Marie de Broglie : princesse fantasque au château de Chaumont-sur-Loire

S’il pouvait parler, le château de Chaumont-sur-Loire raconterait certainement bien des histoires. Après avoir appartenu à Catherine de Médicis, qui l’a cédé à la maîtresse de son mari Diane de Poitiers, il a accueilli l’une des femmes les plus influentes de la fin du XIX^e siècle : la princesse de Broglie. Passionnée d’art, elle a reçu en ses murs les artistes les plus renommés de l’époque, de nombreux souverains, et... un éléphant !

Âgée de 17 ans, Marie-Charlotte-Constance Say, héritière des raffineries de sucre Say, était l’une des des plus grandes fortunes de France, et le 17 mars 1875 devient propriétaire du château de Chaumont-sur-Loire. Le 7 juin de la même année, elle épouse le prince Henri-Amédée de Broglie (1849-1917). Mademoiselle Say n’ayant plus ni père, ni mère apporte à son époux, outre le château, douze millions de francs or ainsi qu’un hôtel particulier situé au n° 10 de la rue de Solférino, à Paris.

Château de Chaumont-sur-Loire

Le couple princier transforme considérablement le château pour le rendre digne des plus grandes réceptions. Ils font installer l’eau courante, l’électricité ou encore un système de chauffage par le sol fonctionnant grâce à un calorifère. Plaisir des yeux et raffinement vont également de pair.

Ainsi, les appartements dits « historiques » sont garnis de mobilier du XV^e au XIX^e siècle, l’escalier d’honneur s’orne de vitraux héraldiques, la salle à manger se pare d’une somptueuse cheminée néo-gothique, les murs du grand salon sont tendus d’une brocatelle de soie jaune. Enfin, un soin particulier est apporté à la décoration de la salle du Conseil, qui retrouve sa fonction initiale de salle de réception, et se dote d’un somptueux carrelage dit Majolique, provenant d’un palais sicilien.

La princesse de Broglie se rend à Chaumont-sur-Loire en général un mois dans l’été, puis au moins trois mois en automne et en hiver, pour la saison des chasses. Le choix des convives est capital, puisqu’il décide de la réussite d’une soirée, d’un dîner, d’un bal, d’une chasse.

La comtesse de Pange, nièce du prince de Broglie, se souvient : « Ma tante aimait follement les mondanités bruyantes. Bals, théâtre, concerts à domicile, réceptions de grands personnages, elle avait la phobie de la solitude et ne pouvait vivre sans une cour d’au moins quinze ou vingt personnes à ses ordres autour d’elle. » Elle règne véritablement sur son monde. La vie à Chaumont était réglée comme une fête de cour, seuls les horaires appartenaient à la plus grande fantaisie.

La princesse Marie de Broglie, née Marie Say

Malgré son jeune âge, la jeune princesse avait semble-t-il son petit caractère et aimait recevoir à sa table des souverains du monde entier : Édouard VII, roi de Grande-Bretagne ; Alphonse XIII, roi d’Espagne ; Don Carlos, roi du Portugal ; Charles I^er, roi de Roumanie ; Ahmad Shah Qajar, Shah de Perse ; les Maharajas de Patiala, de Baroda, de Kapurthala... Passionnée par les arts, musicienne, aimant jouer la comédie, elle convie également nombre d’artistes en vogue : Francis Poulenc, Francis Planté, Sarah Bernhardt, Jeanne Granier ou Marguerite Deval. Des convives invités à partager avec elle un repas composé de 11 plats, comme exigé quotidiennement à ses cuisiniers. En toute simplicité.

La plus grande excentricité de la princesse de Broglie a certainement été d’accepter le cadeau du Maharadjah de Kapurthala, désireux de lui offrir... un éléphant. Acheminée par paquebot depuis Marseille puis en train jusqu’à Chaumont, l’éléphante, nommée « Miss Pundgi » est accueillie au château.

L’histoire raconte que le cornac qui avait accompagné l’animal durant son trajet est ensuite parti dans les villages alentours. Est-ce la solitude ou les difficultés de s’adapter à la vie de Cour ? Toujours est-il que l’éléphante aurait fini déprimée.

En 1905, Crosnier, directeur des sucreries Say, fait de mauvais investissements. Ses spéculations imprudentes font perdre un tiers du capital de la fortune de la famille de Broglie et seule l’administration rigoureuse du prince permet de maintenir les apparences. Après sa mort en 1917, la princesse de Broglie gère très mal sa fortune. Suit en 1929, le krach boursier entraînant une dévaluation de la monnaie.

L’éléphante nommée Miss Pundgi, offerte au couple princier de Broglie par le Maharaja de Kapurthala

En septembre 1930, âgée de 73 ans, elle épouse, en secondes noces, Son Altesse Royale Louis-Ferdinand d’Orléans et Bourbon, Infant d’Espagne, âgé seulement de 42 ans. La princesse de Broglie prend ainsi le titre de princesse d’Orléans et Bourbon. Suite à de nombreux revers financiers, elle morcelle le domaine de Chaumont passant de 2 500 hectares à 21 hectares, procède à la vente de ses multiples propriétés à travers le monde, et se sépare de milliers d’œuvres d’art.

En 1937, l’État engage une expropriation pour cause d’utilité publique et prend possession du domaine le 1^er août 1938, ainsi que de la somptueuse collection de tapisseries et de plusieurs pièces d’ameublement à « caractère historique ».

La princesse d’Orléans et Bourbon finit ses jours dans deux palaces (le Ritz et le Georges V), dans le palais de son second époux, à Venise, et dans son appartement parisien, rue de Grenelle, où elle décède le 15 juillet 1943, à 86 ans. Après avoir été monument national, le Domaine devient régional en 2007.

Site Internet du Domaine de Chaumont-sur-Loire : cliquez ici

France 3 Centre Val de Loire et Domaine de Chaumont-sur-Loire
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