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Histoire faune et flore : interdiction des fèves selon Pythagore et autres préceptes mystérieux. Ame des fèves, insomnie

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Faune, Flore
Arbres célèbres, vertus des plantes, croyances liées aux animaux. Faune et flore vues par nos ancêtres. Balade au coeur des règnes animal et végétal
Fèves : dotées d’une âme
et condamnées par Pythagore ?
(D’après « La Chronique médicale », paru en 1897)
Publié / Mis à jour le lundi 9 octobre 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
S’appuyant sur les interprétations des mystérieux préceptes de Pythagore, la stigmatisation des fèves, dont la fleur enfermée dans une marmite qu’on enfouit, présenterait au bout de quelques jours l’aspect d’une tête d’enfant, auxquelles on reproche d’émousser les sens et d’être à l’origine d’insomnie, côtoie chez ce philosophe l’interdiction d’uriner face au soleil ou sur des rognures d’ongles

Les interprètes ont trouvé ample matière à conjectures et autant de sens mystiques qu’il leur a plu dans les préceptes énoncés par le philosophe Pythagore (VIe siècle av. J.-C.). Un aperçu nous est fourni par Diogène Laërce, poète et doxographe du IIIe siècle de notre ère traduit et paraphrasé par François de Fougerolles (Lyon, 1602), et par Plutarque, dont les Œuvres morales ont été traduites par Amyot en 1594.

Vicia faba (planche extraite de Phytanthoza iconographia)
Vicia faba (planche extraite de Phytanthoza iconographia)

Il ne faut point, dit Pythagore, sousbraser le feu avec un couteau. Cela signifie, d’après Diogène Laërce, qu’il ne faut pas susciter la colère et l’indignation des plus puissants que nous. L’interprétation de Plutarque est celle-ci : n’irritez pas un homme courroucé, car il n’est pas bon de le faire ; mais il faut céder à ceux qui sont en colère. Pour Goblet d’Alviella, l’interdiction de toucher le feu avec un fer aiguisé, qui se retrouve chez les Tartares et les Peaux-Rouges, ressort du culte du feu : et peut-être faudrait-il y voir l’idée que le fer est impur et qu’il pourrait blesser la flamme.

Il ne faut pas passer de l’autre côté des balances. Diogène Laërce interprète qu’il ne faut pas passer les limites de la raison ; Plutarque, qu’il faut faire grand compte de la justice et se donner bien garde de la transgresser.

Il ne faut pas s’asseoir sur le boisseau, c’est-à-dire qu’il faut avoir autant souci de l’avenir que du présent, car un boisseau comprend le vivre de plusieurs jours (Laërce) ; ou bien qu’il faut fuir oisiveté pour se pourvoir des choses nécessaires à la vie de l’homme (Plutarque). Il ne faut pas manger le cœur, c’est-à-dire qu’il ne faut pas tourmenter l’esprit en des affaires chagrineuses (Laërce) ; ou bien qu’il ne faut pas offenser son âme et son esprit en le consumant de cures et d’ennuis (Plutarque).

Il ne faut pisser ni s’arrêter sur les rognures des ongles ou sur les cheveux. Ici, Pythagore semble croire au pouvoir maléfique de ces déchets humains, par conséquent à la sorcellerie : cette superstition se retrouve chez les peuples primitifs, dans le Zend-Avesta, dans les lois de Manou, chez les Romains et dans l’Ardenne belge. Il ne faut pas qu’on revienne au pays en étant dehors. Diogène Laërce comprend qu’il ne faut plus, depuis que nous sommes déportés de ce monde, penser à y retourner, ni étant retirés des voluptés d’y revenir encore. Plutarque traduit qu’il ne faut pas s’en retourner des confins, c’est-à-dire, quand on se sent près de la mort et qu’on est arrivé aux extrêmes confins de cette vie, qu’il convient de partir patiemment et ne s’en décourager point.

Laërce cite une foule d’autres symbole plus obscurs, ainsi : Il faut lever le pain ensemble et le décharger sans personne ; il faut toujours tenir ses couvertures troussées ensemble ; il faut défaire le vestige du pot-au-feu ; il ne faut point nettoyer le siège avec de l’huile, ni pisser le visage tourné vers le soleil, ni marcher hors le grand chemin, ni vivre sous le même toit avec les hirondelles, etc.

Plutarque mentionne deux autres préceptes plutôt amusants. Ne jetez pas la viande dans un pot à pisser (c’est-à-dire qu’il ne faut pas mettre un bon propos en une méchante âme, car la parole est la nourriture de l’âme, laquelle est polluée par la méchanceté des hommes). Ne goûtez point de ceux qui ont la queue noire, interprété comme ne point fréquenter les hommes diffamés et dénigrés par leur méchante vie ; mais, ne vous y trompez pas, il s’agit d’un poisson, le mélanure, qui figure sur la liste des mets défendus par Pythagore avec le rouget, le cœur et la matrice des animaux, le babeurre et les fèves.

Cette défense de goûter des fèves a mis à dure épreuve la sagacité des érudits anciens et modernes. Les opinions les plus étranges et les plus contradictoires ont été émises sur les causes de cette interdiction. Les uns veulent que ce soit un précepte moral, Pythagore défendant par là à ses disciples de se mêler du gouvernement. Cette opinion est fondée sur ce qu’en certaines villes, c’est avec des fèves qu’on donnait son suffrage quand on procédait à l’élection des magistrats.

Pythagore
Pythagore. © Crédit illustration : Araghorn

D’autres ont voulu y voir une simple prescription hygiénique ; c’est ainsi que pour Diogène Laërce les fèves étaient pleines de vent et leur nature tendait de près à être animée, et même elles rendaient les ventres plus pesants et brutaux que la modestie ne demande, outre qu’elles remplissent les imaginations du sommeil d’illusions, pleines de fâcheries. L’Ecole de Salerne s’est souvenue de cette opinion et défendait les fèves parce qu’elle les accusait de prédisposer à la goutte.

D’après Nonus (de re Cibaria), Pythagore les aurait interdites parce qu’elles émoussent les sens et produisent de l’insomnie. Cicéron pensait également qu’en excitant la sensualité, elles causent de mauvais rêves : c’est pourquoi les devins devaient s’en abstenir. Clément d’Alexandrie prétendait qu’elles corrompent la semence et rendent les femmes stériles.

Aristoxenus, disciple d’Aristote, est d’un tout autre avis ; il prétend que Pythagore n’a jamais autant mangé d’un légume que des fèves, parce que cette nourriture facilite les selles et relâche le ventre, et qu’il a seulement voulu défendre les plaisirs vénériens ; car le mot grec ne signifie pas seulement la fève, mais encore le bout de sein gonflé par le lait et le testicule. De plus, on a fait remarquer que la fève ressemble beaucoup à laglande génitale de l’homme et à la tête du membre viril.

De Gubernatis, dans sa Mythologie des plantes, rapporte que des raisons plus étranges encore de classer les fèves parmi les plantes érotiques se trouvent indiquées dans le livre de Grégorius Gyraldi (Pythagorae symbola). Dans cet ouvrage, le Chaldéen Zoreta prétend que, si on laisse macérer des fèves au soleil pendant un certain temps, elles prennent l’odeur de la semence humaine et qu’une fleur de fève, enfermée dans une marmite qu’on enfouit, présente au bout de quelques jours l’image des parties génitales de la femme, et bientôt après celle d’une tête d’enfant. Mais nous entrons ici dans le domaine de la magie.

Dans divers pays, les fèves étaient considérées comme impures. C’est l’avis de Schoebel qui, dans son livre Le mythe de la femme et du serpent, écrit que la fève n’est pas pure et que les hallucinations d’une Catherine Emmerich, qui vit sous cette forme le Saint-Esprit pénétrer dans le flanc de la Vierge, n’ont pas réussi à la rendre sainte.

Une légende affirme que la fleur de fève, enfermée dans une marmite,
présente bientôt l’image d’une tête d’enfant. © Crédit illustration : Araghorn

Les fèves sont aussi pour certains l’emblème de la mort, peut-être à cause des taches noires que présentent les fleurs. Les Flamines de Rome voyaient dans ces taches des lettres infernales, et c’est pourquoi ils s’abstenaient de manger des fèves, de les toucher et même de les nommer. C’était encore avec des fèves qu’il tenait dans sa bouche et qu’il jetait derrière lui que, lors des fêtes des Lémuries, célébrées à Rome au mois de mai), le père de famille purifiait la maison infestée par les larves, en disant : « je me rachète moi et les miens ; sortez, Mânes paternels ».

L’opinion qu’on eut que Pythagore n’était pas loin de supposer que les fèves avaient une âme sujette comme les autres aux vicissitudes de la transmigration et que quelques-uns de ses parents ne fussent devenus fèves, explique d’une part la plaisanterie d’Horace dans la Satire VI du livre II sur les parents de Pythagore accommodés au lard, d’autre part un vers d’Orphée qui dit que de manger des fèves est un crime égal à celui de manger la tête de son père.

 
 
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