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12 septembre 1642 : exécution de Cinq-Mars et de de Thou

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Éphéméride, événements
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12 septembre 1642 : exécution
de Cinq-Mars et de de Thou
Publié / Mis à jour le mardi 11 septembre 2012, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 8 mn
 

Le jeune et malheureux Cinq-Mars, grand-écuyer de France, décapité moins de trois mois avant la mort de son ennemi, le cardinal de Richelieu, était fils du maréchal d’Effiat. Le cardinal l’avait donné lui-même pour favori à Louis XIII, qui ne pouvait se passer de favoris, mais qui n’en avait jamais aimé aucun autant qu’il aima Cinq-Mars.

Richelieu, qui s’en aperçut, voulut le perdre. Cinq-Mars voulut le prévenir, et crut pouvoir y réussir, parce que le roi, qui haïssait, craignait et respectait Richelieu, se plaignait toujours de lui, et le livrait aux plaisanteries de ses favoris. Malheureusement Cinq-Mars prit une voie criminelle pour nuire au ministre : de concert avec le duc d’Orléans et le duc de Bouillon, il signa un traité avec l’Espagne ; mais tout le monde savait bien qu’il n’en voulait ni au roi, ni à l’Etat, et qu’il ne cherchait qu’à embarrasser le ministre. Richelieu se procura une copie du traité ; mais comme cette copie n’était pas authentique, il craignit que s’il en donnait directement avis au roi, ce prince ne regardât cette nouvelle comme une invention, qu’il n’en avertît lui-même les coupables, et qu’ils ne lui ôtassent les moyens de les convaincre.

C’est pourquoi il en fit passer la première notion au roi, par un homme qui ne parut pas parler de sa part ; ensuite il dépêcha Chavigny chargé de la copie du traité. Cinq-Mars, sachant qu’il arrivait, voulut le faire assassiner avant qu’il parlât à Louis ; mais il était déjà avec le monarque. Ce fut alors au grand-écuyer à chercher sa sûreté dans la fuite. Malheureusement il s’y prit trop tard. Sa conduite avait été si imprudente, qu’elle avait pour ainsi dire averti tous ses complices, qui se sauvèrent. Pour lui, il fut arrêté à Narbonne avec de Thou, le 13 juin.

De ce moment le monarque et le ministre agirent avec le plus grand concert. Le duc de Bouillon était à la tête des forces de France en Italie. Il fut le second exemple, sous ce règne, d’un général pris dans l’armée qu’il commandait. On le renferma dans la citadelle de Casal ; et le duc d’Orléans, qui suivait de loin la cour pour se conduire selon les événements, se trouva tout à coup investi de troupes en Auvergne.

Sa première action fut de jeter au feu l’original du traité ; mais la suite ne répondit pas au commencement : ce fut contre lui que Richelieu dirigea ses batteries, pour en tirer des aveux qui servirent à charger les autres. Le ministre ne se trompa pas dans ses mesures. Gaston fit d’abord une démarche qui assurait le cardinal du succès : il dépêcha au prélat l’abbé de la Rivière, avec des assurances vagues de repentir, et des prières de lui obtenir grâce. C’était un augure favorable aux intentions de Richelieu, que l’intervention de cet abbé, âme vénale, flatteur, bas et rampant, qu’il était aisé de rendre, par crainte ou par espérance, l’instrument des surprises qu’on ferait à la crédulité du prince.

Dès ses premières entrevues, on insinua à l’agent de Monsieur qu’on ne croyait pas qu’il eût pu se rendre coupable à l’insu de ses confidents. Ce soupçon inspira une mortelle frayeur au négociateur ; il porta ses alarmes auprès de son maître, qu’il intimida, et qui le renvoya chargé de confessions, sinon concluantes, du moins propres à en faire exiger de plus étendues et de plus exactes. A une lettre très soumise dont Gaston accompagna ses premiers aveux, le cardinal répondit celle-ci :

« Monsieur, puisque Dieu veut que les hommes aient recours à une entière et ingénue confession de leurs fautes pour être absous en ce monde, je vous enseigne le chemin que vous devez tenir, afin de vous tirer de la peine où vous êtes. Votre altesse a bien commencé ; c’est à elle d’achever, et à ses serviteurs à supplier le roi d’user de sa bonté à son endroit. »

Le premier témoignage de bonté que le ministre promit de tirer du roi, fut qu’il permettrait à son frère de voyager, et de se fixer à Venise avec une modique pension, mais sans le voir avant son départ. Pour avoir une augmentation de pension, et la faveur d’être admis en présence de son frère, Monsieur fit de nouveaux aveux ; nouvelles questions de la part du cardinal, et insinuation qu’on pourra le faire rester en France, seulement éloigné pour quelque temps de la cour ; enfin, par toutes ces prétendues grâces, habilement graduées, on obtint du faible Gaston qu’il se laisserait interroger par le chancelier, et que ses réponses serviraient de preuves contre ses complices ; il exigea seulement qu’il ne leur serait point confronté, sans doute pour ne pas être exposé à des reproches qui l’auraient couvert de honte.

Sa facilité porta le coup mortel aux prisonniers ; ils savaient que leur salut dépendait de son silence, et que s’ils persistaient à nier d’avoir eu recours à l’Espagne, jamais on ne trouverait de preuve propre à faire décerner des peines juridiques. L’original du traité, la seule preuve qui pût les convaincre, était entre les mains du duc d’Orléans. Ils ne le croyaient pas assez noir pour les trahir ; mais, d’après ce qui s’était passé dans l’affaire de Chalais, de Montmorency, de Soissons, et de tant d’autres, ils auraient dû le soupçonner assez faible pour se laisser arracher les secrets les plus importants à la sûreté et à la vie de ses amis : c’est pourquoi le cardinal, très instruit du caractère de Gaston, et de la manière dont il fallait le prendre, dirigea contre lui, comme nous venons de le voir, les opérations préliminaires à l’instruction du procès.

Le roi approuva à Tarascon ce plan de conduite , dans une visite qu’il fit le 3 juillet à son ministre. Ce fut un spectacle singulier que celui de deux moribonds, couchés chacun sur un lit, occupés, pour ainsi dire, à creuser le tombeau de deux infortunés, pendant qu’ils étaient près d’y descendre eux-mêmes. Il y eut dans cette entrevue des plaintes très vives de la part de Richelieu, et des excuses très soumises de la part de Louis, qui tâcha d’apaiser son ministre, en lui donnant une autorité absolue dans son royaume, avec injonction à ses sujets, de quelques conditions et qualités qu’ils fussent, d’obéir au cardinal comme à lui-même. Après cela, le roi gagna Paris, et le cardinal partit pour Lyon, traînant derrière lui les deux prisonniers, dans un bateau attaché au sien, et le duc d’Orléans se rendit à deux lieues de cette ville, afin d’être plus à portée des juges qui devaient l’interroger. La commission établie pour ce procès fut composée de conseillers d’Etat et de magistrats tirés du parlement de Grenoble, présidée par le chancelier.

L’affaire était trop bien commencée pour n’être pas terminée au gré du cardinal. Il n’y avait que le silence qui pouvait sauver les coupables, et Monsieur avait parlé. Il est vrai que sa confession, pour ainsi dire extrajudiciaire et sans confrontation, ne devait pas valoir selon les règles ordinaires ; mais on prononça que ces formalités n’étaient pas nécessaires pour valider l’aveu d’un enfant de France. De plus, Cinq-Mars ne tint ferme à nier le traité, que jusqu’à ce qu’il eût entendu la déposition de Gaston, et, dans ce moment même, périssant par la lâcheté de ce prince, il montra une modération qui dut couvrir le duc de confusion, s’il en fut instruit.

Monsieur, non content de rapporter les faits, n’avait pas eu honte de les aggraver, en disant que c’était Cinq-Mars qui l’avait fait tomber dans le crime, par ses pressantes sollicitations. Un homme de quarante ans, frère du roi, sûr de sa grâce, pour s’épargner peut-être quelques reproches, eut la bassesse d’accuser un jeune homme de vingt-deux ans de l’avoir séduit et débauché de son devoir ! Tout prince qu’il était, Cinq-Mars aurait pu le dévouer au mépris par des détails flétrissants ; il se contenta de raconter sans aigreur et sans air de récrimination, ce qu’il ne pouvait s’empêcher de dire :

« Que toutes les fois qu’il était mal avec le roi ou avec le cardinal, le duc d’Orléans le faisait solliciter de s’attacher à lui, et lui promettent sa protection ; que c’était dans un de ces moments que, par la suggestion de Monsieur et du duc de Bouillon, il avait imaginé de traiter avec l’Espagne, pour se procurer un asile contre le ressentiment du ministre, et le forcer de condescendre à la paix générale ; que tel avait été son but ; qu’il ne s’en avouait pas moins coupable, et qu’il réclamait la bonté du roi, sa seule ressource. »

L’infortuné, victime de la faiblesse des deux frères, ignorait que pendant que l’un fournissait à ses juges des moyens de condamnation, l’autre le dénonçait publiquement comme criminel, par une lettre écrite à tous les parlements de son royaume. Il y disait :

« Depuis un an nous nous apercevions d’un notable changement dans la conduite du sieur de Cinq-Mars ; qu’il avait des liaisons avec des calvinistes, des libertins ; qu’il prenait plaisir à ravaler nos bons succès, et exagérer les mauvais, et à publier les nouvelles désavantageuses. Nous avons aussi remarqué en lui une maligne affectation à blâmer les actions de notre cousin le cardinal de Richelieu, et à louer celles du comte duc d’Olivarès. Cette manière de voir nous a donné des soupçons ; et pour en pénétrer le but et la cause, nous avons laissé le sieur de Cinq-Mars parler et agir avec nous plus librement qu’auparavant. »

Etrange conduite d’un monarque à l’égard d’un jeune homme à peine sorti de l’adolescence, qu’il aurait fallu instruire, reprendre et éloigner même, plutôt que de le laisser s’accoutumer à des fautes qu’on serait ensuite forcé de punir ! Mais sous les apparences de cette politique condamnable, puisqu’elle était insidieuse, Louis voulait déguiser la faute qu’il avait faite lui-même, d’enhardir son jeune favori à travailler contre son ministre, en lui confiant ses mécontentements, et en écoutant sans répugnance les offres assez claires qu’on lui faisait de le débarrasser de son tyran. Ces considérations qui rendent Cinq-Mars, sinon innocent, du moins digne de grâce, ne purent influer sur la décision des juges. Le crime d’avoir traité avec les ennemis était prouvé, ils furent obligés de les condamner, et tous d’une voix ils opinèrent à la mort.

De Thou les embarrassa davantage : on ne pouvait l’accuser que de n’avoir pas révélé le traité fait avec l’Espagne. A la question pourquoi il ne l’avait pas découvert, il répondit : « Je n’en ai eu connaissance que longtemps après la conclusion, et par une simple confidence du grand écuyer. Depuis ce temps je n’ai cessé de l’exhorter à le rompre et à obtenir sa grâce du roi, en le découvrant. D’ailleurs, étant certain par une clause expresse du traité, qu’il ne pouvait avoir lieu que si nos troupes étaient battues en Allemagne, et voyant qu’elles étaient toujours victorieuses, je n’ai pas cru devoir exposer, trahir, livrer mon ami, pour sauver l’Etat d’un danger qui ne devait plus être appréhendé. Enfin, ne sachant le traité que par une conversation, et n’ayant aucune preuve à administrer de la vérité de ma déposition, je me serais exposé à subir la peine due aux calomniateurs, si les coupables persistaient dans la négative. »

Ces raisons étaient bonnes : plusieurs juges voulaient qu’on y eût égard. Cependant, comme la loi qui condamne au dernier supplice tous ceux qui ayant su une conspiration contre l’Etat, ne l’auraient pas révélée, n’admet ni distinction ni exception, la pluralité opina à la mort. C’était le vœu de Richelieu qui en voulait, dit-on, à de Thou, parce que son grand-père, dans sa belle histoire de nos guerres civiles, avait inséré une anecdote peu honorable à la mémoire d’un Richelieu ; mais il y a apparence que la haine du prélat et son désir de vengeance, venaient plutôt de ce qu’il regardait de Thou comme ayant été le conseiller de Cinq-Mars dans tout ce que le grand écuyer avait tenté contre lui, et qu’il voulait le punir du succès que son habileté avait pensé procurer à son ami. Peut-être aussi Je ministre eut-il dessein d’intimider les cabaleurs, en rendant la dénonciation nécessaire.

Ainsi victime, tant de la fidélité à l’égard do son ami, que de la haine et de la politique, de Thou écouta sa sentence sans se plaindre de la fatale confidence qui le perdait ; et quand Cinq-Mars voulut lut demander pardon de son indiscrétion, il l’interrompit, le serra dans ses bras, et lui dit : Il ne faut plus songer qu’à bien mourir. Il s’y était, disait-il, tellement disposé pendant sa prison, qu’il ne désirait plus de vivre, dans la crainte de ne se pas trouver une autre fois si bien préparé à la mort.

Cette résignation fut en lui l’ouvrage de combats violents contre les répugnances de la nature ; combats dans lequel la religion le rendit vainqueur. Pour le jeune Cinq-Mars, dont la vie si courte n’avait été qu’une espèce de tableau mouvant, dont les objets, dans leur rapide passage, n’avaient pas eu le temps de faire une impression profonde sur ses sens, il parut s’étourdir davantage sur son sort : du faîte des grandeurs, il descendit sur l’échafaud comme un acteur change de rôle ; et il ne montra d’émotion que quand on le conduisit dans la chambre de la question, à laquelle il avait été condamné : alors il demanda grâce, et il l’obtint, ou parce qu’on n’avait dessein que de lui en donner la peur, ou parce qu’il avoua de lui-même ce qu’on voulait savoir.

Des historiens disent que l’objet de la curiosité de Richelieu fut moins de connaître les complices, que de s’assurer s’il était certain que le roi avait consenti qu’on le débarrassât de son ministre. Après la confession du grand écuyer, le cardinal, ajoutent-ils, ne douta plus que s’il s’était trouvé un homme de résolution, comme le maréchal de Vitry, Louis ne lui eût fait éprouver le même sort qu’au maréchal d’Ancre ; et cette connaissance détermina Richelieu à écarter du roi, plus que jamais, tous les gens capables d’un coup de main.

Ces deux infortunés furent conduits ensemble au supplice, sur la grande place de Lyon, le 12 septembre ; et jusqu’à la fin ils montrèrent chacun leur caractère distinctif. De Thou, que la maturité de l’âge rendait plus capable de remords sur sa vie passée, et de crainte pour la vie future, n’envisageait qu’avec horreur la séparation de son âme d’avec son corps : les exhortations de son confesseur, sa confiance en Dieu, les consolations puisées dans le sein de la religion qu’il avait toujours respectée y suffisaient à peine pour calmer ses frayeurs. Il mourut en regrettant publiquement d’avoir sacrifié à la vanité, et au service des grands, des jours que l’application à quelque état utile aurait rendus plus méritoires devant Dieu et devant les hommes.

Cinq-Mars remplit aussi avec ferveur les devoirs de la religion ; mais du reste il parut plus étonné qu’effrayé. On lui reprocha même un air de légèreté et des manières hautaines jusque sur l’échafaud ; mais c’était moins affectation d’indifférence et bravade, qu’habitude et défaut de l’âge ; enfin, tous les deux touchèrent les juges : Cinq-Mars, par sa candeur et son ingénuité ; de Thou, par la force de son esprit et de son humilité, et ils arrachèrent des larmes aux spectateurs de leur supplice. Le duc de Bouillon, certainement plus coupable que de Thou, racheta sa vie et sa liberté par la session de sa principauté de Sedan : encore lui donna-t-on en échange de très belles terres en France ; et le duc d’Orléans, le plus criminel de tous, eut permission de se retirer à Blois comme un particulier. Ce fut la seconde fois qu’il traversa une partie de la France sans distinctions, sans honneurs, chargé de la honte d’avoir sacrifié des amis dont les images sanglantes auraient dû être sans cesse présentes à son esprit, et ajouter les remords à son humiliation.

Pendant qu’il parcourait les provinces en fugitif, Richelieu partit de Lyon le jour même de l’exécution, se rendit à Paris comme un triomphateur porté par ses gardes dans une chambre où étaient son lit, une table et une chaise pour une personne qui l’entretenait pendant la route. Les porteurs ne marchaient que nu tête, à la pluie comme au soleil. Lorsque les portes des villes et des maisons se trouvaient trop étroites, on les abattait avec des pans entiers de muraille, afin que son éminence n’éprouvât ni secousse ni dérangement.

Arrivé à Paris, il alla descendre au palais Cardinal , où se trouvait une foule de gens empressés, les uns de voir, les autres d’être remarqués. Il parla à plusieurs, et congédia la foule d’un coup d’œil obligeant. Sur un visage jauni par la maladie, on aperçut un rayon de joie, lorsqu’il se vit dans sa maison au milieu de ses parents et de ses amis, qu’il avait appréhendé de ne plus revoir, et encore maître de la cour où tant d’envieux se flattaient qu’il ne reparaîtrait plus.

 
 
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