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Coutumes et traditions. Discipline dans les collèges d’autrefois. Les études jadis et les châtiments corporels appliqués aux collégiens

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Coutumes, Traditions
Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres
Discipline dans les collèges d’autrefois
et châtiments corporels
(D’après « Le Petit Journal illustré », paru en 1913)
Publié / Mis à jour le mardi 1er novembre 2022, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
Les collégiens d’autrefois étaient, de tous les travailleurs de ce temps, les seuls qui ne fussent jamais assurés de jouir du repos hebdomadaire, la retenue du dimanche leur étant parfois infligée au titre de sévère punition. Une leçon mal sue, un devoir mal fait, une distraction à l’étude, et le mauvais élève se voyait consigné mais également fouetté. Il n’est pas jusqu’aux jeunes rois qui aient eu à subir ce moyen réputé infaillible à exciter le zèle au travail...

Chacun sait que le premier collège parisien fut créé au XIIIe siècle par Robert de Sorbon, chapelain de Saint-Louis, dans des bâtiments que le roi lui avait donnés pour cet usage, et qui se trouvaient situés en face du palais des Thermes, dans une rue qui portait un assez vilain nom : elle s’appelait rue Coupe-Gueule. C’est sur cet emplacement même que s’élève aujourd’hui la Sorbonne.

Robert de Sorbon avait fondé ce collège pour préserver les étudiants, déjà nombreux au Quartier Latin, des mauvaises fréquentations qu’ils y contractaient, et pour les arracher à l’exploitation dont ils étaient victimes de la part des gens qui les logeaient. Bientôt l’exemple donné par le chapelain porta ses fruits. D’autres collèges furent fondés par des évêques, par des prêtres.

Chacun de ces collèges abritait généralement des étudiants de même origine. Les étudiants du pays de Caux habitaient un collège fondé, en 1268, dans une maison de l’actuelle rue de la Harpe par Guillaume de Saône, trésorier de l’église de Rouen ; ceux des diocèses de Coutances, Evreux et Bayeux étaient réunis dans un asile créé par Raoul d’Harcourt, archidiacre des églises de Rouen et de Coutances. L’établissement deviendra le lycée Saint-Louis. Sur l’emplacement de la bibliothèque Sainte-Geneviève s’élevait le collège de Montaigu, fondé également par un prélat normand.

Bientôt, les écoliers de chaque région de France eurent leur collège : et il en fut de même pour les étudiants venus de l’étranger. Le collège d’Upsala réservé aux Suédois fut fondé en 1315 ; celui des Ecossais, habité uniquement par les jeunes gens de cette nation, ouvrit ses portes en 1323.

Une discipline des plus sévères régnait dans toutes ces maisons, t les écoliers y menaient une vie des plus rudes. Alfred Franklin, le savant bibliothécaire de la Bibliothèque Mazarine, qui a étudié la vie d’autrefois dans les écoles et collèges, nous en donne une idée, en résumant la règle du collège de Montaigu, un des plus terribles pour l’austérité de sa discipline.

« Les jeunes écoliers, dit-il, ne devaient jamais boire de vin ; un demi-hareng ou un œuf constituaient le menu invariable de leur repas. Les grands étaient mieux traités ; en raison de leur âge et du long travail exigé d’eux, la règle leur accordait : le tiers d’une pinte de vin, la trentième partie d’une livre de beurre, un plat composé de légumes communs cuits sans viande, un hareng ou deux œufs, et pour dessert un petit morceau de fromage. Le personnel entier, sans exception, faisait toujours maigre et observait tous les jeûnes prescrits par l’Eglise ».

Vous plaît-il de savoir quelle était généralement dans ces collèges, la distribution de la journée ? Voici. A 4 heures du matin, lever. Un élève de philosophie, chargé des fonctions d’éveilleur, parcourait les chambres, et, en hiver, y allumait les chandelles. De 5 à 6 heures, leçon. De 6 à 7 heures, premier repas composé d’un petit pain. De 7 à 8 heures, récréation. De 8 à 10 heures, leçons. De 10 à 11 heures, discussion et argumentation. A 11 heures, dîner accompagné d’une lecture de la Bible ou de la Vie des Saints. Le chapelain disait le Benedicite et les Grâces, auxquels il ajoutait une exhortation pieuse. Le principal prenait ensuite la parole, adressait les éloges ou les blâmes aux élèves, annonçait les punitions, les corrections méritées la veille.

De midi à 2 heures, révisoin des leçons, travaux divers. De 2 à 3 heures, récréation. De 3 à 5 heures, leçon. De 5 à 6 heures, discussion et argumentation. A 6 heures, souper. A 6 heures 12, examen du travail de la journée. A 7 heures 1/2, complies. A 8 heures en hiver, à 9 heures en été, coucher.

C’étaient là, comme vous voyez, des journées bien remplies. Les élèves n’avaient jamais un jour entier de repos. Deux fois par semaine, le mardi et le jeudi, on les menait en promenade l’après-midi. Généralement, c’était au Pré-aux-Clercs qu’ils allaient se divertir à toutes sortes de jeux. Quant aux jours de fêtes, ils se passaient en exercices de dévotion. Les vacances, qui ne s’appelaient par alors les vacances, mais les Vendanges, avaient lieu au mois de septembre. C’est la seule époque où les jeunes gens pouvaient retourner dans leurs familles. Ils demeuraient au collège tout le reste de l’année.

Ce régime en vigueur aux premiers âges de l’Université, ne s’adoucit pas dans les siècles qui suivirent. Au milieu du XVIe siècle, un jeune gentilhomme, Henri de Mesmes, est élève du collège de Toulouse. « Nous étions, écrit-il, debout à quatre heures, et, ayant prié Dieu, llions à cinq heures aux estudes, nos gros livres sous le bras, nos écritoires et nos chandeliers à la main. Nous oyions toutes les lectures jusqu’à dix heures sonnées, sans nulle intermission ; puis venions dîner.

« Après dîner, nous lisions, par forme de jeu, Sophocles ou Aristophanus ou Euripides, et quelquefois Demosthènes, Cicero, Virgilius, Horatius. A une heure aux estudes ; à cinq, au logis, à répéter et voir dans nos livres les lieux [les passages] allégués, jusqu’après six. Puis, nous soupions et lisions en grec ou en latin ». Avouez que ce jeune étudiant ne perdait guère son temps. Mais aussi, comme il était savant ! A douze ans, il récitait Homère par cœur d’un bout à l’autre et faisait très facilement les vers latins et les vers grecs.

Ces procédés d’éducation devaient épuiser rapidement les enfants faibles, mais ils faisaient de véritables savants de ceux qui étaient assez forts pour en supporter la fatigue. La plupart s’y pliaient, d’ailleurs, avec enthousiasme. Jamais la fièvre de savoir ne suscita plus d’ardeurs que chez les écoliers du temps de la Renaissance. Quant à ceux qui s’y montraient réfractaires et qui témoignaient d’un esprit d’indiscipline, les maîtres avaient un moyen infaillible pour exciter leur zèle et pour les rendre sages et attentifs à leurs leçons.

Ce moyen, c’était le fouet. Le fouet fut l’élément indispensable de la discipline dans l’éducation du temps passé. On trouve le témoignage de son importance jusque dans les sculptures symboliques des églises. Il y a, à la cathédrale de Chartres, dans les voussures d’une porte, une figure de la Grammaire, représentée par une femme qui tient, dans sa main droite, une verge et dans sa gauche un livre. Deux écoliers sont accroupis à ses pieds : l’un étudie, l’autre tend la main pour recevoir une correction.

Le confesseur de la reine Marguerite, dans son récit du Quinzième Miracle de Saint-Louis, écrit : « Les enfanz sont batus aux escoles quand ils ne sçavent leurs leçons. » Et il ajoute que « le roi lui-même avait tous jours son mestre qui li enseignoit letres, et le batoit aucunes fois pour li enseigner cause de decepline. » Cette règle de discipline n’épargnait pas plus les fils et filles de princes que les enfants des roturiers.

Marguerite de Valois assure dans ses Mémoires que si elle a bien appris le latin en son enfance, c’est que ses précepteurs ne lui ont jamais épargné le fouet. On sait ce qu’en pensait Henri IV. Il déclarait avoir été fort fouetté dans son enfance et s’en être bien trouvé. Et il voulait que son fils fût fouetté de même.

« Je me plains de vous, écrivait-il le 14 novembre 1607 à Mme de Montglat, gouvernante du Dauphin, je me plains de vous de ce que vous ne m’avés pas mandé que vous aviés fouetté mon fils ; car je veulx et vous commande de le fouetter toutes les fois qu’il fera l’opiniastre ou quelque chose de mal, saichant bien par moy-mesme qu’il n’y a rien au monde qui luy face plus de profict que cela, ce que je recognois par expérience m’avoir profité ; car, estant de son aae, j’ay esté fort fouetté. C’est pourquoy je veulx que vous le faciés et que vous luy faciés entendre »

Conformément au vœu paternel, le futur Louis XIII fut maintes et maintes fois fouetté. Lisez le Journal tenu par Héroard, son médecin, et vous verrez qu’en son enfance il fut fouetté presque aussi souvent que purgé ou saigné. Il était déjà monté sur le trône qu’on le fouettait encore. Le 15 mai 1610, il est proclamé roi ; le 17 octobre, il est sacré à Reims. Cela ne l’empêche pas d’être encore fouetté le 10 mars 611, pour s’être opiniâtré contre M. de Souvré, son gouverneur.

Louis XIV fut fouetté ; le régent fut fouetté. Sa mère, la princesse Palatine, écrivait en 1710 : « Quand mon fils était petit, je ne lui ai jamais donné de soufflets, mais je l’ai fouetté si fort qu’il s’en souvient encore. »

Alors qu’on fouettait ainsi délibérément les princes, les princes et jusqu’aux jeunes têtes couronnées, comment eût-on épargné le fouet aux enfants des écoles et aux jeunes gens des collèges ? A la vérité, on ne le leur épargnait guère. Il y avait même, dans le personnel des collèges, un fonctionnaire spécial chargé d’appliquer le fouet aux élèves. A la fin du XVIIIe siècle, un certain Chevallier émargeait sur la liste du personnel du collège Mazarin pour la somme de 150 livres, avec le titre de « frotteur de la Bibliothèque et Correcteur. »

Il paraît même que les correcteurs n’y allaient pas toujours de main morte, car, dès le XVIe siècle, des protestations s’élèvent contre les brutalités dont les enfants sont parfois victimes dans les collèges. Rabelais s’en fait l’écho au livre premier de Gargantua. Ponocrates parlant à Grandgousier de ce collège de Montaigu où sévissait la discipline la plus rude de tous les collèges de la capitale, lui dit : « Si j’estois roy de Paris, je mettrois le feu dedans et ferois brusler et principal et regens qui endurent ceste inhumanité devant leurs yeux esre exercée. »

Montaigne élève la même protestation : « Vous n’y oyez, dit-il en parlant des collèges, que cris, et d’enfans suppliciez et de maistres enivrez en leur colère, les guidant d’une trogne effroyable, les mains armées de fouets ». Le roi donnait une bourse au collège de Navarre ; mais croyez-vous que cette bourse était attribuée à un écolier ? Pas du tout : on l’employait « en achapt de verges pour la discipline scolastique. »

Ces traditions, qui remontaient au début de l’Université, se conservèrent intactes jusqu’à la Révolution. Mercier s’en indigne dans sont Tableau de Paris qui vit le jour en 1782. « On tourmente l’aimable enfance, écrit-il, on lui inflige des châtiments journaliers. La faiblesse de cet âge ne devrait-elle pas intéresser en sa faveur ? Pénétrons dans l’intérieur de ces écoles. On y voit couler des pleurs sur des joues enfantines ; on y entend des sanglots et des gémissements ; on y voit des pédagogues dont l’aspect seul inspire l’effroi, armés de fouets et de férules, traitant avec inhumanité le premier âge de la vie ».

Cependant, les humanistes, les maîtres de la pédagogie, n’osent pas encore réprouver complètement le châtiment du fouet. Le bon Rollin, dans son Traité des Etudes, reconnaît qu’il a « quelque chose d’indécent, de bas et de servile », et qu’appliqué hors de saison ou sans mesure, il fait plus de mal que de bien ; mais il s’empresse d’ajouter que sa pensée n’est point qu’il faille y renoncer.

« Je n’ai garde, dit-il, de condamner en général le châtiment des verges. Je conclu que cette punition peut être employée, mais qu’elle ne doit l’être que rarement et pour des fautes importantes. Il en est de ces châtiments comme des remèdes violents qu’on emploie dans les maladies extrêmes. Ils purgent, mais ils altèrent le tempérament et usent les organes. Une âme menée par la crainte en est toujours plus faible ».

Quant à tous les autres genres de pensums, quant aux retenues, aux consignes, au séquestre, aux privations de sorties, bien des années devaient passer encore avant qu’on songeât à en diminuer les excès.

 
 
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