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Conduite à gauche : modification envisagée du Code le route en 1912

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Anecdotes insolites
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Conduite à gauche en France :
une modification envisagée en 1912
(D’après « Le Figaro » du 25 décembre 1912)
Publié / Mis à jour le lundi 8 avril 2024, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Il est question de modifier notre « Code de la route », nous apprend Le Figaro du 25 décembre 1912, ajoutant que ce projet ne va pas sans soulever de véhémentes protestations, comme tous les projets qui menacent de toucher à la routine, devant laquelle doivent « stopper » un instant toutes les innovations...

En France, pays où l’impertinence est quelquefois de bon ton, il est admis que, la droite étant la place d’honneur, tout conducteur d’un attelage ou d’un véhicule quelconque, quand il doit croiser un autre attelage ou un autre véhicule, prend sa droite, affirmant ainsi sa supériorité sur celui qu’il rencontre en chemin, et lui abandonne dédaigneusement la gauche, écrit le journaliste Louis Ternier.

Par une juste réciprocité, le conducteur envers lequel on en use ainsi sans façon fait de même ; l’honneur est sauf de part et d’autre. C’est ainsi, du moins, qu’on devait l’entendre du temps des mousquetaires, toujours fort arrogants dans les questions de préséance. Mais notre Code de la route ainsi compris, s’il ménage toutes les susceptibilités, présente au point de vue pratique quelques inconvénients. Si, en France, nous sommes soumis au régime de la conduite à droite, celui des droitiers, en Angleterre et ailleurs, au contraire, on est « gauchiste » et, au lieu de se garer à droite on se gare à gauche.

Le comte Rochaïd, qui s’est toujours occupé avec tant de compétence d’attelage et de dressage attelé, consulté récemment au sujet du projet de modification de notre Code de la route, est très catégorique : « En vieux cocher, dit-il, je, suis gauchiste par destination, comme un vieux meuble, tout simplement ! »

Les raisons qu’il donne de sa préférence sont assez sérieuses pour faire réfléchir les partisans du maintien de nos anciens usages, comme elles m’ont fait réfléchir moi-même, confesse notre chroniqueur. Habitant la province, je suis appelé à beaucoup circuler en voiture et, depuis peu, en automobile, de jour et de nuit.

J’ai aussi voyagé en Angleterre et j’ai pu comparer les deux systèmes en présence, le nôtre et celui qu’on projette de lui substituer, aussi, bien que mon modeste avis ne puisse être d’un grand poids dans l’affaire, je me permettrai d’examiner rapidement les arguments qui militent en faveur du projet de modification de notre Code de la route et les objections de ceux qui le combattent. La première condition de sécurité, quand on conduit un cheval ou une automobile, c’est de voir distinctement l’objet auprès duquel on doit passer sans le heurter.

Avec le système actuel, le cocher d’une voiture attelée, qui est assis à droite de son siège et ne peut, nous le verrons, être ailleurs, voit très mal les objets situés à gauche de sa voiture. Quand il doit croiser un autre véhicule, il se trouve empêché de le bien voir, soit par la personne qui est assise à sa gauche, soit par toute la partie gauche de son siège et l’avant de la voiture. Et, instinctivement, au lieu de regarder la voiture qui vient, pour, croiser sur sa droite, il regarde à sa droite, de façon à voir, non pas la voiture en vue, mais le bord de la route du côté opposé ; il prend du champ du côté libre, l’autre conducteur en fait autant. Cela est parfait quand la voie est large et quand rien ne vient déranger les combinaisons des deux conducteurs, mais il est impossible à l’un et à l’autre de passer sans « aléa » au plus près.

Au contraire, quand on gare à gauche, le cocher voit sur sa droite, immédiatement à son côté, la voiture à éviter et il peut passer sans danger aussi près que possible de celui qu’il rencontre et qui, de son côté, manœuvre en toute sûreté de coup d’œil et de main. Le cocher ne peut être qu’à la droite de son siège. Le fouet, pour un cocher ayant à conduire correctement, est, comme le dit si justement le comte Rochaïd, « ce que l’archet est au violoniste, il est impossible à l’un et à l’autre de vous jouer sa rapsodie s’il n’a pas le libre mouvement de son bras droit ». Or, si le cocher était à gauche de son siège, il ne pourrait développer son fouet, s’il avait une personne assise à sa droite, ce qui est le cas quand on conduit soi-même et qu’on a, par exemple, un valet de pied ou un ami à ses côtés.

Pour dépasser, au contraire, rien à changer dans la disposition du cocher avec le système anglais gauchiste, on sépare à droite. On a tellement reconnu l’inconvénient du garage à droite que les lanternes de beaucoup de voitures de campagne, qui ne sont éclairées que d’un côté, sont toujours obligatoirement placées à gauche. Normalement, elles devraient être à droite, comme elles pourraient l’être avec le système d’écart à gauche.

Pour les automobiles, le chauffeur doit être à droite. Les leviers du frein et de changement de vitesse sont, pour la plupart des voitures, situés à droite et manœuvrés à droite. S’ils étaient à gauche, le chauffeur devrait les actionner avec la main gauche, ce qui ne serait pas commode ; s’ils étaient placés au milieu de la voiture, ils gêneraient considérablement la personne assise à droite. On a essayé, sur quelques automobiles, de mettre le volant de direction à gauche ; le chauffeur s’assied alors à gauche du siège. C’est là une indication. On met le chauffeur à gauche pour qu’il puisse voir distinctement sur sa gauche la voiture qu’il a à croiser en tenant sa droite.

Sur la route, il y a aussi le charretier conduisant à pied des attelages de plusieurs chevaux. Le charretier conduit alors avec une seule rêne et il faut forcément qu’il soit à gauche de ses chevaux, autrement il ne pourrait avoir d’action sur le limonier. Avec le croisement à droite, le charretier voit mieux le véhicule dont il doit se garer, c’est entendu, mais il risque d’être heurté par la voiture qui le croise.

Les Anglais, qui sont gens pratiques, se trouvent bien de leur « Code de la Route », il n’y aurait donc aucune raison pour ne pas le leur emprunter puisqu’il présente sur le nôtre bien des avantages, s’il n’y avait la question de la difficulté de l’application du nouveau règlement et des accidents auxquels elle pourrait donner lieu dans le principe, poursuit Louis Ternier.

Il est certain que l’éducation des cochers, charretiers et conducteurs serait à refaire, celle des chevaux, aussi, car, sur nos routes, bien des chevaux se garent eux-mêmes et connaissent mieux leur code de la route que leurs conducteurs.
Cependant on arriverait à un résultat avec beaucoup de publicité du nouveau règlement et aussi avec beaucoup de sévérité. On ne s’occupe guère des règlements en France, du reste, quand leur violation n’entraîne pas un danger immédiat, mais on les observe volontiers quand il s’agit d’une question de vie ou de mort.

Les conducteurs et charretiers comprendraient vite qu’il irait de leur sécurité à se laisser distraire un instant et à se tromper sur la manière de garer leur attelage. Quant aux chevaux, ils seraient vite au courant. Et fussent-ils réfractaires il n’y aurait que demi-mal. N’avons-nous pas les ânes qui, de tout temps, ont persisté à tenir leur gauche et qui, après tout, forcent leurs maîtres à les conduire au lieu de se laisser conduire par eux comme le font avec leurs chevaux tant de braves paysannes, pour lesquelles le Code de la route est totalement inconnu.

On a objecté que les étrangers, venant en France et croyant l’ancien Code maintenu, pourraient causer des accidents. Les automobilistes sont généralement gens avertis qui ne se mettent pas aveuglément en campagne à l’étranger. Mais il est certain que la modification à notre Code de la route causerait une véritable révolution dans nos habitudes.

Je me souviens toujours de mon émotion, conclut notre chroniqueur, quand, la première fois que j’ai été à Londres, il y a longtemps, j’ai vu la voiture dans laquelle j’avais pris place à la sortie de la gare obliquer à gauche pour se garer de celles qui la croisaient. Pour un Français, cette émotion involontaire semblait encore plus vive dans les cabs anglais où on a la sensation d’être emporté par un cheval sans maître. Encore une émotion qu’on ne connaîtra plus quand les charmants cabs, les confortables « handsomes » de Londres auront tout à fait disparu, faisant place aux auto-taxi venus de France.

Combien moins pittoresque sera Londres sans ses cabs, où l’on était si bien à deux, où on avait l’illusion d’être si seuls, malgré la surveillance occulte du cabman juché comme un singe sur le haut de la capote, et dont le doux balancement vous berçait au trot vif et régulier des élégants et vigoureux petits chevaux qu’une main invisible guidait si sûrement à travers les mille embarras de la grande cité.

 
 
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