Coutumes, Traditions Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres Carême : période de jeûneet de pénitence entaméele Mercredi des Cendres (D’après « Légendes du calendrier » paru en 1863 et « Essai sur les fêtesreligieuses et les traditions populaires qui s’y rattachent », paru en 1867) Publié / Mis à jour le mercredi 10 février 2016, par Redaction Temps de lecture estimé : 4 mn Aux folles joies du carnaval succède un temps de jeûne et de pénitence désigné sous l’appellation de Carême, et observé en référence aux quarante jours de jeûne de Jésus dans le désert. Débutant par le Mercredi des Cendres, il s’achève avec Pâques : durant toute cette période, l’Église appelle ses enfants au pied des autels ; les voûtes sacrées, dépouillées de tout ornement, ne retentissent plus que de chants de douleur et d’expiation. « L’origine du carême remonte aux premiers temps du catholicisme, écrit à la fin du XVIIIe siècle Joseph-Matthieu d’Agoult, évêque de Pamiers ; il paraît même certain que son institution appartient aux apôtres. C’est là le sentiment général des Pères de l’Église. L’ouverture de ce temps d’expiation est marquée par une cérémonie imposante ; tandis que l’oreille peut quelquefois saisir encore, comme un bruit confus et lointain, le dernier écho des fêtes profanes et des joies mondaines, les fidèles, sans distinction de rangs, se pressent dans les temples et viennent recevoir de la main du prêtre l’imposition des cendres sur leurs fronts ; humbles ou puissants, pauvres ou riches, tous s’inclinent sous la main sacrée, et les mêmes paroles retentissent à toutes les oreilles : Homme, souviens-toi que tu n’es que poussière et que tu retourneras en poussière ! » La cérémonie des Cendres ne remonte, elle, qu’au IXe neuvième siècle. Dès lors, c’était ce jour-là que l’on imposait des pénitences, publiques ou privées, à ceux qui devaient être réconciliés le jeudi saint. « Voilà l’égalité, la seule égalité réelle et salutaire, dont on repousse pourtant les leçons, poursuit d’Agoult. L’Église, dans ce jour qui ouvre une ère de repentir et de pénitence, rappelle à tous les hommes, sans exception, quelle est leur origine et quelle est leur destinée commune : Souviens- toi que tu n’es que poussière et que tu retourneras en poussière » Et Collin de Plancy de rappeler que les papes eux-mêmes sont soumis à ce rituel, mais que depuis Urbain VI (1378-1389), on ne dit plus rien lorsqu’on donne les cendres au Saint-Père. La durée du carême, régulièrement fixée aujourd’hui, avait varié d’abord. Dans les premiers temps, il n’y eut rien de bien fixé pour l’observer. Saint Irénée, qui vivait sur la fin du IIe siècle, dit que de son temps les uns croyaient ne devoir jeûner qu’un jour, les autres deux, les autres davantage. Saint Augustin convient aussi qu’il n’a point trouvé de loi de Jésus-Christ ou des apôtres qui détermine le nombre de jours où il soit défendu ou ordonné de jeûner. Détail du Combat entre Carême et Carnaval, peinture de Pieter Brueghel le Vieux (1528-1569) Mais peu à peu l’autorité de l’Église suppléa, à cet égard, au défaut des lois apostoliques et divines, et bientôt la durée du Carême fut fixée à trente-six jours, ce qui, pour l’Église d’Orient comprenait sept semaines, et six seulement pour celle d’Occident. Cette différence provenait de ce que dans celle-ci le jeûne n’était interrompu que le dimanche, tandis que dans l’autre on l’interrompait encore le samedi, celui de la Semaine-Sainte excepté. Au commencement du IIIe siècle, le jeûne du carême était tellement répandu que Tertullien écrivait dans son livre Des jeûnes, vers l’an 217 : « Il n’y a point de continent, point d’île, point de nation, pas un coin de terre, où le jeûne quadragésimal ne soit observé ; des voyageurs, des matelots, des marchands éloignés de leur patrie, l’entendent proclamer partout où ils abordent. » Plein de vénération et de respect pour ce temps de prières et d’abstinence, l’empereur romain Théodose Ier (379-395) publia, en 380, une loi par laquelle il défendait expressément de faire pendant tout le carême les procédures criminelles. Le jeûne et l’abstinence n’étaient point les seuls devoirs imposés pendant le Carême : les chrétiens devaient encore s’interdire toute espèce de jeux et de divertissements, garder la continence dans quelque relation qu’ils se trouvassent, suspendre leurs procès, leurs querelles, pratiquer les bonnes œuvres et se livrer plus fréquemment aux exercices de piété. Les capitulaires de Charlemagne, que l’on retrouvait encore en vigueur au XVIe siècle, étaient très sévères à l’endroit du maigre et du jeûne, et quiconque enfreignait sans motif légitime cette prescription, était punissable de mort. Les trois Carêmes des capitulaires de Charlemagne comprenaient les quarante jours qui précédaient Pâques, Noël et la Pentecôte. Divers conciles furent tenus vers l’an 1002, tant en France qu’en Italie, dans le but de rétablir la discipline religieuse et de la rendre uniforme touchant les jeûnes. On convint qu’on n’en indiquerait aucun entre Pâques et la Pentecôte, excepté la veille de cette dernière fête. Les malades, aussi bien que les autres, étaient soumis à ce même régime. Les comptes et état des dépenses des maladreries et léproseries, dans lesquels on voit figurer des sommes pour achat de poissons, nous fournissent la preuve que l’Hôtel-Dieu de Paris l’appliquait à ses malades. Un comte de Blois fit même, au XIIIe siècle, des donations de harengs frais à l’Hôtel-Dieu. Ce fut le roi Henri II qui, le premier, autorisa de la viande de boucherie en temps de Carême aux personnes malades munies d’un certificat de médecin. Le lait et le beurre, en Carême, même dans le pain et les légumes, à moins d’une permission spéciale, n’étaient pas plus tolérés que la viande. A la fin du XIVe siècle, Charles V, en raison de sa santé délicate, put user de ces aliments en vertu d’une permission accordée par le pape Grégoire XI, qui voulut avoir un certificat du médecin et du confesseur du roi. Ce n’est qu’à cette condition que son jeûne fut levé. Le pape lui imposa en outre des prières et d’autres œuvres de religion. De 1532 à 1537, le diocèse de Paris reçut, des papes, la permission du lait et du beurre, à une condition toutefois que les pauvres réciteraient trois Pater et trois Ave, et les riches feraient l’aumône pour leur paroisse, les Hôtels-Dieu, les filles pénitentes et les cordeliers du faubourg Saint-Marceau. Le Carême cependant, était loin d’être observé partout, et la vie de Geoffroy, évêque d’Amiens au début du XIe siècle (1104-1115), nous apprend que les habitants de cette ville protestèrent contre les exhortations qu’il leur fit le jour des Cendres, de ne point manger de viande jusqu’à Pâques. Ils ne voulaient point quitter, disaient-ils, une coutume ancienne ; et ils mangèrent, en effet, de la viande le dimanche. L’histoire nous apprend encore qu’en l’an 1006, l’évêque de Limoges Alduin, touché de l’extrême misère des habitants d’une bourgade de son diocèse, leur permit de manger de la viande pendant le Carême. Dans certaines parties de la France on avait coutume jadis d’exposer, sur la cheminée de la chambre où se rassemblait la famille, le tableau dont nous donnons ci-dessus une reproduction, composé d’autant de lettres qu’il y a de jours en carême, formant l’inscription : Mors imperat regibus, maximis, minimis, denique omnibus (la mort commande aux rois, aux plus grands, aux plus petits, à tous enfin). Chaque soir on effaçait une de ces lettres, et à Pâques l’inscription entière se trouvait vide. Ainsi, à mesure que la fête de la résurrection du Christ approchait, la mort, qui se vantait orgueilleusement de commander au genre humain, semblait réduite au silence. C’était un moyen, à la fois ingénieux et frappant, de rappeler le triomphe remporté sur la mort par Jésus, alors qu’il sortit glorieux du tombeau. 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