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Vieux métiers, métier ancien. Bourreau. Exécuteur hautes oeuvres, guillotine. Bande Pollet, dernière exécution en public. Vidocq et Sanson

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Métiers anciens / oubliés
Histoire des métiers, origine des corporations, statuts, règlements, us et coutumes. Métiers oubliés, raréfiés ou disparus de nos ancêtres.
Bourreau : un des célèbres
Sanson évoque cette profession
longtemps tenue en marge
(D’après « Le Petit Journal. Supplément illustré », paru en 1909)
Publié / Mis à jour le vendredi 2 décembre 2011, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
1909 : après plus de trois ans d’inaction, la guillotine vient de trancher, devant plus de 10 000 spectateurs déchaînés, quatre têtes, celles des grandes figures de la « bande Pollet », ayant sévi entre 1898 et 1906. L’occasion pour Ernest Laut, rédacteur du Petit Journal, d’apporter un éclairage singulier sur la profession de bourreau, en évoquant une rencontre entre Vidocq et le bourreau Henry Sanson, fils de celui-là même qui assista aux derniers instants de Louis XVI

D’une voix unanime, les populations septentrionales réclamaient que justice fût faite des crimes commis par Pollet et ses lieutenants. Le souvenir du drame affreux des Violaines – les époux Lecocq, âgés de 81 et 79 ans, ainsi que leur fille de 55 ans, sont sauvagement assassinés le 20 janvier 1906 – et de la terreur répandue sur tout le pays par ces redoutables bandits avait rendu implacables les moins sanguinaires. Des habitants de Béthune disaient : « Si on avait gracié Pollet, il y aurait eu une émeute. »

Abel Pollet, chef de la Bande Pollet

Abel Pollet, chef de la « Bande Pollet »

Toute cette région avait vécu si longtemps sous l’étreinte d’un cauchemar, que l’arrestation et la condamnation des meurtriers ne suffisaient plus à ses habitants. Ils voulaient être sûrs que les peines seraient exécutées et que l’exemple du dernier supplice infligé aux assassins assurerait désormais quelque quiétude et quelque sécurité à leur pays troublé – la bande Pollet, dirigée par les frères Pollet et comprenant une trentaine de personnes, avait commis plus d’une centaine de vols et agressions à main armée, sept tentatives d’assassinats et tué six personnes, opérant principalement dans le Nord-Pas-de-Calais et en Belgique.

Aussi l’annonce de l’exécution des quatre condamnés fut-elle reçue par les populations septentrionales comme une délivrance. On vit cette chose invraisemblable, inouïe : le bourreau, accueilli par des acclamations, et l’on entendit les cris de : « Vive Deibler ! Vive notre libérateur ! » La conscience populaire, exaspérée par tant de crimes et par tant d’hésitations et de lenteurs dans la répression, en était arrivée à cet égarement (plus de dix mille spectateurs étaient rassemblés pour assister à l’exécution , le bourreau Anatole Deibler étant à l’œuvre).

Certes, nous sommes loin du temps où le préjugé populaire tenait le bourreau en marge de la société ; mais, pour la dignité même de la justice et de la peine capitale, il n’est point souhaitable que sa présence en nos villes de province soulève des manifestations d’aucune sorte. Autrefois, on fuyait l’exécuteur des hautes œuvres ; à présent, on le suit, on l’applaudit, on se précipite pour lui serrer la main. Or, on devrait comprendre qu’il ne mérite ni cet excès d’honneur, ni cette indignité.

C’est un fonctionnaire qui accomplit une fonction sociale, pas autre chose, et qui ne devrait soulever sur son passage ni marques d’approbation, ni témoignages de mépris. Il faut espérer que le Parlement, en prenant au plus tôt la décision de supprimer la publicité des exécutions capitales, empêchera désormais, et du même coup, le retour de ces manifestations fâcheuses pour le respect de la justice.

Jusqu’à l’aube révolutionnaire, le bourreau fut réprouvé. On le considérait comme infâme. Il n’inspirait qu’effroi et horreur. La Révolution, en abattant les préjugés, commença la réhabilitation du bourreau. Détail piquant : c’est dans la même séance, celle du 22 décembre 1789, où les droits du citoyen furent accordés aux comédiens, qu’ils le furent également aux exécuteurs des hautes œuvres. Et c’est sur la proposition d’un noble, le comte de Clermont-Tonnerre, que fut prise cette double décision.

« Les professions, disait le comte de Clermont-Tonnerre, sont nuisibles ou ne le sont pas. Si elles le sont, c’est un délit habituel que la justice doit réprimer. Si elles ne le sont pas, la loi doit être conforme à la justice qui est la source de la loi. Elle doit tendre à corriger les abus, et non abattre l’arbre qu’il faut redresser ou corriger ». Puis, parlant de ces deux professions « que la loi met sur le même rang », il demandait la réhabilitation du bourreau et celle du comédien :

« Pour le bourreau, disait-il, il ne s’agit que de combattre le préjugé... Tout ce que la loi ordonne est bon ; elle ordonne la mort d’un criminel, l’exécuteur ne fait qu’obéir à la loi ; il est absurde que la loi dise à un homme : Fais cela, et, si tu le fais, tu seras coupable d’infamie. »

La majorité de l’Assemblée partagea cette opinion. Un décret, rendu en faveur des exécuteurs des hautes œuvres, fit défense de les désigner dorénavant sous le nom de « bourreau ». Quelqu’un proposa même de leur décerner le titre de « vengeur national ». Un autre représentant, Matton de la Varenne, s’écriait : « Que deviendrait la société, de quelle utilité seraient les jugements rendus pour venger les outrages faits à la loi en la personne des citoyens qu’elle protège ?... Si la punition du coupable est déshonorante, pour celui qui la lui fait subir, les magistrats qui ont instruit le procès de l’accusé et prononcé la peine, le greffier qui a rédigé le jugement, le rapporteur et le lieutenant criminel qui le font exécuter sous leurs yeux, ne doivent-ils pas avoir leur part de déshonneur ?... Pourquoi celui qui met la dernière main au supplice serait-il avili par des fonctions qui ne sont, en quelque sorte, que le complément de celles des magistrats et qui poursuivent le même but ? »

Ce raisonnement convainquit l’Assemblée. L’exécuteur des hautes œuvres fut admis à tous les avantages civiques. On décida même qu’il pourrait briguer le grade d’officier aux armées. Et l’on vit, quelques mois plus tard, Lequinio, représentant du peuple en mission, embrasser publiquement le bourreau de Rochefort, après l’avoir invité à dîner et placé à sa table entre deux de ses collègues, Guesno et Topsent.

Mais les décrets et les lois ne suffisent pas toujours à réformer les mœurs et à briser les vieux préjugés. En dépit des décisions de la Convention, la profession de bourreau demeura longtemps l’objet du mépris et de l’horreur parmi les classes populaires. Charles-Henri Sanson, l’exécuteur des hautes œuvres de la Révolution, ne songea jamais à réclamer les prérogatives que les décrets de la Convention lui avait accordées. Il vivait caché, au sein de sa famille, souhaitant seulement que nul ne s’occupât de lui, et ne se montrant en public que pour accomplir les devoirs de sa charge.

Il n’avait qu’un ami, Lays, le célèbre chanteur de l’Opéra, qui venait le voir chez lui, en cachette. Or, un jour, quelqu’un aperçut Lays sortant de la maison du bourreau et rapporta la chose à l’Opéra. Le lendemain, plus personne, dans le théâtre, ne voulait serrer la main de l’artiste. Les comédiens, naguère victimes d’un préjugé pareil, n’étaient pas les moins impitoyables pour le bourreau.

Une exécution publique

Une exécution publique

Cependant, le fils de Sanson, Henry Sanson, qui devait succéder à son père, avait été nommé capitaine d’artillerie par sa section, en 1794. « J’aurais pu, disait-il plus tard, faire un beau chemin. » Mais son père, sur le point de se retirer et de lui céder sa fonction, lui conseilla de rendre son grade : « Vois-tu, mon garçon, lui dit-il, les préjugés du monde contre nous t’empêcheront toujours d’avancer et même, peut-être, de rester capitaine. »

Cet Henry Sanson, cependant, était un esprit très fin, un véritable artiste, musicien et lettré. Cela n’empêcha pas qu’il vécut caché comme avait vécu son père. De temps à autre seulement il prenait part à un dîner où se trouvait l’élite du Paris artiste et intellectuel de la Restauration. C’était chez le sociologue Benjamin Appert, le célèbre bienfaiteur des prisonniers.

Appert recevait tous les samedis, à sa table, les hommes les plus illustres de l’époque. On y rencontrait l’archevêque de Malines, le vicomte de Las Cases, le comte de Lanjuinais, Balzac, Alexandre Dumas, de Jouy, des peintres fameux, des savants, des membres du Parlement et même des pairs d’Angleterre. Détail curieux, Vidocq, le fameux Vidocq, qu’on disait avoir été bandit avant d’être chef de la Sûreté, était un des familiers du logis.

Un jour, Appert exprima le désir d’inviter Sanson, l’exécuteur des hautes oeuvres. Mais comment faire ?... Sanson voudrait-il accepter ? Par caractère, autant que par état, il n’allait chez personne. Vidocq, consulté, déclara : « Je me charge de l’inviter ; laissez-moi faire, il viendra. » Le lendemain, en effet, un personnage vêtu avec recherche, tout en noir, ayant l’ancien jabot, la grosse chaîne de montre d’or, se présenta à l’hôtel d’Appert et demanda si celui-ci pouvait le recevoir. Le secrétaire qui le reçut, et auquel il refusa de dire son nom, alla prévenir son maître et décrivit ainsi le visiteur : « C’est, dit-il, une personne qui a l’air très comme il faut : on dirait un maire de banlieue allant présider un mariage à la mairie, ou se rendant, à la tête de son conseil municipal, chez le roi. »

Appert ordonna qu’on fît entrer le visiteur au salon et vint l’y retrouver. « Monsieur, lui dit alors l’inconnu en le saluant, je vous respecte depuis longtemps ; mais si l’on ne m’avait pas assuré que vous aviez l’extrême bonté de m’inviter à dîner pour samedi, jamais je ne me serais permis de me présenter chez vous ; je suis l’exécuteur des hautes oeuvres. »

« Malgré moi, disait plus tard Apper, j’éprouvai une sorte de trouble et d’embarras en voyant devant moi celui qui, depuis que je visitais les prisons, exécutait les malheureux condamnés à mort, dont la plupart m’appelaient à leurs derniers moments. Je répondis cependant : – Je vous ai, monsieur, engagé à dîner pour samedi, et je compte sur vous. – Voyez-vous, dit Sanson, comme cette invitation m’était faite par le sieur Vidocq, dont je connais d’ancienne date les farces, j’ai voulu m’assurer par moi-même si j’avais un si grand honneur, d’autant plus que, en raison de ma charge, je vis en famille et ne reçois que mes collègues ou aides, qui sont, d’ailleurs, presque tous mes parents. Et il ajouta : – Monsieur, je me rendrai humblement à vos ordres. »

Guillotine au XIXe siècle

Guillotine au XIXe siècle

Le samedi suivant, une douzaine de personnes, parmi lesquelles se trouvaient de Jouy, l’auteur alors fameux de l’Hermite de la Chaussée d’Antin ; lord Durham, pair d’Angleterre ; l’amiral Laplace, Vidocq et Sanson, étaient exactes au rendez-vous. Appert plaça Sanson à sa droite et Vidocq à sa gauche. Et la conversation s’engagea tout de suite sur la profession du bourreau.

– Monsieur Sanson, dit de Jouy, votre profession est terrible, mais, en versant le sang, vous ne faites qu’obéir à la loi qui condamne à mort.
– Ce que vous dites, monsieur, est bien la vérité, répondit Sanson ; je ne suis que l’instrument : c’est la justice qui frappe.

Puis, lord Durham demanda au bourreau combien il avait déjà coupé de têtes :
– Trois cent soixante environ, milord, répondit Sanson.

Et de Jouy posa alors à l’exécuteur des hautes oeuvres une question qui n’est point encore aujourd’hui absolument résolue : – Une fois l’opération faite, lui dit-il, croyez-vous que le patient souffre encore ?
– Oui, monsieur, dit Sanson. La figure a des convulsions, les yeux se remuent, la tête est comme enragée.

Et il ajouta : « J’étais près de mon père quand il fut forcé d’exécuter le pauvre Louis XVI, que nous aimions tous dans notre famille, et, lorsqu’il fut contraint de prendre la tête par les cheveux pour la montrer au peuple, ainsi qu’il en avait reçu l’ordre, mon père manqua de se trouver mal. Heureusement que j’étais près de lui ; comme j’étais grand, je le cachai, et l’on ne s’aperçut pas de son émotion et de ses larmes qui, certainement, à cette époque, nous auraient fait guillotiner à notre tour... »

Après l’évocation de ce souvenir tragique, Sanson se tut et Vidocq se mit à raconter des histoires policières. Son laisser-aller, sa familiarité joviale contrastaient avec la dignité froide et la réserve du bourreau. Appert raconte que, à certain moment, ce dernier, scandalisé par le sans-façon du policier, se pencha à son oreille et lui dit : « Il faut que ce soit chez vous, monsieur, pour que je dîne avec ce gaillard-là. »

Presque en même temps, d’ailleurs, Vidocq se penchait à l’autre oreille de l’amphitryon et lui disait : « C’est un brave homme, ce M. Sanson ; cependant ça me paraît drôle de dîner à la même table que lui. »

Le dîner fini, on passa au salon, et Sanson, déclarant à son hôte que sa femme ne se couchait jamais avant son retour à la maison, où tous les soirs il faisait en famille, après le souper, vers les huit heures, une partie de piquet, demanda respectueusement à son hôte la permission de se retirer.

Quel curieux contraste que le portrait pris sur le vif de cet exécuteur des hautes oeuvres, petit bourgeois simple, timide, accoutumé aux douceurs de la vie familiale, avec cette terrible profession pleine d’émotions tragiques. Et c’est un fait curieux que ces moeurs patriarcales furent presque toujours celles des bourreaux. Un seul fit exception : le dernier membre de la dynastie des Sanson, un viveur ivrogne, qui mit un jour la guillotine en gage pour se procurer de l’argent. Sa mère lui avait dit : « Tu finiras sur l’échafaud ».

Et peu s’en fallut que la prédiction se réalisât. Mais Heindereich, qui lui succéda, fut un très digne homme, qui ne manquait jamais de faire dire une messe pur le repos de l’âme du criminel qu’il venait de guillotiner. Nicolas Roch, qui succéda à Heindereich, était un brave père de famille. Il avait huit enfants qu’il adorait. Deibler père, qui remplaça Roch, avait, lui aussi, les moeurs les plus simples du monde. Il aimait la musique et les oiseaux

 
 
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