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19 février 1800 : Bonaparte établit sa résidence au palais des Tuileries

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Éphéméride, événements
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19 février 1800 : Bonaparte établit
sa résidence au palais des Tuileries
(D’après « L’Europe pendant le Consulat
et l’Empire de Napoléon » (Tome 1), paru en 1840)
Publié / Mis à jour le lundi 19 février 2024, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Un arrêté des consuls fixait pour siège du gouvernement les Tuileries. La pensée de Bonaparte allait haut et droit à ses desseins ; comme il rêvait un grand pouvoir, il ne craignait pas de jeter les yeux sur le vieux château des rois de France.

Depuis longtemps le consul faisait travailler aux appartements des Tuileries ; les ameublements usés étaient restaurés ; des tentures aux dessins brillants, des bronzes, des dorures selon le goût des artistes italiens et les souvenirs d’Égypte, étaient placés dans ces vastes pièces qui servaient autrefois de salle aux gardes et de vestibules aux royaux appartements. Avant de s’installer aux Tuileries, Bonaparte allait voir si tout ce qu’il avait ordonné était exécuté. Voyant la grande quantité de bonnets rouges que l’on avait peints sur les murs, il dit à Lecomte, alors architecte des Tuileries : « Faites-moi disparaître tout cela ; je ne veux pas de pareilles saloperies. »

Bonaparte visitait en effet souvent les travaux qu’on faisait pour lui, effaçant les traces du gouvernement révolutionnaire dont la Convention avait laissé l’empreinte profonde jusque dans les galeries de Diane si précieusement ornées par les Médicis, et le pavillon Marsan aux lambris dorés. Lorsque la constitution fut promulguée, le consul n’hésita pas un moment à prendre possession du palais qu’il rêvait dans les joies de son orgueil ; il voulut même donner à cette installation des autorités constituées un caractère grave et solennel : le 21 février 1800, un cortège nombreux dut précéder la marche des consuls aux Tuileries ; des fanfares de musique militaire, le beau corps des guides caracolant, la garde des consuls en magnifique uniforme, la voiture consulaire à six chevaux blancs, souvenir du traité de Campo-Formio, quelques rares voitures encore ; puis des fiacres dont on avait caché les numéros afin de donner plus de pompe au cortège ; et ce fut pourtant avec cet appareil que Bonaparte entra, pour la première fois, dans le palais des Tuileries.

Le palais et le jardin des Tuileries, par Gaspard Gobaut (1847)

Le palais et le jardin des Tuileries, par Gaspard Gobaut (1847)

Les acclamations furent grandes sur son passage ; l’opinion publique était pour le consul, parce qu’il ramenait les formes monarchiques ; autant il est difficile de violenter l’esprit d’un pays et de faire remonter les opinions au point où elles ne veulent pas aller, autant il est aisé de la conduire et de la dominer quand on marche avec elle ; or tout en France était constitué pour l’unité de pouvoir, et voilà ce qui aidait si puissamment le gouvernement de Bonaparte.

Cependant, arrivé aux Tuileries, le consul vit bien avec sa sagacité habituelle que les opinions pourraient se blesser des ces pompes de rois ou de ces ostentations magnifiques qu’on avait déployées ; il fallait quelques actes républicains pour en détourner l’effet. La mort de Washington retentissait au sein du nouveau monde et la nouvelle en était arrivée à Paris. Le consul, pour rendre hommage aux vertus patriotiques du fondateur de la liberté américaine, ordonna un deuil général dans l’armée ; il cessa seulement le jour de son installation aux Tuileries ; les tambours devaient être couverts d’un crêpe, les étendards voilés, les fanfares ne devaient plus se faire entendre, et des sons lugubres devaient remplacer les marches joyeuses de la victoire.

Le consul avait encore ici ses desseins ; Washington était mort simple citoyen, sans presque aucune fortune, dans une terre modeste, en dehors de tout projet ambitieux ; en célébrant cette fête funèbre en l’honneur d’un tel homme, le consul semblait dire qu’il n’allait s’installer aux Tuileries que pour glorifier la première fonction de l’État ; le jour où le pays lui ôterait sa confiance, Bonaparte, comme Washington, se retirerait modestement du tourbillon des affaires ; et si l’un avait choisi sa terre de Virginie, l’autre n’aurait-il pas la Malmaison ?

Un témoignage oculaire nous livre les détails de la cérémonie du 21 février dans laquelle Bonaparte développa un luxe royal. Il partit à une heure précise du Luxembourg. On avait réuni 3000 hommes d’élite, parmi lesquels on remarquait surtout le superbe régiment des guides. Tous marchaient dans le plus grand ordre ayant leur musique en tête. Les généraux et leur état-major étaient à cheval, les ministres dans leurs voitures, à peu près les seules un peu remarquables qu’il y eût alors à Paris ; car on avait été obligé, pour transporter le conseil d’État en corps, d’avoir recours à des fiacres, dont on avait seulement eu soin de recouvrir le numéro avec du papier de la même couleur que le fond de la caisse. La voiture seule du consul était attelée de six chevaux blancs ; Bonaparte portait ce jour-là le sabre magnifique que l’empereur François lui avait donné, après le traité de Campo-Formio.

Le premier consul, ayant à sa gauche Cambacérès, et Lebrun étant sur le devant de la voiture, traversa ainsi une partie de Paris, en suivant la rue de Thionville et le quai Voltaire jusqu’au pont Royal. Partout sa présence fit éclater des cris de joie. Depuis le guichet du Carrousel jusqu’à la porte des Tuileries, la garde des consuls formait la haie. Deux corps de garde avaient été construits, l’un à droite, l’autre à gauche de la grille du milieu ; on lisait sur celui de droite : Le 10 août 1792. La royauté en France est abolie, elle ne se relèvera jamais !

Les troupes s’étaient rangées en bataille dans la cour ; aussitôt que la voiture des consuls se fut arrêtée, Bonaparte en descendit rapidement et monta à cheval, passa les troupes en revue pendant que les deux autres consuls étaient montés dans les appartements, où les attendaient le conseil d’État et les ministres. un grand nombre de dames, portant le costume grec avec élégance, occupaient, avec madame Bonaparte, les fenêtres du troisième consul, au pavillon de Flore. De toutes parts il y eut un enthousiasme impossible à décrire ; on avait loué très cher des croisées sur la place du Carrousel, et on entendait crier comme d’une seule voix : Vive le premier consul !

Le premier consul prolongea assez longtemps la revue, passa dans tous les rangs, adressa des paroles flatteuses aux chefs des corps ; ensuite il vint se placer auprès de la porte des Tuileries, ayant Murat à sa droite, Lannes à sa gauche, et derrière lui un nombreux état-major de jeunes guerriers brunis par le soleil d’Égypte et d’Italie, et qui tous avaient pris part à plus de combats qu’ils ne comptaient d’années. Quand il vit passer devant lui les drapeaux de la quatre-vingt-seizième, de la quarante-troisième et de la trentième demi-brigade, comme ces drapeaux ne présentaient plus qu’un bâton surmonté de quelques lambeaux criblés de balles et noircis par la poudre, il ôta son chapeau, et s’inclina en signe de respect.

Les troupes ayant achevé de défiler devant lui, le premier consul monta d’un pied hardi l’escalier des Tuileries. Arrivé dans la salle, il reçut diverses présentations ; Cambacérès et Lebrun ressemblèrent plutôt à deux témoins qu’à deux collègues. Le ministre de l’Intérieur présenta les membres des autorités administratives de Paris ; le ministre de la guerre, l’état-major de la dix-septième division militaire ; le ministre de la Marine, plusieurs officiers de cette arme, et l’état-major de la garde des consuls fut présenté par Murat. La revue et les présentations furent suivies de grands dîners. Le premier consul reçut à sa table les deux autres consuls, les ministres et les présidents des grands corps de l’État. Murat traita les chefs de l’armée ; et le conseil d’État tout entier, remonté dans ses fiacres à numéros couverts, alla s’asseoir à la table de Lucien.

Le palais et le jardin des Tuileries au milieu du XIXe siècle, par Jules Arnout

Le palais et le jardin des Tuileries au milieu du XIXe siècle, par Jules Arnout

Le consul occupa, dès son arrivée, les appartements de Louis XVI, sans hésitation et sans crainte ; il parlait de Washington, et marchait droit à la couronne ; profondément dissimulé, il ne laissait apercevoir son projet que goutte à goutte, tant il craignait de heurter le parti républicain qui le surveillait attentif ; en politique il ne faut pas envahir tout d’un coup : marcher lentement c’est l’habileté. A son arrivée aux Tuileries, Bonaparte y passa la revue avec ces soins minutieux et cette sollicitude qui lui gagnait le cœur de l’armée ; simple, modeste en son costume, il se montra sur le cheval de bataille qu’il avait ramené d’Égypte.

Le soir, que de réflexions ne durent pas naître dans son esprit : il était dans le palais des rois ! il n’y avait pas cinq années encore qu’il végétait pauvre officier en retraite dans les rues de Paris, cherchant un état et une destinée ; aujourd’hui il était consul, et, comme César, il pouvait tout dans cette France qui se donnait à lui ; la patrie semblait déposer en ses mains la toute-puissance. Dans cet appartement où il reposait sa tête, sur cet oreiller où Louis XVI avait dormi avant d’aller au Temple, puis à l’échafaud, lui consul, se trouvait jeté par ce jeu terrible des révolutions, qui aurait pu naguère aussi proscrire le général Bonaparte au conseil des Cinq-Cents, et le mettre hors la loi ; maintenant le Rubicon était passé, la fortune prononçait sur ses destinées.

 
 
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