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Histoire faune et flore : citronniers de Menton, citrons en Provence

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Faune, Flore
Arbres célèbres, vertus des plantes, croyances liées aux animaux. Faune et flore vues par nos ancêtres. Balade au coeur des règnes animal et végétal
Citronnier en Provence (Culture du)
(D’après un texte paru en 1905)
Publié / Mis à jour le jeudi 14 janvier 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 

Une des plus belles parures de la Côte d’Azur, c’est sans contredit celle des fruits d’or, oranges et citrons, qui font l’admiration de l’étranger et qui en toute saison resplendissent aux branches des vergers. L’olivier baigne toutes les côtes méditerranéennes ; il s’avance fort loin dans les terres et s’élève jusqu’à des altitudes moyennes ; il ne craint pas les gelées lorsqu’elles ne dépassent pas cinq degrés au-dessous de zéro.

Plus délicat, l’oranger est confiné au Nord sur une étroite bande de terre qui contourne le golfe de Gênes - avec quelques intermittences - depuis les monts des Maures jusqu’à la Spezia. Il ne reparaît que bien plus au Sud, dans la campagne de Naples. Mais, l’écran lointain des Alpes ne suffit pas au citronnier. Il lui faut une protection immédiate contre les vents du Nord, et il ne peut vivre que dans les endroits abrités. La moindre gelée lui est fatale.

Sur le littoral français, on le cultive dans la baie de Villefranche, à Beaulieu, à Roquebrune. Mais dans toutes ces localités, le terrain propice est très restreint. Au contraire, Menton est le grand centre de la culture du citronnier. Là aboutissent plusieurs torrents, qui descendent de hautes montagnes assez voisines de la mer. Leurs vallées étroites, très abritées, sont particulièrement propres à cette culture. Le climat de Menton est tempéré, sans excessives chaleurs l’été, sans froids l’hiver. Les gelées y sont exceptionnelles.

Le port de Menton

Le port de Menton

En passant sur le territoire italien, le citronnier se rencontre encore, jusqu’aux environs de San Remo, dans quelques vallées, surtout auprès de Bordighera. Tous les citrons sont envoyés à Menton, qui est le centre d’exportation de la région. Passé San Remo, il faut aller jusqu’en Sicile pour trouver un autre climat aussi favorable à cette culture. Le citronnier ne vient ni à Cannes, ni à Nice, ni à Gênes, ni à Pise, ni à Rome, ni même à Naples, régions plus exposées aux vents froids et aux gelées d’hiver. Encore la Sicile est elle moins privilégiée que Menton, car le citronnier produit seulement pendant une saison qui commence en septembre et finit en mars. Pendant tout l’été, les arbres ne conservent que très peu de fruits, parce que la chaleur est trop forte.

Il existe cependant une espèce de citronnier qui prospère sur un plus vaste territoire, et qu’on peut cultiver partout où vient l’oranger : c’est le citronnier sauvage, ou citronnier amer, nettement différent de l’arbre producteur de fruits qui est originairement greffé. Ce citronnier est cultivé pour sa fleur. On le rencontre en grande quantité dans les environs de Cannes et de Grasse, qui sont les principaux centres manufacturiers de la parfumerie. Plus à l’est, la culture de cet arbre diminue, car les prix de la fleur se sont fort avilis et sont descendus jusqu’à trente centimes le kilogramme, ce qui est à peine suffisant pour rémunérer des seuls frais de la cueillette.

Le citron amer ne ressemble nullement au citron. Il a plutôt l’aspect d’une orange de petite taille, et les étrangers qui viennent pour la première fois dans le Midi ne manquent pas de faire la confusion. Une des « brimades » favorites des habitants de Menton consiste à emmener le Parisien novice dans leur verger et à lui offrir de cueillir sur l’arbre de belles oranges. Nul ne résiste à la tentation. Mais lorsqu’il a cueilli et épluché le fruit, il est surpris de trouver à l’intérieur une pulpe ratatinée. Il y mord... par politesse, et se voit aussitôt obligé de cracher le fruit malencontreux. C’était un citron amer.

L’amertume de ce fruit est épouvantable. Auprès de lui, le citron ordinaire perd son acidité et paraît doux comme miel. Le citron amer ne sert qu’à faire de la liqueur, liqueur locale assez médiocre. Encore le rendement est-il faible, car ce fruit, sous l’apparence trompeuse d’une peau très ferme, renferme fort peu de chose à l’intérieur. Le feuillage de cet arbre est analogue à celui du citronnier greffé, plus pâle et plus étroit que celui de l’oranger, avec lequel le fruit seul offre quelque ressemblance.

Mais revenons aux citrons comestibles, qui constituent la principale richesse naturelle de la région mentonnaise. C’est un des plus jolis arbres de cette région privilégiée, car - fait presque unique dans le monde végétal - il porte en toute saison des feuilles, des fleurs et des fruits à divers états de leur maturité. Trois et quatre récoltes coexistent sur le même arbre : les fleurs, les « petits fruits » ou fruits verts, les citrons près de la maturité et ceux qui sont à point pour la cueillette. La taille de ces arbres est relativement aisée et se réduit à peu de chose. Presque toute la sève est absorbée par la nourriture des fruits : il n’en reste que bien peu pour donner naissance à des pousses folles. Un arbre bien conduit dès sa jeunesse est facile à diriger. Et les citronniers arrivent à un âge assez avancé, malgré la fatigue de l’arbre qui produit des fruits toute l’année.

Le citronnier vient en pleins champs à Menton, ce qui ne veut pas dire que la culture de ces précieux arbres ne soit entourée de nombreuses précautions. Ils sont placés dans des enclos fermés de murs et plantés très près les uns des autres. On agit ainsi dans un double but : pour préserver du froid les frileux citronniers, en empêchant le plus possible le vent de circuler entre eux ; et ensuite afin de diminuer le refroidissement causé la nuit par le rayonnement du sol. Sans cette précaution, la terre s’échaufferait beaucoup dans la journée et se refroidirait très vite à la tombée de la nuit par une évaporation rapide qui pourrait être fatale aux arbres.

Le froid n’est pas le seul ennemi du citronnier. On se plaint vivement dans les Alpes-Maritimes d’un insecte qui lui fait beaucoup de mal, le coccus hesperidum, appelé par d’autres naturalistes lecanium hesperidum. Ce petit hémiptère couvre les feuilles de l’arbre d’un enduit provenant de la matière sucrée ou miellée qu’il exsude. Sur cette matière sucrée, qu’on dénomme miellat, se développe un champignon microscopique, qui, en se multipliant, ne tarde pas à faire périr la feuille et à menacer le fruit. La maladie, qui porte le nom de fumagine ou morfée, est commune à l’oranger et au citronnier. Elle paraît surtout régner dans les endroits un peu sombres et elle se développe de préférence sur les arbres trop serrés. On préserve les arbres à l’aide de diverses fumigations, dont l’efficacité n’est pas toujours parfaite.

Bien qu’en toute saison il y ait des citrons mûrs sur les arbres, la récolte s’opère à époque fixe. Suivant le moment où il arrive à maturité le citron - le limon, comme on dit à Menton - porte un nom différent et n’a pas les mêmes qualités. Les meilleurs sont les verdami, ou citrons d’été. Viennent ensuite les primi-fiori et les segundi-fiori qu’on cueille au commencement et à la fin de l’hiver (janvier et mars), et les graneti ou citrons de printemps. La qualité la plus inférieure est formée par les autunni, qu’on récolte au mois de novembre : ils correspondent à la dernière poussée de la sève et sont à peu près sacrifiés. Seuls les verdami sont destinés à l’exportation : leurs qualités leur permettent d’affronter sans crainte les longs voyages. Les autres sont réservés à la consommation régionale. Il est à remarquer que les autres pays producteurs de citrons, notamment la Sicile, font en hiver la récolte des fruits destinés à l’exportation. L’été, Menton a dans la Méditerranée le monopole de ce commerce.

Une limoneuse

Une limoneuse

La cueillette des citrons est très intéressante. Des femmes - les limoneuses - sont chargées de ce travail qui demande beaucoup de soin. Au fur et à mesure qu’ils sont cueillis, les fruits sont placés dans de grandes corbeilles, que les limoneuses transportent sur leur tête depuis les vergers, souvent fort éloignés dans les terres, jusqu’aux magasins spéciaux installés dans le voisinage du port. A voir leur démarche assurée, on ne se douterait pas de la lourde charge qu’elles transportent à travers les chemins pierreux et raboteux.

Dans les magasins, les citrons sont d’abord triés par d’autres limoneuses : seuls les fruits intacts et de grosseur suffisante passent au service de l’emballage. Là on les compte soigneusement et on les place en rangs serrés dans des caisses. Chaque caisse doit contenir un nombre déterminé de citrons à deux ou trois unités près. Il y en a de trois sortes, suivant le pays auquel elles sont destinées : les caisses « lyonnaises », de 490 citrons, vont en France ; les « flandrines », de 420 citrons, sont expédiées dans le Nord de l’Europe, Angleterre, Allemagne, Russie ; enfin, les « messinoises », de 360 citrons, sont réservées à l’Amérique. Ce sont là de vieux usages assez curieux auxquels les producteurs restent fidèles.

Les envois pour la France et le reste de l’Europe s’opèrent par chemin de fer au fur et à mesure de la cueillette. Les Américains envoient des bateaux à époque fixe pour prendre leurs citrons, qu’on a soin de leur préparer d’avance. C’est un pittoresque coup d’œil lorsque, à la fin du mois de mai, on voit apparaître soudain tous ces navires en rade de Menton. Ils ne stationnent guère. Les barques se hâtent de leur apporter les fruits, et ils repartent aussitôt avec leur cargaison, qui s’élève en moyenne à trente mille caisses messinoises, ce qui représente un peu plus de dix millions de citrons. Ce sont les meilleurs clients.

Les communes de Menton et de Roquebrune récoltent à elles seules de trente à quarante millions de citrons par an. Ces chiffres sont considérables si l’on songe à l’exiguïté des terrains consacrés à cette productive culture. Les habitants de Menton ajoutent que leurs citrons sont plus fins et se conservent mieux que ceux de Sicile et de Corse.

 
 
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