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Attentat contre Louis-Philippe : la machine infernale de Fieschi tue 18 personnes à Paris en 1835

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Événements marquants
Evénements ayant marqué le passé et la petite ou la grande Histoire de France. Faits marquants d’autrefois.
Machine infernale de Fieschi :
un attentat politique au coeur
de Paris en 1835
(D’après « Encyclopédie des gens du monde » (Tome 10), paru en 1838)
Publié / Mis à jour le mardi 27 juillet 2021, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 
 
 
C’est le 28 juillet 1835 que le roi Louis-Philippe, passant en revue la Garde nationale, est la cible d’une « machine infernale » le mitraillant depuis le premier étage d’une maison située boulevard du Temple, à Paris : légèrement touché au front, il est sauf, mais onze victimes tombent sans vie, sept autres personnes grièvement blessées succombant peu après. L’émotion est générale, et les responsables de l’attentat sont rapidement appréhendés, parmi lesquels le cerveau de l’opération, un certain Joseph Fieschi.

Le 28 juillet 1835, au retour du cinquième anniversaire de la Révolution de Juillet, le roi Louis-Philippe, entouré des princes ses fils et d’un nombreux état-major, passait à Paris la revue de la Garde nationale et des troupes de ligne. Il était parvenu, en achevant de parcourir les rangs de la seconde ligne d’infanterie jusqu’au milieu du boulevard du Temple.

Tout à coup une horrible détonation se fait entendre ; tous les yeux se portent sur le monarque : autour de lui le pavé est inondé de sang ; des morts, des blessés, des chevaux, gisent sur la chaussée. Le maréchal duc de Trévise, six généraux, deux colonels, neuf officiers ou grenadiers de la Garde nationale, un officier d’état-major, de simples spectateurs, hommes, enfants, au nombre de vingt-et-un, sont frappés plus ou moins grièvement ; onze tombent sans vie, sept ne survivent que peu d’heures ou peu de jours. Le roi, préservé miraculeusement, n’est atteint que légèrement à la surface du front par une balle qui y laisse à peine des traces ; son cheval est frappé à la partie supérieure de l’encolure ; ceux du duc de Nemours et du prince de Joinville sont pareillement blessés, l’un au jarret, l’autre dans le flanc. La foule se disperse épouvantée ; mais le roi, surmontant son émotion, reprend sa marche, et la revue s’achève.

Le 50 boulevard du Temple, à Paris, lors de l'attentat

Le 50 boulevard du Temple, à Paris, lors de l’attentat

Cependant en face du Jardin Turc on avait aperçu la jalousie d’une fenêtre, située au troisième étage, se soulever et laisser échapper des tourbillons d’épaisse fumée. En un instant la maison est investie ; on enfonce la porte de la seule pièce qui s’ouvre au troisième étage sur l’escalier et l’on trouve un appartement désert ; mais devant la fenêtre, une machine en bois de chêne supporte encore quinze ou seize canons fumant et ensanglantés ; cinq ou six, crevés au tonnerre ou éclatés vers la culasse, sont à terre, fracassés.

Presque au même instant, dans la cour de la maison voisine, des cris se font entendre ; on vient d’y arrêter un homme couvert de sang , et n’ayant pour tout vêtement qu’un pantalon de toile écrue. Cet homme, c’est l’assassin. Dangereusement blessé par l’éclat des canons de sa machine, il avait pourtant retrouvé assez de force pour s’élancer vers une fenêtre, saisir une double corde qui s’y trouvait suspendue, et se laisser glisser jusqu’au toit de la maison voisine, où il avait enfin été aperçu, arrêté et remis entre les mains de la justice. Le soir même, cet homme fut installé dans les prisons de la Conciergerie et remis aux mains des médecins, tandis que la Cour des Pairs était saisie de l’affaire et que la procédure commençait.

Son nom était inconnu (car celui de Girard, qu’il avait pris dans la maison où il avait loué un appartement pour consommer son crime, n’était pas son vrai nom), lorsque le hasard amena dans les prisons un inspecteur général qui reconnut dans la personne de l’assassin un individu nommé Joseph Fieschi (Giuseppe Fieschi), et désigna plusieurs personnes qui pouvaient également le reconnaître, et entre autres Ladvocat, membre de la chambre des députés, lieutenant-colonel de la 12e légion de la Garde nationale de Paris et directeur de la manufacture royale des Gobelins. Le 2 août, Ladvocat fut introduit auprès du lit de Girard, et, après l’avoir appelé par son véritable nom, que l’assassin essaya encore de cacher, il parvint à vaincre son obstination et à triompher de son silence. Dès ce moment le principal acteur de ce drame sanglant était connu, et les renseignements qui arrivèrent en foule amenèrent la découverte, sur son existence passée, des détails suivants.

Joseph Fieschi, né en Corse, fut baptisé à Murato le 3 décembre 1790, et fut berger pendant son enfance. Le nom de Fieschi ne se trouve même pas dans son acte de baptême, où ses parents sont désignés par leurs seuls prénoms. Le 15 août 1808, il s’engagea volontairement dans un bataillon qui allait en Toscane, au service de la grande-duchesse Élisa Napoléon ; mais débarqué à Livourne, il fut envoyé à Naples et incorporé dans la légion corse, avec laquelle il fit la campagne de Russie, sous les ordres du général Franceschetti.

Il se distingua plusieurs fois dans le cours de cette guerre par une certaine adresse et une grande hardiesse d’exécution. Le 14 avril 1813, il passa au service du roi de Naples, le maréchal d’Empire Joachim Murat, et reçut son congé le 1er août 1814, à Macerata, après la paix. Il retourna en Corse, où il prit du service dans le régiment provincial Corse que l’on formait alors, et où il resta jusqu’après les Cent-Jours. Murat étant venu, à cette époque, chercher un asile en Corse — car déchu le 2 mai 1815 après sa défaite contre les Autrichiens à Tolentino —, plusieurs de ses vieux soldats se rallièrent autour de lui ; le général Franceschetti consentit à tenter la fortune avec son ancien maître, et Fieschi fut du nombre de ces fidèles serviteurs qui ne débarquèrent en Calabre que pour assister au supplice de leur roi et pour être exposés eux-mêmes aux plus affreux dangers.

Condamné à mort avec tous les débris de l’armée du roi Joachim, Fieschi obtint sa grâce comme sujet du roi de France, et revint en Corse, où il vécut retiré dans l’ancienne province de Nebbio. Peu de temps après, les penchants pervers de cet homme se révélèrent subitement par le vol d’un bœuf, commis sur le territoire de Murato, le 17 décembre 1815, vol accompagné d’un faux en écriture privée et de la contrefaçon du sceau d’une mairie, qui lui valurent une condamnation à dix ans de réclusion et à l’exposition.

Giuseppe Fieschi

Giuseppe Fieschi

L’arrêt fut exécuté, et Fieschi, transféré dans la maison de réclusion d’Embrun, y subit sa peine, à l’expiration de laquelle il fut mis en liberté, le 2 septembre 1826. Depuis cette époque jusqu’au mois de septembre 1830, on le retrouve employé dans plusieurs manufactures de draps et de couvertures, notamment à Lodève, à Vienne et à Lyon, où il se fait remarquer par très peu d’assiduité et beaucoup d’intelligence. Arrivé à Paris vers la fin de l’année, il y trouva diverses protections qui lui firent obtenir son incorporation dans une compagnie de sous-officiers vétérans en garnison dans la capitale. L’inspecteur de l’assainissement et des travaux de canalisation de la Bièvre, Caunes, lui fit donner la place de gardien du moulin de Croullebarbe, le 7 novembre 1831.

Il vivait à cette époque avec une femme, nommée Laurence Petit, veuve Lassave, qu’il avait connue dans la maison d’Embrun, et qui prétendait que les profits de la garde du moulin de Croullebarbe lui étaient destinés et que Fieschi n’était que son prête-nom. Quoi qu’il en soit, ce dernier, qui ne songeait qu’à améliorer sa position, se donnait tantôt comme un condamné politique, tantôt comme un bonapartiste, et obtenait en produisant de faux certificats des secours et des protections. Baude étant préfet de police, Fieschi lui fut recommandé, et lui rendit de grands services au milieu des agitations qui se succédaient avec rapidité dans la capitale.

En 1832, pendant l’invasion du choléra, Caunes, atteint de cette cruelle maladie, fit appeler Fieschi et reçut de lui des soins qui le conservèrent à l’existence. Il rendit les mêmes services au frère de Ladvocat, et c’est de cet instant que date la protection que lui a depuis accordée le directeur des Gobelins. En 1834, Caunes le plaça comme chef d’atelier à Arcueil, où il occupa sous ses ordres une douzaine d’ouvriers au dégravellement de l’aqueduc. Cette position, qu’il conserva jusqu’au mois d’octobre, lui fut enlevée par suite de soustractions des deniers destinés à la solde des ouvriers.

Pendant ces diverses occupations, Fieschi n’en cherchait pas moins à exploiter la double position d’ancien militaire et de condamné soi-disant politique, et de nombreuses pétitions adressées au ministre de la guerre et à la commission des secours le représentaient comme un père de famille intéressant, ayant à sa charge une femme et une fille de quatorze ans, infirme : c’est cette fille qui, sous le nom de Nina Lassave, devait plus tard être accolée à sa triste célébrité.

Mais l’instant était venu où les mensonges et les faux de Fieschi allaient mettre la police sur ses traces. Ses pensions et ses traitements furent tout à coup suspendus, et il fut inculpé d’avoir créé de fausses pièces et de faux certificats censés émanés de l’autorité publique, d’avoir apposé de fausses signatures sur ces actes et d’en avoir fait usage sciemment. Une procédure fut instruite en conséquence sur la plainte du ministère public. En même temps, Laurence Petit rompait ouvertement avec lui, à la suite de scènes scandaleuses, et en l’accusant d’avoir fait violence à sa fille Nina Lassave. Enfin, pour comble de disgrâce, le 27 janvier 1835, un arrêté du préfet du département de la Seine supprima le poste de gardien du moulin de Croullebarbe.

C’est à dater de ce moment que la pensée de l’attentat dont il se rendit plus tard coupable paraît être venue à Fieschi. Des projets de vengeance fermentaient sourdement dans son cœur ; il s’en prenait tantôt à la société, tantôt à son chef. Obligé, pour se dérober aux recherches de la police, de travailler en se cachant, il allait successivement demander à ses amis un asile pour reposer sa tête à la fin du jour. C’est ici que, pour la première fois, apparaissent dans cette sanglante histoire les noms de Pierre Morey, sellier-bourrelier, de Théodore-Florentin Pépin, marchand-épicier, et de Victor Boireau, ouvrier lampiste, devenus ses complices. En ces jours de détresse, il ne sortait plus sans porter sur lui un poignard et une sorte de petit fléau formé de balles de plomb attachées au bout d’autant de lanières que l’on trouva sur lui le jour de l’attentat, et à l’aide duquel il prétendait pouvoir défier vingt assaillants.

Pierre Morey

Pierre Morey

Poussé vers le crime, non par des convictions ou des passions politiques qu’il n’avait pas, mais par un instinct singulièrement énergique et aventureux, il lui fallait, afin d’accomplir ses desseins, des confidents et des auxiliaires ; pour les bien connaître, il faut avoir recours aux propres aveux de Fieschi, déposés dans l’instruction de son procès, et qui peuvent seuls jeter quelque jour sur cette partie de son existence enveloppée jusque-là dans de profondes ténèbres.

Ces aveux nous apprennent que, lorsque Fieschi eut conçu la malheureuse idée de sa machine infernale, il alla trouver Morey, qu’il connaissait depuis longtemps pour un ennemi du gouvernement, et qu’il lui en montra un dessin qui excita son enthousiasme. Mais cet homme, déjà d’un certain âge et sellier-bourrelier de son état, n’était ni assez actif ni assez à son aise pour l’aider seul à mettre un semblable projet à exécution. Morey avait connu Pépin à la Société des Droits de l’Homme ; il le savait fort exalté dans ses opinions républicaines et capable, par sa position de commerçant et de manufacturier, de prêter une utile coopération. Il mena Fieschi chez Pépin, communiqua à ce dernier leur enthousiasme, et dès ce moment l’attentat fut résolu entre eux et marcha vers un accomplissement rapide.

Un logement fut arrêté par Fieschi et Morey sur le boulevard du Temple, et Fieschi en prit possession le 8 mars, sous le nom de Girard. Pendant l’espace de temps qui s’écoula du 8 mars au 28 juillet, Fieschi, aidé de l’argent de Pépin et des conseils de Morey, acheta le bois et les canons de fusil nécessaires pour confectionner sa machine, la dressa lui-même, et la chargea avec Morey. La veille du jour de l’exécution, un quatrième complice, mis dans la confidence, le jeune Boireau, consentit à passer à cheval sur le boulevard du Temple pour servir de point de mire à la machine , et cette promenade fit plus tard peser sur lui des charges fort graves.

Enfin le 28 arriva, et l’attentat fut consommé ; mais une circonstance que nous ne devons pas oublier sauva sans doute les jours du roi. Quelques instants avant de mettre le feu à sa machine, Fieschi aperçut devant sa fenêtre, sur le boulevard, Ladvocat avec sa légion. La présence de celui que Fieschi regardait comme un de ses bienfaiteurs renversa toutes ses résolutions : il mit la main aux écrous de la machine pour en modifier la direction, et pensa même à renoncer à son projet. Mais la 12e légion, dont Ladvocat était le lieutenant-colonel, fit un mouvement pour changer de position. Au même instant le roi passa, et Fieschi fit feu sans rétablir la direction de la machine. On sait le reste.

Avant même que les aveux de Fieschi vinssent éclairer la justice, les accusés étaient déjà entre ses mains. Diverses circonstances avaient mis sur les traces de Morey et de Pépin, mais il ne s’élevait pas contre eux des charges suffisantes ; Pépin même, qui s’était évadé à la faveur d’une visite faite en sa présence dans sa maison, écrivait, de sa retraite, au président de la Cour des pairs qu’il viendrait se constituer prisonnier en temps utile si on le lui ordonnait. Il avait même fixé pour délai le 26 septembre ; mais il fut découvert et arrêté le 21, à Magny, en Seine-et-Marne.

Désormais le procès pouvait s’instruire avec rapidité, et les aveux du principal complice simplifiaient beaucoup la procédure. Morey se renfermait dans d’énergiques dénégations ; Pépin, d’un caractère plus faible et plus timide, se perdait au milieu d’une foule d’aveux et de rétractations contradictoires. Enfin la Cour des pairs, après une longue instruction, entra en séance le 16 novembre. Cinq accusés comparaissaient devant elle, Fieschi, Pépin, Morey, Boireau et Bescher, ce dernier prévenu d’avoir prêté à Fieschi un livret d’ouvrier et un passeport qui devaient l’aider à fuir après l’événement.

Théodore Pépin

Théodore Pépin

Dès la première séance, l’innocence de Bescher fut reconnue. Les débats ne furent clos que le 10 février 1836, et l’arrêt fut immédiatement rendu, sur la réquisition du procureur général Martin. Fieschi était condamné à la peine de mort et au supplice des parricides ; Pépin et Morey étaient également condamnés à la peine capitale, et Boireau à vingt années de détention dans une maison de force. Quelques jours après, dans la matinée du 16 février, l’arrêt recevait son exécution sur la place de la barrière Saint-Jacques.

Fieschi, après avoir vu la tête de ses deux complices tomber successivement, monta à son tour sur l’échafaud, adressa au peuple assemblé une courte allocution dans laquelle il protestait n’avoir dit que la vérité en chargeant Pépin et Morey ; puis, se retournant vers les exécuteurs, il se livra à eux, et trois secondes après il avait cessé d’exister ; et il emportait sans doute dans la tombe la triste consolation d’avoir justifié ce pressentiment que son caractère inquiet et vaniteux lui faisait exprimer ainsi, longtemps avant son crime : Quelque chose me dit que je passerai à la postérité !

 
 
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