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Roi Clovis Ier (Francs), mérovingien. Naissance, mort, couronnement, règne. Mérovingiens

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Rois, Présidents
Biographie des rois, empereurs, présidents français. Vie des souverains, faits essentiels, dates-clés. Histoire des règnes
Clovis Ier
(né en 466, mort le 27 novembre 511)
(Roi des Francs : règne 481-511)
Publié / Mis à jour le vendredi 27 novembre 2015, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 11 mn
 
 
 
Roi des Francs, né en 466, il succéda, l’an 481, à son père Childéric. À cette époque, la Gaule, qui, depuis soixante ans, avait été en proie à des irruptions dévastatrices, avait vu s’établir dans son sein diverses nations barbares, différentes par leur origine, leurs mœurs et leur langage ; des États rivaux s’y étaient nouvellement formés.

Le plus étendu et le plus puissant de tous était celui des Wisigoths, qui occupaient les belles contrées situées entre la Loire et les Pyrénées, et qui avaient subjugué la plus grande partie de l’Espagne. Après eux, le royaume le plus considérable était celui des Bourguignons, qui, au sud-est, possédaient toute la portion que baigne le Rhône et ses affluents. Entre la Loire et la Somme, diverses cités, faisant partie de l’Armorique, avaient formé entre elles une courageuse confédération.

Le centre de cette portion, qui était aussi celui de toute la Gaule, appartenait aux Gaulois-Romains, qui avaient résisté aux barbares d’au delà du Rhin, et qui, sous des chefs choisis parmi eux ou devenus héréditaires, reconnaissaient encore la suprématie des successeurs des Césars, devenus incapables de les protéger contre les dangers qui les menaçaient.

A l’est, sur les bords du Rhin, et au nord de la Somme, se trouvaient les belliqueuses tribus des Francs et des Allemands, qui obéissaient à divers chefs indépendants et souvent ennemis les uns des autres. Clovis était le chef de la tribu des Francs-Saliens, qui s’était fixée dans la Ménapie, restreinte, dans les derniers temps de l’empire romain, au diocèse de Tournai, lequel comprenait alors aussi ceux de Bruges, de Gand et d’Ypres, qu’on en a séparés depuis. Ce territoire était renfermé entre la mer et l’Escaut, qui le bornait à l’orient et au midi ; il était resserré à l’ouest par le pays des Morini, ou les diocèses de Térouanne et de Boulogne, qu’occupait une autre tribu des Francs, commandée par Cararic.

Clovis Ier

Clovis Ier (481-511)

Il avait au sud le riche pays des Nervii, ou le diocèse de Cambrai, possédé également par une tribu de Francs, dont le roi, nommé Ragnacaire, parent de celui des Francs-Saliens, faisait sa résidence à Cambrai. Celle de Clovis était à Tournai, où l’on a trouvé le tombeau de son père Childéric au XVIIe siècle. Déjà sous ce dernier roi, et plus anciennement sous Clodion, les Francs-Saliens, plus audacieux que les autres tribus de la même nation, avaient fait des irruptions dans le pays des Gaulois-Romains, et avaient tenté de s’y établir ; mais des forces supérieures les avaient forcés de se retirer dans leurs forêts et leurs marais, et d’y emporter leur butin.

Il est remarquable que leur pays était la plus froide, la plus inculte et la moins fertile portion des Gaules. Clovis résolut de tenter une nouvelle expédition, et il envoya déclarer la guerre à Syagrius, qui avait reçu de ses ancêtres, comme par héritage, la ville et le diocèse de Soissons, et qui, décoré par l’empereur du titre de comte ou de patrice, commandait aux tristes restes de la seconde Belgique. Syagrius, fils du célèbre Aétius, adoré des Romains, respecté des barbares par sa justice et sa grandeur d’âme, accepta le défi hostile de Clovis, qui, dans un langage déjà chevaleresque, lui avait fait dire de fixer le jour et le lieu de la bataille. Clovis, assisté de Ragnacaire, roi de Cambrai, sur le territoire duquel il se trouvait forcé de passer, marcha contre Syagrius.

Les Romains ne purent soutenir le choc impétueux des Francs, dont le nombre ne se montait pas au delà de 5 000. Ce combat mémorable eut lieu près de l’ancienne abbaye de Nogent, à environ trois lieues au nord de Soissons, qui devint ainsi la première capitale du nouveau royaume des Francs-Saliens, l’an 486 de l’ère chrétienne. Syagrius se retira à Toulouse, à la cour d’Alaric, et les lâches conseillers du fils du puissant Euric, encore mineur, livrèrent l’illustre fugitif à Clovis, qui le redemanda, et qui fit mettre à mort cet infortuné roi des Romains, comme l’appelle Grégoire de Tours.

Au milieu de la férocité de mœurs qui caractérisait sa nation, Clovis déploya, dès les premiers temps de la conquête, une politique inconnue à ses prédécesseurs : il ménagea le culte des vaincus, il chercha même à se concilier l’amitié des chefs de cette religion, dont l’influence était alors toute-puissante sur les Gaulois-Romains, qui formaient la base de la population des contrées qu’il venait de soumettre. Aussi la légende prétendit-elle que saint Remi, évêque de Reims, ayant fait réclamer auprès de lui un vase d’une grandeur et d’une beauté remarquable : « Suivez-moi dans Soissons, dit le roi aux députés de l’évêque, là nous devons partager le butin, et si le sort me donne ce vase, je vous le rendrai. »

Clovis demande à ses guerriers rassemblés dans Soissons que ce vase soit remis ; les Francs, pleins de respect et d’amour pour leur chef, lui répondent unanimement qu’il peut choisir dans le butin ce qui lui conviendra. Un seul, plus audacieux, fend le vase avec sa hache ou francisque, en disant : « Tu n’auras rien que le sort n’en ait décidé. » Aussitôt tous les regards des Francs, immobiles d’étonnement, se dirigent sur Clovis. Lui, dissimulant son indignation, prend tranquillement le vase brisé et le remet aux députés ; mais ce même soldat s’étant trouvé un an après au champ de Mars, ou à la revue, avec des armes mal en ordre, Clovis lui fendit la tête avec sa francisque, en disant : « C’est ainsi que tu frappas le vase dans Soissons. »

Toutes les villes de la seconde Belgique se soumirent à Clovis. Les Parisiens, auxquels les premières conquêtes des Francs avaient fait éprouver une longue disette dont ils ne furent soulagés que par le courage de sainte Geneviève, imitèrent, en 493, l’exemple des cités environnantes, et ouvrirent aussi leurs portes aux Francs. Clovis, dans la dixième année de son règne, agrandit encore ses domaines vers l’est, en s’emparant de la Tongrie (le diocèse de Liège). Les Allemands, la plus féroce des tribus de la Germanie, qui s’étaient établis dans les provinces modernes d’Alsace et de Lorraine, attaquèrent, en 496, les Francs-Ripuaires, possesseurs du territoire de Cologne, et alliés de Clovis.

Le roi des Francs-Saliens marche aussitôt contre ces audacieux agresseurs, remporte sur eux une victoire complète, et s’empare du territoire qu’ils occupaient, Théodoric, roi d’Italie, qui avait épousé Alboflède, sœur de Clovis, écrivit au roi des Francs pour le complimenter sur sa victoire, et pour intercéder en même temps auprès de ce terrible vainqueur en faveur des chefs allemands fugitifs qui s’étaient réfugiés à sa cour.

Afin de le fléchir plus facilement, il lui envoya en même temps d’Italie un chanteur célèbre, et habile à s’accompagner de la guitare, que Clovis lui avait demandé avec instances. Les Wisigoths étaient les peuples de la Gaule les plus redoutables pour les Francs-Saliens, et Clovis, afin de pouvoir leur résister avec plus d’avantage, chercha à se concilier les Bourguignons en demandant la main d’une princesse de leur sang : c’est ainsi qu’il épousa Clotilde, nièce du roi Gondebaud. Elle était belle, et l’amour serra les nœuds que la politique avait formés.

Élevée dans la foi catholique, au milieu d’une cour arienne, ses vœux, son devoir et son intérêt la portaient à faire tous ses efforts pour convertir son époux païen. Clovis écoutait favorablement la voix de l’amour et de la religion, lorsque la mort de son fils aîné, qu’il avait laissé baptiser, vint réveiller ses craintes superstitieuses. Il se laissa cependant persuader pour son second enfant, qui reçut aussi le baptême, et, dans la guerre avec les Allemands, dont nous avons parlé, se voyant près de succomber, il invoqua hautement le Dieu de Clotilde et des chrétiens ; il l’appela à son secours, et aussitôt la victoire se tourna de son côté.

Après cet événement, il ne fut pas difficile à l’éloquent saint Remi de persuader à un homme du caractère de Clovis que le Dieu qui gagnait les batailles et qu’adorait Clotilde était le seul Dieu tout-puissant, le seul qu’il fallût reconnaître. Clovis fut donc converti à la foi catholique, et les raisons politiques qui le forçaient de suspendre sa profession de foi publique furent levées lorsque après avoir harangué ses Francs, il les trouva disposés à le suivre aux fonts baptismaux avec la même joie qu’ils montraient lorsqu’il s’agissait de l’accompagner aux combats.

La cérémonie se fit à Reims, le 25 décembre 496, avec toute la pompe et la magnificence que l’habile évêque crut devoir déployer aux regards étonnés de ses barbares néophytes. La rue par où les Francs devaient passer était tapissée d’étoffes peintes ou d’un blanc éclatant ; dans l’intérieur de l’église, les plus doux parfums répandaient dans l’air une odeur céleste ; la cire embaumée brillait, et éblouissait les yeux par d’innombrables lumières. Le nouveau Constantin s’avança vers le baptistère ; l’évêque, en lui présentant la croix, et en versant sur lui l’eau salutaire, lui dit : « Sicambre, baisse la tête, et désormais adore ce que tu brûlais, et brûle ce que tu adorais. »

Baptême et sacre de Clovis

Baptême et sacre de Clovis

Il est certain, d’après le témoignage de saint Remi même, que ce saint évêque, à l’exemple de ce que l’Ancien Testament nous apprend des rois juifs, ajouta à la cérémonie du baptême celle du sacre, et qu’il oignit Clovis d’une huile bénite ; mais la pieuse action de cette fiole, apportée du ciel par une colombe blanche, et qui, sous le nom de sainte ampoule, a servi au sacre de nos rois, n’a été inventée que 360 ans après, par Hincmar, évêque de Reims : 3 000 guerriers et un grand nombre de femmes, parmi lesquelles se trouvaient les deux sœurs de Clovis, Alboflède et Landechilde, se firent baptiser en ce jour mémorable. Clovis, en sortant des fonts baptismaux, se trouvait dans le monde chrétien le seul souverain catholique : l’empereur Anastase avait admis des erreurs dangereuses sur l’incarnation divine ; les autres rois d’Italie, d’Afrique, d’Espagne et des Gaules s’étaient laissé entraîner à l’hérésie d’Arius.

Le fils aîné de l’Église, ou plutôt le seul fils de l’Église, fut donc reconnu comme le sauveur de la foi, le souverain légitime ; et le succès de ses armes fut affermi par l’influence d’un clergé nombreux, riche, puissant et opprimé par les autres princes. Ce fut cette conversion de Clovis, et la protection qu’il accordait à la religion, plus que la crainte de ne pouvoir lui résister, qui engagèrent les cités d’Armorique, en l’an 497, à se soumettre à lui, et qui réunirent à son royaume des pays si vastes et si fertiles, et des peuples si valeureux.

Ainsi il ne restait plus dans les Gaules que deux grandes puissances rivales de celle des Francs que Clovis venait d’établir, c’étaient les Bourguignons et les Wisigoths. Pour combattre avec succès la plus faible des deux, Clovis conclut deux traités d’alliance offensive, l’un avec Théodoric, son beau-frère, roi d’Italie et des Ostrogoths ; l’autre avec Godegisèle, frère de Gondebaud, et mécontent du partage qu’il avait dans la Bourgogne. Gondebaud, dont les États s’étendaient alors depuis les Vosges jusqu’aux Alpes et à la mer qui baigne les murs de Marseille, pour diminuer le nombre des prétendants à la souveraineté, avait fait périr deux de ses frères, dont l’un était le père de Clotilde.

Cependant sa politique imparfaite permettait encore à Godegisèle, le plus jeune de ses frères, de posséder la principauté de Genève. Gondebaud fut alarmé de l’esprit de mécontentement et de révolte que fit éclore dans ses états la conversion de Clovis. Le roi de Bourgogne assembla à Lyon les évêques catholiques et ariens, et s’efforça en vain de les concilier ; ce fut dans ces circonstances critiques qu’il se vit forcé de se défendre contre Clovis, et qu’il lui présenta la bataille sur les bords de la petite rivière d’Ousche, près de Dijon. La désertion de Godegisèle, qui, avant le combat, se rangea du côté de Clovis avec ses Bourguignons, força Gondebaud de s’enfuir, d’abandonner au vainqueur Lyon et Vienne, et de se renfermer dans Avignon.

Les longueurs du siège de cette ville, et une habile négociation, conduite par Arède, engagèrent Clovis à donner la paix à Gondebaud. Le roi des Francs força celui des Bourguignons à pardonner et même récompenser la trahison de son frère. Clovis retourna dans ses Etats avec les dépouilles des riches provinces qu’il avait traversées en vainqueur. Mais son triomphe fut bientôt troublé par la perfidie de Gondebaud, qui, malgré la foi due aux traités, fit périr Godegisèle. Le roi de Bourgogne épargna cependant les Francs renfermés dans Vienne avec son frère, au nombre de 5 000, et il les envoya prisonniers à Alaric, qui les établit dans les environs de Toulouse.

Clovis, qui soupçonnait la sincérité de Theodoric à son égard, et qui craignait d’avoir à se défendre contre les Wisigoths, fut assez sage pour résister à son juste ressentiment ; il accepta l’alliance du roi de Bourgogne, qui s’engagea, par un nouveau traité, à l’aider de son armée en cas de guerre.

Ce fut vers ce temps, en l’an 507, que Clovis choisit Paris pour capitale de son royaume ; ce petit chef-lieu d’un des moindres peuples de la Gaule, resserré dans une île entre deux bras de la Seine, s’était ressenti de la prospérité générale de cette contrée sous le gouvernement des Romains ; ses habitants, dont le sévère Julien louait la simplicité rustique, et dont il se plaisait à opposer la frugalité et les habitudes laborieuses, à la mollesse, au luxe et à la débauche de la superbe Antioche, s’étaient enrichis par le commerce et la navigation des rivières qui les entouraient, et par le séjour temporaire des empereurs.

Quelques édifices romains que l’on avait construits au sud et hors de l’enceinte de la ville contrastaient par une heureuse et nouvelle magnificence avec les modestes habitations entassées, sans beaucoup d’ordre, sur les deux rives du fleuve. C’est dans un de ces édifices, qui subsistait en grande partie au XIIIe siècle, et qui se trouve désigné, dans des actes des Xe et XIe siècles, sous le nom de Thermes (bains) et de palais des Thermes, qu’on prétend que Clovis fit sa résidence ; mais cette assertion, répétée par presque tous les historiens de la ville de Paris, est dénuée de preuves.

Il est plus certain que, vers l’an 507, sur le sommet de la montagne au pied de laquelle se trouvait cet édifice, et sur l’emplacement d’un cimetière des Romains, Clovis, au milieu des arbres et des vignes, jeta les premiers fondements de l’église des Saints Apôtres (Saint-Pierre et Saint-Paul), qui depuis a reçu le nom de Sainte-Geneviève.

Cependant les Wisigoths et les Francs s’observaient mutuellement ; des discussions ne tardèrent pas à s’élever sur leurs limites respectives. D’abord elles parurent pouvoir être réglées à l’amiable ; Clovis et Alaric se virent dans une petite île de la Loire, près d’Amboise. Ils se fêtèrent mutuellement, s’embrassèrent, se séparèrent en se prodiguant les protestations d’une amitié fraternelle.

Ces apparences étaient trompeuses ; et c’est en vain que Théodoric chercha par des lettres à négocier avec Clovis, Gondebaud et Alaric, pour prévenir une rupture. Le roi des Francs, tout en feignant pour le puissant roi d’Italie une déférence filiale, hâta ses préparatifs, et, sachant que Théodoric était menacé par l’empereur Anastase et avait besoin de toutes ses troupes, il assembla les chefs de son armée à Paris, et leur dit : « Souffrirons-nous que des ariens, des hérétiques possèdent les plus belles portions des Gaules ? Marchons contre eux, emparons-nous de leurs fertiles provinces, et partageons-les entre nous. »

Tous répondent qu’ils sont prêts à le suivre et jurent de laisser croître leur barbe jusqu’à ce qu’ils aient vaincu Alaric. Les exhortations de la belle et pieuse Clotilde enflammèrent encore le courage de ces guerriers pour cette saine entreprise. Les Francs, qui s’étaient avancés sur les bords de la Vienne, dont l’autre rive était couverte par le camp des Wisigoths, crurent voir un signe visible de la protection du ciel, dans l’indication qui leur fut donnée par une biche d’un endroit où la rivière était guéable, ils en profitèrent pour traverser le fleuve, et forcèrent les Wisigoths à la retraite.

Enfin la bataille se livra dans le champ de Voclade, à dix milles et au midi de Poitiers, près de Champagné Saint-Hilaire et de Vivonne, entre les deux petites rivières de Vonne et de Clonère. Après un sanglant combat, où le fils de Sidoine Apollinaire perdit la vie, à la tête des nobles d’Auvergne, où Clovis tua de sa propre main Alaric son rival, et où lui-même manqua de périr d’un coup de lance, les Wisigoths furent entièrement défaits.

La conquête de l’Aquitaine fut le résultat de cette bataille. Angoulême ouvrit ses portes à Clovis ; il prit ses quartiers d’hiver à Bordeaux, enleva les trésors qui se trouvaient à Toulouse et les envoya à Paris. Il pénétra jusqu’aux confins de l’Espagne, rétablit partout les honneurs de l’Église catholique, fixa une colonie de Francs en Aquitaine, et délégua à ses lieutenants la tâche, en apparence facile, de détruire les restes de la puissance des Wisigoths ; mais le sage Théodoric ne le permit pas, et put encore s’opposer avec succès à l’ambition de Clovis. Ses valeureux Ostrogoths marchèrent eu secours d’une nation qui n’était, en quelque sorte, qu’une branche de la leur.

Les Francs, aidés des Bourguignons, ne purent s’emparer d’Arles, ni de Carcassonne, et furent repoussés partout avec perte. Cet échec engagea Clovis à écouter des propositions de paix. Il paraît que ce fut à cette époque que le pays alors appelé province de Marseille, depuis la mer jusqu’à la Durance, qui appartenait aux Bourguignons, fut cédé aux Ostrogoths ; on ne laissa aux Wisigoths que la Septimanie, comprenant une étroite étendue de territoire le long de la côte, depuis le Rhône jusqu’aux monts Pyrénées ; mais, depuis ces montagnes jusqu’à la Loire, la vaste Aquitaine fut définitivement réunie au royaume des Francs, avec d’autant plus de facilité que, par les intelligences qu’il s’était pratiquées dans le pays, Clovis avait eu l’art de faire désirer aux Gaulois-Romains sa domination.

Ce fut après avoir terminé cette conquête importante, que Clovis reçut et accepta les honneurs du consulat, qui lui furent conférés par l’empereur Anastase. Le roi des Francs, plaçant un diadème sur sa tête, parut dans l’église de Saint-Martin de Tours, revêtu d’une tunique et d’un manteau de pourpre, et fut salué par la multitude des noms de consul et d’auguste. Les Gaulais-Romains ne se crurent plus désormais soumis à la force, à une autorité légitime qu’ils étaient habitués à respecter, et les Francs révéraient dans leur chef un titre qui rappelait la majesté de la république, et que les empereurs même s’honoraient de porter.

Après avoir tout fait pour la gloire et l’établissement de sa nation, Clovis sembla tourner toutes ses idées vers l’affermissement de son autorité personnelle. L’histoire du vase brisé dans Soissons nous a prouvé qu’elle était faible dans tout ce qui ne concernait pas le commandement ou la discipline militaire ; mais, après les vastes conquêtes des Francs, le chef qui les avait conduits à la victoire acquit sur eux une autorité d’autant plus grande, qu’ils devaient davantage à son génie, et, que se trouvant disséminés sur un grand territoire, il leur était plus difficile de se réunir.

Cependant le roi des Francs crut encore nécessaire, pour consolider ce pouvoir nouveau et étrange, d’avoir recours à la perfidie et à la cruauté. Les chefs les plus puissants, qui auraient pu prétendre à soutenir leur antique indépendance, ceux qui, par leur naissance, leur rang et leur influence, pouvaient aspirer au commandement suprême, furent indignement assassinés.

Clovis s’empara des Etats de Cararic et le fit mettre à mort, sous prétexte qu’il était resté neutre lors de son expédition contre Syagrius. Clodéric, par les suggestions de Clovis, assassine son père Sigibert, roi de Cologne et des Ripuariens, et Clovis venge ce parricide en faisant assassiner Clodéric par ses propres serviteurs et en réunissant ses Etats aux siens. Clovis tue de sa propre main Ragnacaire, roi de Cambrai, qui lui avait été si utile dans sa première expédition, ainsi que Richarius son frère, et s’approprie leurs Etats. Il en agit de même avec Regnomer, autre frère de Ragnacaire, qui commandait au Mans. Le saint évêque de Tours raconte froidement toutes ces horreurs ; et il ajoute, avec une simplicité qui a aussi son énergie : « Après avoir fait toutes ces choses, Clovis mourut à Paris. »

En effet, Clovis n’avait que 45 ans lorsqu’il termina une carrière dont de sanglantes souillures n’ont pu effacer la gloire. Vingt-cinq ans après sa mort, le royaume des Bourguignons tomba au pouvoir des Francs ; les Ostrogoths furent obligés de leur céder Arles et Marseille ; l’empereur Justinien légitima, en quelque sorte, leur conquête, en leur concédant la souveraineté des Gaules. Depuis cette époque (536), ils jouirent du privilège de célébrer à Arles les jeux du cirque, et, par un privilège plus grand encore, les monnaies frappées par leurs rois eurent un cours légal dans tout l’empire, avantage qui fut refusé au puissant monarque de Perse.

Partage du royaume des Francs en 511, à la mort de Clovis Ier

Partage du royaume des Francs en 511, à la mort de Clovis Ier

Clovis, la première année de sa conversion au christianisme, fit mettre dans un meilleur ordre, et peut-être fit traduire du teuton en latin, la loi salique. Ce code, qui paraît avoir été rédigé pour la première fois lorsque les Francs étaient encore au delà du Rhin, ne régissait que les Francs-Saliens. Par une politique très sage et même alors nécessaire, Clovis permit que les différents peuples qui habitaient ses Etats conservassent leurs lois : ainsi les Gaulois-Romains étaient régis par le code théodosien ; les Wisigoths, par ce même code, extrait et modifié par Alaric ; les Bourguignons, par la loi gombette : de là l’origine de la diversité des coutumes, qui prévalut depuis en France.

Clovis, dans la dernière année de son règne, assembla un concile à Orléans, et c’est de ce premier acte de sa souveraineté, en matière ecclésiastique, que dataient les droits exclusifs et non communs aux autres souverains catholiques que les rois de France réclamaient contre les papes : ainsi, gloire, empire, religion, lois, usages, naissance d’une grande capitale, tout, pour les Français, commence avec le règne de Clovis.

Ce règne a duré 30 ans, Clovis étant mort le 27 novembre 511. Il fut enterré à l’église des Saints-Apôtres (Sainte-Geneviève), qu’acheva Clotilde, qui lui survécut. Le prétendu tombeau de Clovis, que l’on voyait au milieu du chœur de cette église, n’était qu’un cénotaphe érigé par les moines au XIIIe siècle. Dans le seul diplôme authentique qui nous reste de lui, et qui est de l’an 510, il se qualifie de Francorum Rex, vir inluster. Clovis laissa quatre fils : Thierry, Clodomir, Childebert, Clotaire, qui se partagèrent ses Etats, et une fille nommée Clotilde, mariée l’an 520 à Amalric, roi d’Espagne.

 
 
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