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La Brèche-au-Diable, à Soumont-Saint-Quentin (Calvados)

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Légendes, Superstitions
Légendes, superstitions, croyances populaires, rites singuliers, faits insolites et mystérieux, récits légendaires émaillant l’Histoire de France
La Brèche-au-Diable, vallée
charriant une touchante légende,
à Soumont-Saint-Quentin (Calvados)
(D’après « Légendes et traditions de la Normandie » (par Octave Féré), paru en 1845)
Publié / Mis à jour le lundi 24 octobre 2022, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 9 mn
 
 
 
Pas un monument en Normandie, pas une ruine, pas un site pittoresque auxquels ne se rattache une histoire poétique ou merveilleuse. Au nombre des traditions se rapportant à la célèbre vallée appelée Brèche-au-Diable, figure celle qui en fait le témoignage de la colère du maître des Enfers lorsque sa jeune prisonnière Lucia, qu’il avait enlevée cependant qu’elle était promise au barde et chevalier Osmend, était parvenue à s’échapper

Saint-Quentin est un petit village très modeste situé à quelques lieues de Caen ; il serait tout à fait ignoré sans les sites magnifiques qu’il présente. Après avoir longtemps parcouru des sentiers étroits et difficiles qui serpentent à travers les rochers sur le flanc d’une montagne, on arrive au sommet, vaste plaine au sol spongieux couvert de bruyère commune.

À l’extrémité la plus avancée du plateau du Mont-Joly — où fut érigé le tombeau de Marie Joly, actrice qui fut l’honneur du Théâtre-Français à la fin du XVIIIe siècle —, sur un angle de rochers qui domine les environs et toute la vallée, se déroule une abrupte et effrayant abîme. Cette désolée et magnifique vallée, bien digne de son nom infernal, offre l’aspect d’une montagne violemment déchirée en deux parties. Les parois à pic ne présentent que les aspérités de roches noires.

Brèche-au-Diable, aux environs de Soumont-Saint-Quentin et de Potigny (arrondissement de Falaise, dans le Calvados)

Brèche-au-Diable, aux environs de Soumont-Saint-Quentin et de Potigny
(arrondissement de Falaise, dans le Calvados)

On recule involontairement en frémissant après avoir plongé sa vue dans le fond de ces précipices parcourus par la rivière Laizon, filet d’eau qui bondit et bouillonne sur un lit inégal. Mais la vue se repose agréablement en apercevant au bout de ce sinistre paysage des prairies verdoyantes et quelques toits aux tuiles rouges. À quelle cause faut-il attribuer la séparation de la montagne ? À une éruption volcanique, à un tremblement de terre ?

Il y a longtemps, si longtemps, que les plus anciens du pays ne l’ont appris que de leur aïeul, qui l’avait appris du sien, vivait en Normandie, non loin de la ville de Caen, un puissant et noble seigneur, dont les terres étaient tout un canton, les vassaux un petit peuple, et les richesses immenses ; aussi le sire de Quesnay était-il respecté et envié de ses voisins, craint de ses vassaux, magnifiquement servi par des gens sans nombre. Son nom était redoutable au loin, malheur fût vitement advenu à quiconque eût tenté de forfaire à son encontre.

Vous dire que messire de Quesnay était heureux, serait chose superflue ; cependant, si vous croyiez que sa puissance et ses richesses étaient la source de son bonheur, vous vous tromperiez ; la fortune ne suffit pas au cœur : ce qui rendait le site heureux, c’était sa fille.

Jamais plus parfaite créature ne parut sur la terre, jamais le monde ne contempla forme plus angélique. C’est pour cela qu’à peine elle avait atteint sa quinzième année, quand jolis troubadours, preux chevaliers, nobles hommes briguaient l’honneur de son sourire, le bonheur de son regard. Bien des lances avaient été rompues, bien des épées brisées, pour attester sa beauté ; plus d’un tournoi avait retenti de son nom, plus d’un barde l’avait prise pour muse.

Oh ! qu’il y avait d’orgueil au cœur de ses parents ! Oh ! que la noble dame de Quesnay et son époux étaient heureux dans leur fierté paternelle ! Ils ne savaient trouver d’actions de grâce assez ferventes pour remercier le Ciel d’avoir exilé un de ses anges ; par elle, ils revoyaient l’ère de leur jeunesse, ils retrouvaient les douceurs de leur temps passé.

Souvent des joutes étaient ouvertes à Quesnay ; Lucia se plaisait à ces divertissements gracieux ; elle aimait les cris des hérauts, le bruit des épées, la poussière des coursiers couverts de fer, les plumets des casques, les corselets de maille ; puis les clameurs de la foule, les trépignements des spectateurs, et surtout, pourquoi n’en conviendrions-nous pas ? les hommages des preux auxquels elle applaudissait.

C’était à qui se rendrait à ces fêtes ; car Lucia n’avait pas encore fait choix d’un chevalier. Souvent encore des bardes s’arrêtaient au castel, et leur lyre ne trouvait que des accents d’amour ; elle oubliait ses chants guerriers, jusqu’à ce que Lucia leur demandât s’ils n’avaient jamais ouï de hauts faits, assisté à de gentes prouesses. Alors, subitement, vous les eussiez vus, passant de la tendresse à l’enthousiasme, se lever de leur siège, et célébrer des triomphes auxquels rien n’était pareil.

Un jour il arriva au château un jeune barde qui demandait l’hospitalité. C’était pendant le repas du soir ; assis sous un dais magnifique, à la droite de son épouse, le comte présidait un brillant festin ; un vin généreux remplissait les coupes avant qu’elles ne fussent vides ; des mets délicieux couvraient la table, et plusieurs seigneurs festoyaient en chantant. À l’arrivée du troubadour, il se fit un silence très profond. Le sénéchal le conduisit à son maître qui parut enchanté de sa bonne mine.

C’était un beau jeune homme de vingt-cinq ans, à la chevelure noire, bouclée sur les épaules, richement couvert d’un justaucorps vert, à galons d’argent, de vêtements dessinant à merveille ses formes sveltes, coiffé d’une toque bleue, à glands d’or, où se balançait un plumet blanc. Après s’être incliné devant ses hôtes et avoir pris quelques rafraîchissements , il offrit de leur chanter quelque lai joyeux analogue à la circonstance ; mais Lucia s’écria : « Sire troubadour, dites-nous plutôt les triomphes et la gloire d’un noble chevalier ; nous aimons ici les hauts faits ! Ah ! quand brillera le jour où je trouverai à qui donner l’écharpe que m’a bénite le père Ambroise ! »

Le barde se leva, ôta sa toque, et, après avoir préludé sur son luth : « Beaux chevaliers et nobles dames, seigneurs et barons, prêtez attention, retenez votre esprit, écoutez les combats et les victoires du chevalier des Lions, du preux chevalier Noir !

« Savez-vous qui a parcouru la Bretagne et le pays des Cénomans ; qui a vu les Turroniens et la Gaule, jusqu’au pays d’Oc, les Austriens, l’Italie, sans crier une fois merci ? c’est le chevalier des Lions, le preux chevalier Noir !

« Savez-vous qui combattit six fois dans un tournoi, qui brisa dans une heure six bois de lances, qui désarçonna six chevaliers en un seul combat ? Savez-vous qui a triomphé de Tagur, surnommé le Roi des Héros ; de Tagur dont le nom était si longtemps demeuré sans reproches ? c’est le chevalier des Lions, le preux chevalier Noir !

Le pont sur les cascades de la Brèche-au-Diable

Le pont sur les cascades de la Brèche-au-Diable. © Crédit photo : Calvados Tourisme

« Qui n’a jamais combattu avec félonie et traîtrise ; qui n’a jamais menti à sa foi ; qui a surpassé en loyauté Magahal, appelé le Prince des Francs-Chevaliers ? c’est le chevalier des Lions, le preux Chevalier Noir !

« Devant qui nul chevalier n’ose-t-il plus aller la visière baissée ; qui est celui qui court sur le vent y abat comme la foudre, triomphe comme l’éclair, brille comme un astre aux cieux ? c’est le chevalier des Lions, le preux chevalier Noir !

« Et cependant, qui voit-on la nuit, rêver en silence dans l’allée solitaire ; qui erre sombre et pensif, dans les champs isolés ; qui entend-on soupirer ? c’est le chevalier des Lions, le preux chevalier Noir !

« Qui a refusé plus d’écharpes et de dons d’amour, plus de souvenirs et de gages, plus d’anneaux et de fleurs ? Personne ; cependant, il est triste, il est triste et il le sera jusqu’à ce qu’il ait trouvé une âme comme son âme, le noble chevalier des Lions, le preux chevalier Noir ! ».

On applaudit de tous côtés, et Lucia, frappant dans ses petites mains, sourit au poète. « Sire troubadour, demanda le sire de Quesnay, notre noble épouse et nous-même, espérons que vous nous donnerez quelques jours. » Le barde remercia, et s’excusa de ne pouvoir accepter une si gracieuse invitation, demandant à partir dès le lever du soleil.

Le lendemain, il reçut maints présents de son hôte ; et, comme il allait franchir le pont-levis, il se sentit arrêté : « Beau chanteur, lui disait la voix douce de Lucia, dis-moi, je te prie, où tu as trouvé les paroles d’hier soir ? est-ce une fable, ou nous as-tu dit des choses vraies ? — Noble demoiselle, repartit le voyageur en souriant, si la renommée ne vous a pas encore fait connaître le chevalier des Lions, c’est grand hasard ; mais il doit venir en Neustrie, et je ne doute point que celui qui passe sa vie à chercher la plus belle des belles, ne s’arrête à Quesnay. — Merci, mon joli troubadour » ; et elle s’enfuit de toute sa vitesse.

À peu de temps de là, des hérauts et des messagers d’armes annoncèrent en tous lieux qu’une lutte à armes courtoises aurait lieu à Quesnay. Ce devait être une éclatante solennité, car le sire de Quesnay promettait la main de sa fille au chevalier qui sortait vainqueur de l’arène.

Lucia était pour beaucoup dans ces choses. Depuis le jour où le barde lui avait appris le nom du chevalier, elle s’était exaltée pour ce héros, sans le connaître que par le lai du ménestrel ; elle avait soupiré plus d’une fois en songeant à lui. Elle espérait que s’il était près de venir en Normandie, le bruit d’une joute éclatante l’attirerait au château.

Le grand jour arriva enfin, et avec lui une foule innombrable de curieux et d’hommes d’armes, parmi lesquels un chevalier aux armes noires ; son écusson, richement armorié, portait trois lions d’or en champ d’azur, avec cette devise : QUAND TROUVERA ?

Vous dire tous les détails du combat, tous les traits de valeur des nobles chevaliers, serait lourde tâche. Sachez seulement qu’un seul obtint tous les triomphes ; qu’un seul resta debout dans la lice ; qu’un seul, après maintes longues et rudes joutes, demeura proclamé vainqueur par les juges du camp, nul adversaire n’osant plus se mesurer avec lui. « Honneur ! honneur ! » cria-t-on au chevalier des Lions ! Lui le cœur plein d’émotion, plia le genou devant Lucia, et son écuyer enleva son casque.

C’était le barde !... L’habit de chevalier lui allait aussi bien que le costume de troubadour. « Je cherchais la plus belle, dit le chevalier, en montrant sa devise, elle est trouvée ! » La jeune fille, un peu remise de son émotion, déploya une écharpe : « Beau chevalier-troubadour, car vous méritez ces deux titres, recevez cette écharpe ; elle a été bénite par un saint homme, portez-la comme un gage de souvenir de votre triomphe et de celle qui vous la donne. »

En achevant ces mots, elle posa doucement ses lèvres sur celles du chevalier, et son visage se couvrit d’un vif incarnat. « Nobles chevaliers et belles dames, dit Osmend, je vous prends à témoins des paroles de ma généreuse dame, et je reviendrai, si Dieu aide, lui offrir, dans deux ans, mon cœur et mes lauriers. » On applaudit de toutes parts, tandis que le sire de Quesnay vint assurer à Osmend que s’il soutenait sa gloire pendant ces deux années d’épreuve, sa fille serait à lui.

Vue du Mont-Joly ou Brèche-au-Diable. Gravure (colorisée ultérieurement) réalisée d'après le dessin du XIXe siècle de Charles Vauquelin de Sassy

Vue du Mont-Joly ou Brèche-au-Diable. Gravure (colorisée ultérieurement)
réalisée d’après le dessin du XIXe siècle de Charles Vauquelin de Sassy

Quelque temps plus tard, les voûtes du vieux château étaient silencieuses, l’herbe croissait entre les pavés de la cour d’honneur , les chaînes du pont-levis ne s’abaissaient plus devant de nobles hôtes. Un deuil profond semblait s’être emparé de ces lieux jadis si riants. Les échos des galeries ne redisaient plus d’éclats de joie, de refrains d’allégresse ; on eût dit que la mort avait étendu là son manteau d’amertume, si parfois les pas d’un varlet n’eussent brui sur les dalles des longs corridors ; si quelques serviteurs, au front rembruni, n’eussent parlé dans les cours à voix basse, d’une façon mystérieuse.

Un affreux événement était arrivé à Quesnay, et avait glacé ses habitants de terreur. Une nuit, un grand fracas avait éclaté dans la partie du château occupée par Lucia et ses parents, le vieux castel avait été ébranlé , ses vitraux avaient craqué dans leurs châssis, des flammes bleues et rougeâtres avaient éclairé ses murailles, puis il s’était fait un grand silence, une grande obscurité ; et quand les femmes de Lucia étaient entrées chez elle, son lit était vide !

Depuis lors plus de joie, plus de fêtes, plus de chants au château. Ce malheur s’était vite répandu, et, hormis quelques pèlerins, nul étranger ne venait demander l’hospitalité là où naguère on l’eût traité magnifiquement ; nul barde ne venait égayer de ses accents les voûtes de la grande salle.

Oh ! qu’il eût été triste de pénétrer dans le cœur du vieux seigneur et de sa femme ! Que d’amertume et d’angoisses on y eût trouvées ! Autant ils étaient forts et rajeunis auparavant, autant l’absence de leur fille les avait rendus décrépits et faibles. Leur corps s’était courbé sous le poids de leur âme attristée ; le lourd fardeau de leurs chagrins, les avait penchés vers la terre. Triste spectacle, en vérité, que ces deux âmes unies depuis si longtemps, qui s’en allaient ensemble, par la même douleur, vers un but semblable. Ils déclinaient vers la tombe, les pauvres parents ; privés de leur appui naturel, ils se courbaient vers la fosse, n’ayant plus rien qui les retînt... Cela était à fendre le cœur, à briser l’âme de douleur.

Ils passaient leurs soirées, assis en face l’un de l’autre, dans le grand salon du château, sans se dire un seul mot, et s’entendant cependant, et se faisant du regard un long discours ; puis, quand était venue l’heure du coucher, ils se serraient la main et rentraient dans leur appartement. L’incertitude qui régnait sur le compte de leur fille leur était doublement pénible ; ils eussent préféré, à ce qu’il leur semblait, l’avoir vue mourante entre leurs bras ; car ils ne pouvaient se dissimuler ce que sa disparition avait d’effrayant.

Hélas ! la pauvre jeune fille, elle était bien à plaindre aussi : celui qui l’avait ravie à ses parents, à ses belles pensées d’avenir heureux, était un monstre hideux et brutal ; c’était le père de la laideur et du vice. Un génie infernal. Lui, que l’on dit ne pouvoir jamais aimer, s’était épris d’affection pour Lucia et l’avait emportée dans son affreux royaume. Là elle se desséchait et se décolorait lentement. Là elle périssait sans pouvoir mourir. Elle ne pouvait se soustraire aux yeux de son affreux geôlier ; et quand elle le priait, quand elle lui demandait humblement si elle resterait longtemps en ces lieux, il lui grinçait ce terrible mot, sans lequel il n’y aurait pas de démon : TOUJOURS !

Au lieu des mélodies des troubadours, elle n’entend que des hurlements ; au lieu de la chaleur et de l’éclat du soleil, elle est plongée dans des ténèbres brûlantes. Si un seul instant encore elle eût pu éviter le regard de son bourreau ! Mais non, cet esprit maudit veillait sur elle ; elle ne pouvait s’y dérober.

Mais il y a, tous les dix ans, aux Enfers, un jour qui fait une joie aux damnés, qui fait anniversaire à leurs souffrances : c’est celui où Michel l’Archange vient leur apporter une goutte d’eau. Lucia, oubliée ce jour-là par son tyran, parvint à s’enfuir. Quel bonheur ! y songez-vous ? Comme son cœur se dilata en revoyant le ciel et l’air pur ! Quelle ardente action de grâces elle rendit à Dieu !

Mais, tout à coup dans les champs, un tumulte horrible se fit entendre ; la terre agitée trembla plusieurs fois, on vit bondir une montagne ; il jaillit de terre des rochers et des pierres, le sol lança du feu, de la fumée, le tonnerre gronda. Satan s’était aperçu de la fuite de Lucia, il se faisait un chemin pour courir sur ses pas. Une montagne s’était fendue sous les efforts du roi des Enfers. Il s’envola sur une des plus hautes pointes de rochers, et, au milieu du chaos qu’il venait de répandre au loin, il chercha s’il n’apercevrait pas la fugitive.... En effet, il la vit...

Hélas ! c’était donc en vain qu’elle s’était enfuie ! Il lui allait falloir retourner au séjour des maudits. En l’apercevant, la faible vierge sentit ses jambes s’arrêter ; sa poitrine cessa de battre, elle tomba sur le sol. « Ah ! ah ! fit le lutin, en la saisissant par le bras pour la relever, vous fuyez notre empire !... Vous ne voulez pas de notre couronne, ma belle amie ?... Venez, suivez-moi. »

Cascades de la Brèche-au-Diable

Cascades de la Brèche-au-Diable

Il allait l’enlever sur ses épaules, quand au bout de la plaine, il vit accourir un cavalier dont la monture agile semblait devancer le vent ; il regarda en arrière, mais sa brèche était trop loin pour qu’il pût la gagner avant l’arrivée du voyageur ; subitement donc il quitta sa forme hideuse ; un casque balança un plumet sur sa tête, une cuirasse couvrit sa poitrine, il eut une armure resplendissante, un vigoureux coursier.

« Chevalier félon, s’écria le voyageur, sur l’écusson duquel brillaient trois têtes de lions au fond d’azur, pourquoi faites-vous mal à cette Dame que voici navrée ?... Je vous défie à outrance et à telles armes que vous voudrez. » Le maudit poussa un cri si aigu et si strident que la monture du chevalier se cabra ; mais son maître la retint habilement. À ce moment Lucia ouvrit les yeux : « Le chevalier Noir ! s’écria-t-elle , Dieu soit loué ! » C’était lui en effet ; un seul changement s’était fait à ses armes ; il avait pour devise : TOUT À ELLE.

À son bras il attacha l’écharpe de sa Dame, et il se préparait à combattre, quand, à la vue du voile bénit, le démon poussa un rugissement lugubre et disparut. Vous dire tout le bonheur des deux amants, combien rapidement ils revinrent au château, comme furent brillantes les fêtes de leur union, serait superflu. La légende affirme que le pays se trouva couvert à une grande distance des rochers que le démon avait soulevés et lancés pour se frayer passage, mais peu de temps après la mer déborda, vint jusqu’ici et emporta en se retirant tous ces décombres. Cette tradition d’un envahissement de la mer se retrouve fréquemment dans les traditions normandes.

 
 
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