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Baladeur musical, ancêtre perfectionné du walkman moderne mis au point en 1907 ? Musique automobile, lecteur MP3

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Anecdotes insolites
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Ancêtre perfectionné (Un) du baladeur
moderne mis au point en 1907 ?
(D’après « Ma revue hebdomadaire illustrée », paru en 1907)
Publié / Mis à jour le vendredi 9 mars 2018, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
Chroniqueur pétillant de Ma revue hebdomadaire illustrée au début du XXe siècle, Jules Hoche partage avec ses lecteurs une singulière découverte : celle d’un inventeur à l’imagination débordante qui, ayant anticipé la soif de musique de contemporains nomades, affirme avoir mis au point l’ancêtre du futur « baladeur » permettant à l’homme pressé d’emporter une « musiquette de poche » qui émet des sons sur un rythme épousant la vitesse de déplacement...

D’ordinaire j’attends volontiers qu’un tournant de vie ou d’histoire, un tournant des modes ou des mœurs, soit simplement un tournant de rue ou d’escalier me fournisse mes sujets de chroniques, écrit Jules Hoche en mars 1907. Cette semaine, précisément, le sort, voulant se faire complice sans doute de mon début dans cette revue, m’a gratifié d’une vraie aubaine en ce genre.

J’ai trouvé dans ma boîte aux lettres une missive d’un inconnu qui m’invitait à assister, en son domicile, à des expériences de musique automobile. L’accouplement des deux mots m’avait quelque peu éberlué. Un « nota bene » post-scriptural où il était question de rythmes à grande vitesse acheva de piquer ma curiosité de mélomane, et je me rendis à l’adresse indiquée dans la lettre. Je trouvai mon homme – pas du tout le musicien classique, au dos pelliculeux, à la chevelure de saule, mais un type de savant glabre, austère, coupant, dans le genre d’Edison –, je le trouvai, dis-je, installé devant un piano mécanique près duquel était placé un petit moteur à pétrole dont il s’occupait précisément de régler la vitesse.

Il me reçut avec la bonne grâce et la modestie charmantes du véritable savant, s’enquit tout d’abord, par politesse naturellement, de l’état de l’industrie littéraire, ouït avec complaisance mes commentaires essentiellement pessimistes sur ce sujet, accompagnés même de quelques gloses méprisantes à l’adresse de tels pignoufs qui gâtent le métier. Et seulement ensuite, quand, à bout de salive et de sucre cassé (la casse du sucre en matière littéraire est une opération à double sens sur laquelle je m’expliquerai un attire jour) quand, dis-je, à bout de salive j’eus cessé de parler de moi et de mes confrères, il commença de discourir à son tour et de m’initier à ses étranges travaux. Mais ici je demande la permission de me transformer en simple sténographe :

– Vous n’êtes pas sans avoir observé la passion croissante des nouvelles générations pour la musique, tendance naturelle du reste, à une époque où les mœurs vont s’adoucissant de plus en plus.

La politesse m’empêcha de protester contre cette assertion que je considérais comme téméraire, en ce qui concerne l’adoucissement des mœurs tout au moins. Car j’ai toujours été et je demeure convaincu que les mœurs, loin de s’adoucir depuis quelques vingt ans que je les observe, se cruellisent (pardon pour cette désinence tourmentée ; c’est du moderne style de la pensée condensée).

– Le Parisien surtout, continua mon interlocuteur, est friand de musique, soit que ce besoin corresponde à sa perpétuelle surexcitation nerveuse, soit tout autre raison. Qui sait, au reste, si la musique n’est pas seulement le déclic nécessaire de notre faculté de rêve et d’illusion, mais celui aussi d’un genre d’activité physique tout à fait spécial ? Ainsi, je connais personnellement un tas de braves gens très corrects qui, sitôt qu’ils entendent de la musique de danse, se mettent à se trémousser, même en pleine rue.

Ici, je ne pus qu’opiner dans le même sens et corroborer (je réclame l’intransitivité pour ce dernier verbe au même titre qu’en jouit le verbe collaborer). Car, moi aussi, je connais des gens qui poussent même si loin le sentiment du rythme qu’il se mettent à tambouriner des marches et des pas redoublés sur n’importe quoi (sur des carreaux de fenêtres notamment) dès qu’ils ont les doigts et le cerveau inoccupés, et ça leur arrive souvent ; mon homme de son côté renchérit :

– Il en est même qui, voyageant, en chemin de fer, ne peuvent se soustraire à l’obsession de rythmer des airs connus sur les battements isochrones de la bielle de la locomotive. D’où je conclus que les automobiles à musique, dont quelques-unes déjà circulent dans nos rues, répondent à un besoin réel et sont appelées à un grand avenir. Je ne suis même pas éloigné de croire qu’un jour viendra où ce système de musique automobile se généralisera. En promenade, en excursion, en voyage, chacun emportera avec soi sa musiquette de poche.

Ici, l’inventeur fit une pause et me regarda, quêtant une approbation sans doute. Mais je restai, cette fois, muet comme un poisson, ne sachant plus du tout ou il voulait en venir. Il changea de ton, prit la forme interrogative.

– N’est-il pas question de transformer les orchestres militaires qui jouent debout et immobiles – ce qui est extrêmement fatigant – dans nos jardins publics, n’est-il pas question, dis-je, de les transformer en orchestres automobiles égrenant leurs sons au hasard des rues et des carrefours, que leurs véhicules à pétrole parcourront à la vitesse réglementaire ?

Je ne bronchai pas, n’ayant, jamais ouï parler d’un tel projet. L’homme eut un geste indiquant à la fin qu’il se décidait à serrer son sujet de plus près.

– Je reviens à mon idée principale, j’entends mon idée personnelle : la musique participant à tous nos déplacements et adaptée par conséquent aux vitesses diverses que nous préconisons chacun selon son tempérament et ses goûts. C’est là précisément que le besoin de mon invention se fait sentir.

« Car, avez-vous observé ceci encore, c’est que la musique actuelle, tant l’ancienne que la moderne, ne comporte pas, au point de vue du rythme, les grandes vitesses ? Et, en effet, toute la vraie musique date d’un temps où le cyclisme et l’automobilisme sommeillaient encore aux limbes de la mécanique. »

– Ce temps n’est plus, mais il reviendra peut-être, insinuai-je.

Mon interlocuteur implora le silence :

– Voyez, dit-il, la musique de danse qui comporte les rythmes les plus rapides au métronome. Le menuet, c’est le pas simple (on savait encore marcher à cette époque-là), la mazurka, la skottisch, c’est le piétinement ; la polka et la valse représentent le petit trot, et, quant au galop, nous l’avons dans tous les quadrilles, mais c’est tout au plus un petit galop de chasse. Essayez déjouer une polka, une valse, voire un quadrille à une vitesse de 40 kilomètres à l’heure, ça aura l’air d’une gageure.

« Eh bien ! mon invention consiste précisément en un dispositif spécial permettant d’adapter les rythmes de notre musique actuelle à toutes les vitesses, à tous les temps mécaniques, sans dénaturer la mélodie qui doit reparaître quand même dans le tourbillon affolé des notes. Ecoutez plutôt. »

Ici mon inventeur mit son moteur en communication avec le piano par un système occulte, et le teuf-teuf de la machine imita le pas d’un bataillon de chasseurs à pied, tandis que le piano jouait un pas redoublé fort bien rythmé sur cette cadence.

– Ceci, c’est du 7 ou 8 kilomètres tout au plus à l’heure. Ecoutez maintenant la Marseillaise accompagnant une charge de cavalerie (vitesse réelle, 35 à 40 à l’heure.)

Mais alors, soit que l’invention de notre homme ne fût point mûre encore, soit que la Marseillaise, encore qu’impétueuse comme un torrent déchaîné, ne pût supporter une vitesse de rythme aussi considérable, le piano se mit à rendre de tels mugissements que je me levai abasourdi et épouvanté.

– Cela n’est rien, déclara mon inventeur ; vous allez entendre le même air à la vitesse de 80 kilomètres, celle d’un express. Mais mes doigts crispés avaient rencontré la poignée de la serrure. Sur un geste qui objurguait, je battis en retraite. Et je cours encore...

 
 
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