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Bon sens paysan contre crédulité citadine. Monarchistes et républicains, élections législatives, démagogie républicaine, bonimenteurs candidats

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L’Histoire éclaire l’Actu
L’actualité au prisme de l’Histoire, ou quand l’Histoire éclaire l’actualité. Regard historique sur les événements faisant l’actu
Élections républicaines taillées
sur mesure pour les démagogues ?
(Extrait de « Mélanges d’histoire et de politique contemporaines », paru en 1873)
Publié / Mis à jour le mercredi 8 juin 2022, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
Deux ans après les élections législatives de 1871 qui marquent la victoire des royalistes sur les républicains, un monarchiste publie sous le titre Mensonges républicains dans Mélanges d’histoire et de politique contemporaines, un pamphlet qui d’une part loue le bon sens paysan face à la crédulité citadine, d’autre part vante les mérites d’une démocratie de proximité dans laquelle l’électeur connaît parfaitement le député qu’il s’apprête à honorer de son suffrage

« Peuple des villes, peuple intelligent, aspirant souverain de l’avenir, tu n’es qu’un gobe-mouche ; on te blague, on te berne, on te trompe, comme tu dis ; seulement ce ne sont pas les monarchistes qui se moquent ainsi de toi ; ce sont les gens de la république, ceux que tu crois tes amis. Ils sont là une centaine de charlatans montés sur des tréteaux dont le pied baigne dans le sang de tes frères, et toi, les jambes écartées, les bras pendants, la bouche ouverte, les yeux fermés, tu gobes, tu gobes sans cesse ; tu regardes avec admiration leurs tours d’escamotage auxquels tu ne comprends rien, auxquels tu ne comprendras quelque chose que lorsque tu seras escamoté à ton tour.

« Du reste, il faut leur rendre justice à ces saltimbanques ; ils sont adroits, ils t’ont pris par ton côté faible, la vanité ; tous les jours ils te répètent à satiété que tu es intelligent, instruit, que tu as le sens politique, que tu es apte à te gouverner toi-même, et à gouverner les autres ; quoi de plus naturel, après cela, que tu écoutes leurs paroles comme des oracles.

Le charlatan
Le charlatan

« Eh bien ! vois-tu, on te dore la pilule, tu n’es pas malin, et tu t’en apercevras un de ces jours ; ces messieurs passent leur temps à te dire que tu es bien plus fort que le peuple des campagnes : ils savent bien que non ; celui-là a sur toi une immense supériorité, il est défiant ; et lorsqu’un beau parleur vient raconter à des gens de la campagne toutes ces bourdes que tu avales si bien, lorsqu’il vient leur dire que lui et ses amis ne pensent qu’au peuple, n’agissent que pour le peuple, et ont pour unique but de leur vie de travailler à la plus grande félicité de cette classe laborieuse dont eux essaient de sortir par tous les moyens possibles, alors le paysan se pose immédiatement cette question salutaire : « Quel intérêt ce monsieur-là, qui ne nous connaît pas, peut-il avoir à travailler à notre bonheur ? »

« Une fois la question posée, il ne trouve pas toujours la réponse, mais il se méfie, et c’est là l’essentiel. Toi, te méfier ! jamais ! Et cependant, puisque tu es si intelligent, si instruit, si tu avais un peu moins de vanité, si les compliments de tes adulateurs ne te montaient pas tant à la tête, tu comprendrais que tous ces gens-là qui ne reconnaissent de mérite que sous la blouse ne la portent pas, et que leur seul intérêt et leur seul but est de constituer à leur profit une aristocratie de la démocratie, laquelle, sache-le bien, sera pour toi la plus insupportable de toutes ; car toi peuple qui supportes si difficilement le fardeau de la reconnaissance, toi qui bannis Aristide parce que tu es agacé de sa réputation sans tache, comment pourras-tu écouter sans impatience l’éternel panégyrique qu’ils feront des prétendus services qu’ils t’auront rendus. Tiens, dégrise-toi un peu ; tu écoutes chaque jour leurs boniments ; je vais te dire ce qu’ils valent. »

Et plus loin, abordant la question des élections républicaines, notre pamphlétaire écrit :

« La France entière est républicaine ; depuis les malheureuses élections du 8 février 1871, les élections partielles ont toujours donné la majorité aux candidats de la démocratie, et il en sera désormais toujours ainsi. Voilà ce que disent les journaux radicaux ; mais ce qu’ils ne disent pas, c’est que toutes ces élections républicaines sont dues au scrutin de liste.

« Or, remarquez le mécanisme ingénieux de la chose : reportez-vous un instant au système des circonscriptions électorales, où chaque électeur ne vote que pour un député ; puis mettez-moi face à face un industriel honorable, bien connu dans sa circonscription, et un gredin quelconque ; il est bien entendu que l’industriel aura les plus grandes chances d’être nommé ; mais maintenant, donnez à l’électeur plusieurs députés à nommer, et par conséquent faites nommer chaque député par tout un département, qu’arrivera-t-il ?

« Cet industriel si honorable, si bien connu par tous les gens de sa circonscription, sera peu connu dans le reste du département, et il pourra très bien ne pas réunir un très grand nombre de voix, faute d’avoir fait du bruit autour de lui ; et si alors vous lui opposez le premier gredin venu, qui aura fait trois mois de prison pour avoir rossé un gendarme ou pour avoir, dans une petite feuille de province, glorifié l’incendie ou l’assassinat, celui-là réunira sans difficulté les voix de tous les gens d’émeute du département.

« Mais, diront les radicaux, puisque le scrutin de liste est si défavorable aux idées que vous soutenez, puisque vous prétendez qu’il n’est qu’un truc employé par nous pour obtenir des élections républicaines dans un pays qui ne l’est pas, comment se fait-il que les élections du 8 février 1871 vous aient précisément donné cette majorité que vous avez aujourd’hui dans une Chambre qui ne représente plus le pays ?

« C’est qu’à cette époque-là les préoccupations de la guerre et de l’invasion avaient rendu pour un moment impuissantes les intrigues politiques, c’est que la voix de la France couvrait la vôtre, c’est qu’on ne pensait qu’à une chose, nommer des gens honnêtes et instruits, plus occupés de leur pays que d’eux-mêmes ; et puis la députation était alors un honneur pénible et douloureux, et vous vous réserviez pour le moment où la tâche deviendrait agréable, et où il ne vous resterait, lorsque les hommes de travail et d’honnêteté seraient partis, qu’à recueillir le fruit de leur labeur et de leur dévouement, et à vous abattre comme des oiseaux de proie sur cette France qu’ils auraient délivrée.

« Voilà pourquoi l’élément mauvais n’a pas dominé dans les élections du 8 février, comme il l’a fait depuis ; mais en thèse générale, et dans des circonstances normales, le scrutin de liste fausse l’élection, et la fait pencher forcément, non pas seulement vers la République, mais vers ce qu’il y a de pire dans la démocratie ; supprimez-le, et la France républicaine ne sera plus qu’un vain mot.

« Vous tous qui aimez votre pays, n’écoutez plus ces gens-là ; vous voyez ce que valent leurs raisons ; il sera trop tard lorsque vous en serez arrivés à voir par expérience ce que valent leurs promesses. Et si quelques-uns d’entre vous peuvent avoir honnêtement désiré la République, comme la forme de gouvernement la plus belle en théorie, réfléchissez à ce qu’elle serait en pratique avec tous ces hommes-là comme chefs. Vous croyez qu’ils penseront au bien du peuple ; non, ils ne songeront qu’à se disputer les tristes honneurs qu’ils ont convoités toute leur vie. »

 
 
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