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Quatre Henri (Les) ou la prédiction d’une inévitable destinée

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Anecdotes insolites
Petite Histoire de France et anecdotes, brèves et faits divers insolites, événements remarquables et curieux, événements anecdotiques
Quatre Henri (Les) ou la prédiction
d’une inévitable destinée
(D’après « Revue des feuilletons : journal littéraire composé
de romans, nouvelles, anecdotes historiques, etc. », paru en 1844)
Publié / Mis à jour le jeudi 7 avril 2016, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
L’histoire présente de singuliers rapprochements, et il y a des événements qui offrent une si notable ressemblance, qu’on pourrait s’imaginer presque qu’ils sont ordonnés par une fatalité immuable, et qu’ils sont la destinée inévitable de certaines familles, celle des lignées royales ou les circonstances de la mort des héros de la Ligue en témoignant

L’un des plus curieux parmi ces rapprochements est sans contredit celui qu’on a fait des circonstances identiques qui se sont passées dans la famille royale des Capet, toutes les fois qu’une des branches de cette famille est arrivée au trône. Ainsi, la succession de trois frères au trône de France a toujours précédé l’extinction ou l’exclusion de la branche ancienne, au moment où elle a fait place à une branche nouvelle.

Philippe le Bel meurt en 1314 : il laisse quatre fils ; trois de ces fils occupent le trône l’un après l’autre, Louis le Hutin d’abord (1314-1316), Philippe le Long ensuite (1316-1322), Charles le Bel le dernier (1322-1328). La branche des Capet s’éteint, celle des Valois la remplace. Lorsque celle-ci a accompli son temps de règne, elle perd le sceptre en passant, par les mêmes circonstances que la branche qu’elle a remplacée.

Henri II laisse quatre héritiers (1559) ; sur ces quatre héritiers, trois deviennent rois de France ; François II (1559-1560), Charles IX (1560-154), Henri III (1574-1589) : les Valois finissent, les Bourbons commencent. La branche aînée des Bourbons s’achève après les règnes de Louis XVI (1774-1792), de Louis XVIII (1815-1824) et de Charles X (1824-1830), tous trois frères aussi et tous trois devenus rois.

Voici une autre singularité qui se trouve consignée dans une de ces nombreuses productions du XVIe siècle, tout empreintes de superstitions barbares. Nous empruntons le récit suivant à un livre imprimé à La Haye, et ayant pour titre, Doigt de Dieu. Nous l’avons abrégé et largement émondé ; mais nous avons tâché d’en garder l’esprit, et, en rapprochant la conclusion du point de départ nous avons essayé d’en faire davantage ressortir la bizarrerie.

Henri Ier de Bourbon, prince de Condé

Henri Ier de Bourbon, prince de Condé,
mort empoisonné par son épouse

Or, un soir, comme la pluie tombait à flots, on dit qu’une vieille femme, qui passait dans le pays pour sorcière et qui habitait une pauvre cabane dans la forêt de Saint-Germain, entendit frapper à sa porte ; elle ouvrit, et vit un cavalier qui lui demanda, l’hospitalité ; elle mit son cheval dans une grange et le fit entrer. À la clarté d’une lampe fumeuse, elle vit que c’était un jeune gentilhomme. La personne disait la jeunesse, l’habit disait la qualité. La vieille femme fit du feu et demanda au gentilhomme s’il désirait manger quelque chose. Un estomac de seize ans est, comme un cœur du même âge, très avide et peu difficile. Le jeune homme accepta. Une bribe de fromage et un morceau de pain noir sortirent de la huche. C’était toute la provision de la vieille.

— Je n’ai rien de plus, dit-elle au jeune gentilhomme ; voilà tout ce que me laissent à offrir aux pauvres voyageurs, la dîme, la taille, les aides, la gabelle, le souquet, l’arrière-souquet : sans compter que les manants d’alentour me disent sorcière et vouée au diable, pour me voler, en sûreté de conscience, les produits de mon pauvre champ.

— Pardieu, dit le gentilhomme, si je devenais jamais roi de France, je supprimerais les impôts et ferais instruire le peuple.

— Dieu vous entende ! répondit la vieille.

A ce mot, le gentilhomme s’approcha de la table pour manger ; mais au même instant un nouveau coup frappé à la porte l’arrêta. La vieille ouvrit et vit encore un cavalier percé de pluie, et qui demanda l’hospitalité. L’hospitalité lui fut accordée, et le cavalier étant entré, il se trouva que c’était encore un jeune homme et encore un gentilhomme.

— C’est vous, Henri ? dit l’un.

— Oui, Henri, dit l’autre.

Tous deux s’appelaient Henri. La vieille apprit dans leur entretien qu’ils étaient d’une nombreuse partie de chasse, menée par le roi Charles IX, et que l’orage avait dispersée.

— La vieille, dit le second venu, n’as-tu pas autre chose à nous donner ?

— Rien, répondit-elle.

— Alors, dit-il, nous allons partager.

Le premier Henri fit la grimace ; mais, en regardant l’œil résolu et la prestance nerveuse du second Henri, il dit d’une voix chagrine :

— Partageons donc !

Il y avait, après ces paroles, cette pensée qu’il n’osa dire : « Partageons, de peur qu’il ne prenne tout. » Ils s’assirent donc en face l’un de l’autre, et déjà l’un des deux allait couper le pain avec sa dague, lorsqu’un troisième coup fut frappé à la porte. La rencontre était singulière : c’était encore un gentilhomme, encore un jeune homme, encore un Henri. La vieille se mit à les considérer avec surprise. Le premier voulut cacher le fromage et le pain ; le second les replaça sur la table, et posa son épée à côté. Le troisième Henri sourit.

— Vous ne voulez donc rien me donner de votre souper ? dit-il ; je puis attendre, j’ai l’estomac bon.

— Le souper, dit le premier Henri, appartient de droit, au premier occupant.

— Le souper, dit le second, appartient à qui sait mieux le défendre.

Le troisième Henri devint rouge de colère, et dit fièrement :

— Peut-être appartient-il à celui qui sait mieux le conquérir.

Ces paroles furent à peine dites, que le premier Henri tira son poignard, les deux autres leurs épées. Comme ils allaient en venir aux mains, un quatrième coup est frappé, un quatrième jeune homme, un quatrième gentilhomme, un quatrième Henri fut introduit. A l’aspect des épées nues, il tire la sienne, se met du côté le plus faible, et attaque à l’étourdie.

Assassinat du roi Henri IV. Détail d'une peinture de Charles-Gustave Housez (1860)

Assassinat du roi Henri IV. Détail d’une peinture de Charles-Gustave Housez (1860)

La vieille se cache épouvantée, et les épées vont fracassant tout ce qui se trouve à leur portée. La lampe tombe, s’éteint, et chacun frappe dans l’ombre. Le bruit des épées dure quelque temps, puis s’affaiblit graduellement, et finit par cesser tout à fait. Alors la vieille se hasarde à sortir de son trou, rallume la lampe, et voit les quatre jeunes gens étendus par terre, avec chacun une blessure. Elle les examina ; la fatigue les avait plutôt renversés que la perte de leur sang. Ils se relèvent l’un après l’autre, et, honteux de ce qu’ils viennent de faire, ils se mettent à rire et se disent : « Allons ! soupons de bon accord et sans rancune. »

Mais lorsqu’il fallut trouver le souper, il était par terre, foulé aux pieds, souillé de sang. Si mince qu’il fût, on le regretta. D’un autre côté, la cabane était dévastée, et la vieille, assise dans un coin, fixait ses yeux fauves sur les quatre jeunes gens.

— Qu’as-tu à nous regarder ainsi ? dit le premier Henri, que ce regard troublait.

— Je regarde vos destinées écrites sur vos fronts, répondit la vieille.

Le second Henri lui commanda durement de les lui révéler ; les deux derniers l’y engagèrent en riant. La vieille répondit : « Comme vous êtes réunis tous quatre dans celle cabane, vous serez réunis tous quatre dans une même destinée. Comme vous avez foulé aux pieds et souillé de sang le pain que l’hospitalité vous a offert, vous foulerez aux pieds et souillerez de sang la puissance que vous pouviez partager ; comme vous avez dévasté et appauvri cette chaumière, vous dévasterez et appauvrirez la France ; comme vous avez été blessés tous quatre dans l’ombre, vous périrez tous quatre par trahison et de mort violente. »

Les quatre gentilshommes ne purent s’empêcher de rire de la prédiction de la vieille. Ces quatre gentilshommes étaient les quatre héros de la Ligue, deux comme ses chefs, deux comme ses ennemis : Henri de Condé, empoisonné à Saint-Jean d’Angély par sa femme ; Henri de Guise, assassiné à Blois par les quarante-cinq ; Henri de Valois (Henri III), assassiné par Jacques Clément à Saint-Cloud ; Henri de Bourbon (Henri IV), assassiné à Paris par Ravaillac.

 
 
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