3 février 1769 : mort du pape Clément XIII (Charles-Rezzonico)

Succédant à l’un des hommes les plus habiles et les plus spirituels du dix-septième siècle, à l’un des pontifes qui ont le plus honoré la tiare et l’Église, à Benoît XIV, Clément XIII méconnut la situation délicate de la cour de Rome en Europe, et alla échouer contre plusieurs des écueils qu’avait prudemment côtoyés son prédécesseur. On le voit avec regret s’élever violemment contre le livre de l’Esprit, et écrire de sa propre main à un Ghaumeix pour le féliciter d’avoir attaqué Helvétius. On déplore qu’il ait compromis l’influence morale de son autorité, en faisant (2 septembre 1762) procéder par le tribunal de l’Inquisition à la condamnation de l’Emile, et en défendant, sous peine d’excommunication, la lecture de cet ouvrage déclaré impie et hérétique.

Il ne porta pas plus de discernement dans sa conduite politique. Réveillant d’anciennes prétentions sur la souveraineté du duché de Parme, il lança un monitoire qui excita contre lui le mécontentement des trois branches régnantes de la famille des Bourbons, et qui, n’étant pas soutenu par la force des armes, devint la risée d’un public malicieux.

Clément XIII courait de faute en faute. La société des Jésuites venait d’être proscrite en Portugal et en France. Le pape inconsidéré choisit ce moment pour publier la bulle dite Aposlolicam, consacrée à l’apologie ou plutôt à l’éloge le plus pompeux des Jésuites et à la confirmation de tous leurs privilèges. Les Jésuites sont de dangereux amis ; on ne recule pas impunément quand on a une fois voulu marcher avec eux. Les maisons de Bourbon et de Bragance ayant insisté avec force pour obtenir la suppression d’un ordre abhorré, Clément XIII sentit la nécessité de revenir sur ses pas ; il avait indiqué un consistoire pour prendre des mesures contraires à sa bulle. Dans la nuit même il mourut presque subitement, prœter omnium expectationem, à la surprise générale, dit Clément XIV dans sa bulle de suppression. Cette surprise enveloppait des soupçons odieux, que les doctrines des loyalistes ne justifiaient que trop bien.

On loue Clément XIII de ses efforts pour soulager la misère du peuple pendant la disette et les désastres qui affligèrent l’Italie en 1764 et dans les deux années suivantes. Pour acheter des grains de l’étranger, il tira de grandes sommes du trésor de Sixte V.

Il fit tomber une improbation solennelle sur les ecclésiastiques qui s’occupaient de spéculations commerciales et s’immisçaient dans les affaires séculières. Il semblait par là condamner la conduite du jésuite Lavalette, dont la scandaleuse affaire commençait à s’ébruiter, et entraîna en France la ruine de l’ordre entier. On dut trouver plus étrange qu’il devînt ensuite le protecteur d’une société dont la destruction se rattachait à des torts signalés par lui-même. Il interdit aux ecclésiastiques la fréquentation du théâtre. (voy. 3 Janvier 1759.)

Il acheva la réparation et l’embellissement du Panthéon, commencé par Benoît XIV, et s’occupa aussi du dessèchement des marais pontins et de la reconstruction du port de Civita-Vecchia. Heureux si, dans l’exercice de son pouvoir pontifical, il se fût borné à des soins d’utilité intérieure et à la tentative de régénérer la morale évangélique, et s’il eût oublié qu’il était le successeur des Grégoire VII et des Jules II !