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25 juillet 1794 : exécution des poètes André Chénier et Jean-Antoine Roucher

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25 juillet 1794 : exécution des poètes
André Chénier et Jean-Antoine Roucher
Publié / Mis à jour le vendredi 22 juillet 2016, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 2 mn
 

André Chénier naquit pour la poésie sous le ciel inspirateur de la Grèce : on aime à dire qu’il puisa, dans le sein d’une Grecque, son amour vif et tendre pour la Muse antique, ressuscitée dans ses chants. On s’étonne que ses chants, pleins de grâce et de langueur, de fraîcheur et de naïveté, antiques par la pensée, antiques par la forme, soient modulés dans une langue vulgaire. Ils parlent au cœur, ils sonnent à l’oreille, comme les idylles de Théocrite et les églogues de Virgile.

André Chénier (1762-1794)

André Chénier (1762-1794)

A peine quelques pures étincelles avaient-elles révélé le feu poétique qui brûlait dans le cœur d’André Chénier ; il mûrissait ses talents par la méditation, nourrissait ses facultés par l’étude, et préparait, dans une innocente et mystérieuse obscurité, son glorieux avenir, quand tout-à-coup les orages révolutionnaires vinrent troubler ses rêves d’espérance. Tous les nobles sentiments ont place dans la belle âme d’un vrai poète. André applaudit et s’associa à la régénération du peuple ; lorsque la révolution fut devenue impure et sanglante, André, dans une vertueuse et patriotique indignation, éleva sa jeune et brillante voix ; il chanta l’héroïque Corday, s’offrit à défendre Louis XVI, et tonna contre Robespierre et Collot-d’Herbois : Chénier fut jeté dans les fers.

En même temps et non loin de lui, mais dans une autre prison , son ami Jean-Antoine Roucher étudiait, insouciant et tranquille ; Roucher était un poète fier, hardi et passionné, surtout pour la poésie. Quelques pièces fugitives et son grand ouvrage des Mois, que recommandent tant de belles pages, quoi qu’ait pu dire La Harpe, fondent solidement sa réputation littéraire. Mais il fut encore plus philosophe et citoyen : l’époque où il vécut arrachait tout homme consciencieux à ses goûts, à ses plaisirs, pour l’asservir à ses devoirs. Roucher remplit courageusement les siens : comme Chénier, il salua avec transport notre glorieuse ère nouvelle ; comme Chénier, il s’éleva contre ses excès et ses crimes ; comme Chénier, il fut jeté dans les cachots : et là, tous deux, rendus ainsi à eux-mêmes, à la liberté, à leur amour de l’étude, oubliaient, dans leurs travaux, et la prison et les fers suspendus sur leur tête !

Jean-Antoine Roucher (1745-1794)

Jean-Antoine Roucher (1745-1794)

Deux jours avant le 9 thermidor (27 juillet 1794) marquant la chute de Robespierre et la fin de la Terreur, Chénier monta, à huit heures du matin, sur la charrette des criminels. Dans ces instants où l’amitié n’est jamais plus vivement réclamée, où l’on sent le besoin d’épancher ce cœur qui va cesser de battre, le malheureux jeune homme (il avait 31 ans) ne pouvait ni rien recueillir, ni rien exprimer des affections qu’il laissait après lui. Peut-être il regardait avec un désespoir stérile ses pâles compagnons de mort : pas un qu’il connût ! A peine savait-il, dans les trente-huit victimes qui l’accompagnaient, les noms de Montalembert, de Montmorency, de Trenck et de ce généreux Loiserolles qui s’empressait de mourir pour sauver un fils. Mais aucun d’eux n’était dans le secret de son âme ; cet esprit qui entendait sa pensée, ce cœur parent du sien, comme a dit le poète, Chénier l’appelait peut-être et frémissait de son vœu..., quand tout-à-coup s’ouvrent les portes d’un cachot fermé depuis six mois, et l’on place à ses côtés, sur le premier banc du char fatal, son ami, son émule, le peintre des Mois, le brillant, l’infortuné Roucher.

Que de regrets ils exprimèrent l’un et l’autre !

—  Vous, disait Chénier, le plus irréprochable de nos citoyens, un père, un époux adoré ! c’est vous qu’on sacrifie !

— Vous, répliquait Roucher, vous, vertueux jeune homme, on vous mène à la mort, brillant de génie et d’espérance

— Je n’ai rien fait pour la postérité, répondit Chénier ; puis, en se frappant le front, on l’entendit ajouter : Pourtant j’avais quelque chose là !

C’était la muse, dit Chateaubriand, qui lui révélait son talent au moment de la mort. Arrivés au pied de l’échafaud, les deux poètes amis entonnèrent leur chant de mort... ; c’étaient quelques vers de Racine, la première scène d’Andromaque. Oui, disait Chénier...

Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle,
Ma fortune va prendre une face nouvelle,
Et déjà son courroux semble s’être adouci,
Depuis qu’elle a pris soin de nous rejoindre ici.

 
 
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