expliquent le culte que ses admirateurs lui rendent encore aujourd’hui.

 
 
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