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27 août 1521 : mort du compositeur Josquin des Prés

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27 août 1521 : mort du compositeur
Josquin des Prés
(Extrait de « Biographie universelle des musiciens » (Tome 3), paru en 1837)
Publié / Mis à jour le dimanche 27 août 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 8 mn
 
 
 
La perte de ce grand musicien, dont la supériorité sur tous ses rivaux, la fécondité, et le grand nombre d’idées ingénieuses qu’il répandit dans ses oeuvres l’avaient mis hors de toute comparaison avec les autres compositeurs, fut vivement sentie dans toute l’Europe

La date précise de la naissance de Josquin des Prés est un mystère que les efforts des biographes n’ont pu pénétrer. Il est des auteurs qui l’ont fait remonter jusqu’en 1440, mais il est peu vraisemblable qu’elle soit si ancienne, car il est remarquable que Tinctoris, qui écrivit son traité du contrepoint en 1477, et qui a cité les noms de tous les musiciens célèbres de son temps, n’a pas écrit une seule fois celui de Josquin des Prés, qui certes aurait eu déjà une brillante renommée s’il eût alors atteint l’âge de trente-sept ans.

Claude Hémeré, qui nous a appris que ce grand musicien fut d’abord enfant de chœur de l’église collégiale de Saint-Quentin, et qui a trouvé des preuves irrécusables de ce fait dans les registres du chapitre de cette ville, ne désigne point l’époque ; il ajoute seulement que Josquin devint ensuite maître de musique de la même église. Colliète confirme ces faits dans ses Mémoires pour servir à l’histoire du Vermandois ; mais il néglige aussi de préciser les dates. Au reste, Josquin des Prés n’a pas dû naître plus tard que 1450 ou 1455, car il fut chantre de la chapelle pontificale antérieurement à 1484, et il ne devait pas avoir moins de vingt-cinq ans lorsqu’il fut admis dans cette chapelle.

Dessin exécuté d'après une peinture de la cathédrale Sainte-Gudule de Bruxelles

Dessin exécuté d’après une peinture de la cathédrale Sainte-Gudule de Bruxelles

S’il pouvait rester quelque doute sur les prétentions des Italiens et des Allemands à l’égard de la patrie de Josquin des Prés, la seule circonstance prouvée du lieu de ses études suffirait pour démontrer qu’il n’en est pas d’admissibles, car il est tout à fait invraisemblable que ses parents aient pris la résolution de l’amener de la Toscane ou du milieu de l’Allemagne dans une petite ville du nord de la France, pour en faire un enfant de chœur ; tandis que la proximité de Condé et de Saint-Quentin justifie l’opinion de ceux qui croient qu’il était né dans cette ville du Hainaut.

Il n’est pas douteux que Josquin eut pour maître de contrepoint Jean Ockeghem, premier chapelain de la chapelle de Charles VII, puis trésorier de Saint-Martin de Tours. Ce fait est démontré par deux déplorations qui furent composées sur la mort de ce maître, l’une par Josquin des Prés lui-même, l’autre par Guillaume Crespel, élève du même musicien. On trouve dans la première :

Acoustrez-vous d’habits de deuil,
Josquin, Brumel, Pierchon, Compère,
Et plorez grosses larmes d’œil ;
Perdu avez vostre bon père.

Et dans l’autre :

Agricola, Verbonnet, Prioris,
Josquin Des Prez, Gaspard, Brunet, Compère,
Ne parlez plus de joyeulx chants, ne ris,
Mais composez un Ne recorderis,
Pour lamenter nostre maistre et bon père.

Ockeghem demeurait à Tours avant 1475 ; il est peu vraisemblable que Josquin se soit rendu auprès de lui dans cette ville pour recevoir ses leçons. On doit croire plutôt qu’il fit ses études fort jeune sous ce maître avant que celui-ci eût quitté Paris. Ce dut être de 1465 à 1470 qu’il les commença ; car, à cette époque, les études d’un musicien contrepointiste étaient longues et difficiles, parce que les méthodes d’enseignement consistaient dans l’analyse d’une multitude de faits particuliers ; les règles générales étaient alors à peu près inconnues.

Ce qui est parvenu jusqu’à nous de traités de musique du XVe siècle démontre cette vérité jusqu’à l’évidence. Or Adami de Bolsena nous apprend que Josquin des Prés fut chantre de la chapelle pontificale sous le pape Sixte IV, qui n’occupa le Saint-Siège que depuis 1471 jusqu’en 1484. Adami ajoute que son nom est gravé avec ceux des plus anciens chantres de la chapelle pontificale, dans le chœur de cette chapelle, au palais du Vatican. Cependant il ne se rendit en Italie qu’après avoir été maître de musique pendant un temps plus ou moins long à la cathédrale de Cambrai, si l’on doit s’en rapporter à Jean Manlius, qui, dans ses remarques Sur les lieux communs du philosophe Philippe Mélanchthon, cite une anecdote relative au séjour de Josquin dans cette ville. Un chanteur s’y était permis de broder un passage d’un motet de sa composition ; Josquin s’emporta contre lui et lui dit : « Pourquoi ajoutez-vous ici des ornements ? Quand ils sont nécessaires, je sais bien les écrire. »

Ce fut après son arrivée à Rome que Josquin des Prés commença à donner l’essor à son génie, et que sa réputation s’étendit. Sa supériorité sur tous ses rivaux, sa fécondité, et le grand nombre d’idées ingénieuses qu’il répandit dans ses ouvrages, le mirent bientôt hors de toute comparaison avec les autres compositeurs. Il paraît qu’après la mort de Sixte IV, il se rendit à la cour d’Hercule Ier d’Est, duc de Ferrare, et que ce fut pour ce prince qu’il écrivit sa messe intitulée Hercules Dux Ferrariae, l’une de ses plus belles productions.

La magnificence de la cour de Ferrare, et la protection que le prince accordait aux hommes distingués de tout genre, aurait probablement offert à Josquin un avenir heureux s’il avait voulu se fixer, et si son humeur inconstante ne l’avait déterminé à quitter l’Italie pour se rendre en France à la cour de Louis XIl, où il accepta, non une place de maître de chapelle, comme l’ont dit plusieurs auteurs, et particulièrement Claude Hémeré et Colliète — car, ainsi que le remarque Guillaume du Peyrat (Recherches sur la chapelle des rois de France), cette charge ne fut créée que sous le règne de François Ier —, mais celle de premier chantre.

Mersenne donne à Josquin la simple qualification de musicien du roi (Harmonie universelle, livre de la voix). Il rapporte une anecdote qui semble prouver en effet que cet artiste célèbre fut attaché au service de Louis XII. Ce prince, qui aimait beaucoup une chanson populaire, demanda un jour à Josquin des Prés d’en faire un morceau à plusieurs voix où il pût (le roi) chanter sa partie. La proposition était embarrassante parce que Louis XII n’était pas musicien et n’avait qu’une voix faible et fausse ; cependant le compositeur triompha des difficultés en faisant du thème un canon à l’unisson pour deux enfants de chœur ; à la partie du roi, qu’il appelle vox regis, il ne mit qu’une seule note qui se répétait pendant tout le morceau, et il garda pour lui la basse.

Le roi s’amusa beaucoup de l’adresse de son musicien, qui avait trouvé le moyen de le faire chanter juste. On trouve dans le Dodécachorde de Glaréan ce morceau singulier, qui a confirmé tous les écrivains dans l’opinion que son auteur a été maître de chapelle du roi de France. Toutefois il paraît au moins douteux que Josquin des Prés ait réellement occupé une place dans la musique de Louis XII, car son nom ne se trouve dans aucun des comptes de la chapelle de ce prince. Il est plus vraisemblable qu’il a vécu libre à Paris, attendant le bénéfice qui lui avait été promis.

Il paraît d’ailleurs que son sort n’était pas heureux dans cette ville, et qu’il n’y trouvait pas les avantages auxquels ses talents lui donnaient des droits ; car il adressa à l’un de ses amis d’Italie (Serafino Aquilano), des plaintes amères sur la position critique où il était, et sur le désordre de ses affaires. Dans sa détresse, Josquin s’était adressé à un courtisan qu’il avait connu en Italie, et l’avait prié d’obtenir du roi en sa faveur quelque bénéfice qui pût lui procurer une existence tranquille. Ce seigneur lui avait promis ses bons offices, et chaque fois que Josquin lui parlait de l’objet de ses désirs, il répondait : Lascia fare mi (Laissez-moi faire).

Fatigué de tant de vaines promesses, Josquin se vengea en composant une messe dont le thème obligé était la, sol, fa, ré, mi, et, suivant l’usage de ce temps où l’on composait toute un message sur un seul thème, répéta si souvent cette phrase que celui qui était l’objet de cette plaisanterie s’aperçut enfin que la cour riait à ses dépens. Le roi, que l’anecdote avait beaucoup amusé, promit au musicien de s’occuper de son sort : toutefois, après une longue attente, le pauvre Josquin ne se trouva pas dans une meilleure position.

Miserere mei. Composition de Josquin des Prés. Extrait de Liber selectarum cantonium (1520)

Miserere mei. Composition de Josquin des Prés. Extrait de Liber selectarum cantonium (1520)

Il essaya de rappeler à Louis XII la promesse qu’il lui avait faite, dans le motet : Memor esto verbi tui, etc. (Souvenez-vous, seigneur, de vos promesses) ; mais le roi n’entendit pas, ou feignit de ne pas entendre le sens du motet, et Josquin n’eut plus d’autre ressource qu’une plainte indirecte. Un autre motet, Portio mea non est in terra viventium (Je n’ai point de partage sur la terre des vivants), fut écrit par lui et exécuté à la cour ; le roi, dit-on, ne put résister plus longtemps, et le bénéfice que le compositeur attendait avec tant d’impatience lui fut enfin accordé. Il exhala sa joie dans un troisième motet sur les paroles : Bonitatem fecisti cum servo tuo, Domine (Seigneur, vous avez usé de bienfaisance envers votre serviteur) ; mais, soit envie, soit réalité, on dit alors que le désir l’avait mieux inspiré que la reconnaissance, et que le dernier motet ne valait pas le précédent. Quoi qu’il en soit, il eut enfin ce bénéfice, objet de ses désirs ; Claude Hémeré et Colliète disent que ce fut un canonicat à la collégiale de Saint-Quentin.

Josquin des Prés mourut à Condé comme doyen de l’église Notre-Dame, et y fut enterré. La perte de ce grand musicien fut vivement sentie par toute l’Europe ; une multitude de poèmes, de déplorations et d’épitaphes furent composés par les poètes et les nombreux élèves sortis de son école. Si l’on examine avec attention les ouvrages de ce compositeur, on est frappé de l’air de liberté qui y règne, malgré les combinaisons arides qu’il était obligé d’y mettre pour obéir au goût de son siècle. Il passe pour avoir été inventeur de beaucoup de recherches scientifiques qui dans la suite ont été adoptées par les compositeurs de toutes les nations, et perfectionnées par Pierluigi de Palestrina ou par quelques autres musiciens célèbres de l’Italie ; toutefois la plupart de ces inventions sont d’une époque antérieure au temps où il vécut.

L’imitation et les canons sont les parties de l’art qu’il a le plus avancées ; il y a mis plus d’élégance et de facilité que ses contemporains ; il paraît avoir été le premier qui en a fait de réguliers à plus de deux parties. Quelquefois les contraintes de ce genre de recherches l’ont obligé à laisser l’harmonie des voix nue et incomplète ; mais il rachète ce défaut par une facilité de style inconnue avant lui. Ses chansons ont plus de grâce, plus d’esprit que tout ce qu’on connaît du même genre et de la même époque ; il y règne en général un certain air plaisant et malin qui paraît avoir été son caractère distinctif, et qui s’alliait d’une manière assez bizarre avec ses boutades chagrines.

De Winterfeld a accusé Josquin d’avoir porté cet esprit de plaisanterie et même de moquerie dans sa musique d’église, et conséquemment de n’avoir pas mis dans celle-ci le sentiment religieux et grave qui lui convient. La messe de Josquin, la, sol, fa, ré, mi, est sans doute une plaisanterie, et la répétition continuelle de la phrase est peu convenable pour le style religieux ; mais il faut considérer que ces sortes de recherches étaient dans le goût du temps où vivait le compositeur. On doit en dire autant de l’usage de chanter ensemble des paroles de différentes prières, et même de chansons vulgaires et obscènes, dans les messes et dans les motets : cet usage s’était introduit dans l’église dès le XIIe siècle, et il s’est maintenu longtemps après Josquin.

Ce musicien est souvent aussi grave, aussi religieux, aussi convenable, dans sa musique d’église qu’aucun autre compositeur de son temps. Citons à cet égard comme des morceaux irréprochables, et comme des sources de beautés remarquables pour le temps, l’Inviolata à cinq voix sur le plain-chant ; le Miserere, également à cinq voix, où l’on trouve un des plus anciens exemples connus de la réponse tonale à un sujet de fugue ; le Stabat mater, composition touchante établie sur une large combinaison du plain-chant ; le motet Praeter rerum seriem, à six voix ; l’antienne à six O Virgo prudentissima, avec un canon à la quinte entre le ténor et le contralto, et les cinq salutations de J.-C., à quatre voix, morceaux du style le plus noble. Il en est un grand nombre d’autres qui pourraient être ajoutés à cette liste.

Au premier aspect, lorsqu’on examine les compositions de Josquin des Prés, et lorsqu’on les compare à celles de ses prédécesseurs, on ne voit pas qu’aucune invention importante lui appartienne, ni qu’il ait changé dans les formes de l’art ce qui existait avant lui. Ainsi l’harmonie n’est dans sa musique que ce qu’elle est dans celle d’Ockeghem, d’Obrecht et de quelques autres maîtres de l’époque précédente, soit par la constitution des accords, soit par leur enchaînement. La disposition des parties, la tonalité, le système des imitations et des canons, la notation, tout est semblable dans ses ouvrages aux productions d’une époque antérieure.

Mais un examen approfondi de ces mêmes ouvrages y fait découvrir une perfection plus grande dans chacune de ces parties, un caractère particulier de génie qui n’existe point chez les autres. Les formes de sa mélodie sont souvent entièrement neuves, et il a eu l’art d’y jeter une variété prodigieuse. L’artifice de l’enchaînement des parties, des repos, des rentrées, est chez lui plus élégant, plus spirituel que chez les autres compositeurs.

Mieux que personne, il a connu l’effet de certaines phrases obstinées qui se reproduisent sans cesse, particulièrement dans la basse, pendant que la mélodie de la partie supérieure brille d’une variété facile, comme si aucune gêne ne lui était imposée. Il n’a point connu la modulation sensible, parce que celle-ci n’a pu naître que de l’harmonie dissonante naturelle, qui a changé le système de la tonalité, près d’un siècle après lui ; mais il avait compris la puissance de certains changements de tons, et il a quelquefois employé de la manière la plus heureuse le passage à la seconde mineure supérieure du ton principal ; sorte de modulation qui, appliquée à la tonalité moderne, a été reproduite avec un grand succès par Rossini et quelques autres compositeurs.

Bien que Josquin écrivît avec facilité, il employait beaucoup de temps à polir ses ouvrages. Glaréan dit qu’il ne livrait ses productions au public qu’après les avoir revues pendant plusieurs années. Dès qu’un morceau était composé, il le faisait chanter par ses élèves ; pendant l’exécution, il se promenait dans la chambre, écoutant avec attention, et s’arrêtant dès qu’il entendait quelque passage qui lui déplaisait pour le corriger à l’instant. Ces soins sont d’autant plus remarquables, que sa vie fut agitée, et qu’il produisit beaucoup, comme font d’ordinaire les hommes de génie.

Tout démontre que Josquin des Prés fut le chef des compositeurs et le type de la musique de son temps ; que sa réputation fut universelle ; qu’il fut l’artiste qui exerça le plus d’influence sur la destinée de l’art, depuis la dernière partie du XVe siècle jusque vers le milieu du XVIe ; et peut-être est-il permis de dire qu’il conserva cette influence plus longtemps qu’aucun autre, car elle commença à se faire sentir vers 1485, et ne cessa qu’après que Palestrina eut perfectionné toutes les formes de l’art, c’est-à-dire plus de soixante-dix ans après.

 
 
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