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17 juin 1778 : victoire navale de la Belle-Poule contre les Anglais

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Éphéméride, événements
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17 juin 1778 : victoire navale de
la Belle-Poule contre les Anglais
(D’après « Histoire maritime de France depuis la paix de Nimègue
jusqu’à nos jours » (par Léon Guérin), Tome 2 paru en 1843)
Publié / Mis à jour le dimanche 17 juin 2018, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
Louis XVI, qui avait réalisé des vues profondes notamment en fait de marine, vient de reconstituer une puissante flotte de guerre lorsque l’Angleterre fait donner par une de ses frégates, supérieure en force à la Belle-Poule, le signal des hostilités, cet affrontement marquant le début de l’entrée en guerre de la France dans la guerre d’indépendance des États-Unis

L’activité qui régnait au ministère de la marine, dans tous les ports et sur toutes les côtes de France depuis l’avènement de Louis XVI ; le soin que l’on prenait de fortifier et de garantir les colonies, témoignaient assez que l’on était à la veille d’une guerre navale. Il y avait déjà plusieurs années que s’opérait la scission entre l’Angleterre et ses plus importantes colonies d’Amérique.

La France, dans son infortune, avait eu du moins cette satisfaction qu’elle avait mis, sans s’en douter, une épine au cœur de sa rivale, en lui cédant le Canada, par le traité de 1663. En effet, du jour où les colons de la Nouvelle-Angleterre n’avaient plus eu de motif d’être animés de l’esprit de lutte contre les colons de ces vastes territoires qui s’appelaient naguère la Nouvelle-France, ils ne s’étaient plus sentis Anglais ; une répulsion profonde contre la métropole qui les pressurait, qui ne tenait compte que de leurs richesses et point de leurs services, avait pris dans leur âme, et avec bien plus d’intensité encore, toute la place de la haine qui les avait poussés tant de fois, et avec tant de succès en dernier lieu, contre les possessions françaises.


Maquette de la frégate la Belle-Poule, réalisée par Bernard Frölich.
© Crédit photo : http://modelisme.arsenal.free.fr/artdumodelisme

C’était vers la France qu’ils se tournaient maintenant, c’était d’elle qu’ils espéraient leur indépendance, en rejetant loin d’eux, comme un opprobre, le nom d’Anglais pour prendre et illustrer celui d’Américains. Choiseul, sous le règne de Louis XV, avait eu l’œil sur les premiers mouvements des Américains ; on l’a même accusé de les avoir excités ; on peut du moins affirmer qu’il les avait vus avec joie comme un moyen qui se présentait de laver les derniers affronts supportés par la France. La pusillanimité de Louis XV l’avait empêché de profiter de l’occasion. Mais, sous Louis XVI, les colonies anglaises d’Amérique ayant solennellement proclamé leur indépendance, sous le nom d’États-Unis, le 4 juillet 1776, il n’y eut plus moyen de maîtriser l’entraînement de la France en faveur du nouveau peuple.

De toutes parts, la France était donc conviée à une guerre avec l’Angleterre ; mais, cette fois, on était bien décidé à faire tout au monde pour qu’elle restât purement maritime, et pour que l’ennemi ne pût pas se vanter, comme il l’avait fait, en 1663, d’avoir conquis les colonies françaises en Allemagne. L’indépendance des États-Unis fut reconnue par le gouvernement français le 7 février 1778, et, un traité d’amitié et de commerce fut conclu entre la plus vieille des monarchies européennes et la jeune république américaine. Malgré les assurances pacifiques qui accompagnèrent la notification de ce traité à la cour de Londres, le gouvernement anglais le considéra comme une déclaration de guerre ; les ambassadeurs furent rappelés de part et d’autre.

La guerre navale avait déjà cessé d’avoir, sous le règne de Louis XV, la physionomie qui l’avait le plus spécialement distinguée sous le règne de Louis XIV. Les abordages, qui avaient fait la gloire des Jean Bart, des Forbin, des Duguay-Trouin et de tant d’autres braves marins, étaient devenus extrêmement rares dès avant la fin de la première moitié du XVIIIe. Cela tenait surtout à un changement apporté dans la construction des vaisseaux, auxquels, au lieu de l’ancien renflement, on donnait, de chaque côté, une rentrée de quatre à six pieds, qui rendait l’abordage impossible.

Le premier coup de canon partit ; ce fut l’Angleterre qui le tira. Deux frégates, la Belle-Poule, de 26 canons, et l’Arethusa — une ancienne frégate française capturée en 1759 —, de 30, eurent l’honneur de la rencontre qui livra les deux nations à toute la franchise de leur haine réciproque, et commença la guerre. C’était le 17 juin 1778. Le lieutenant de vaisseau Jean-Isaac Chadeau de la Clocheterie qui commandait la Belle-Poule, et avait avec lui le lougre le Coureur, de 8 canons, petit bâtiment leste et assez coquet comme tous ceux de ce genre, s’aperçut, à dix heures et demie du matin, dans les eaux de Brest, près d’Ouessant, qu’il était sur le point de tomber dans une escadre anglaise. Alors il fit virer de bord et prit la chasse.

Combat de la Belle Poule et de l'Arethusa. Peinture d'Auguste-Louis de Rossel de Cercy

Combat de la Belle Poule et de l’Arethusa. Peinture d’Auguste-Louis de Rossel de Cercy

Mais il fut poursuivi et atteint par une frégate et un sloop de 10 canons, bâtiment de construction très arrondie, propre par sa voilure à courir au plus près du vent, et particulièrement en usage alors dans les colonies anglaises. Le sloop héla, ou, pour parler un langage plus simple, questionna, à l’aide d’un porte-voix, la frégate la Belle-Poule, en anglais. La Clocheterie répondit fièrement qu’on eût à lui parler en français. Bientôt la frégate ennemie l’Arethusa, commandée par le capitaine Marshall, vint se mettre sous le vent, à portée du mousquet de la hanche de la Belle-Poule.

Le commandant de celle-ci manœuvra pour éviter la position désavantageuse où il se trouvait en présentant la hanche. Sa manœuvre, exécutée avec précision et célérité, mit les deux frégates par le travers l’une de l’autre, et à portée du pistolet. Dans cette position, l’Arethusa héla elle-même la Belle-Poule en anglais ; la Clocheterie fit la même réponse qu’il avait faite au sloop. Alors le capitaine Marshall se décida à parler en français, et somma, dans cette langue, le commandant de la Belle-Poule de venir auprès du chef de l’escadre britannique. La Clocheterie répliqua que sa mission ne lui permettait pas de faire cette route.

Marshall insistait ; mais il comprit bientôt qu’il ne lui restait plus que la ressource d’un autre langage encore pour tâcher d’être mieux entendu, et l’Arethuse envoya à la Belle-Poule toute sa bordée. La riposte fut prompte et fière. Le combat se trouva engagé à six heures et demie du soir, dans un moment où la faiblesse du vent permettait à peine de gouverner. Il fut sanglant de part et d’autre.

Le commandant en second de la Belle-Poule, Grain de Saint-Marceau, tombe frappé à mort, et trente-neuf braves comme lui ne présentent déjà plus que des cadavres mutilés. Les blessés sont plus nombreux encore ; mais ils prennent exemple sur leur valeureux chef, qui, atteint de deux fortes contusions, l’une à la cuisse, l’autre à la tête, continue à faire son devoir. L’enseigne de la Roche-Kerandraon a le bras cassé : il se fait mettre un premier appareil, et revient prendre son poste, qu’il garde jusqu’à la fin de l’action.

Maquette de la frégate la Belle-Poule, réalisée par Bernard Frölich

Maquette de la frégate la Belle-Poule, réalisée par Bernard Frölich.
© Crédit photos : http://modelisme.arsenal.free.fr/artdumodelisme

L’officier-auxiliaire Bouvet est frappé à son tour ; on le presse de quitter le pont pour se faire panser : il refuse, et le dispute encore en intrépidité, en fermeté à de jeunes officiers plus heureux, de Capellis, Damard, Sbirre, de Basterot, de la Galernerie, qui se signalèrent aussi dans ce jour, mais sans payer leur triomphe de leur sang. Il était onze heures et demie du soir, et le combat durait toujours à la portée du pistolet, quand la frégate anglaise parut réduite ; mais elle mit à profit la brise qui s’était élevée, arriva vent arrière et se replia sur son escadre pour se faire remorquer.

Dans sa fuite, elle essuya plus de cinquante coups de canon, sans riposter par un seul. La Clocheterie ne pouvait suivre son avantage sans courir le risque de tomber au milieu des ennemis. Il prit le parti de courir vers la terre, et à minuit et demi, il mouilla dans l’anse de Kervin, sous Plouascat, où la Belle-Poule resta embossée jusqu’au lendemain. Le lougre le Coureur, commandé par le lieutenant de Rosily, n’avait pas voulu s’éloigner de l’action, quoique cela fût en son pouvoir, et s’étant engagé dans un abordage disproportionné avec le sloop anglais, il avait été forcé de se rendre. Le brillant combat de la Belle-Poule, en présence pour ainsi dire de toute une escadre ennemie, excita l’enthousiasme français.

La glorieuse frégate fut signalée du port de Brest avec un concert d’acclamations. Les transports qui accueillirent la Clocheterie et son vaillant équipage à leur débarquement, les témoignages de reconnaissance que le peuple leur décerna de concert avec le gouvernement, tout démontrait qu’il s’agissait cette fois d’une guerre vraiment nationale et qui mettait en mouvement toutes les fibres du cœur français. Louis XVI, persuadé désormais qu’il avait mis le droit de son côté, en laissant tirer aux Anglais le premier coup de canon, montra moins d’incertitude dans ses desseins, et annonça lui-même de la manière la plus aimable au lieutenant de la Belle-Poule qu’il le nommait capitaine de vaisseau.

Ce brave commandant faisait une partie de piquet chez le comte de Maurepas ; le roi entra et ne voulut point qu’on le dérangeât. Alors, quelqu’un des assistants ayant dit que M. de la Clocheterie avait beau jeu, Louis XVI prit la parole et ajouta : « M. de la Clocheterie a beau jeu partout. » Un moment après, le roi, s’adressant à cet officier, lui dit : « J’ai des reproches à vous faire, monsieur de la Clocheterie, je ne vous croyais pas si inconstant. — Comment, sire, ai-je pu mériter ?... — Oui, oui, je sais que vous êtes infidèle à la Belle-Poule. — Moi, sire... — Ne cherchez pas à vous défendre ; il est sûr que vous la quittez pour un vaisseau de 64 canons. » À ces mots, de la Clocheterie se jette aux pieds du roi qui le relève avec bonté, rapporte de Longchamps dans son Histoire des événements militaires et politiques de la dernière guerre, dans les quatre parties du monde, parue en 1787.


Combat entre la frégate britannique l’Arethusa et la frégate française la Belle Poule
le 17 juin 1778. Gravure (colorisée) anglaise de 1879

Deux ordonnances que l’on tenait en réserve furent rendues publiques ; l’une et l’autre avaient pour but de stimuler le zèle des gens de mer. La première portait abandon entier des bâtiments de guerre et corsaires enlevés sur les ennemis, aux commandants, états-majors et équipages des vaisseaux qui s’en seraient emparés, et réservait seulement un tiers de la valeur des navires marchands et de leur cargaison, pour être appliqué à la caisse des invalides de la marine.

La seconde renouvelait et étendait les avantages accordés aux armateurs en course, promettait des marques de distinction et garantissait des récompenses pécuniaires à ceux qui se signaleraient dans ce genre de guerre ; elle encourageait l’armement de grands bâtiments corsaires, en enjoignant aux arsenaux du royaume de leur fournir les canons dont ils auraient besoin, et en autorisant même, en cas d’absence dans les arsenaux, les armateurs à acheter des pièces d’artillerie pour leur service et pour compte de l’État, sans que celui-ci se réservât en retour aucune portion dans le produit des prises, pas même le coffre du capitaine, comme cela avait lieu précédemment.

L’effet de cette dernière ordonnance fut remarquable. On vit s’organiser des compagnies d’actionnaires pour de grands armements en course ; il en devait bientôt sortir de véritables escadres capables de porter à elles seules de rudes coups à l’ennemi. Quant aux forces navales de l’État, elles s’élevaient, au commencement des hostilités, à soixante-quatre vaisseaux de guerre armés, sans compter les frégates et les bâtiments inférieurs, et tout annonçait que le nombre s’en accroîtrait encore.

 
 
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