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6 décembre 1805 : mort de l'inventeur prolifique et de génie Nicolas-Jacques Conté

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6 décembre 1805 : mort de l’inventeur
prolifique et de génie
Nicolas-Jacques Conté
(D’après « Biographie universelle ancienne
et moderne » (Tome 9), paru en 1813)
Publié / Mis à jour le mercredi 6 décembre 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 
 
 
De l’expédition d’Égypte durant laquelle il construit un télégraphe, des moulins à vent, des fonderies pour canons ou encore des ustensiles pour les hôpitaux, à la prise, à son retour en France, de la direction d’une manufacture de crayons, activité qui forgera sa réputation, ce laborieux et savant artiste joignait à tous les talents une simplicité de moeurs, une grande douceur de caractère et la modestie la plus rare

Nicolas-Jacques Conté, peintre, chimiste et mécanicien habile, naquit à Saint-Céneri-près-Sées — commune absorbée en 1811 par celle d’Aunou-sur-Orne —,en Normandie, le 4 août 1755. Etant encore en bas âge, il perdit son père. Sa mère le garda près d’elle, espérant qu’il l’aiderait un jour à faire valoir leur commun héritage ; mais, à peine avait-il douze ans, qu’un penchant invincible l’entraîna vers la mécanique et la peinture.

Ses premiers essais, composés à l’insu de ses parents, sans maître, sans secours, avec les seuls instruments qu’il s’était faits lui-même, devaient nécessairement manquer de correction et d’élégance ; mais on y découvrait déjà l’étincelle du talent, et surtout cet esprit d’invention par lequel Conté devait se distinguer un jour. Pourrait-on croire, par exemple, que, n’ayant d’outil qu’un couteau, il était parvenu à fabriquer un violon, un violon qui a été entendu avec plaisir dans plusieurs concerts ? Il n’avait pas alors dix-huit ans.

Mme de Prémeslé, supérieure de l’hôpital de Sées, instruite des dispositions du jeune Conté, l’engagea à peindre divers sujets religieux pour l’église de cet établissement. On imaginera aisément qu’il entreprit ce travail avec crainte ; mais, ce qui est plus difficile à croire, il y réussit. On montrait encore, au XIXe siècle, ces tableaux dans l’église de l’Hôtel-Dieu de Sées, et l’on admirait comment un jeune homme n’ayant jamais eu d’autre maître que la nature, avait pu, à quelques incorrections de dessin près, exécuter de pareilles compositions.

Encouragé par les suffrages qu’il recueillait, Nicolas-Jacques se livra-à la peinture du portrait, en y joignant l’étude des sciences physiques et mécaniques, pour lesquelles il se sentait un goût particulier. Il se fit bientôt une réputation dans toute la province, par la ressemblance parfaite de ses portraits, la fraîcheur et la vérité du coloris, de sorte que l’intendant d’Alençon désira le connaître et le détermina à aller perfectionner son talent à Paris.

Nicolas-Jacques Conté, par Adolphe Roehn

Nicolas-Jacques Conté, par Adolphe Roehn

Vers cette époque, Conté, s’étant lié d’une étroite amitié avec un seigneur des environs d’Alençon, entreprit de lever le plan de ses terres ; mais trouvant la méthode usitée jusqu’alors, longue et peu sûre, il inventa un instrument très simple pour mesurer les distances. Dans le même temps, Conté fit aussi exécuter une machine hydraulique très ingénieuse, qui fut soumise à l’examen de l’Académie des sciences, et dont cette compagnie rendit un compte avantageux : elle fut par la suite déposée dans le beau cabinet de physique de Jacques Charles, qui l’employait habituellement dans ses démonstrations.

Les talents de Conté et les qualités de son cœur qui valaient mieux encore, lui gagnèrent l’estime et la confiance d’une femme issue d’une des premières familles de Normandie par ses parents maternels ; il l’épousa. Tous deux se trouvaient privés de fortune ; ce fut pour Conté un nouveau motif de redoubler de zèle dans sa double carrière. Arrivé à Paris, son temps se trouva partagé entre les portraits qu’on lui demandait de toutes parts, et les études qu’il voulait continuer. Il satisfit à ces deux genres d’engagements ; tandis qu’il faisait des portraits pour les autres, il suivait pour lui-même des cours d’anatomie, de chimie, de physique et de mécanique.

Ce fut ainsi que, dans le silence des arts et dans le commerce de quelques vrais amis, s’écoulèrent paisiblement les six premières années de son séjour dans la capitale. Les temps orageux de la Révolution le tirèrent de sa retraite. A l’époque où l’on voulut faire des aérostats une machine de guerre, il fut, avec plusieurs autres savants, chargé de répéter en grand l’expérience de la décomposition de l’eau par le moyen du fer. On voulait substituer ce procédé à l’emploi de l’acide sulfurique, qui paraissait devoir être trop coûteux.

L’activité de Conté et ses lumières le firent distinguer ; on le chargea de répéter les expériences plus en grand à Meudon, et on lui donna la direction d’une école d’aérostiers que l’on y avait placée. La plupart des élèves arrivaient dans cette école sans aucune teinture de chimie, de dessin, ni de mathématiques ; ils en sortirent avec des connaissances qui les avaient mis en état de suivre la carrière des arts, où quelques-uns même se distinguèrent depuis.

Conté s’était particulièrement chargé de faire diverses expériences pour reconnaître l’altération que le gaz hydrogène pouvait produire sur l’enveloppe des aérostats ; il avait préparé pour cet objet plusieurs matras remplis de différents gaz, et des morceaux de taffetas enduits de compositions diverses. Voulant un soir terminer ses observations, il se fait donner une lumière qu’il place à l’extrémité de son laboratoire et enlève le bouchon d’un des matras pour essayer le gaz qu’il renfermait. Malheureusement la porte, laissée entrouverte, établit un courant d’air qui porte le gaz hydrogène combiné sur la lumière ; il se forme à l’instant une traînée de gaz enflammé, qui, en arrivant au matras, produit une détonation terrible, brise tous les instruments de verre, dont les éclats atteignent Conté sur toutes les parties du corps. Il tomba baigné dans son sang, et le pansement de ses plaies donna la triste certitude qu’il était privé de l’œil gauche.

Le gouvernement, touché de son zèle, lui conféra le grade de chef de brigade, avec le commandement en chef des aérostiers. Ce fut dans le même temps que se fit sentir la nécessité de former un dépôt des modèles, outils, instruments et machines relatifs aux arts et métiers, disséminés sans ordre sur plusieurs points de la capitale. Le Conservatoire fut établi, et Conté en fut nommé membre.

A cette époque encore, la pénurie des crayons que nous tirions de l’étranger augmentait de plus en plus ; l’agence des mines, consultée par le gouvernement, chargea Conté de reproduire ou de remplacer, à force d’industrie, une matière que notre sol ne donne point : il réussit, et éleva, en moins d’une année, la manufacture de crayons qui porta son nom. Il s’occupait d’y joindre un nouveau genre de couleurs inattaquables à tous les agents connus ; mais, appelé, avec beaucoup d’autres savants à l’expédition d’Égvpte, il ne put achever cette entreprise, et partit en qualité de chef de brigade du corps des aérostiers qu’il avait commandé à Meudon.

A peine arrivé à Alexandrie, il se livra aux travaux les plus urgents pour le service de cette place presque dénuée de tout ce qui était nécessaire à l’armée. Il proposa une ligne télégraphique pour signaler à notre flotte, qui était stationnée à Aboukir, l’apparition de la flotte anglaise. Cet avis fut négligé, et l’on n’eut connaissance de l’ennemi qu’au moment où il fallut se battre. Après le combat, les Anglais menaçaient Alexandrie, qu’on pouvait enlever d’un coup de main ; il construisit en deux jours, au Phare, des fourneaux à boulets rouges avec les moyens les plus simples ; depuis, les vaisseaux anglais se tinrent éloignés des côtes, et l’on eut le temps de fortifier la place. Appelé peu après au Caire, il forma aussitôt des ateliers destinés à remplir les besoins des différentes armes et de tous les services publics. La révolte du Caire venait de mettre au pouvoir des Arabes les instruments et les machines rassemblés en France pour l’expédition ; il fallut tout créer, jusqu’aux outils eux-mêmes ; mais aucun obstacle n’arrêtait le génie actif et fécond de Conté.

Il fit plusieurs moulins à vent, dans un pays où l’on ne connaissait rien de semblable, des machines pour la monnaie du Caire, pour l’imprimerie orientale, pour la fabrication de la poudre. Il créa diverses fonderies : on faisait dans ses ateliers des canons, de l’acier, du carton, des toiles vernissées, etc. En moins d’un an, il transporta ainsi tous les arts de l’Europe dans une terre lointaine, et jusqu’alors presque entièrement réduite à des pratiques grossières. C’était peu de tous ces services rendus à l’expédition ; Conté voulut que les habitants profitassent aussi de ses travaux. Il visitait les manufactures du pays ; il proposait avec simplicité des améliorations faciles, et il était favorisé dans son dessein par l’adresse et la docilité qui sont propres aux naturels.

Aussi, a-t-on vu en peu de temps s’introduire dans leurs fabriques des procédés nouveaux. Quelques années auraient suffi pour opérer une révolution totale dans leur industrie. Au milieu de ses visites, il étudiait les divers métiers, il recueillait des renseignements nombreux, il dessinait les ateliers, les instruments et les machines. C’est ainsi qu’il s’était fait un immense portefeuille, où son pinceau facile et fidèle retraçait une foule de travaux, de scènes intérieures, de costumes du pays inconnus aux autres voyageurs. Cette collection de dessins fut gravée en partie pour le grand ouvrage que publia la commission d’Égypte ; elle pourrait être regardée comme l’ouvrage d’un artiste qui ne se serait livré qu’à cet unique travail, et cependant son auteur paraissait occupé tout entier des besoins de la colonie.

Dessin réalisé par Nicolas-Jacques Conté lors de l'expédition d'Égypte

Dessin réalisé par Nicolas-Jacques Conté lors de l’expédition d’Égypte

Il perfectionna la fabrication du pain ; il faisait exécuter des sabres pour l’armée, des ustensiles pour les hôpitaux, des instruments de mathématiques pour les ingénieurs, des lunettes pour les astronomes, des crayons pour les dessinateurs, des loupes pour les naturalistes, etc. ; en un mot, depuis les machines les plus compliquées et les plus essentielles, comme les moulins à blé, jusqu’à des tambours et des trompettes, tout se fabriquait dans son établissement. La physique lui fournit en Égypte plusieurs applications utiles. On lui dut bientôt, par exemple, un nouveau télégraphe, qui était moins facile à établir là qu’ailleurs, à cause du mirage et des autres phénomènes analogues et propres à cette atmosphère brûlante. On voulut, à l’occasion des fêtes annuelles, donner aux Égyptiens un spectacle frappant, celui des ballons, et il fit des montgolfières.

On ne saurait détailler tous les travaux qu’il a exécutés ou commencés en Égypte. Des événements imprévus l’arrachaient souvent à une entreprise utile pour des soins plus urgents. C’est ainsi que, pour l’embarquement de l’armée qui allait repasser en France, il avait projeté et commencé la fabrication de citernes ou grands réservoirs en plomb, qui devaient suppléer au manque de tonneaux ; mais la mémorable bataille d’Héliopolis le rappela au Caire, où il dut organiser de nouveau ses établissements. L’habillement de l’armée avait épuisé tous les magasins du pays, et l’état de blocus empêchait le commerce d’y apporter des draps. Fabriquer des draps pour une armée entière et pour la consommation des habitants, tel fut le projet qu’il conçut, et il y réussit avec le même succès qui avait couronné toutes ses autres entreprises.

Tant de services lui méritèrent l’estime la plus distinguée de la part des trois généraux qui ont commandé successivement en Égypte. Ils appréciaient surtout en lui cette simplicité unie à tant de mérite, et qui le mettait au-dessus de l’envie ; cette intégrité qui écartait de lui tous les reproches ; ce courage, cette constance, cette abnégation de soi-même qui rendaient légers pour lui tous les sacrifices et le faisaient renoncer, pour le bien des autres, aux affections les plus chères, aux intérêts les plus impérieux qui l’appelaient en France. Le retour de l’expédition le força d’abandonner tout ce qu’il avait exécuté en Égypte. Aussi, quelque désir qu’il eût de revoir sa patrie, il ne put refuser des regrets à la perte de tant de travaux qu’il avait eu la douce habitude de croire destinés un jour à la prospérité d’une nouvelle colonie française.

Il rapporta an sein de sa famille cette simplicité de mœurs, cette douceur de caractère et cette modestie rare qui lui ont toujours mérité les suffrages et l’estime universels. Il était heureux du bonheur de sa femme et de ses enfants, lorsqu’il perdit cette compagne si tendrement aimée. Rien ne fut capable de le distraire de ses regrets. « J’étais aiguillonné, disait-il à un ami, par le désir de plaire à ma femme ; je lui rapportais le plus léger succès. Que me reste-il maintenant ? »

Néanmoins, sa douleur et un état de souffrance habituelle, qui commençait à se manifester, n’arrêtèrent point ses travaux. Le gouvernement venait de créer la commission d’Égypte ; il chargea Conté de diriger l’exécution du grand ouvrage qu’elle allait publier. Le nombre des monuments et des objets d’art qu’il fallait représenter était immense ; le seul détail de la gravure, si on l’eût exécutée par les procédés ordinaires, aurait exigé des dépenses énormes, et absorbé un grand nombre d’années. Conté imagina une machine à graver, au moyen de laquelle tout le travail des fonds, des ciels et des masses des monuments se faisait avec une facilité, une promptitude et une régularité merveilleuses.

L’utilité de cette machine ne fut pas bornée à l’ouvrage sur l’Égypte ; plusieurs artistes l’introduisirent dans leurs ateliers. En cela, comme dans toutes ses autres inventions, Conté ne pensa jamais à ses intérêts personnels. Il a fallu tout l’ascendant de ses amis pour le déterminer à prendre le privilège de la fabrique des crayons ; invention qui lui avait cependant coûté beaucoup de dépenses et de peines.

Tant de désintéressement, de talents et de services ne pouvaient être méconnus. Conté fut l’un des premiers membres de la Légion d’honneur ; mais l’estime publique, dont il jouissait au plus haut degré, ne remplaçait pas pour lui ce qu’il avait perdu. Le coup qui l’avait frappé étant sans remède, sa santé continua de s’affaiblir, et il mourut le 6 décembre 1805.

 
 
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