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Impôt sur oisiveté pour équilibre budget de l'Etat. Déficit budgétaire. Dette publique

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L’Histoire éclaire l’Actu
L’actualité au prisme de l’Histoire, ou quand l’Histoire éclaire l’actualité. Regard historique sur les événements faisant l’actu
Impôt sur l’oisiveté
pour combler le déficit budgétaire ?
(D’après « Le Petit Parisien », paru en 1906)
Publié / Mis à jour le mardi 6 novembre 2018, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
C’est un brin amusé et caustique que Paul Ginisty, du Petit Parisien, nous dépeint en 1906 les différentes catégories de réformateurs de l’Etat, du possesseur de fonctions publiques au simple citoyen, tous persuadés de tenir le nouvel impôt qui saura combler le déficit budgétaire...

« Je trouve ici cent millions... J’en découvre là cent cinquante... Et, tenez, par cet autre moyen, encore une quarantaine de petits millions que j’avais oubliés !... » On entend fréquemment ces propos, ou des propos analogues, depuis quelques mois, explique Paul Ginisty. Ils ne viennent pas seulement de ceux qui ont la charge de restaurer l’équilibre de nos finances. C’est une physionomie caractéristique du temps présent que celle de l’homme, d’ardente bonne volonté, évidemment, qui s’est lait, en amateur, le guérisseur du budget, et qui s’ingénie à trouver des ressources nouvelles et à concevoir des impôts, auxquels on n’avait pas songé, destinés à ramener l’abondance dans le Trésor.

Il ne se doute pas, le Trésor, du nombre de gens bien intentionnés qui se préoccupent de lui rendre une santé florissante !... Est-il besoin d’être en possession de fonctions publiques pour avoir des idées ? Est- il nécessaire d’être un spécialiste pour raisonner juste ? Et celui qui estime avoir indiqué un remède se passionne pour son projet, y voit le salut du pays, remue des dossiers gros de statistiques, appelle à lui l’opinion, et, ce qui ne laisse pas d’être humain, hoche dédaigneusement la tête, quand il s’agit, devant lui, d’autres systèmes et d’autres combinaisons.

Ce désir, louable en lui-même, de notre prospérité financière, se traduit en des formes diverses. Il y a le réformateur véhément, presque agressif ; il y a l’apôtre, fertile en brochures, qu’il a toujours sous la main ; il y a le philosophe qui, ayant considéré le train du monde, reconnaît les causes profondes du mal. Il y a même, d’aventure, celui qu’un agacement particulier a conduit à réclamer impétueusement telle ou telle taxe. Le voisin immédiat d’une personne qui, professionnellement ou pour son plaisir, funeste au repos d’autrui, fait des gammes du matin au soir, demandera volontiers, par exemple, l’impôt sur les pianos...

L’inventeur d’impôts qui, de son autorité privée, dégrève, certaines catégories de contribuables et en augmente d’autres, qui imagine des produits dont on ne s’était pas encore avisé, qui fait la leçon au fisc, appartient à toutes les classes sociales, depuis le doux petit utopiste qui n’exerce qu’un humble emploi jusqu’à l’homme qui a conquis la notoriété. Et le même zèle apparaît chez les uns et chez les autres. A les entendre se lancer dans de fougueux développements, on a la conscience qu’on est bien peu de chose quand on n’a pas proposé le moindre petit impôt.

Ayant entendu dire que M. le professeur Huchard, de l’Académie de médecine, qui est un savant considérable, avait, lui aussi, un projet, qui semblait assez original, et qu’il en entretenait même les ministres, je souhaitai de causer un instant avec lui, et je vis tout de suite, à son accueil, que la chose lui tenait fort à cœur, bien qu’il eût, d’autre part, de sérieuses occupations.

M. le professeur Huchard fut et est encore un grand travailleur. Il a l’horreur des oisifs, et c’est l’oisiveté qu’il entend frapper. Voilà son grand cheval de bataille. Le docteur entra sans tarder, dans le vif de son sujet, en rassujettissant, d’un geste familier, ses lunettes noires sur son nez. Il s’étonna que ce fût le travail qui fût grevé de charges, qui, dans notre régime fiscal, fût atteint de toutes les façons, et, non sans que sa vivacité prît quelque éloquence, il montra de frappantes anomalies dans le système des patentes, souvent si lourdes et d’un taux disproportionné avec le gain. « Pourquoi, s’écria-t-il, ceux qui ne font rien ne payeraient-ils pas aussi une patente, une patente d’oisifs !... »

Par les fenêtres de son cabinet, on apercevait le calme boulevard des Invalides, propice au recueillement d’un savant. Dans ce décor grave, il s’exaltait peu à peu, partant d’idées évidemment justes en elles-mêmes, et je vis bien que la contradiction eût été malaisée avec lui, si j’avais eu envie de le contredire. Mais c’étaient là, après tout, opinions fort rationnelles en leur essence. Je me bornai à soulever les difficultés d’application du principe.

« Ah fit-il, cela regarde M. le ministre des Finances. Il est bien expert à atteindre les petits propriétaires et les travailleurs... Il saura découvrir les oisifs et les forcer à lui donner de l’argent, en retour de leur inutilité sociale... Moi, j’ai lancé l’idée, qu’on en tire parti... Au demeurant, je suis prêt à donner des exemples : ne sais-je pas tel châtelain, possesseur d’un vaste domaine, et célibataire par surcroît, le monstre ! qui n’a d’autre souci, malgré la grande fortune qu’il a trouvée dans son berceau, que d’économiser et de découpeur des liards en quatre... Pas une chose un peu élevée à laquelle il s’intéresse... Et, faisant œuvre de commerçant, il vend ses pêches et ses chasses. Sur lui, double patente, triple patente !... »

Et M. le professeur Huchard, dans sa foi en l’excellence de sa méthode, fit le geste d’apporter au budget des poignées de billets de banque. Il semblait en avoir découvert an amoncellement, qu’il n’y avait qu’à prendre. Cependant, je crus comprendre, d’après ce qu’il me conta, que le ministre à qui il avait offert ces ressources, n’en avait pas fait aussitôt état, ce dont il fut surpris, car l’impôt qu’il lui apportait devait être abondant et moralisateur. La conception, ingénieuse en soi, est peut-être encore dans une forme un peu nuageuse, et ceux qui ont mission de veiller sur les finances publiques ont l’habitude d’exiger plus de précision.

D’ailleurs, si j’ai pu parler légèrement de ce projet, je n’en prends pas moins au sérieux le désir de justice qui l’a inspiré. Ceux qui connaissent le docteur Huchard autrement que comme un médecin éminent, savent quelle verdeur conserve son libéralisme, toujours plein d’une généreuse hardiesse...

Il est assurément logique que, comme il le demande, certaines charges ne pèsent pas seulement sur ceux qui sont à la peine... Et, après tout, s’il y a tant de réformateurs et de conseilleurs, en ce moment, c’est la preuve manifeste du grand besoin d’équité qui domine toutes les préoccupations, conclut le journaliste.

 
 
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