Histoire de France, Patrimoine, Tourisme, Gastronomie, Librairie
LE 19 mars DANS L'HISTOIRE [VOIR]  /  NOTRE LIBRAIRIE [VOIR]  /  NOUS SOUTENIR [VOIR]
 
« Hâtons-nous de raconter les délicieuses histoires du
peuple avant qu'il ne les ait oubliées » (C. Nodier, 1840)
 

 
NOUS REJOINDRE SUR...
Nous rejoindre sur FacebookNous rejoindre sur XNous rejoindre sur LinkedInNous rejoindre sur VKNous rejoindre sur InstragramNous rejoindre sur YouTubeNous rejoindre sur Second Life

15 août 1914 : inauguration du canal de Panama

Vous êtes ici : Accueil > Éphéméride, événements > Août > 15 août > 15 août 1914 : inauguration du canal (...)
Éphéméride, événements
Les événements du 15 août. Pour un jour donné, découvrez un événement ayant marqué notre Histoire. Calendrier historique
15 août 1914 : inauguration
du canal de Panama
(D’après « La Petite presse » du 19 juin 1906, « Le Génie civil : revue générale
des industries françaises et étrangères » des 6 mai 1905 et 23 février 1924,
« Annales des ponts et chaussées : mémoires et documents relatifs
à l’art des constructions et au service de l’ingénieur » paru en 1912,
« Les Travaux publics au XIXe siècle : les nouvelles routes du globe »
(par Maxime Hélène) paru en 1883, « À Panama : l’isthme de Panama,
la Martinique, Haïti » (par Gustave de Molinari) paru en 1887
et « Les Annales politiques et littéraires » du 28 décembre 1924)
Publié / Mis à jour le mardi 15 août 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 11 mn
 
 
 
Si dans les premières années suivant la découverte de l’Amérique par Colomb et de l’océan Pacifique par l’explorateur espagnol Balboa, on recherche sans succès une communication naturelle entre les deux mers, le projet de percement d’un canal est rapidement oublié pour ne renaître que trois siècles plus tard, de nombreuses études menant à la création en 1879 de la Compagnie universelle du Canal interocéanique fondée par l’ingénieur français Ferdinand de Lesseps, qui accomplit un travail titanesque avant qu’une administration défectueuse ne la contraigne à céder ses droits et à confier l’achèvement du chantier aux États-Unis

Christophe Colomb était parti à la fin du XVe siècle pour trouver la route des Indes, et les premières recherches relatives au percement de l’isthme de Panama suivirent de près la découverte du Nouveau Monde et la reconnaissance de l’océan Pacifique — qui sera dans un premier temps appelé mer du Sud —, rencontré pour la première fois par l’explorateur espagnol Vasco Núñez de Balboa (1475-1519) et dont il prit possession le 29 septembre 1513, au cours de son aventureuse expédition dans les terres nouvelles, inconnues à ses devanciers.

La découverte de cet océan fit voir que le nouveau continent était un obstacle dans la route qu’on cherchait à découvrir. On espéra alors trouver une route dans l’isthme qui permettrait de faire passer les navires dans le Pacifique, et en 1514, le militaire Pedro Arias de Ávila (1440-1531) qui venait d’être nommé gouverneur et capitaine général de la Castille d’Or — territoires d’Amérique centrale conquis par les Espagnols —ainsi que l’explorateur Juan Díaz de Solís (1470-1516) furent envoyés par le roi d’Espagne à la recherche de ce passage. Ils devaient aussi dresser une carte de la côte. On crut en effet qu’il existait une communication naturelle entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique.

Vasco Núñez de Balboa prenant possession de l'océan Pacifique au nom du roi d'Espagne le 29 septembre 1513. Illustration réalisée d'après un dessin d'Alfred Diethe (1836-1919)

Vasco Núñez de Balboa prenant possession de l’océan Pacifique au nom du roi d’Espagne
le 29 septembre 1513. Illustration réalisée d’après un dessin d’Alfred Diethe (1836-1919)

Dès 1523, Charles Quint écrivait au conquistador Hernán Cortés (1485-1547) de chercher « le secret du détroit », et l’explorateur Gil González Dávila (1480-1526), avec une nouvelle flotte transportée de l’Atlantique dans le Pacifique, explora dans ce but la baie de Panama — la ville de Panama avait été fondée le 15 août 1519 par Pedro Arias de Ávila. Le résultat des explorations de Cortés fut une carte du golfe du Mexique qu’il envoya dans patrie en 1524.

Toutes les puissances maritimes européennes furent anxieuses de trouver une route directe à destination de la Chine et des Indes. Elles explorèrent, sans succès, toute la côte de l’océan Atlantique et n’acceptèrent qu’avec beaucoup de peine qu’une barrière continentale infranchissable s’étendît des glaces arctiques aux régions antarctiques des tempêtes perpétuelles.

Les recherches effectuées ayant ainsi démontré l’absence d’une communication naturelle, on songea à la création d’une voie artificielle permettant de passer d’une mer dans l’autre. Cortés rêvait le creusement d’un canal dans la partie nord de l’étranglement de l’isthme, au-dessous des possessions espagnoles du Mexique qu’il venait d’édifier sur les ruines de l’antique empire des Aztèques.

Mais Charles Quint n’accorda qu’une faible attention aux projets de traversée qui lui furent présentés, soit par Cortés qui lui proposait le percement par Téhuantépec — et qui dès 1524 avait écrit à Charles Quint que l’union de l’Atlantique et de la mer du Sud valait mieux que la conquête du Mexique qu’il venait de réaliser —, soit par Alavaro de Saavedra qui dès 1529 préconisait, pour le percement, le Darien, extrémité méridionale du grand isthme. L’année précédente, l’audacieux explorateur portugais António Galvão avait assuré au même monarque qu’il était possible d’ouvrir un canal à travers les isthmes de Mexico, de Nicaragua, de Panama ou du Darien méridional.

En 1534, un décret de l’empereur du Saint-Empire prescrivit l’examen de l’espace compris entre le Rio Chagres — fleuve du centre du Panama qui se jette dans la mer des Caraïbes — et le Pacifique, mais la découverte, en 1520, du détroit de Magellan qui permettait de faire arriver les navires dans l’océan Pacifique, faisait que la réunion des deux océans par une voie à travers l’Amérique centrale avait perdu une partie de son intérêt.

C’est un Espagnol qui le premier mit en pratique l’idée qui avait déjà germé parmi les hardis navigateurs de la première moitié du XVIe siècle. « Il n’y a pas de passage à travers l’Amérique. Faisons-en un », dit l’historien espagnol Francisco López de Gómara (1510-1566), qui avait été secrétaire d’Hernán Cortés dans les dernières années de la vie du conquistador. Ainsi naquit le projet qui sera une des plus grandes entreprises du XXe siècle.

Dans la lettre qu’il adressa au roi d’Espagne, Gómara écrit : « Il est vrai que des montagnes obstruent le passage ; mais s’il y a des montagnes, il y a aussi des bras. Faisons un essais, les moyens ne manqueront pas, les Indes seront ainsi atteintes, les fourniront. À un roi d’Espagne, avec la richesse des Indes en son pouvoir, quand le but à atteindre est le commerce des épices, ce qui est possible est facile. » Gómara avait examiné trois tracés différents pour le canal qu’il projetait, et il est intéressant de constater que les ingénieurs modernes suivirent les lignes qu’il avait indiquées.

Hernán Cortés. Gravure (colorisée ultérieurement) de William Holl (1771-1838) réalisée vers 1830

Hernán Cortés. Gravure (colorisée ultérieurement) de William Holl (1771-1838) réalisée vers 1830

Sous Philippe II — qui succéda à son père Charles Quint en 1556 —, l’idée de percement d’un canal fut abandonnée sous prétexte que « l’ouverture d’un canal artificiel à travers l’isthme serait contraire à la volonté de Dieu, qui avait mis une barrière entre les deux mers ».

À côté de l’idée de Gómara qui semble avoir été la première conception officielle d’un projet de canal isthmique, on apprend par les écrivains de cette époque ce que pensait le peuple d’Espagne depuis le temps de Balboa et ce que l’on discutait. Quand un voyageur revenant du Nouveau Monde s’arrêtait pour se reposer dans une auberge, on le questionnait sur les progrès faits pour la recherche d’un passage fluvial entre les deux océans et les merveilleux résultats qui suivraient si les océans pouvaient se joindre. Seul le gouvernement était indifférent à la grande entreprise. L’ambition espagnole s’évanouit bientôt, et le rêve splendide de Gómara fut oublié.

La question du percement lui-même ne pouvait de toute façon malheureusement faire de progrès sérieux ; la géographie de l’isthme étant peu ou point connue, les ressources techniques plus qu’insuffisantes, les exposés des premiers promoteurs devaient se renfermer dans des généralités sans aucune portée scientifique. Entre autres documents curieux se rattachant à ces premiers projets de traversée, nous pouvons citer, comme l’un des plus remarquables, la description de l’isthme de Panama faite par Samuel de Champlain, l’illustre colonisateur français au Canada et le fondateur de Québec, qui écrivait en 1599 :

« En ce lieu de Panama, s’assemble tout l’or et l’argent qui vient du Pérou, où l’on les charge et toutes les autres richesses, sur une petite rivière qui vient des montagnes et qui descend à Portouella, laquelle est à quatre lieues de Panama, dont il faut porter l’or, l’argent et autres marchandises sur mulets ; et étant embarqués sur ladite rivière, il y a encore dix-huit lieues jusqu’à Portouella. L’on peut juger que si ces quatre lieues de terre qu’il y a de Panama à cette rivière étaient coupées, l’on pourrait venir de la mer du suc en celle deçà, et par ainsi l’on raccourcirait le chemin de plus de quinze cents lieues ; et depuis Panama jusqu’au détroit de Magellan, ce serait une île, et de Panama jusqu’aux Terres neuves une autre île, de sorte que toute l’Amérique serait en deux îles. » Le percement de l’isthme de Panama se trouve ainsi formellement indiqué dans ce récit du XVIe siècle, et ses conséquences économiques clairement entrevues dès cette époque lointaine.

Le XVIIe siècle laisse dans l’ombre l’idée d’un canal interocéanique, même si, en 1694, Guillaume Patterson, colonisateur écossais du Darien, très intéressé au projet, indiquait à l’Angleterre que le canal assurerait à ses possesseurs la clef de l’univers, leur permettrait de faire la loi sur les deux mers et d’être les arbitres du commerce mondial. ; et ce n’est que vers la fin du XVIIIe, en 1778, que la capitaine Horatio Nelson (plus tard l’amiral Nelson), chargé par le gouvernement anglais de reconnaître le passage par le Nicaragua et de conquérir en même temps le pays, s’avance par le fleuve San Juan jusqu’au lac. Dans ses lettres, Nelson dévoila le but de l’expédition :

Ferdinand de Lesseps. Illustration extraite de The Pictorial Treasury of Famous Men and Famous Deeds (1889)

Ferdinand de Lesseps. Illustration extraite de The Pictorial Treasury
of Famous Men and Famous Deeds
(1889)

« Pour faciliter le grand projet du gouvernement je vais tâcher de m’emparer du lac de Nicaragua qui peut être considéré comme un Gibraltar de l’intérieur de l’Amérique espagnole. Comme il commande le seul passage pratique entre les deux océans, sa situation en fera une sorte de port et notre possession du Sud-Amérique sera ainsi coupée en deux. » L’expédition de Nelson ne fut pas un succès. Vaincu par la résistance opiniâtre du fort San Carlos et par la maladie qui vient décimer ses hommes, le futur vainqueur de Trafalgar se vit forcé de rebrousser chemin, après des pertes sensibles, et l’Angleterre abandonna le « grand projet » qu’elle avait en vue.

En 1780, deux ingénieurs, l’un français, Martin de la Bastide, l’autre espagnol, don Manuel Galisteo, furent envoyés par le roi Charles III d’Espagne pour reconnaître l’isthme de Panama en vue de l’établissement d’un canal maritime. En 1804, Humboldt, après un examen attentif, conseilla la traversée par le Darien, appuyant son choix sur l’existence d’une dépression de la Cordillère. En 1825, le libérateur de la Colombie, Bolivar, accordait à un Français, le baron Thierry, la concession d’un canal à Panama. Par malheur, le baron Thierry avait plus d’imagination que d’argent ; il ne put même commencer les études techniques du canal. Le libérateur en chargea alors un Anglais et un Suédois, Lloyd et Fallmare, dont les rapports furent publiés en 1830 par la Société royale de Londres. Ces études étaient fort incomplètes, et même erronées en un point essentiel, Lloyd affirmant qu’il existait une différence de niveau de 3 mètres entre les deux océans.

C’est en 1838 que la République de la Nouvelle Grenade, qui s’était constituée en 1831, donna à une compagnie française la première concession précise pour la construction d’une voie navigable à travers l’isthme de Panama. Cette compagnie, dite franco-grenadine, se livra à des investigations assez sérieuses pour que Guizot, alors ministre des Affaires étrangères, s’intéressât à cette entreprise, et envoyât pour l’étudier un ingénieur en chef au Corps des Mines, Napoléon Garella, qui dressa un projet de canal à écluses, très remarquable pour l’époque, et, comme solution préparatoire, un projet de chemin de fer.

Désigné en septembre 1843 pour cette mission, avec Courtines, le Conducteur des Ponts et Chaussées, Garella fournit, le premier, des données exactes sur la topographie de l’isthme de Panama, qu’avait condamné Humboldt : « Il paraît, disait l’illustre savant, à la suite de son exploration de 1804, d’après l’ensemble des renseignements que j’ai pu me procurer à Carthagène et à Guayaquil, que l’on doit abandonner l’espoir d’un canal de 7 mètres de profondeur, et de 22 à 28 mètres de largeur qui, semblable à une passe ou à un détroit, traverserait l’isthme de Panama de mer en mer, et recevrait les mêmes navires qui font voile de l’Europe aux Grandes Indes. L’élévation du terrain forcera l’ingénieur à avoir recours soità des galeries souterraines, soit au système des écluses... Dans le cas où le canal serait creusé, il est probable que le plus grand nombre des vaisseaux , craignant les retards causés par des écluses trop multipliées, continueraient leurs voyages autour du cap de Bonne-Espérance. »

Il remit à l’Administration, en avril 1845, un projet qui fut soumis à l’examen d’une Commission d’inspecteurs généraux des Ponts et Chaussées. Le rapport de cette Commission fut inséré dans les Annales des Ponts et Chaussées, et il n’est pas inintéressant d’observer que l’une de ses conclusions, si elle avait été observé, aurait évité à la France, quarante ans plus tard, un désastre financier et une cuisante humiliation. Voici cette conclusion : « Il n’y aurait lieu de donner suite au projet d’un canal de jonction des deux mers, servant aux besoins de la grande navigation, qu’autant que les principales puissances maritimes de l’Europe et les États-Unis s’accorderaient pour exécuter par eux-mêmes cette grande voie navigable, ou pour la faire exécuter par une Compagnie, moyennant des subventions ou des garanties d’intérêt en rapport avec les sacrifices et les dépenses qu’elle devrait faire » (Annales des Ponts et Chaussées, 1er semestre 1847). La Compagnie qui avait fait les frais de recherches se prononça pour la voie ferrée, mais laissa périmer la concession.

Travaux de percement du canal de Panama. Gravure de 1910

Travaux de percement du canal de Panama. Gravure de 1910

Un des épisodes les plus curieux de l’histoire du canal interocéanique fut le projet de traversée de l’isthme de Nicaragua par le prince Louis-Napoléon Bonaparte, devenu quelques années plus tard l’empereur Napoléon III. Dans la conférence que fit en 1879 Ferdinand de Lesseps, il raconta que le prince, alors prisonnier à Ham, avait cherché et trouvé le moyen de se faire donner la concession du canal interocéanique qui devait porter le nom de canal Napoléon. Pour ce travail, le prince avait été aidé dans sa prison par un officier de marine, Doré, capitaine de vaisseau, et avait envoyé sur les lieux d’autres personnes pour prendre de plus amples renseignements. Lorsqu’il eut rédigé son projet, Louis-Napoléon écrivit à Thiers pour lui demande de le faire sortir de Ham, « ne voulant plus s’occuper de politique », afin de se rendre en Angleterre où il avait organisé une Compagnie. Thiers, ministre à cette époque, ne répondit pas. Sur ces entrefaites, le prince s’échappa de Ham. D’Angleterre, il allait partir pour le Nicaragua, lorsque les événements de 1848 survinrent, et eurent pour lui les conséquences historiques qu’on l’on sait.

À partir du 1850, les explorations se poursuivirent sans relâche à travers les différents passages de l’isthme, en particulier dans la région du Darien à laquelle était attaché le grand nom de Humboldt. Chaque explorateur rapporta le fruit de ses recherches, qui vint grossir le dossier d’examen du futur canal interocéanique. Bientôt, l’ouverture du Canal de Suez en 1869 — reliant la mer Méditerranée et la mer Rouge, il avait été construit par dont la Compagnie universelle du canal maritime de Suez fondée par Ferdinand de Lesseps —, en démontrant qu’on pouvait percer un isthme et y gagner de l’argent, attira l’attention du monde entier sur l’utilité d’une voie analogue à travers l’isthme américain.

Le gouvernement des États-Unis, qui s’était montré jusqu’alors assez indifférent à cette entreprise, se décida à envoyer en 1870 une petite armée d’ingénieurs, d’astronomes et de marins pour dresser la topographie de l’isthme. Les navires de l’État, les instruments et les provisions nécessaires, furent mis libéralement à leur disposition. Au premier Congrès des Sciences géographiques, qui eut lieu à Anvers, en 1871, la question fut examinée, et elle revint dans la seconde session, en 1875, où elle fut l’objet d’un débat approfondi. Ferdinand de Lesseps s’y éleva avec vivacité contre le système des canaux à écluses, auquel tous les auteurs de projets s’étaient arrêtés jusqu’alors, et le Congrès émit un vœu en faveur de la continuation des études sur le canal.

Pour répondre à ce vœu, la section commerciale de la Société de géographie de Paris constitua en mars 1876, sous la présidence de Ferdinand de Lesseps, un « comité français pour l’étude du percement d’un canal interocéanique », avant que ce même de Lesseps ne convoquât, pour le 15 mai 1879, un Congrès prenant le nom de « Congrès international d’études du Canal interocéanique ». Une dizaine de projets furent examinés par ce Congrès, mais la lutte fut immédiatement circonscrite entre la route de Panama et celle de Nicaragua.

Finalement, le premier l’emporta et, à la dernière séance, en date du 29 mai, le Congrès vota la proposition suivante : « Le Congrès estime que le percement d’un canal interocéanique à niveau constant, si désirable dans l’intérêt du commerce et de la navigation, est possible, et que ce canal maritime, pour répondre aux facilités indispensables d’accès et d’utilisation que doit offrir avant tout un passage de ce genre, devra être dirigé du golfe de Limón (à l’ouest de la ville de Colón) à la baie de Panama ». Le coût total du canal était estimé à 1 200 millions de francs.

Ferdinand de Lesseps annonça ce même jour qu’il comptait se mettre à la tête d’une société ayant pour but l’exécution du canal interocéanique. La route de Panama ayant été approuvée par le suffrage de la science, la concession fut accordée à la « Compagnie universelle du Canal interocéanique », fondée et dirigée par Ferdinand de Lesseps. Suivant le plan projeté, le canal devait être achevé en huit ans, avoir une longueur de 70 kilomètres, une profondeur de 8 mètres, une largeur de 22 mètres au plafond et de 38 mètres au niveau de l’eau.

Une excavatrice en action sur le chantier du canal de Panama

Une excavatrice en action sur le chantier du canal de Panama

Les premiers fonds ayant été versés, de Lesseps partit de Saint-Nazaire le 6 décembre 1879, ayant déjà plus de 74 ans, s’embarquant pour Panama en emmenant avec lui une Commission dite « Commission technique internationale », chargée de revoir le projet de canal adopté par le Congrès. Le 30 décembre, les voyageurs étaient reçus à Colon par une délégation officielle et par une multitude enthousiaste, et, le 16 janvier suivant, à l’embouchure du Rio Grande choisie comme débouché du canal, s’effectuait l’inauguration si attendue des travaux ; l’évêque donnait sa bénédiction, d’illustres personnages panaméens et étrangers figuraient comme parrains.

L’année suivante, le 5 janvier, partait à son tour de Paris l’expédition chargée de mettre la première main à l’œuvre gigantesque du canal. À sa tête se trouvaient Reclus, agent supérieur de la Compagnie, et Blanchet, directeur des travaux et représentant des adjudicataires. Ces ingénieurs commencèrent immédiatement les études, les explorations, les tracés et autres travaux préliminaires : construction de ports pour le débarquement des matériaux, d’ateliers de montage et de réparations, de magasins, d’hôpitaux, de maisons d’employés et d’ouvriers, etc. Les travaux d’excavation proprement dits débutèrent le 21 janvier 1882.

Ces travaux se poursuivirent avec une persévérance héroïque à travers les obstacles formidables opposés par la nature : forêts, marais, rochers, inondations, terrains mouvants, sous un climat meurtrier, parmi les germes de la fièvre jaune et de la malaria. Plus de 22 000 employés et ouvriers, la majeure partie Français et originaires de la Guadeloupe et de la Martinique, moururent au cours des déblaiements. Dès 1887, on pouvait se rendre compte que, tout en ayant dépensé beaucoup, on avant avancé très peu, et on résolut de modifier le projet, optant pour le système à écluses.

Sur cette base, les travaux furent continués avec la plus grande activité, mais l’administration défectueuse de la Compagnie obligea celle-ci à les suspendre fin 1888. À la dissolution de la première Compagnie — prononcée le 4 février 1889 —, une « Compagnie nouvelle du Canal » fut constituée, qui se remit à l’œuvre en 1894 après de nouvelles études et suivant un plan de stricte économie. Mais, disposant de ressources modiques et voyant croître la menace d’un canal interocéanique par le Nicaragua, canal dont les États-Unis annonçaient la construction, la Compagnie, à bout de forces, se décida en novembre 1898 à faire des offres de vente au gouvernement américain.

Les États-Unis, depuis leurs premières études de 1826, et surtout depuis l’enquête approfondie de leurs ingénieurs (1869-1876), considéraient comme leur projet national la solution du passage du Nicaragua. Ils n’avaient, toutefois, pris jusqu’alors aucune décision, se bornant à suivre avec attention la progression de l’entreprise voisine. Mais, en 1898, leur guerre avec l’Espagne venait précisément de leur montrer de quelle utilité serait pour eux, notamment au point de vue militaire, un canal à travers l’isthme ; en outre, ils étaient assez inquiets de certaines intrigues allemandes au Venezuela et en Colombie, lesquelles visaient manifestement le canal.

Dans ces conditions, les propositions de la Compagnie nouvelle du Canal ne furent pas repoussés, mais le gouvernement de Washington se borna d’abord à prescrire à ses ingénieurs une double enquête sur les deux solutions du Nicaragua et de Panama. Après moult rebondissements et tractations, le contrat de transfert fut signé le 23 avril 1904. Les Américains ne commencèrent pas immédiatement les travaux, s’occupant tout d’abord d’assainir le pays, grâce à la toute récente découverte du microbe de la fièvre jaune, de celui de la fièvre paludéenne, ainsi que du rôle des moustiques.

Inauguration du canal de Panama par le passage de l'Ancón le 15 août 1914

Inauguration du canal de Panama par le passage de l’Ancón le 15 août 1914

Durant ce temps, leurs ingénieurs faisaient sur place les études préliminaires, et avouaient loyalement leur étonnement à constater, sur nos chantiers abandonnés, les témoins irrécusables du travail fait par leurs prédécesseurs français, alors qu’ils croyaient l’œuvre à peine effectuée. Des travaux de grande valeur avaient déjà été exécutés, des sommes énormes avaient été dépensées, mais un cinquième seulement des excavations avait été effectué. Cependant, une grande brèche restait ouverte dans le formidable écueil de la Culebra ; il restait de puissantes machines, un matériel abondant, plus de 2000 édifices, des plans, le résultat des explorations, une longue expérience, un énorme progrès réalisé dans la machinerie, toutes choses sans lesquelles le canal n’eût pas été possible ; il restait, enfin, le tracé du canal, oeuvre du génie français accomplie au prix de sacrifices incommensurables et d’infinis déboires.

En juin 1906, les États-Unis adoptaient le canal à écluses, avec prévision de dépenses de 139 millions de dollars et d’un délai d’exécution de huit à neuf ans. Tout comme nos ingénieurs, ils s’étaient trompés en ce qui concerne le coût d’établissement, qui fut finalement de 700 millions de dollars. Le 19 octobre 1913, à deux heures et deux secondes de l’après-midi, un courant électrique, lancé par le président Wilson de son cabinet de la Maison Blanche, faisait sauter la digue de Gamboa et précipitait dans la tranchée de la Culebra, et de là dans le Pacifique, les eaux du lac de Gatún, c’est à dire du Rio Chagres, normalement tributaire de l’Atlantique.

Le canal fut enfin achevé et inauguré le 15 août 1914 à bord du navire Ancón, en présence du président panaméen accompagné d’officiers américains.

 
 
Même section >

Suggérer la lecture de cette page
Abonnement à la lettre d'information La France pittoresque

Saisissez votre mail, et appuyez sur OK
pour vous abonner gratuitement
Éphéméride : l'Histoire au jour le jour. Insertion des événements historiques sur votre site

Vos réactions

Prolongez votre voyage dans le temps avec notre
encyclopédie consacrée à l'Histoire de France
 
Choisissez un numéro et découvrez les extraits en ligne !