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22 février 1680 : l’empoisonneuse Catherine Deshayes dite la Voisin est brûlée en place de Grève

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22 février 1680 : l’empoisonneuse
Catherine Deshayes dite la Voisin
est brûlée en place de Grève
Publié / Mis à jour le jeudi 22 février 2024, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 

Vers l’an 1677, une femme nommée la Voisin, s’unit avec la Vigoureux, et un ecclésiastique nommé le Sage, pour trafiquer des poisons d’un Italien nommé Exili, qui avait fait en ce genre de tristes découvertes ; ils voilaient cet horrible commerce du prétexte d’amuser les âmes curieuses et faibles, par des prédictions et des apparitions d’esprits. Plusieurs morts subites firent soupçonner des crimes secrets. On établit à l’Arsenal, en 1680, la chambre des poisons, qu’on appela la chambre ardente.

La Voisin et ses complices ayant été arrêtés, comme soupçonnés d’avoir vendu de ces poisons, qu’on appelait la poudre de succession, chargèrent tous ceux qui étaient venus les consulter. Plusieurs personnes de la plus haute distinction furent citées à la chambre ardente.

Catherine Deshayes dite la Voisin. Gravure (colorisée ultérieurement) extraite du Livre rouge. Histoire de l'échafaud en France paru en 1863
Catherine Deshayes dite la Voisin. Gravure (colorisée ultérieurement) extraite
du Livre rouge. Histoire de l’échafaud en France paru en 1863

Madame de Polignac fut décrétée de prise de corps ; et la maréchale de la Ferté, ainsi que la comtesse du Roure, d’ajournement personnel. On accusait la comtesse de Soissons, mère du célèbre prince Eugène, d’avoir empoisonné son mari ; madame d’Alluie son beau-père, madame de Tingry ses enfants, madame de Polignac un valet de chambre, maître de son secret ; et ce secret était qu’elle avait voulu donner au roi un philtre pour s’en faire aimer. Le roi rendit à la duchesse de Foix un billet écrit par elle à la Voisin, conçu en ces termes : Plus je frotte et moins ils poussent. Il lui en demanda l’explication. Il s’agissait d’une recette pour faire venir de la gorge. Elle écrivait à la Voisin que sa drogue ne faisait rien. « Ces dames, dit le maréchal de Villeroi, ne croient point en Dieu, mais elles croient au diable. »

La duchesse de Bouillon fut décrétée d’ajournement personnel ; elle n’était accusée que d’une curiosité ridicule, trop ordinaire alors, mais qui n’était pas du ressort de la justice. L’ancienne habitude de consulter les devins, de faire tirer son horoscope, de chercher des secrets pour se faire aimer, subsistait encore, non seulement parmi le peuple, mais même chez les premiers du royaume : A la naissance de Louis XIV, on avait fait entrer l’astrologue Morin, dans la chambre même de la reine-mère, pour tirer l’horoscope de l’héritier de la couronne. Un tel exemple pouvait rendre excusable la duchesse de Bouillon et toutes les dames qui eurent la même faiblesse. La Voisin, la Vigoureux et le Sage s’étaient fait un revenu de la curiosité des ignorants, qui étaient en très grand nombre ; ils prédisaient l’avenir ; ils faisaient voir le diable ; s’il s’en étaient tenus là, il n’y aurait eu que du ridicule dans eux et dans la chambre ardente.

La Reynie, l’un des présidents de cette chambre, demanda à la duchesse de Bouillon si elle avait vu le diable. Elle lui répondit qu’elle le voyait dans ce moment ; qu’il était fort laid et fort vilain, et qu’il était déguisé en conseiller d’Etat : l’interrogatoire ne fut pas poussé plus loin. La comtesse de Soissons — elle et la duchesse de Bouillon étaient nièces du cardinal Mazarin — se sauva en Flandre. Le roi lui avait fait dire secrètement, que si elle se sentait coupable, il lui conseillait de se retirer ; elle répondit qu’elle était très innocente, mais qu’elle n’aimait pas à être interrogée par la justice. Elle se retira à Bruxelles. L’affaire du maréchal de Luxembourg fut plus sérieuse.

Le procès dura quatorze mois. La Voisin et ses deux autres complices furent condamnés à être brûlés à la Grève. Madame de Sévigné raconte ainsi à sa fille, la mort de cette femme abominable :

« Je ne vous parlerai que de la Voisin. Ce ne fut point mercredi, comme je vous l’avais mandé, qu’elle fut brûlée : ce ne fut qu’hier. Elle savait son arrêt dès lundi, chose fort extraordinaire. Le soir elle dit à ses gardes : Quoi, nous ne ferons point médianoche ! Elle mangea avec eux à minuit, par fantaisie, car il n’était point jour maigre ; elle but beaucoup de vin, elle chanta vingt chansons à boire. Le mardi elle eut la question ordinaire, extraordinaire ; elle avait dîné et dormi huit heures ; elle fut confrontée sur le matelas à mesdames de Dreux et le Féron, et à plusieurs autres.

« On ne parle point de ce qu’elle a dit : on croit toujours qu’on verra des choses étranges. Elle soupa le soir, et recommença, toute brisée qu’elle était, à faire la débauche avec scandale. On lui en fit honte ; et on lui dit qu’elle ferait bien mieux de penser à Dieu, et de chanter un Ave maris Stella, ou un Salve que toutes ces chansons : elle chanta l’un et l’autre en ridicule ; elle dormit ensuite. Le mercredi se passa de même en confrontations et débauches, et chansons. Elle ne voulut point voir de confesseur. Enfin le jeudi, qui était hier, on ne voulut lui donner qu’un bouillon : elle en gronda, craignant de n’avoir pas la force de parler à ces Messieurs. Elle vint en carrosse de Vincennes à Paris : elle étouffa un peu, et fut embarrassée. On voulut la faire confesser : point de nouvelles.

Catherine Deshayes ditela Voisin fut mise sur le bûcher, assise et liée avec du fer ; elle jura et repoussa la paille cinq ou six fois. Gravure (colorisée ultérieurement) extraite de Paris à travers les siècles (Tome 2) par Henri Gourdon de Genouillac, paru en 1880
Catherine Deshayes dite la Voisin fut mise sur le bûcher, assise et liée avec du fer ;
elle jura et repoussa la paille cinq ou six fois. Gravure (colorisée ultérieurement) extraite
de Paris à travers les siècles (Tome 2) par Henri Gourdon de Genouillac, paru en 1880

« À cinq heures on la lia ; et, avec une torche à la main, elle parut dans le tombereau, habillée de blanc : c’est une sorte d’habit pour être brûlée. Elle était fort rouge, et l’on voyait qu’elle repoussait le confesseur et le crucifix avec violence. Nous la vîmes passer à l’hôtel de Sully, madame de Chaulnes, madame de Sully, la comtesse de Fiesque et bien d’autres. A Notre-Dame, elle ne voulut jamais prononcer l’amende honorable, et à la Grève elle se défendit autant qu’elle put de sortir du tombereau : on l’en tira de force. On la mit sur le bûcher, assise et liée avec du fer ; on la couvrit de paille. Elle jura beaucoup, elle repoussa la paille cinq ou six fois ; mais enfin le feu s’augmenta, et on la perdit de vue, et ses cendres sont en l’air présentement.

« Voilà la mort de madame Voisin, célèbre par ses crimes et par son impiété. Un juge à qui mon fils disait l’autre jour que c’était une étrange chose que de la faire brûler à petit feu, lui dit : Ah, Monsieur, il y a certains petits adoucissements, à cause de la faiblesse du sexe !Eh quoi, Monsieur ! On les étrangle ?Non, mais on leur jette des bûches sur la tête ; les garçons du bourreau leur arrachent la tête avec des crocs de fer. Vous voyez bien, ma fille, que cela n’est pas si terrible que l’on pense. Comment vous portez-vous de ce petit conte ? Il m’a fait grincer des dents. »

Le supplice du feu dont la Voisin et ses complices furent punis, mit fin aux recherches et aux crimes : cette abomination ne fut que le partage de quelques particuliers, et ne corrompit point les mœurs douces de la nation ; mais elle laissa dans les esprits un penchant funeste à soupçonner des morts naturelles d’avoir été violentes.

 
 
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