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22 février 1674 : mort du poète et critique littéraire Jean Chapelain

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22 février 1674 : mort du poète
et critique littéraire Jean Chapelain
Publié / Mis à jour le vendredi 17 février 2017, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 

Jean Chapelain est un grand exemple de réputation détruite par la satire. Il fut longtemps l’arbitre du goût ; rien n’était bon que ce qu’il avait approuvé ; on n’appelait jamais de ses jugements. Lorsque Louis XIV veut répandre ses faveurs sur les gens de lettres, qui font la gloire de son règne, c’est Chapelain qui, comme le premier d’entre eux, donne la liste de ceux qui sont dignes de récompense, c’est lui qui met un taux et un prix au mérite, et on peut croire qu’il ne s’oublie pas. Enfin, Despréaux vient ; il attaque le mieux renté de tous les beaux esprits dans sa réputation et dans sa faveur ; tout le monde répète après lui : Chapelain veut rimer, et c’est là sa folie.

Jean Chapelain, par Robert Nanteuil (1655)

Jean Chapelain, par Robert Nanteuil (1655)

Voilà Chapelain ridicule et pour ses contemporains et pour la postérité. On peut dire, à la vérité, que ce n’est pas Boileau, mais la Pucelle qui a détruit la réputation de Chapelain. Chapelain avait tant de réputation, qu’avant que la lecture de la Pucelle eût fait son effet, avant qu’on l’eût assez lue pour s’assurer qu’on ne pouvait la lire ; avant qu’on eût osé prendre sur soi de condamner Chapelain, ce poème eût jusqu’à six éditions en dix-huit mois. Montmaur fit sur la Pucelle cette épigramme :

Illa Capellani dudum expectata Puella,
Post tanta in lucem tempora prodit anus.

Linière la traduisit ainsi, en l’allongeant et l’égayant :

Nous attendions de Chapelain
Une pucelle
Jeune et belle ;
Vingt ans à la former il perdit son latin ;
Et de sa main,
Il sort enfin
Une vieille sempiternelle.

Il faut sans doute abandonner le poème de Chapelain, et il y a longtemps que cette justice est faite ; mais il ne faut pas dire avec Voltaire, qui n’a peut-être jamais rien dit de si léger, que Chapelain eut la bêtise de traiter sérieusement le sujet de la Pucelle ; car il n’en fut jamais de plus intéressant. Il l’est bien autant que le sujet de la Henriade, auquel il ressemble d’ailleurs, du moins en ce qui concerne Charles VII qui, inférieur à la vérité à Henri IV, régna comme lui sur la France,

Et par droit de conquête, et par droit de naissance.

La première partie de l’histoire de Jeanne, c’est-à-dire de ses exploits, dépouillée même des fables dont il était naturel de l’orner, offre un merveilleux noble et philosophique, bien supérieur à ce merveilleux vague des fables antiques, à cette froide intervention des dieux qui fait tout et glace tout dans nos poèmes épiques, à ces allégories si froides, qui glacent encore plus la Henriade.

La seconde partie de l’histoire de Jeanne, c’est-à-dire celle de son procès, est du plus grand intérêt : l’admiration et l’attendrissement pour cette vertueuse héroïne, l’indignation contre ses bourreaux, l’horreur, la pitié, la douleur y sont au comble. C’est le fait le plus dramatique de toute notre histoire : jamais la valeur et la vertu lâchement opprimées par la fureur, lâchement trahies par la perfidie, lâchement abandonnées par l’indifférence et l’ingratitude, n’ont crié vengeance au ciel d’un ton plus déchirant et plus terrible. Ainsi la grande et seule bêtise de Chapelain a été de traiter un si beau sujet en vers froids et durs.

Chapelain, considéré comme littérateur, n’était pas dépourvu de goût. Il fut le rédacteur des sentiments de l’Académie sur le Cid. Dans cet ouvrage, cité avec raison comme un modèle de critique littéraire, on trouve à la vérité des critiques sévères et même injustes ; le style n’en est pas exempt de défauts, mais cet ouvrage, raisonnablement écrit, raisonnablement pensé, contient des vues fines, des principes excellents, et de justes louanges ; il témoigne et inspire partout un grand respect pour Corneille que la cardinal de Richelieu voulait rabaisser et humilier : jamais déférence pour la tyrannie d’un bienfaiteur ne fut moins aveugle et moins servile.

Tandis que Chapelain osait juger Corneille,

a dit Voltaire ; Chapelain osa seulement rédiger le jugement de sa compagnie, qui l’en avait chargé, et et dont il fut en cette occasion un digne et heureux interprète.

... Que n’écrit-il en prose ?

Ce goût de Chapelain peut servir à résoudre le problème de son ancienne réputation. En fait de goût, l’on peut en avoir deux : l’un pratique, pour ses propres ouvrages, l’autre théorique, pour ceux des autres ; le premier n’est pas toujours sûr, étant naturellement enclin à l’indulgence, et se mesurant d’ailleurs sur l’étendue du talent, et ne pouvant pas suppléer à l’imagination ; le second est plus sévère, et par conséquent plus pur. Chapelain avait vraisemblablement ces deux goûts : avec l’un, il a fait la Pucelle ; avec l’autre, il a critiqué le Cid.

Chapelain était né à Paris le 4 décembre 1595. Il refusa la place d’instituteur du dauphin, mais s’il dédaignait les honneurs, il estimait beaucoup l’argent. Il avait, à sa mort, cent mille écus en argent. On cite de son avarice des traits dignes de figurer dans la comédie. Il portait dans les jours les plus chauds de l’été un grand manteau bien épais, pour cacher un habit plein de pièces et de coutures.

Il mourut victime de son avarice au milieu de l’hiver ; allant à l’Académie, il aima mieux passer dans l’eau, pour franchir un très grand ruisseau, que de payer pour le passer sur une planche. Arrivé, il évita de s’approcher de la cheminée, et s’assit au bureau pour cacher ses pieds mouillés et couverts de boue : le froid le saisit et causa la maladie dont il ne put relever. On disait alors : Jamais pauvre poète n’est mort si riche.

 
 
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