Histoire de France, Patrimoine, Tourisme, Gastronomie, Librairie
LE 18 mars DANS L'HISTOIRE [VOIR]  /  NOTRE LIBRAIRIE [VOIR]  /  NOUS SOUTENIR [VOIR]
 
« Hâtons-nous de raconter les délicieuses histoires du
peuple avant qu'il ne les ait oubliées » (C. Nodier, 1840)
 

 
NOUS REJOINDRE SUR...
Nous rejoindre sur FacebookNous rejoindre sur XNous rejoindre sur LinkedInNous rejoindre sur VKNous rejoindre sur InstragramNous rejoindre sur YouTubeNous rejoindre sur Second Life

28 septembre 1106 : bataille de Tinchebray

Vous êtes ici : Accueil > Éphéméride, événements > Septembre > 28 septembre > 28 septembre 1106 : bataille de (...)
Éphéméride, événements
Les événements du 28 septembre. Pour un jour donné, découvrez un événement ayant marqué notre Histoire. Calendrier historique
28 septembre 1106 : bataille de Tinchebray
entre le roi d’Angleterre
et le duc de Normandie son frère
(D’après « Antiquités et chroniques percheronnes, ou Recherches sur l’histoire
civile, religieuse, monumentale, politique et littéraire
de l’ancienne province du Perche et pays limitrophes » paru en 1838
et « Supplément aux Annales de Normandie » paru en 1961)
Publié / Mis à jour le jeudi 28 septembre 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 

Cette bataille opposa les troupes du roi d’Angleterre Henri Ier à celles de son frère aîné Robert Courteheuse, duc de Normandie. Troisième fils de feu Guillaume le Conquérant, Henri Iers’était fait couronner roi d’Angleterre en 1100, après la mort de son frère Guillaume le Roux et au préjudice de Robert. Au moment de la bataille, Tinchebray est une comté tenue par Guillaume de Mortain, comptant au nombre des barons normands fidèles à Robert.

Ennemi juré de Henri Ier d’Angleterre qui déjà l’avait spolié de tous ses biens en Angleterre, le comte Guillaume de Mortain, se voyant menacé de la perte de son comté, réunit aussitôt un certain nombre de braves chevaliers, et conduisit dans Tinchebray, à la vue des troupes anglaises, une quantité considérable de vivres et de munitions. Il fit ensuite couper dans les campagnes les moissons encore vertes (juillet 1106), pour servir de fourrage aux chevaux de la garnison.

Le comte de Mortain était tellement renommé pour sa valeur guerrière, qu’aucun des hommes du roi d’Angleterre n’osa, en sa présence, franchir les retranchements pour l’empêcher d’entrer dans la place. Furieux à cette nouvelle, Henri accourut devant Tinchebray suivi de toutes ses forces pour en presser le siège. Guillaume appela à son secours Robert de Bellême et tous ses autres amis, qui formèrent en peu de temps une armée nombreuse et aguerrie. Le duc Robert Courteheuse et ses vassaux vinrent aussi se joindre à eux.

Arrivé sur les lieux, ce dernier somma son frère Henri de lever le siège d’une place qui lui appartenait, à moins qu’il n’aimât mieux en venir aux mains avec lui. Henri acceptant le défi donna aussitôt des ordres pour engager la bataille. Son armée fut divisée en cinq corps, dont les trois premiers furent commandés par Ranulphe de Bayeux, Robert de Meulan et Guillaume de Varennes ; quant à lui, il se réserva le commandement de l’infanterie anglaise et normande, et fit retirer à l’écart, pour corps de réserve, les auxiliaires Manceaux et Bretons, sous la conduite du comte Hélie, qui avait ordre de venir fondre sur l’ennemi, quand la circonstance paraîtrait l’exiger. On voyait encore sous les bannières de l’Anglais, plusieurs hauts barons normands, traîtres à leur souverain, et beaucoup plus fidèles à la fortune qu’à l’honneur et à la foi jurée ; c’étaient entre autres Guillaume, comte d’Evreux, les sires de Montfort, de Conches et de Grantemesnil. Dans l’armée normande, beaucoup inférieure en nombre et divisée en trois corps seulement, Guillaume de Mortain commandait en tête, le duc Robert Courteheuse au milieu, et Robert de Bellême à l’arrière-garde.

Enluminure extraite des Grandes heures de Rohan par le Maître de Rohan qui vers 1420 illustra les livres d'heures de la famille d'Anjou
Bataille de Tinchebray. Enluminure extraite de Des cas des nobles hommes et femmes
par Jehan Boccace, dans une version traduite par Laurent de Premierfait datant
du premier quart du XVe siècle (manuscrit français n°226 de la BnF)

Tout étant ainsi disposé, on donne le signal et le combat s’engage ; c’était le 28 septembre 1106, à neuf heures du matin : le choc fut terrible, la mêlée épouvantable et d’autant plus meurtrière que l’on combattit corps à corps avec la rage des tigres. On eût dit à l’acharnement des combattants, que la haine et la fureur qui animaient les deux frères étaient passées dans l’âme de tous leurs soldats. Le duc et les siens se battirent en désespérés ; on poussait des cris et des hurlements affreux. La valeur impétueuse de Robert, la bouillante intrépidité de Guillaume, l’acharnement et le courage tant de fois éprouvé du sire de Bellême, firent plus d’une fois pencher la victoire vers leurs drapeaux ; déjà même elle leur était assurée, malgré l’inégalité des forces, quand Hélie de Saint-Saens, comte d’Arques, à la tête de troupes fraîches, vint tomber sur eux, et lui fit prendre une direction contraire en faveur du parti opposé.

La déroute fut complète du côté des Normands : Guillaume de Mortain, Rlobert d’Estouteville, Guillaume de Ferrières, et grand nombre d’autres preux chevaliers, tombèrent au pouvoir du vainqueur avec leur suzerain, comme l’infortuné Robert Courteheuse que le cruel Henri, pour flétrir encore sa coupable victoire, traîna inhumainement à son char de triomphe en entrant dans Rouen. Ce roi dénaturé ne borna pas là sa criminelle vengeance : arrivé en Angleterre, la prison de Cardiff, château du pays de Galles, fut le palais destiné au souverain de la Normandie. Robert y jouit d’abord d’une demi liberté ; mais ayant tenté de s’évader, il retomba aussitôt au pouvoir de son barbare frère qui, pour comble de scélératesse, ordonna à ses bourreaux de crever les yeux au prince infortuné, que la nature lui avait donné pour souverain.

Après vingt-huit années d’angoisses et d’indicibles souffrances, au fond d’un noir cachot, le duc de Normandie vit enfin arriver le terme de ses souffrances avec celui de sa vie ; il mourut le 7 février 1134, dans sa prison de Cardiff ; ses restes mortels furent déposés dans l’église Saint-Pierre de Rochester. Prince plus malheureux que coupable, brave jusqu’à l’intrépidité, indolent jusqu’à la faiblesse, mais prodigue, dissipateur et imprévoyant ; ses bontés pour un frère dénaturé ne l’empêchèrent pas de devenir la victime du plus criminel des princes.

De son côté, Robert de Bellême, assez heureux pour avoir échappé à Henri Ier d’Angleterre, courut en diligence au château de Falaise, pour sauver au moins l’héritier légitime, le jeune Guillaume Cliton, fils du duc Robert Courteheuse et alors presque âgé de quatre ans ; mais comme le commandant de la place avait reçu l’ordre exprès de ne remettre ce précieux dépôt qu’aux mains de Robert de Ferrières, il refusa d’ouvrir les portes au sire de Bellême qui se retira fort mécontent. Trop faible malgré la meilleure volonté, pour tenir seul tête à un ennemi si formidable, Robert de Bellême fit jouer tous les ressorts de sa politique et de son habileté, pour grossir son parti d’hommes puissants et capables par leur bravoure, leurs richesses et leur influence, de seconder ses efforts contre le monarque anglais.

Il s’adressa d’abord au comte Hélie, dont la présence seule avait décidé la victoire, oubliant pour le moment la haine qu’il portait à ce seigneur, avec lequel il avait eu jadis de si grands démêlés, il lui adressa l’allocution suivante : « Illustre comte, c’est en qualité de vassal plein de confiance en son seigneur, que je viens aujourd’hui implorer votre secours ; la désolation ne peut-être plus grande dans cette contrée qu’elle ne l’est maintenant ; l’ordre de la nature vient d’être renversé, le jeune s’élève contre son aîné, le vassal renverse son suzerain, le jette dans les fers, le dépouille de l’héritage paternel, et contre la foi des serments, le parjure usurpe tous les droits du souverain. Quant à moi, fidèle à mes engagements, j’ai toujours gardé la foi à mon seigneur naturel, et n’obéirai jamais qu’à ses successeurs légitimes. Non jamais, je le répète, tant qu’une goutte de sang coulera dans mes veines, je ne pourrai voir de bon œil dominer tranquillement sur ce pays, un vil usurpateur, un être dénaturé, qui tient dans les fers mon souverain qui est le sien. J’ai encore à ma disposition trente-quatre places fortes en Normandie ; j’espère m’en servir pour paralyser tous les efforts du tyran, lui causer le plus de dommage possible, et traverser en toutes manières l’exercice de son odieuse domination. J’ose, illustre comte, espérer votre appui pour concourir avec moi à la noble entreprise, d’arracher mon seigneur des mains de son bourreau, de briser ses chaînes, de lui rendre son héritage, ou tout au moins à son héritier légitime. »

A cette harangue, dictée en apparence par le dévouement le plus sublime et les plus généreux sentiments, Hélie opposa la conduite du duc, son apathie, sa mollesse, sa coupable indifférence, et chercha sur tous les points à justifier l’usurpation d’Henri, dont les talents, la bonne volonté, la capacité, les lumières pouvaient seules, suivant lui, remédier aux grands maux, et cicatriser les plaies si profondes, qu’avaient occasionnées l’ineptie et la faiblesse du duc Robert, dont une foule de bandits, et Bellême lui-même, tout le premier, s’étaient longtemps prévalus, pour abreuver la Normandie du sang de ses habitants, et en faire le théâtre de toutes les calamités qui peuvent affliger un pays. Il termina sa chaleureuse réponse en exhortant Bellême à réformer sa conduite, et à se mettre à l’abri de nouvelles rigueurs, en gagnant par une prompte soumission les bonnes grâces du vainqueur.

Convaincu par ces paroles de la nullité de ses démarches, Robert de Bellême désespéra de la réussite, et finit par supplier Hélie de ménager sa réconciliation avec le roi d’Angleterre. Henri, à la prière du comte, consentit à confirmer à Bellême la possession d’Argentan, de la vicomté de Falaise, et de tous les autres biens dont Roger de Montgommery avait joui en Normandie, à condition toutefois que le sire de Bellême rendrait à Hugues de Nonant, qui venait d’ouvrir au roi d’Angleterre les portes de Rouen dont il était gouverneur, tous les biens qu’il lui avait enlevés dans leurs altercations précédentes.

Le roi retint en son pouvoir l’évêché de Séez et les autres parties du domaine ducal concédées à Bellême par Robert Courteheuse. Instruit par l’expérience, Bellême, sentant sa faiblesse et craignant de nouvelles disgrâces, renonça pour quelque temps à s’attaquer à Henri, qui venait de faire démolir les châteaux de Fourches et de Château-Gontier, bâtis par le premier depuis quelques années. Bellême, pour qui le repos était impossible, avait toujours été l’ennemi cruel de Rotrou III, comte du Perche, gendre du roi Henri, occupé à une guerre personnelle contre Hugues, vicomte de Chartres, et Yves, sire de Courville qu’il fit prisonnier ; ce seigneur, malgré son attachement à la cause de son beau-père, n’avait pu se trouver à la bataille de Tinchebray.

Poussé par cette considération plus encore que par toutes les autres, Bellême l’attaqua avec acharnement ; la lutte fut terrible, les suites désastreuses : arrosé une seconde fois du sang de ses enfants, le Perche fut en proie au pillage, à l’incendie, et à tous les autres malheurs. Comme le théâtre du carnage dépendait de l’évêché de Séez, une seconde fois aussi, Serlon lança sur eux l’anathème et les excommunia. Rotrou, pris par Robert et enfermé au château de Bellême, n’en sortit avec Bernard, sire de la Ferté, que par l’entremise du roi Henri.

Considérable est l’importance politique de la victoire remportée à Tinchebray. Au vrai, elle ne renverse pas une situation, mais consacre les énormes progrès faits par le roi d’Angleterre en Normandie, au détriment de son frère, depuis quelque cinq ans. La majeure partie des seigneurs avaient, un à un, abandonné le parti du duc. Le clergé et les populations urbaines aspiraient à la fin de guerres civiles qui duraient, en gros, depuis la mort du Conquérant (1087). Tel était aussi, sans aucun doute, le vœu des paysans, constituant à eux seuls plus des quatre cinquièmes de la population normande.

Après la capture de Robert Courteheuse lors de la bataille, Guillaume Cliton, encore enfant puisque né en 1102, était l’héritier légitime du duché de Normandie ; mais Henri, tout en formulant à son endroit les assurances les plus apaisantes, le fit enlever de Falaise où il était élevé et le confia à la garde de Hélie de Saint-Saens. Le jeune prince, devenu adolescent, sera le jouet des intrigues politiques ourdies à Paris contre le royaume anglo-normand. Grâce à sa victoire de 1106 et à l’effacement définitif de Robert Courteheuse, Henri Ier restaure à son profit le vaste état anglo-normand qu’avait créé son père Guillaume le Conquérant. Dès lors, après quelque vingt ans d’épreuves, dont les traces seront d’ailleurs vite effacées, la Normandie retrouve une place de choix parmi les états féodaux de l’Occident.

 
 
Même section >

Suggérer la lecture de cette page
Abonnement à la lettre d'information La France pittoresque

Saisissez votre mail, et appuyez sur OK
pour vous abonner gratuitement
Éphéméride : l'Histoire au jour le jour. Insertion des événements historiques sur votre site

Vos réactions

Prolongez votre voyage dans le temps avec notre
encyclopédie consacrée à l'Histoire de France
 
Choisissez un numéro et découvrez les extraits en ligne !