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25 juillet 1794 : exécution du baron Frédéric de Trenck

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25 juillet 1794 : exécution
du baron Frédéric de Trenck
Publié / Mis à jour le mercredi 25 juillet 2012, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 

L’origine de sa famille se perdait dans la nuit de cette chevalerie teutonique du Moyen Age, si curieuse et si peu connue ; à voir sa figure noble, sa taille et sa force athlétiques, on l’aurait pris pour un des héros de l’antiquité. Dès son enfance, il se signala par de rapides progrès dans les sciences, et par un courage qui le fit sortir victorieux de deux duels qu’il eut, l’un à quatorze ans, et l’autre à seize. Frédéric II voulut le connaître, et pour l’éprouver, le chargea dès sa première audience de répondre en trois langues à des dépêches diplomatiques. Il l’essaya ensuite sur les champs de bataille, et ne fut pas moins surpris de son épée que de sa plume. Dès lors, et à peine âgé de dix-huit ans, Trenck parut appelé à la faveur royale, et fut admis à la brillante fraternité des entretiens de Voltaire et des autres savants qui formaient la cour d’élite du roi de Prusse.

Ce don de plaire, qui avait causé sa fortune, devait bientôt la détruire. A un bal de la cour, dont il faisait la police, comme officier de garde, on lui déroba les franges d’or de son écharpe. Ce léger larcin attira sur lui l’attention de toutes les femmes. Une des sœurs du roi, la princesse Amélie, lui glissa à l’oreille un rendez-vous en passant à ses côtés. Trenck ne tarda pas à être, de tous les officiers de Berlin, le plus heureux en secret, et le plus fastueux en public. Sa dépense étonnait toute la ville, qui ne pouvait en expliquer le mystère. Frédéric fut enfin averti par les délateurs, dont l’espèce ne manque jamais dans les cours, et malgré sa haute estime pour la valeur du baron, qu’il avait proclamé le Matador de la jeunesse prussienne, après quelques avertissements donnés avec une bienveillance menaçante, il le jeta dans la forteresse de Glatz.

Trenck, que son illustre et belle maîtresse n’abandonnait pas, finit par s’échapper après trois tentatives inutiles. Il se réfugia à Vienne où il trouva son cousin François, célèbre commandant de Pandours. Ce fut un ennemi qui essaya de le faire assassiner. Le baron erra longtemps dans le nord de l’Europe, et se fixa en Russie, où l’impératrice Elisabeth lui prodigua l’accueil le plus flatteur. Le comte de Golz, envoyé de Prusse, et fidèle à la haine de son souverain, forma pour le perdre une intrigue, dont le mauvais succès fit, dit-on, mourir de dépit le diplomate malencontreux. Tous les avantages se réunissaient sur la tête du baron. Il avait retrouvé une seconde Amélie dans une princesse qui lui laissa, en succombant à une mort prématurée, une fortune de plus de sept cent mille ducats.

Il retourna à Vienne pour y réclamer devant les tribunaux l’opulent héritage de son cousin, le Pandours. L’issue de ce procès ne remplit qu’imparfaitement ses espérances. En 1758, sa mère étant morte à Dantzig, il eut l’imprudence de se rendre dans cette ville pour y régler les partages de la succession avec ses frères et sœurs ; il ne prévoyait pas que son nom n’était point oublié en Prusse, et que déjà les ordres étaient donnés pour l’arrêter au premier moment favorable. Il apprit trop tard le danger auquel il venait de se livrer. Trente hussards le conduisirent de brigade en brigade jusqu’à Berlin, d’où il fut transféré dans un cachot de Magdebourg.

L’horrible captivité qui commença pour lui est une tache à la mémoire du despotique ami de Voltaire. Qu’on s’en fasse une idée par ce seul trait : Le baron avait besoin pour sa nourriture de six livres de pain par jour, et pendant onze mois on ne lui en fournit qu’une livre et demie. Il creusa un souterrain pour s’évader. On le conduisit dans un nouveau cachot, où il fut chargé de chaînes, qui"formaient, avec le carcan qu’on y ajouta, un poids de soixante-huit livres. Par un raffinement de barbarie, on avait creusé sous ses pieds la tombe où il devait être enterré, comme pour faire en action la terrible application de ce vers du Dante : « Lasciate ogni speranza, voi ch’ enlrate ».

L’eau dégouttait des murs de cette prison, qui avait été bâtie exprès pour lui, et quand on venait en faire la visite, il fallait prendre des précautions pour empêcher la vapeur d’éteindre les lumières. Le malheureux Trenck était même privé de sommeil : on le réveillait tous les quarts d’heure pour s’assurer de sa présence. Sa force d’âme le soutint pendant cette cruelle épreuve, qui dura neuf ans et cinq mois. Il la fit même tourner au profit de son esprit ; il chercha une consolation dans la culture des sciences et des lettres.

Nouveau Boëce, il consacra la mémoire de ses souffrances dans des poésies allemandes et françaises. Un autre genre de distraction s’offrit à la vivacité inventive de son imagination. Il grava des dessins sur les gobelets d’étain dans lesquels il buvait. Ce fut à cette industrie qu’il dut les premiers efforts tentés pour le soustraire à son affreuse destinée. Un de ces gobelets, où, sans autre outil qu’un mauvais clou qui lui servait de poinçon, il avait sculpté une vigne, avec une inscription en vers, faisant allusion à un passage de la Bible, parvint jusqu’à l’impératrice Marie-Thérèse, et éveilla sa pitié pour la victime d’un souverain avec qui elle s’était réconciliée, sans cesser de le haïr.

Elle intercéda fortement en sa faveur, et fut secondée par les prières de la reine de Prusse, et surtout de la malheureuse Amélie, dont la douleur avait effacé l’ancienne beauté. Frédéric avait dit avec cette féroce insouciance que les rois prennent quelquefois pour de la fermeté : Tant que je vivrai, Trenck ne verra pas le jour. Il céda néanmoins, et des considérations politiques le forcèrent à une clémence, que la justice ou l’humanité n’auraient sans doute jamais obtenue de lui.

Il était tellement dans la destinée du baron de Trenck d’être en butte à toutes les persécutions, qu’à peine libre et réfugié à Vienne, il fut, par suite d’une intrigue, rejeté encore au fond d’un cachot par cette même, cour, d’où était parti le premier effort pour le délivrer du sien. Avec quelques débris de sa fortune passée, il alla se fixer à Aix-la-Chapelle, où il épousa la fille d’un bourgmestre. Il y fit le commerce de vins de Hongrie, et après une suite d’heureuses spéculations, fut enfin presque ruiné par la friponnerie des négociants de Londres. Il publia une gazette, et se vit, grâce au succès qu’elle obtint, forcé de la supprimer pour ne pas effaroucher l’ombrageux despotisme de sa protectrice, Marie-Thérèse. Un recueil de ses œuvres complètes, auxquelles il joignit l’histoire de sa vie, lui servit de ressources pour relever l’édifice d’une fortune tant de fois commencée et tant de fois détruite.

En 1787, après quarante-deux ans d’exil, et déjà sexagénaire (il était né le 16 février 1726), il fut autorisé à retourner dans sa patrie. Frédéric II n’existait plus, et il put revoir la princesse dont l’amour lui avait coûté si cher. Nous empruntons ici les paroles d’un auteur contemporain : « Qui pourrait peindre cette entrevue ? elle fut de plusieurs heures, et tout ce temps fut consacré aux larmes ! Un homme blanchi par l’âge, tout voûté par les soixante livres de fer dont il avait été chargé pendant dix années consécutives, défiguré en partie parle chagrin ; était-ce là l’homme superbe dont on avait toujours conservé une si fidèle image ? Mais d’un autre côté dans cette dame également vieillie, et par les mêmes causes à peu près, sous cette tête chauve qui avait peine à se soutenir, sur ce visage défiguré et terreux, dans ces bras décharnés et sans ressorts, dans ces mains contrefaites, comment retrouver celle qu’on avait tant aimée ? »

Amélie ne survécut que peu de jours à cette touchante épreuve, qui lui enlevait peut-être le charme d’une dernière illusion. Trenck ne se consola que par les mêmes travaux qui avaient adouci ses malheurs. Lorsque la révolution française éclata, son ardeur généreuse, enflammée par ce grand exemple, lui inspira plusieurs écrits politiques, qui effrayèrent la cour d’Autriche. On lui accorda une pension de deux mille florins à la condition de ne plus rien publier. Las de cette tyrannie qui imposait pour ainsi dire à sa pensée le même emprisonnement qu’avait autrefois subi sa personne, il vint en France, en 1791, précédé par une renommée populaire. Dès 1788, après la publication de ses Mémoires, son portrait était vu partout à Paris. Curtius avait offert au Palais-Royal son image en cire, avec le costume et les chaînes qu’il portait dans son cachot de Magdebourg. On avait même présenté ses aventures à un théâtre de boulevard, dans une bluette intitulée : Le baron de Trenck, ou le Prisonnier prussien.

Il tomba dans un absolu dénuement. Le parti de la Montagne le joignit aux innombrables suspects qu’on entassait alors dans les prisons. Il ne sortit de Saint-Lazare que pour être conduit à la guillotine avec Roucher et André Chénier, le 7 thermidor an XI, la veille du jour où la chute de Robespierre lui aurait rendu la liberté. C’est ainsi que la fatalité qui l’avait poursuivi dans sa jeunesse, se manifesta jusqu’à la fin. Ce vieillard septuagénaire marcha au supplice avec la même égalité d’âme que ses deux compagnons d’infortune ; et s’adressant à la foule : « Pourquoi vous émerveiller ? disait-il ; ce n’est qu’une comédie à la Robespierre. »

Transformé en personnage de théâtre pendant sa vie, il l’a été encore trente-cinq ans après sa mort. Scribe et Germain Delavigne ont pris pour le héros d’un vaudeville, cet homme qui fut tour à tour savant, militaire, homme d’état, négociant et littérateur.

 
 
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