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1er mai 1890 : première Fête du Travail en France. Journée de manifestation. Revendication journée de 8 heures

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Événements marquants
Evénements ayant marqué le passé et la petite ou la grande Histoire de France. Faits marquants d’autrefois.
1er mai 1890 : une première
« Fête du Travail » déjà
frappée du sceau politique
(Extrait de « Le Matin » du 2 mai 1890)
Publié / Mis à jour le vendredi 1er mai 2015, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Au lendemain de la première Fête du Travail du 1er mai 1890, journée annuelle de manifestation décidée en juillet 1889 avec pour objectif la réduction de la journée de travail à huit heures, un chroniqueur du journal Le Matin dénonce un glissement du registre social vers le terrain politique, y voyant un travers contre-productif

« Je dirai nettement que j’accepte très bien, dans des circonstances déterminées, l’intervention dé l’Etat entre le patronat et le salariat. Je suis partisan, sinon de la journée de huit heures, qui, à l’heure présente, est une pure utopie, au moins de la limitation progressive de la durée du travail. Entre douze ou onze heures et huit heures, il y a de la marge. On ne me fera jamais admettre qu’un travailleur ne donne pas en neuf heures son maximum de production et que le capital ne perde pas, en dernière analyse, à surmener les forces qu’il emploie. Tout ceci sans parler de la question de justice sociale et au simple point de vue de l’intérêt bien entendu.

« Je trouve donc très légitime que les ouvriers s’organisent pour obtenir une diminution des heures de travail, et qu’ils en fassent le premier article de leur programme commun. Et comment ne tendraient-ils pas à s’organiser, à se fédérer ? En présence du développement de la grande industrie, toute résistance individuelle est vaine, la loi de l’offre et de la demande une plaisanterie et la liberté de l’isolé un leurre. Le capital s’est fait collectiviste et international ; s’il n’arrive pas à comprendre qu’il doit admettre le salariat en participation, il verra de jour en jour se dresser plus menaçantes devant lui les forces collectives et internationales du travail. C’est dans la logique même du mouvement économique où sont entraînées les sociétés.

Couverture de L'Assiette au Beurre du 28 avril 1906

Couverture de L’Assiette au Beurre du 28 avril 1906

« Les classes dirigeantes de France, avec l’inintelligence politique qui les distingue, ont cru, en 1872, avoir fait un coup de maître en supprimant par mesure législative l’Internationale, en frappant de dures pénalités ceux qui seraient reconnus coupables de faire partie de cette société dont a été, et je ne lui en fais pas un reproche, M. Jules Simon. Ce coup de maître était un coup d’épée dans l’eau. La loi était fort inutile, car la Société internationale fondée sous l’Empire par quelques ouvriers de Paris et de Londres devait, sous sa première forme, disparaître, ou plutôt se transformer.

« On a crié comme au temps de nos rois « L’Internationale est morte ! Vive l’Internationale ! » Cela devait arriver. L’Internationale, mais elle est aujourd’hui dans le sang et dans les moelles des ouvriers de tous les pays. Le jeune empereur Guillaume en a eu l’intuition. N’a-t-il pas, en quelque sorte, reconnu la légitimité de cette entente entre tous les salariés, le jour où il a convoqué les gouvernements .de l’Europe à une conférence internationale du travail ? La vérité, c’est qu’une immense révolution s’accomplit, que nous ne voyons pas nettement parce que nous sommes au centre du tourbillon. La journée du 1er mai est un des symptômes, un incidents extérieurs de cette révolution.

« Ajouterai-je que l’idée d’une fête du travail chômée le même jour, à la même heure, par les ouvriers des deux mondes, n’était pas sans grandeur. Pourquoi pas, à côté des fêtes religieuses, des fêtes nationales, la fête de tous les déshérités se donnant la main par-dessus les frontières, s’unissant dans une pensée de revendication, d’appel à la fraternité, à l’égalité, à la justice ? Oui, même pour ceux qui, comme moi, ont horreur du cosmopolitisme et des sensibleries humanitaires, cela eût été grand.

« Mais il aurait fallu laisser à cette journée son caractère purement social, il n’aurait pas fallu verser dans la politique, il n’aurait pas fallu greffer sur ce qu’on appelait soi-même la fête du travail, ce qu’il y a de plus bête, de plus inutile et de plus dangereux au monde, une manifestation à la fois bruyante et pacifique.

« C’était bête et inutile, parce que cela ne pouvait pas faire avancer la question d’un pas ; c’était dangereux, parce qu’une fois qu’une manifestation est lancée, personne, et les organisateurs moins que les autres, ne peut assurer qu’elle restera pacifique, parce que, lorsque la foule est dans la rue et que les curieux se mêlent aux manifestants, nul ne peut prévoir ce qui arrivera. On est à la merci d’un hasard, d’une maladresse, et il suffit d’un fou pour qu’une bagarre de gamins devienne sanglante.

« Quelle puérilité ! quelle politique de cabotinage ! Les chefs, ou plutôt les exploiteurs du mouvement ouvrier proclament qu’ils n’attendent rien de la bourgeoisie dirigeante, que le parlementarisme, par sa nature même, et indépendamment des bonnes volontés individuelles, est impuissant à leur donner la moindre satisfaction, et ils annoncent avec fracas qu’ils s’en iront porter glorieusement une pétition au Palais-Bourbon ! Cette promenade d’une douzaine de délégués chamarrés d’écharpes, car ils savaient bien que, nombreux, ils n’auraient pas passé, c’est à cela qu’ils ont réduit, abaissé leur grande journée du 1er mai !

« En marche pour le Palais-Bourbon ! — Mais la Chambre ne siège pas. — Eh bien nous demanderons M. Floquet ! — Et si M. Floquet ne consent pas à vous recevoir ? — Eh bien ! nous nous adresserons à cet excellent M. Pierre, secrétaire général de la présidence ! — Mais si d’aventure M. Pierre n’est pas là ? — Eh bien nous nous présenterons à la questure, et elle sera bien obligée de nous recevoir. La questure est en permanence. Nous verrons toujours le papa Duclaud et le sévère Guillaumou !

« Les vœux de ces organisateurs de la grande journée, de la grande manifestation socialiste, internationale et révolutionnaire ont été exaucés. Ils ont été reçus par le papa Duclaud et le sévère Guillaumou ; ils ont dialogué avec M. Pierre, gardien des traditions, qui leur a lu plusieurs articles du règlement ; ils ont pénétré jusqu’à M. Floquet qui a eu la bonne grâce d’autoriser les députés-délégués à lui présenter les délégués-citoyens. La pétition qu’ils apportaient a été dûment enregistrée et suivra la filière habituelle. Après quoi le député Thivrier, le député Ferroul, le député Baudin, le délégué Jules Guesde et les autres ont rédigé un procès-verbal authentique de leurs pas et démarche. Pendant ce temps-là, M. Pierre, qui ne badine pas, élaborait le sien. Procès-verbal contre procès-verbal.

« C’est pour aboutir à cela, quelle pitié quelle pitié ! que depuis deux mois et plus les promoteurs de la manifestation inquiètent Pans, troublent les intérêts et forcent le gouvernement, qui en cela n’a fait que son devoir quoique d’une façon un peu théâtrale, à prendre ses précautions. Mieux vaut exagérer les mesures défensives et préventives que de se laisser surprendre. Peut-être, cependant, les flots de poussière dont sur les boulevards nous avons eu toute l’après-midi le gosier desséché, n’étaient-ils pas absolument indispensables.

« Puisse au moins la leçon profiter, aux guesdistes et aux marxistes ! Tout ce qu’ils ont obtenu, en annonçant l’ordre et la marche de leur cortège, en appelant la foule aux environs de la place de la Concorde, c’est de faire le vide autour de leur fête du travail. Pour avoir voulu manifester politiquement, ils ont empêché les ouvriers de manifester pour leur idée. Jamais Paris n’a moins ressemblé à une ville en fête ou à une ville en mal de révolution. Oh ! non, ce n’était pas une de ces journées où, sous l’impression d’un sentiment profond, ardent, la population est en l’air. Jusqu’à cinq ou six heures, les boulevards, les rues ont eu l’aspect d’un de ces dimanches d’été où tout le monde est la campagne. Et pendant ce temps-là, la Bourse rassurée et confiante montait toujours ! »

 
 
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