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Reine Bathilde (Bourgogne, Neustrie), mérovingienne. Naissance, mort, mariage, règne. Mérovingiennes

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Reines, Impératrices
Biographie des reines et impératrices françaises. Vie des souveraines, faits essentiels, dates-clés. Histoire des règnes
Bathilde
(née vers 626, morte le 30 janvier 680)
(Épouse Clovis II (alors roi de Bourgogne et de Neustrie,
puis roi des Francs) en 651)
Publié / Mis à jour le dimanche 31 janvier 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 11 mn
 

Comme Radegonde, Bathilde fut canonisée ; comme cette reine, elle finit dans un monastère une vie commencée dans la captivité, et dont une partie s’écoula sur le trône ; mais une grande nuance marque le caractère de ces deux femmes. Sainte Radegonde, d’une âme ferme et d’un génie élevé, tourna toute son énergie vers les moyens de quitter le trône, et ne déploya ses rares talents que dans le gouvernement de son monastère. Sainte Bathilde, douée des vertus les plus douces, et qui semblait ne vivre que pour la modestie et l’humilité, fut appelée à gouverner et ne s’ensevelit dans le cloître que pour échapper aux embarras du pouvoir.

Bathilde

Bathilde

On ne sait rien de la naissance de Bathilde. Amenée enfant en Neustrie par des pirates danois, elle fut achetée comme esclave par le maire Erchinoald. Elle avait été enlevée sur les côtes de l’Angleterre. Plus tard on a dit qu’elle était du sang royal des Saxons, mais rien ne vient à l’appui de cette supposition, ni dans les traditions des rois de l’Heptarchie, ni dans nos chroniques. Elle grandit sous les yeux de la femme d’Erchinoald qui l’avait prise en grande affection ; à l’âge de quatorze ans sa beauté était déjà digne d’admiration, et Clovis II en devint épris.

Lorsque Erchinoald vit que la passion du jeune roi prenait un caractère sérieux, il pensa que l’ascendant de Bathilde pourrait être utile au prince, et conserver aussi celui du maire. Il encouragea Clovis dans la pensée d’élever Bathilde au trône. Un honneur si peu attendu n’altéra pas la modestie de Bathilde, rien ne changea dans ses manières, elle ne fit servir son crédit qu’au soulagement des pauvres et au bien de la piété. Le mariage eut lieu en 651.

Peu de temps après son union avec Clovis qui n’avait encore que dix-sept ans, ce roi fut atteint d’une maladie de langueur, qui altéra les facultés de son esprit et lui fit peu à peu perdre presque entièrement la raison. Bathilde, si jeune elle-même, consulta dans ce malheur la piété et la bonté de son cœur ; elle laissa au maire Erchinoald la partie la plus difficile de l’autorité, elle se réserva le soin de veiller attentive auprès du roi et d’adoucir son malheur ; autour d’elle tout respira la décence : point de scandale, point de division. Elle avait pour tous de douces paroles, elle accordait les grâces au nom du roi, elle faisait agréer ses refus par des manières agréables.

Bathilde, respectée et chérie, maintenait tout en paix autour d’elle, et n’aurait eu d’autre douleur que celle de voir l’état pénible du roi, si un dérangement dans les saisons n’eût amené la famine dans les états de Clovis. Bathilde persuada Clovis de faire servir au soulagement des pauvres, quelques-unes des richesses de l’église de Saint-Denis ; à sa voix on enleva une voûte de pur argent construite par Dagobert Ier pour le tombeau des trois martyrs Denis, Rustique et Éleuthère.

Clovis II affranchissant l'abbaye de Saint-Denis. Illustration extraite des Grandes chroniques de France (XVe siècle)

Clovis II affranchissant l’abbaye de Saint-Denis.
Illustration extraite des Grandes
chroniques de France (XVe siècle)

L’abbé de Saint-Denis lui-même, Agulf, fut chargé d’en distribuer le prix ; mais la reine, qui avait fait servir aux besoins pressants des pauvres cet argent consacré à l’ornement des autels, voulut offrir un dédommagement à l’abbaye. Clovis II tint un plaid où, par le libre concours des leudes, il régla que l’abbaye de Saint-Denis ne relèverait d’aucun évêque, que son abbé porterait la crosse et la mitre, qu’il aurait le rang et la dignité de prélat, et que le monastère serait maître exclusif et perpétuel, sans redevance ni partage, de toutes les choses qui étaient actuellement en sa possession ou qu’il pourrait acquérir.

C’est ainsi que Bathilde agrandit le pouvoir de cette abbaye célèbre, au sein de laquelle ont été élevés plusieurs de nos rois, et d’où sont sortis des hommes illustres. Le nom de Suger seul rendrait l’abbaye de Saint-Denis recommandable ; les travaux des religieux de Saint-Denis nous ont fourni des chroniques précieuses.

Le règne de Clovis devait en outre être marqué par le commencement de la grande lutte entre l’Austrasie et la Neustrie. On a vu ces provinces souvent hostiles ; il faudra que leurs prétentions croissent jusqu’à ce que le génie de Charlemagne, en les réunissant pour un temps, jette les fondements de leur force respective, et qu’il en sorte à la fin deux grandes puissances, la France et l’Allemagne.

Sigebert venait de mourir en Austrasie (656) ; la piété et la vertu de ce roi l’avaient rendu l’objet de la vénération et de l’amour des peuples. Les talents de Pepin de Landen avaient longtemps fait la force de l’Austrasie ; mais quand Pepin était, son fils Grimoald avait mis l’intrigue et l’habileté à la place de la force et de la loyauté, affirmant après la naissance de Dagobert qu’il avait secrètement fait adopter son propre fils par Sigebert avant la naissance de ce même Dagobert. Mais à peine l’acte avait-il été signé (vers 652) que la reine Himnechilde, femme de Sigebert, devint mère d’un fils nécessairement destiné au trône, et que Sigebert en mourant recommanda à Grimoald ; l’adoption devenait nulle.

Le maire proclama le jeune Dagobert, mais, au bout de quelques mois, de lamentables récits coururent parmi le peuple sur un mal étrange dont la vie de l’enfant était menacée ; bientôt on annonça sa mort, bien qu’il fût toujours vivant ; on fit des funérailles solennelles ; toute l’Austrasie pleura, car les Austrasiens avaient vu, avec une grande joie, naître un fils à Sigebert, et la mort de ce jeune enfant leur faisait redouter l’autorité des rois de Neustrie. Ils étaient en proie à ces inquiétudes, lorsqu’on entendit avec étonnement publier l’adoption que Sigebert avait faite autrefois du fils de Grimoald.

Si les leudes d’Austrasie craignaient la réunion avec la Neustrie, ils ne voyaient pas sans jalousie l’élévation de Grimoald ; dans ce premier moment de surprise ils consentirent à reconnaître son fils Childebert, mais bientôt les plus mécontents formèrent une imposante faction contre lui. Erchinoald, toujours maire de Neustrie, entretenait de loin ces mécontentements ; quand il jugea le moment favorable, il arma la Neustrie. Bathilde crut devoir soutenir courageusement les droits de son mari et de ses fils.

Mais au moment où Grimoald se préparait à combattre, les Austrasiens armés pénètrent tumultueusement dans sa tente, l’enlevèrent lui et le jeune Childebert, son fils, et le livrèrent à Erchinoald (657) ; les armées d’Austrasie et de Neustrie, confondues et mêlées, firent éclater leur joie sans aucune effusion de sang. Grimoald, conduit à Paris, fut mis à mort. On ne sait ce que devint son fils : resta-t-il sur le trône d’Austrasie avant d’être tué en 662 ? Clovis II s’empara-t-il de ce trône, réunissant ainsi la Neustrie et l’Austrasie, celles-ci étant gouvernées par Erchinoald, le maire du Palais ? Quoi qu’il en soit, Clovis mourut cette même année 657.
Une légende forgée au XIIe siècle et dite des énervés de Jumièges, longtemps accréditée mais dont on sait aujourd’hui qu’elle est fausse, prétend que Clovis II et Bathilde auraient condamné deux de leurs fils pour s’être révoltés contre leur autorité paternelle et royale, « à perdre la force et la vertu de leurs corps ». La reine « tantost fit admener devant elle ses deux enfants, et leur fit cuyre les jarrets ». Au XVIe siècle, Ronsard fait allusion à cette barbarie de Bathilde dans les visions prophétiques du quatrième livre de sa Franciade :

Leur mère adonc, ah ! mère sans merci !
Fera bouillir leurs jambes, et ainsi,
Tous meshaignez, les doit jeter en Seine.

La légende se poursuit en disant que les pauvres princes, après avoir souffert cette opération cruelle avec résignation, renoncèrent pour l’avenir à toute participation dans les affaires du monde, et consacrèrent tout leur temps aux prières et aux pratiques de charité. Or, « le roy qui regardoit ses enfants que nulle fois se levoient, mais toujours se seoient, en eust pitié au cœur ; et un jour vint à la royne pour lui découvrir sa pensée, et lui dit : Ah ! à Dame, comme pourrions-nous voir toute notre vie, ne endurer la tribulation de nos enfants ; et d’autre part, comme endurerons-nous que nous les séparons et ôtons d’avec nous, et que nous ne les voyons jamais ? »

De leur côté, les princes demandaient avec instance qu’on les laissât se retirer loin du palais dans quelque sainte maison pour y faire pénitence. La reine fut d’avis de se rendre à leur désir, et elle dit au roi que cette affaire regardant la Providence, il fallait remettre les princes à la merci de Dieu. « Pourtant, très cher sire, continua-t-elle, il serait convenable que leur fissiez faire une nef en scainne [seine], si bonne et si grande que leur vivre et leur vêture puisse être avec eux ; puis les deux enfants se metteront dedans, et un serviteur qui les servira ; et quand notre seigneur les aura conduits où son bon plaisir sera, le serviteur reviendra et nous dira le pays et le lieu de leur habitation. »

La tradition rapporte que le conseil de Bathilde fut exactement suivi : on manda des ouvriers qui construisirent incontinent « la nef comme la royne l’avoit désirée, y faisans chambrettes et habitations telles qui leur appartenait pour eux et pour leurs choses. » Bientôt, tout étant disposé pour leur départ, les deux jeunes gens, pleins de confiance dans le ciel, s’embarquèrent en présence du peuple assemblé, et quittèrent la rive. La barque les porta en Normandie, « en un lieu qui étoit environné de grandes montagnes pleines de fosses et de roches. Près de là où la nef étoit, et où elle avoit pris port, avoit un lieu que ceux du pays appelait Jumyères. » Le bateau descendit donc jusqu’à la presqu’île où saint Philibert venait de fonder le monastère de Jumièges. Les moines recueillirent les énervés, et à leur mort, leur firent élever un tombeau.

Les énervés de Jumièges. Peinture d'Évariste Vital Luminais (après 1880)

Les énervés de Jumièges.
Peinture d’Évariste Vital Luminais (après 1880)

En témoignage de sa véracité, les moines montraient avant la Révolution, dans l’abbaye de Jumièges, un tombeau que le Père Duplessis a décrit en ces termes : « Il est élevé de deux pieds environ au-dessus du pavé, et représente en relief deux jeunes seigneurs âgés de seize ou dix-sept ans au plus, couchés de leur longueur sur le dos. Leur habillement est noble : ce sont de longues robes qui leur descendent jusqu’aux pieds ; la tunique intérieure, fermée sur la poitrine avec une boucle ou une agrafe de pierreries, laisse le cou entièrement découvert ; ils ont la tête nue, ceinte en forme de diadème, d’un bandeau semé par intervalle de pierres précieuses ; leur chevelure frisée et bouclée ne descend guère au-dessous des oreilles ; enfin, leur chaussure était liée vers la cheville du pied simplement ; mais l’intérieur de cette espèce de brodequin ne parait plus, parce que les pieds ont été brisés. »

A cette description , on peut ajouter ce que rapporte dom Langlois dans son Brief Recueil des antiquités de Jumièges : « Sur ce tombeau sont les deux figures et effigies de ces deux fils, eslevez en sculpture fort antique, vestus de longs habits diaprez et parsemez de fleurs de lys sans nombre, en la façon des anciens roys. » Enfin, sur la base du mausolée, on lisait une épitaphe en vers latins, qui résumait l’histoire des énervés.

Le savant Mabillon, loin de défendre la tradition, chercha à établir que les deux personnages représentés sur le tombeau étaient Tassillon duc de Bavière, et son fils Théodon, confinés dans un monastère pour avoir voulu soulever les Huns contre Charlemagne. De son côté, le Père Duplessis émit le soupçon que ces deux effigies pouvaient être celles des enfants de Carloman (maire du Palais d’Austrasie entre 741 et 747), fils aîné de Charles Martel et frère de Pépin le Bref.

Guillaume de Jumièges, qui écrivait une histoire de l’abbaye au onzième siècle, ne fait aucune mention de l’aventure des énervés. Il est impossible ensuite de supposer le mausolée antérieur au sac de Jumièges par les soldats de Hastings, qui commirent les plus épouvantables dégâts dans ce monastère, dont le sol encombré de ruines resta désert pendant près de soixante ans. D’ailleurs, si l’on étudie le style du tombeau, d’après le souvenir de ceux qui l’ont vu, d’après les gravures qui le représentent, le caractère des figures, les vêtements et les ornements des deux statues, ne peuvent être attribués qu’à un artiste du treizième siècle. La tête dont nous donnons la représentation suffit pour asseoir un jugement à cet égard.

Tête de l'une des statues des Énervés de Jumièges

Tête de l’une des statues
des Énervés de Jumièges

Cette légende des énervés de Jumièges est donc une fable. Au demeurant, lorsque Clovis II mourut en 657, son fils aîné, Clotaire, avait cinq ans, ce qui exclut toute possibilité d’une révolte... Enfin, Clovis II ne se fit jamais pèlerin en terre sainte, et ses trois fils, qui jamais ne furent moines, régnèrent. Ceci n’empêchera pas le célèbre Jules Michelet de faire au XIXe siècle de ce récit le symbole de la décadence des Mérovingiens !

A la mort de Clovis II, Bathilde prit la régence sans que personne songeât à la lui disputer. D’abord elle ne vit point d’autres ennemis à redouter que ceux que lui suscitait en Austrasie la famille de Pépin ; car Grimoald avait laissé un neveu, Pépin d’Héristal, fils de Begge et d’Anségise (Begge était fille de Pépin de Landen). Pour empêcher les amis de Pépin de prendre trop d’influence en Austrasie, la sage Bathilde fit reconnaître à Metz son fils Childéric II ; et, comme la reine Himnechilde, veuve de Sigebert, était naturellement intéressée à réprimer l’ambition de Pépin et qu’elle avait une fille dont l’alliance avec Childéric II pourrait un jour cimenter l’union de la Neustrie et de l’Austrasie, Bathilde confia à cette reine le soin de son fils. Elle choisit Wload pour maire du palais d’Austrasie.

L’activité et la prudence marquèrent toutes les démarches de la reine : elle gouverna la Neustrie pour son fils Clotaire III, et laissa l’Austrasie aux soins de son nouveau maire Wload (on ne sait si à cette époque, Childebert l’Adopté était toujours vivant et officiellement sur le trône d’Austrasie) ; mais tandis qu’elle méditait d’utiles réformes, elle eut la douleur de perdre l’homme éclairé auquel elle devait son élévation ; Erchinoald mourut.

On s’étonne en étudiant les événements de ce temps, que l’histoire ne se soit pas arrêtée davantage sur les services d’Erchinoald dont la modération, l’équité, la douceur rendirent la Neustrie heureuse pendant la minorité de deux rois ; on ne parle ordinairement de lui que pour rappeler l’adresse avec laquelle il ménagea le mariage de son esclave avec le roi, et on impute à sa seule ambition un acte qui lui assurait le pouvoir. Quand il serait vrai qu’un motif d’intérêt personnel n’eût pas été étranger à ses vues d’avenir, ne devrait-on pas louer l’habileté qui lui fit deviner le mérite de Bathilde, et la sagesse avec laquelle il l’aida dans son gouvernement ? La prudence d’Erchinoald eut une si grande part à la paix du règne de Clovis II et à celle du commencement de la régence de Bathilde sous Clotaire III, que tous les efforts et tous les talents de la reine ne purent prévenir les malheurs qui vinrent après lui.

Bathilde aurait voulu donner la mairie du palais à Leudésic, fils d’Erchinoald ; mais Leudésic était d’un caractère faible, les leudes restaient incertains, et les artifices d’un homme dont personne ne contestait le talent prévalurent auprès d’eux. Cet homme se nommait Ébroïn. Dans les premiers temps, le respect qu’inspirait Bathilde contraignit Ébroïn à travailler de concert avec elle dans des vues pacifiques ; mais de jour en jour l’ambition du maire se trahissait : la reine chercha autour d’elle quel appui elle trouverait pour l’aider dans le bien, et choisit Léodgar (canonisé plus tard sous le nom de saint Léger), neveu de l’évêque Dodon, prêtre pieux et docte, sévère dans ses vertus, persévérant dans ses projets, qui déplut aussitôt à Ébroïn, mais dont il fallut que celui-ci souffrît et ménageât le crédit ; car Bathilde conservait encore son ascendant sur les leudes et sur le peuple.

Elle s’en servit pour le bonheur de tous. D’abord elle voulut abolir les distinctions de races qui tendaient à s’affaiblir de jour en jour et qui ne se maintenaient plus que par les lois de Clovis, lois que le mélange des familles rendait difficiles à appliquer. Entre les vexations qui depuis la conquête pesaient sur les vaincus, il y avait un cens que payait toute personne née de race gauloise : les pères exposaient ou vendaient leurs enfants pour se soustraire à l’impôt. Sainte Bathilde abolit ce cens.

Elle racheta en outre tous les enfants que leurs mères avaient mis en esclavage, et elle fit une loi sévère pour empêcher de vendre désormais ou d’acheter des esclaves. Bathilde avait été vendue comme esclave ; elle s’en souvint. L’abolition de cette charge fut le dernier acte important de l’administration de cette bonne reine. Vers 660 un événement fâcheux l’engagea à abandonner le gouvernement quelque temps après. A la mort du dernier évêque d’Autun, deux compétiteurs s’étaient en effet disputé le siège épiscopal, et avaient poussé leurs débats jusqu’à se défier en duel : l’un tua l’autre ; le second fut exilé ; et ce scandale, qui avait divisé la ville, demandait une main ferme et prudente pour être réparé.

Bathilde jugea que Léodgar était seul capable de ramener la paix ; elle lui fit accepter le siège d’Autun en 661. La confiance qu’elle avait eue ne fut pas trompée. Léodgar adoucit les esprits, affermit les peuples dans la piété, donna l’exemple de la vertu ; mais la difficulté même de la position exigeait sa présence à Autun et son éloignement de la cour. La reine, qui lui avait adjoint dans le conseil Sigebrand, évêque de Paris, espérait encore contenir le génie d’Ébroïn. Mais les artifices secrets du maire étaient près de porter leur fruit. Sigebrand, dont la calomnie a voulu flétrir le caractère, n’eut d’autre tort que celui de manquer de discrétion et de modestie. Il était fier de la confiance royale ; il connaissait le mauvais vouloir du maire : il offensa par sa vanité la susceptibilité des leudes, et par ses imprudences il donna prise à la malignité de leurs discours.

Ébroïn sut se servir de leur jalousie pour se défaire de son rival. Un jour que l’évêque venait de quitter la cour pour se rendre dans son évêché de Paris, la reine voit tout à coup entrer chez elle des hommes couverts de sang. C’étaient les principaux de ses leudes. Ces hommes insolents lui disent : « Ne reconnais-tu pas ce sang ? C’est celui de l’évêque Sigebrand, dont les conseils te séduisaient ; toi-même, ô reine ! qu’as-tu à faire ici ? Ne peux-tu laisser le roi à la garde de ses leudes, et le palais n’est-il pas suffisamment gouverné par le suaire Ébroïn ? »

L’audace de ce crime imprima dans le cœur de la reine une horreur si profonde, elle avait si peu mérité cet outrage, qu’elle se sentit offensée dans ses sentiments les plus clins. Elle reconnut l’influence d’Ébroïn ; elle ne crut pas devoir soutenir la lutte ; elle aima mieux abandonner le pouvoir dans lequel elle n’avait jamais vu que l’accomplissement de ses devoirs comme épouse, comme reine et comme mère ; déjà quand elle avait nommé Léodgar à l’évêché d’Autun, c’était en partie pour le soustraire aux menées d’Ébroïn, et pour ne pas laisser plus longtemps en présence l’un de l’autre deux hommes opposés de sentiments et tous deux incapables de céder : l’un, parce qu’il avait l’audace du crime ; l’autre, parce qu’il portait dans ses censures l’inflexibilité d’une vertu rigide. Le meurtre de Sigebrand apprit à la reine que son autorité serait désormais impuissante pour protéger ses amis.

Elle quitta la grandeur avec joie, car bien souvent, au milieu des ennuis que lui donnait le soin de déjouer les complots d’Ébroïn, elle s’était promis que dès qu’elle le pourrait, elle descendrait du trône et consacrerait tous ses jours à la piété. Elle laissa le royaume à son maire en 664 ; et en Bourgogne, dans une jolie vallée, où la reine Clotilde avait autrefois fondé le monastère de Chelles (transformé par Bathilde en abbaye royale et doté d’une basilique en 662), elle alla prendre le voile et vivre comme la plus humble des religieuses. Entre toutes les vertus religieuses, c’est l’humilité et l’abaissement volontaire que sainte Bathilde parut embrasser avec le plus de zèle, car on la voit soumise à l’abbesse Bertille, préférer les œuvres les plus basses et se plaire à servir ses sœurs. De cette retraite elle employa les dons qu’elle avait reçus de Clovis II à fonder aussi le monastère de Corbie, et à faire des donations à d’autres établissements religieux. Elle fut canonisée par le pape Nicolas Ier au IXe siècle.

Elle eut trois enfants avec Clovis II : Clotaire (né en 652 et mort en 673), qui devint roi de Bourgogne et de Neustrie sous le nom de Clotaire III ; Childéric (né en juillet 653 et mort en 675), qui devint roi d’Austrasie sous le nom de Childéric II ; Thierry (né en 654 et mort en 691), qui disputa la Bourgogne et la Neustrie à son frère Childéric II lorsque celui-ci s’en empara à la mort de Clotaire III, et qui devint roi des Francs sous le nom de Thierry III.

 
 
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