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Le Marité, la Belle Poule et l'Étoile, témoins de la grande pêche

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Le Marité, la Belle Poule et l’Étoile :
témoins de la grande pêche
(Source : Le Point)
Publié / Mis à jour le dimanche 31 août 2014, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
De l’incroyable épopée de la pêche à la morue, qui s’est déroulée pendant près de quatre siècles, trois témoins subsistent : le Marité, la Belle Poule et l’Étoile

Depuis quand n’avez-vous pas mangé de morue ni senti son odeur caractéristique ? Peu courante aujourd’hui, celle-ci, tenace, a pourtant marqué le destin du Marité, un voilier qui, parmi tant d’autres, a fait de la grande pêche sa spécialité. Au départ de sa première campagne en 1924, cela fait déjà trois siècles que, dans les ports français, on hisse les voiles en direction de Terre-Neuve pour traquer la morue, un véritable trésor, alors.

Lorsque les Européens arrivent dans cet archipel, ils découvrent très vite la richesse des fonds marins. En 1520, le Journal de la vicomté de Fécamp mentionne pour la première fois l’arrivée des chargements de morue : « Jehan Pailherbe, Maistre de navyre de fescamp, demande congé de descharger ung millié de moreeulx... » Français, Anglais, Portugais et Espagnols se ruent alors vers cette région : ils arment, à eux tous, jusqu’à 330 navires pour profiter de cette manne. Quatre mois de voyage, une moyenne de 157 000 morues par bateau : une aubaine à ne pas rater ! Hélas, les côtes de Terre-Neuve se transforment rapidement en champs de bataille où s’affrontent en permanence deux nations rivales : la France et l’Angleterre. Les monarchies respectives y voient le moyen d’asseoir leur souveraineté.

Le Marité

Le Marité

Du jour au lendemain, bateaux de pêche et marins sont plongés de force dans une guerre sans fin, à la fois acteurs et victimes. Le voyage devient si périlleux qu’en 1765 la Division navale de Terre-Neuve voit le jour. Désormais, la flotte morutière française ne partira jamais plus en campagne sans frégates royales à ses côtés. Malgré les efforts de la France pour protéger ce commerce très lucratif, la pêche aux abords de Terre-Neuve va connaître un futur trouble. En témoigne le Marité, qui, construit pour être un « terre-neuva », n’effectuera que cinq campagnes, avant de devoir partir vers de nouveaux horizons. Ce trois-mâts traditionnel quitte alors son port natal de Fécamp pour rejoindre celui d’Esbjerg. Battant pavillon danois, il partira vers le nouveau « spot » des pêcheurs : l’Islande

En effet, depuis la fin du monopole danois sur les eaux islandaises en 1855, les Français sillonnent ce territoire encore peu exploité. Cependant, même si le trajet est plus court, l’Atlantique Nord est, lui, beaucoup plus capricieux. Les ports bretons se spécialisent alors dans la construction de voiliers adaptés, mariant robustesse et maniabilité : les goélettes paimpolaises. Comme le constate Éric Tabarly, « ces bateaux de pêche à la morue nécessitaient de réelles capacités nautiques pour éviter d’être jetés sur les côtes d’Islande dans les fortes tempêtes qui sévissent souvent dans cette région. Le danger et les impératifs de leur travail façonnèrent ce type de goélettes aux formes relativement fines et au beau gréement formant un ensemble particulièrement élégant. » Toutes ces caractéristiques ont mené à la construction de la Belle Poule et de son « sister-ship » l’Étoile. Destinés à devenir des navires-écoles, ils sont aujourd’hui les dernières répliques des goélettes paimpolaises.

L’activité de villes entières était consacrée à ces voiliers. Les habitants de Paimpol ou de Saint-Malo vivaient alors au rythme de la construction des navires, de leur armement, de leur équipement, de leur mise à l’eau et de leur voyage annuel. Cela a énormément contribué au développement de la Bretagne grâce à d’importants investissements, notamment dans les infrastructures portuaires et la construction de ports en eau profonde. Le spectacle des goélettes dans les bassins de Paimpol suscite alors la curiosité des Français. Nombreux sont les artistes, les romanciers, les photographes qui viennent s’en inspirer. Les Parisiens, Pêcheur d’Islande de Pierre Loti à la main et sifflotant l’air de La Paimpolaise de Théodore Botrel, rêvent d’une Bretagne où des loups de mer affrontent héroïquement les éléments naturels. Cet engouement ira jusqu’à mettre la grande pêche au premier plan lors de l’Exposition universelle de 1900 à Paris. Cependant, le mythe épique du pêcheur d’Islande cache une tout autre réalité, beaucoup plus sombre celle-ci.

Les « terre-neuvas » et les goélettes paimpolaises sont en vérité les premiers navires-usines. Autour du navire principal, des flottes de doris, deux hommes à bord pêchent sans discontinuer le poisson. Les marins travaillent entre 15 et 24 heures d’affilée, leurs pulls de laine glacés par le froid et l’humidité. Pour se réchauffer, ils avalent quotidiennement 50 cl de gwin-ardant, eau de vie en breton. Pendant qu’ils s’usent sur le pont et vivent dans des conditions totalement insalubres, la mort rôde autour d’eux : noyades, maladies, naufrages. Pendant 83 ans de pêche en Islande, le tribut payé par ces travailleurs de la mer est insensé. Deux mille hommes et enfants périrent tandis que 117 goélettes furent englouties. Il ne reste de cette époque que des ruines d’hôpitaux français sur les côtes islandaises et une succession de noms sur le mur des disparus de Ploubazlanec, près de Paimpol.

L'Étoile et la Belle Poule

L’Étoile et la Belle Poule

La Première Guerre mondiale entraîne une modernisation de la flotte française. Dans le domaine de la pêche, les goélettes s’inclinent devant les chalutiers à vapeur. Pour résister, certains bateaux, comme le Marité, abandonnent leurs voiles et se dotent de moteurs. Mais les armateurs français, principalement des entreprises familiales, mettent un à un la clé sous la porte. En 1907, il ne reste plus que dix-neuf voiliers dans le port de Paimpol. Le coup de grâce est porté par la fermeture des eaux territoriales islandaises en 1922. La grande pêche n’est plus.

Coup de théâtre : dans la marine nationale, des nostalgiques de la voile veulent faire revivre ce mode de navigation. Selon eux, dépendre directement des éléments à la barre d’un voilier est la seule manière de former un bon officier de marine. Ne possédant plus ce type de navire, elle décide de construire deux navires-écoles : la Belle Poule et l’Étoile. La mission est confiée au chantier naval de Normandie à Fécamp, expert en goélettes de pêche, tel le Marité. Mises à l’eau en 1932, « les demoiselles », la Belle Poule et l’Étoile, forment des générations d’officiers, y compris ceux des Forces françaises libres pendant la Seconde Guerre mondiale.

Cette initiative participe alors au retour des voiliers sur nos côtes. Ils sillonnent les mers, enchaînant les croisières, et laissent le dur travail de la pêche aux jeunes chalutiers. Adopté et restauré par deux jeunes Suédois en 1978, le Marité participe à cette renaissance. Battant de nouveau pavillon français, il croise aujourd’hui au large des côtes normandes comme ambassadeur de cette région. Dernier « terre-neuva » français, le Marité témoigne avec la Belle Poule et l’Étoile d’un pan entier de notre histoire maritime et commerciale qui aura duré quatre siècles. Devenus ou bateau de plaisance ou navires écoles, ils transmettent aujourd’hui l’art de la navigation avec un grand N.

Alice Myrhe
Le Point

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