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13 avril 1695 : mort du fabuliste et poète Jean de La Fontaine

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13 avril 1695 : mort du fabuliste
et poète Jean de La Fontaine
(D’après « Biographie universelle ou Dictionnaire historique par
une société de gens de lettres » (tome 3) édition de 1841,
« Biographie universelle, ancienne et moderne » (tome 23) paru en 1819
et « Dictionnaire biographique contenant jusqu’à l’année 1840 la liste
des principaux personnages de tous les pays » édition de 1848)
Publié / Mis à jour le jeudi 13 avril 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 

L’inimitable fabuliste, né à Château-Thierry le 8 juillet 1621 d’un Maître des Eaux et Forêts, ne se fit remarquer, jusqu’à l’âge de 19 ans, que par une extrême insouciance. Son éducation, d’abord confiée d’abord à de simples maîtres de village, ne lui inspira que le plus grand mépris pour les pédants, et ne fit pas soupçonner son génie. On croit généralement qu’il acheva ses études à Reims, et on a lieu de penser qu’il s’y livra autant au plaisir qu’à l’étude.

Ne sachant alors qu’un peu de latin, sa paresse et son insouciance naturelle le laissaient indécis sur le choix d’une carrière, lorsqu’un de ses parents le fit entrer chez les oratoriens, le 27 avril 1641. Après y avoir passé dix-huit mois, il fut ramené sous le toit paternel par le même instinct d’indépendance qui l’en avait d’abord éloigné, et plusieurs mois s’écoulèrent encore avant qu’il songeât sérieusement à se vouer au culte des muses. Durant cette époque, il acquit une célébrité de petite ville par ses distractions et ses galanteries.

Maison natale de Jean de La Fontaine

Maison natale de Jean de La Fontaine, à Château-Thierry. Devenue
musée Jean de La Fontaine en 1876, elle a été restaurée il y a quelques années
et labellisée Maison des Illustres en 2011

A 22 ans Jean de La Fontaine avait, il est vrai, produit quelques pièces de vers ; mais ces essais furent loin d’annoncer son génie, qui se révéla tout à coup à la lecture de la belle Ode de Malherbe sur l’assassinat de Henri IV. Toutefois chez lui l’enthousiasme dut être de courte durée, et l’on peut croire que ce grand poète ne lui emprunta jamais ses inspirations : il les trouva dans sa douce oisiveté, dans la méditation des auteurs classiques de l’antiquité — et notamment Térence, Horace, Virgile, Quintilien —, dans la lecture de nos vieux écrivains, où il puisa aussi ce goût gracieux et naïf que l’on admirera toujours dans ses compositions.

Pour mieux s’instruire à l’école des auteurs antiques, il ne dédaigna point le travail servile, mais utile, de la traduction ; et celle de l’Eunuque de Térence, qu’il fit imprimer à Reims en 1654, est le premier ouvrage qu’il ait publié. Il raconte lui-même une anecdote qui prouve tout le charme que lui faisait éprouver la lecture de ces grands écrivains de l’antiquité. Il voyageait dans une voiture publique : on s’arrête pour dîner ; pendant qu’on apprête le repas et qu’on sert, La Fontaine s’éloigne de l’auberge, tire un Tite-Live de sa poche, se met à lire, et captivé par l’attrait de cette lecture, il oublie de dîner, malgré son appétit ordinairement fort grand ; enfin averti par un valet d’auberge, il rejoint ses compagnons de voyage, prêts à remonter en voiture. « J’arrivai, dit-il plaisamment, assez à temps pour compter. »

« Nous ne saurions, dit-il dans une note de ses fables, aller plus avant que les anciens ; ils ne nous ont laissé que la gloire de les bien suivre. » On voit que si son humeur pacifique l’a empêché de prendre part à la vive querelle qui s’éleva de son temps sur la prééminence des anciens ou des modernes, il pendait néanmoins sur cette question comme Boileau et Racine : lui-même se croyait très inférieur à Phèdre, et l’on sait que Fontenelle disait que c’était par bêtise que La Fontaine se jugeait ainsi.

En 1647, le père du jeune poète, consultant moins ses inclinations et son goût que sa propre sollicitude, se démit en sa faveur de la charge de Maître des Eaux et Forêts et le maria (10 novembre 1647). Dans ses Historiettes, Tallemant des Réaux écrit : « Sa femme dit qu’il resve tellement qu’il est quelque fois trois semaines sans croire estre marié. C’est une coquette qui s’est assez mal gouvernée depuis quelque temps : il ne s’en tourmente point. On luy dit : mais un tel cajolle vostre femme — Ma foy ! répond-il, qu’il fasse ce qu’il pourra ; je ne m’en soucie point. Il s’en lassera comme j’ay fait. Cette indifférence a fait enrager cette femme, elle seiche de chagrin. »

Bientôt, en effet, les soins du ménage et les fonctions administratives rendant à La Fontaine le séjour de sa maison insupportable, il quitta sa femme qu’il ne vint plus visiter que de temps à autre, se démit de ses fonctions et chercha au dehors des distractions. Racine le fils raconte cependant un singulier trait de jalousie de ce mari si insouciant, si indifférent. Un capitaine de dragons, nommé Poignant, vieux militaire, voyait assidûment Mme de La Fontaine.

Notre poète ne s’en apercevait point ; mais on l’en fit apercevoir, on lui persuada même que son honneur exigeait qu’il lui demandât raison de sa conduite. Préoccupé de cette idée, le bon La Fontaine, qui aimait tant à dormir, se lève de grand matin, va trouver Poignant, le presse de s’habiller, de prendre son épée, et de le suivre ; ils sortent, et ne sont pas plutôt hors de la ville, que La Fontaine dit à Poignant, déjà fort étonné, et dont l’étonnement dut redoubler sans doute : « Il faut que je me batte avec vous ; on m’a assuré que je ne pourrais m’en dispenser. » Il lui en explique succinctement le motif ; et sans lui donner le temps de répliquer, il met l’épée à la main.

Poignant, forcé de se défendre, fait sauter d’un coup l’épée de La Fontaine, et profite de l’instant où son adversaire est désarmé et interdit pour entrer en explication avec lui, et lui faire sentir le ridicule de sa conduite. Il proteste au surplus que puisqu’il a pu troubler ainsi sa tranquillité, il ne remettra plus les pieds chez lui. « Au contraire, lui dit vivement La Fontaine, j’ai fait ce qu’on a exigé de moi ; mais actuellement je veux que vous soyez plus que jamais assidu chez moi, sans quoi je me battrai encore. » La réconciliation fut entière et parfaite.

En 1664, La Fontaine fut accueilli dans la société de la duchesse de Bouillon, alors exilée à Château-Thierry. La piquante ingénuité de ses premiers contes, qu’il écrivit à cette époque, attira sur lui l’intérêt de l’aimable duchesse ; et, rappelée à Paris, elle lui fit accepter un asile dans sa maison.

Dès lors La Fontaine eut l’occasion de se lier avec les grands écrivains de son époque, et trouva des appuis dans les personnages du plus haut rang, dont la plupart ne craignirent pas de s’avouer aussi ses admirateurs : au nombre on distingue Mme Henriette d’Angleterre, le grand Condé, le prince de Conti, le duc de Vendôme, le grand-prieur, et particulièrement le jeune duc de Bourgogne. C’est donc, comme on peut en juger, sans nul fondement qu’on a reproché au siècle de Louis XIV d’avoir méconnu le mérite de La Fontaine.

Toutefois, les libéralités de ces illustres mécènes eussent encore été insuffisantes. Aussi mauvais économe de leurs dons qu’il l’avait été de son fonds et de son revenu, Jean de La Fontaine n’en réglait pas mieux l’emploi, les dissipait avec la même facilité, et retombait sans cesse dans les mêmes embarras. Une femme aimable et généreuse, Mme de la Sablière, le mit à l’abri de ces tristes embarras, du moins pendant vingt années, sans doute les plus heureuses de sa vie, puisque, dégagé de toute inquiétude, il les passa au sein de l’amitié et dans le doux commerce des muses, qui, durant cette époque tranquille et fortunée, lui inspirèrent ses plus beaux ouvrages, et assurèrent sa gloire et son immortalité.

Jean de La Fontaine

Jean de La Fontaine

Elle l’accueillit chez elle (1673), prévint tous ses besoins, et le dispensa de tous soins ; c’était assurément le plus grand service qu’elle pût rendre à un homme de son caractère. Rien n’exprime mieux l’extrême insouciance et la profonde incurie de ce caractère qu’un mot plaisant de Mme de la Sablière. Elle venait de congédier à la fois tous ses domestiques : « Je n’ai gardé avec moi, dit-elle, que mes trois animaux, mon chien, mon chat et La Fontaine. » Le fabuliste songeait sans doute à l’amitié de Mme de la Sablière, lorsque dans une de ses fables il s’écriait avec un accent si tendre et si vrai :

Qu’un ami véritable est une douce chose !
Il cherche vos besoins au fond de votre cœur.

« Elle s’était chargée de son bonheur, a dit un de nos écrivains ; il se chargea de sa gloire. » Il composa auprès d’elle la plupart de ses chefs-d’œuvre ; il l’y nomma plusieurs fois, lui en dédia ou lui en adressa quelques-uns. Ce fut chez cette dame, amie éclairée des lettres et de la philosophie, que La Fontaine connut Bernier. Il puisa dans les conversations de ce philosophe, disciple de Gassendi, des notions sur les sciences naturelles et physiques, aussi étendues qu’en avaient les personnes les plus instruites de son temps qui ne faisaient pas de ces objets leur principale ou seule étude. Il trouva dans son génie l’art de les exprimer en beaux vers, ainsi que l’attestent plusieurs de ses fables et son poème sur le Quinquina.

Quels motifs ont pu porter Boileau à garder le silence sur l’apologue dans son Art poétique ? Rivaux dans leur candidature pour l’Académie française, ces deux grands poètes n’y entrèrent que difficilement, commun obstacle qu’on explique par l’esprit satirique de l’un et par la fidélité obstinée de l’autre pour son bienfaiteur en disgrâce, le surintendant Fouquet, auquel il a élevé dans ses vers un si honorable monument de reconnaissance : mais n’est-il point permis de penser que les Contes de La Fontaine, dont le meilleur n’est pas celui que Boileau a tant loué (voir sa Dissertation sur Joconde), et peut-être aussi ses admirables apologues, où si souvent la satire frappe plus haut que ne l’eût osé faire l’auteur du Lutrin, durent contribuer pour quelque part à la défaveur de l’émule du poète favori ?

Louis XIV n’agréa le choix de l’Académie qui appelait La Fontaine à remplacer le grand Colbert (2 mai 1684), que lorsqu’à son tour Despréaux y dut succéder à M. de Bezons. Quelque méritées que fussent les louanges prodiguées avec candeur par La Fontaine à son prédécesseur, dans le discours d’étiquette, on ne peut se défendre d’une admiration profonde quand on songe qu’il les adressait aux mânes de ce même ministre, puissant dispensateur des grâces du monarque, et dont il n’avait reçu jamais que les dédains d’une injuste rigueur.

La Fontaine mourut à Paris le 13 avril 1695, dans la maison de M. et Mme d’Hervart — Maître des Requêtes au Parlement de Paris marié à Françoise de Bretonvilliers —, dernier asile que lui offrit l’amitié après qu’il eut perdu Mme de la Sablière, chez qui, durant vingt années, il avait également reçu la plus délicate et la plus généreuse hospitalité. Il faut bien avouer que la conduite privée du poète philosophe n’a pas toujours répondu à la pureté de ses principes ; mais en faveur de sa bonté naturelle, de sa rare constance en amitié, et plus encore peut-être, pour la beauté de ses ouvrages, précieux fruits de son insouciance même, la postérité lui pardonne volontiers les écarts de sa vie, et jusqu’à la singulière négligence de ses devoirs de père de famille.

Dans ses dernières années, cédant, non sans combattre, aux pressantes sollicitations de l’abbé Pouget — La Fontaine avait demandé un prêtre, et le curé de l’église Saint-Roch lui avait envoyé le jeune abbé Pouget, qui venait d’obtenir son doctorat de théologie —, il parut regretter les atteintes que ses Contes, trop libres (et pourtant imprimés avec privilège) avaient pu porter aux mœurs et à la religion, et il finit par se soumettre aux réparations qu’on lui prescrivit. Toutefois ces réparations qu’on imposa au bon vieillard lui durent être pénibles, quelle que fut sa repentance, si l’on en juge par l’apostrophe suivante qu’adressa (si l’on en croit la tradition) la servante de La Fontaine au jeune ecclésiastique attaché à le convaincre : « Eh ! ne le tourmentez pas tant ! il est plus bête que méchant ; Dieu n’aura jamais le courage de le damner. »

 
 
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